CA PARIS (8e ch. sect. A), 1er février 2007
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 773
CA PARIS (8e ch. sect. A), 1er février 2007 : RG n° 05/09166 ; arrêt n° 82
Publication : Juris-Data n° 325300
Extrait : « Considérant que c'est à tort que la société AXA soutient, en premier lieu, qu'en application de l'article 1134 du Code civil, Mme X. ne peut critiquer certaines dispositions du contrat ; qu'en effet, les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ont justement pour objet de permettre de déclarer abusives, et donc non écrites, des dispositions contractuelles ; Considérant que la compagnie d'assurances ne peut pas davantage soutenir avec succès que les clauses litigieuses ont pour objet la définition du risque garanti et sont donc exclues du champ d'application de la législation sur les clauses abusives ; qu'en effet, elles n'ont pas pour objet de définir le risque garanti, mais les modalités de la mise en œuvre des prestations prévues par le contrat ; que, par ailleurs, l'assureur perçoit des primes au titre, notamment, d'une garantie d'assistance d'expert pour l'assuré ;
Considérant que les deux clauses dénoncées par l'assuré comme abusives le sont effectivement, et pas seulement les dispositions relatives à l'utilité des frais d'expertise engagés par l'assuré et l'accord préalable de l'assureur, comme l'a retenu le premier juge.
Considérant que la première des clauses qui stipule : En cas de désaccord lors de l'instruction du sinistre, l'assuré aura la possibilité de se faire assister par un expert de son choix, en dehors de sa rédaction défectueuse quant au moment exact où se situe ladite possibilité, est abusive en ce sens qu'elle introduit un déséquilibre significatif entre les parties ; Qu'en effet, elle impose à l'assuré, dépourvu de toute compétence particulière en ce qui concerne l'évaluation des dommages, d'attendre, voire de provoquer le désaccord avec l'assureur, professionnel compétent en la matière même s'il n'est pas assisté d'un expert, pour pouvoir lui-même bénéficier de l'avis d'un spécialiste ; Qu'elle a pour conséquence d'exclure, au début de la négociation entre les parties, des compétences techniques équivalentes et pose un préalable abusif à l'égalité entre les parties, à savoir leur désaccord ; Considérant que le jugement sera donc réformé en ce qu'il n'a pas déclaré abusive cette clause qui l'est ;
Considérant qu'il sera confirmé en ce que, par des motifs pertinents relatifs à leur caractère potestatif, il a déclaré abusives les dispositions du contrat contenues dans la rubrique Frais consécutifs et qui subordonne la prise en charge par l'assureur des honoraires de l'expert de l'assuré, à la double condition de leur utilité et de son accord préalable ; Considérant qu'en définitive, il résulte de la combinaison des deux clauses litigieuses et abusives, que l'assuré n'a la possibilité de recourir à son expert et de faire prendre en charge ses honoraires par 1’assureur qu'en cas de désaccord avec celui-ci et avec son accord préalable ; Considérant que, contrairement à ce que soutient à la compagnie AXA, le fait de déclarer abusives, et donc non écrites, les clauses litigieuses, n'a pas pour conséquence d'exclure le remboursement à Mme X. des frais d'expertise par elle engagés, dès lors que leur montant n'excède pas les plafonds prévus pour les frais consécutifs, ce qui n'est pas allégué »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
HUITIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 1er FÉVRIER 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 05/09166. Arrêt n° 82. Décision déférée à la Cour : Jugement du 3 novembre 2004 - Tribunal d'Instance de PARIS 15ème - R.G. n° 041917.
APPELANTE :
Madame X.
Demeurant [adresse], représentée par la SCP FANET - SERRA - GHIDINI, avoués à la Cour (dépôt de dossier)
INTIMÉE :
SA COMPAGNIE AXA FRANCE IARD
agissant poursuites et diligences de ses Président Directeur et Président du conseil d'administration, ayant son siège [adresse], représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour, ayant pour avocat Maître Stéphane CHOISEZ, du barreau de PARIS, toque : R 294, qui fait déposer son dossier
[minute page 2]
COMPOSITION DE LA COUR : Après rapport oral de Madame Viviane GRAEVE, l'affaire a été débattue le 12 décembre 2006, en audience publique, devant la cour composée de : Madame Hélène DEURBERGUE, présidente, Madame Viviane GRAEVE, conseillère, Madame Catherine BOUSCANT, conseillère, qui en ont délibéré
Greffier : lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Christiane BOUDET
ARRÊT : CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile. - signé par Madame Hélène DEURBERGUE, présidente, et par Madame Christiane BOUDET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'appel interjeté par Mme X. du jugement contradictoire rendu le 3 novembre 2004 par le tribunal d'instance du 15ème arrondissement de Paris qui, statuant sur sa demande tendant à faire déclarer abusives, et donc non écrites, certaines dispositions de son contrat « multirisque habitation » relatives au recours de l'assuré à son expert pour l'évaluation des dommages et à la prise en charge par l'assureur des honoraires de cet expert, a implicitement refusé de dire abusive la clause selon laquelle ce n'est qu'en cas de désaccord lors de l'instruction du sinistre que l'assuré a la possibilité de se faire assister par un expert de son choix mais déclaré abusives les stipulations relatives à l'utilité du recours à l'expert et à l'agrément préalable de l'assureur, et condamné la société AXA à payer à Mme X. la somme de 1.158,83 € montant des honoraires par elle versés à son expert, ainsi que la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions signifiées par Mme X. le 9 juin 2005 et tendant, notamment, à la réformation du jugement uniquement en ce qu'il n'a pas déclaré abusive la clause selon laquelle en cas de désaccord lors de l'instruction du sinistre, l'assuré aura la possibilité de se faire assister par un expert de son choix ;
[minute page 3] Vu les dernières conclusions signifiées par la SA COMPAGNIE D'ASSURANCES AXA FRANCE IARD, ci-après AXA, sollicitant, notamment, le débouté de Mme X. de toutes ses prétentions et la réformation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré abusive une partie des clauses litigieuses ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Considérant qu'un incendie a endommagé, le 28 novembre 2001, le domicile parisien de Mme X., qui avait souscrit un contrat d'assurance multirisque habitation auprès de la compagnie AXA ;
Considérant que pour évaluer les indemnités à elle dues, Mme X. s'est fait assister par l'expert de son choix, la Société Nouvelle d'Expertise ;
Considérant que la compagnie AXA a refusé de lui rembourser les honoraires de son expert, d'un montant de 1.158,83 €, en se fondant sur les clauses suivantes du contrat :
Dans le paragraphe La détermination de l'indemnité :
En cas de désaccord lors de l'instruction du sinistre, l'assuré aura la possibilité de se faire assister par un expert de son choix.
La prise en charge de ses honoraires s'effectue au titre des frais consécutifs.
Dans le paragraphe Les frais consécutifs :
Tous les frais générés par un sinistre garanti et affectant directement les biens sinistrés,
dans la mesure où ils sont nécessaires et engagés avec notre accord.
Considérant que seules ces dernières dispositions ont été déclarées abusives et donc non écrites par le premier juge ;
Considérant que c'est à tort que la société AXA soutient, en premier lieu, qu'en application de l'article 1134 du Code civil, Mme X. ne peut critiquer certaines dispositions du contrat ; qu'en effet, les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ont justement pour objet de permettre de déclarer abusives, et donc non écrites, des dispositions contractuelles ;
Considérant que la compagnie d'assurances ne peut pas davantage soutenir avec succès que les clauses litigieuses ont pour objet la définition du risque garanti et sont donc exclues du champ d'application de la législation sur les clauses abusives ; qu'en effet, elles n'ont pas pour objet de définir le risque garanti, mais les modalités de la mise en œuvre des prestations prévues par le contrat ; que, par ailleurs, l'assureur perçoit des primes au titre, notamment, d'une garantie d'assistance d'expert pour l'assuré ;
Considérant que les deux clauses dénoncées par l'assuré comme abusives le sont effectivement, et pas seulement les dispositions relatives à l'utilité des frais d'expertise engagés par l'assuré et l'accord préalable de l'assureur, comme l'a retenu le premier juge ;
[minute page 4] Considérant que la première des clauses qui stipule : En cas de désaccord lors de l'instruction du sinistre, l'assuré aura la possibilité de se faire assister par un expert de son choix, en dehors de sa rédaction défectueuse quant au moment exact où se situe ladite possibilité, est abusive en ce sens qu'elle introduit un déséquilibre significatif entre les parties ;
Qu'en effet, elle impose à l'assuré, dépourvu de toute compétence particulière en ce qui concerne l'évaluation des dommages, d'attendre, voire de provoquer le désaccord avec l'assureur, professionnel compétent en la matière même s'il n'est pas assisté d'un expert, pour pouvoir lui-même bénéficier de l'avis d'un spécialiste ;
Qu'elle a pour conséquence d'exclure, au début de la négociation entre les parties, des compétences techniques équivalentes et pose un préalable abusif à l'égalité entre les parties, à savoir leur désaccord ;
Considérant que le jugement sera donc réformé en ce qu'il n'a pas déclaré abusive cette clause qui l'est ;
Considérant qu'il sera confirmé en ce que, par des motifs pertinents relatifs à leur caractère potestatif, il a déclaré abusives les dispositions du contrat contenues dans la rubrique Frais consécutifs et qui subordonne la prise en charge par l'assureur des honoraires de l'expert de l'assuré, à la double condition de leur utilité et de son accord préalable ;
Considérant qu'en définitive, il résulte de la combinaison des deux clauses litigieuses et abusives, que l'assuré n'a la possibilité de recourir à son expert et de faire prendre en charge ses honoraires par 1’assureur qu'en cas de désaccord avec celui-ci et avec son accord préalable ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient à la compagnie AXA, le fait de déclarer abusives, et donc non écrites, les clauses litigieuses, n'a pas pour conséquence d'exclure le remboursement à Mme X. des frais d'expertise par elle engagés, dès lors que leur montant n'excède pas les plafonds prévus pour les frais consécutifs, ce qui n'est pas allégué ;
Considérant que l'appelante ne démontre pas que la compagnie d'assurances ait abusé de son droit de se défendre en justice et qu'elle sera donc déboutée de sa demande de dommages intérêts à ce titre ;
Considérant que la compagnie AXA, qui succombe, supportera la charge des dépens d' appel et versera à Mme X., en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, une somme que l'équité commande de fixer à 1.500 € ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Réformant le jugement déféré uniquement en ce qu'il a rejeté la demande tendant à faire déclarer abusive la clause ainsi rédigée : En cas de désaccord lors de l'instruction du sinistre, 1 'assuré aura la possibilité de se faire assister par un expert de son choix et, statuant à nouveau de ce chef ;
[minute page 5] Déclare cette clause abusive et non écrite ;
Condamne la SA COMPAGNIE D'ASSURANCES AXA FRANCE IARD à payer à Mme X. la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la SA COMPAGNIE D'ASSURANCES AXA FRANCE IARD aux dépens d'appel et qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE.
- 5740 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Changement des règles applicables
- 5734 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Nature - Clause réputée non écrite
- 5740 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Changement des règles applicables
- 5800 - Code de la consommation - Clauses abusives - Fondements de la protection
- 6017 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Notion d’objet principal
- 6025 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre dans l’information - Informations connues du professionnel - Informations techniques
- 6142 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Preuve - Encadrement des modes de preuve
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