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6025 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre dans l’information - Informations connues du professionnel - Informations techniques

Nature : Synthèse
Titre : 6025 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre dans l’information - Informations connues du professionnel - Informations techniques
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
Notice :
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6025 (10 juillet 2020)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION

NOTION DE CLAUSE ABUSIVE - APPRÉCIATION DU DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF

DÉSÉQUILIBRE DANS L’INFORMATION

INFORMATION CONNUE DU PROFESSIONNEL - INFORMATIONS TECHNIQUES

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

 Présentation. La généralisation universelle de biens technologiques, d’une complexité toujours accrue, même si celle-ci est masquée par le souci permanent de rendre l’utilisation de ces biens toujours plus facile, a généré une inégalité croissante entre les parties quant à leurs connaissances de l’objet de la prestation. Sur un plan général, cette asymétrie d’information a justifié la consécration d’une obligation d’information qui peut jouer même entre professionnels, dès lors qu’ils sont de spécialités différentes (V. aussi en matière de garantie des vices cachés, l’exigence d’une identité de spécialité professionnelle, entendue de façon étroite, pour valider les clauses limitatives ou exonératoires, qui repose sans doute, au moins pour partie, sur cette idée).

Le déséquilibre de connaissances est a fortiori plus grand dans le cas des consommateurs, compte tenu, non seulement de leur manque de connaissances, mais aussi de l’extrême variété des contrats qu’ils sont susceptibles de conclure. Cette situation d’infériorité du consommateur est une des justifications de la protection contre les clauses abusives. V. en ce sens : Directive 93/13/CEE : Cerclab n° 3854 (considérant n° 5) - CJCE, 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial : Aff. C-240/98 à C-244/98 ; Rec. p. I-4941 ; Cerclab n° 4405 ; JCP éd. G 2001. II. 10513, note Carballo Fidalgo et Paisant ; Petites affiches 24 juillet 2001, note Hourdeau ; RTD civ. 2001. 878, obs. Mestre et Fages (le système de protection mis en œuvre par la directive repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel, en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, point n° 25).

Quelques recommandations et décisions font allusion à ce type de déséquilibre. Il convient de noter qu’elles ne sont pas excessivement nombreuses (comp. pour les déséquilibres en matière juridique, Cerclab n° 6026) et relativement concentrées autour de questions de preuve. § N.B. Cette situation n’est pas forcément négative et peut au contraire illustrer que l’existence de ce déséquilibre est correctement perçue et qu’il est convenablement traité.

Obligations d’information, de mise en garde et de conseils. L’état d’infériorité du consommateur quant aux aspects techniques des biens ou services proposés, justifie qu’il pèse sur le professionnel une obligation d’information (fourniture d’éléments objectifs) et, le cas échéant, une obligation de mise en garde (nécessité d’attirer l’attention sur un point particulier, notamment en raison de l’existence de risques particuliers) ou de conseil (obligation d’examiner la situation individuelle du consommateur, selon ses objectifs, afin de l’orienter vers la solution la mieux adaptée).

Le professionnel ne peut se dispenser de ces obligations, directement ou indirectement, ni diminuer ou supprimer la responsabilité qui s’y attache en cas d’absence d’exécution ou de mauvaise exécution (V. Cerclab n° 6084 et n° 6114).

Pour une illustration, V. pour la Commission des clauses abusives : Recomm. n° 07-01/2° : Cerclab n° 2202 (accès internet « triple play » ; clause permettant de dispenser le professionnel de son obligation d’information et de conseil relativement à la compatibilité et à l’installation des équipements permettant l’accès du consommateur aux services à lui proposés ; considérant 2° ; clauses obligeant le consommateur, pour bénéficier de la fourniture d’une prestation de services à caractère technique et complexe, à rechercher des informations lui permettant d’accomplir les vérifications qui lui sont imposées).

Caractère abusif des clauses exigeant du consommateur des connaissances qu’il n’a pas. V. par exemple : Recomm. n° 96-02/19° : Cerclab n° 2165 (location de voiture ; considérant n° 22 : caractère abusif de la clause imposant au locataire d’assurer un entretien « suivant les prescriptions du constructeur qu’il reconnaît connaître » ; clause contraire possible en cas d’acceptation expresse du transfert de l’entretien du véhicule).

V. par exemple pour les juges du fond : CA Versailles (3e ch.), 20 mai 2005 : RG n° 04/01207 ; arrêt n° 277 ; site CCA ; Cerclab n° 3947 (est abusive la clause mettant à la charge du client tous les frais inhérents à une intervention non justifiée du service spécialisé d’assistance, alors que le consommateur n’est pas qualifié et que le fournisseur, professionnel, ne peut se retrancher derrière l’appréciation de l’éventuel sous-traitant auquel il a fait appel), annulant pour des raisons de procédure TGI Nanterre (1re ch.), 4 février 2004 : RG n° 01/9240 ; site CCA ; Cerclab n° 3948 (solution contraire : le consommateur qui sollicite d’un professionnel une intervention qui n’est pas de sa compétence ou inutile doit en supporter les frais, le coût du déplacement et le temps passé, puisque sa demande n’était pas justifiée).

Caractère abusif des clauses faisant obstacle à un rééquilibrage des connaissances. Les décisions recensées illustrent fréquemment cette situation dans le cadre des contrats d’assurance, notamment lors des expertises médicales, pour rappeler le droit du consommateur de se faire assister de son propre expert, ce qui suppose que la présence de ce dernier ne soit pas exclue et que la possibilité de sa présence soit connue (V. par exemple Cerclab n° 6368).

Pour des illustrations, V. par exemple : CA Paris (8e ch. A), 1er février 2007 : RG n° 05/09166 ; arrêt n° 82 ; Cerclab n° 773 ; Juris-Data n° 2007-325300 (clause limitant le recours à un expert, en cas de désaccord avec l’assureur, instituant un déséquilibre dans les compétences quant à l’évaluation des dommages, au début de la négociation), sur appel de TI Paris (15e arrdt), 3 novembre 2004 : RG n° 04/917 ; Dnd - CA Montpellier (1re ch. B), 30 janvier 2013 : RG n° 11/05020 ; Cerclab n° 4196 ; Juris-Data n° 2013-006616 (assurance habitation ; caractère abusif de la clause limitant le recours à l’expert au moment crucial des premières constatations du sinistre notamment, par l’obligation faite à l’assuré, dépourvu de toute compétence particulière pour évaluer ce sinistre, d’attendre, voire de provoquer le désaccord avec l’assureur, professionnel de l’évaluation par le biais en toute hypothèse de son expert dont il ne s’interdit en aucune manière l’assistance, pour pouvoir lui-même bénéficier de l’assistance d’un spécialiste rétablissant l’égalité du dialogue technique entre les parties), sur appel de TI Millau, 14 juin 2011 : RG n° 10 000156 ; Dnd.

Caractère abusif des clauses ne prenant pas en compte les contraintes techniques. V. par exemple : TGI Paris (1re ch. 1re sect.), 2 septembre 1997 : RG n° 6285/96 ; jugt n° 2 ; site CCA ; Cerclab n° 3071 (dans un contrat d’utilisation d’un appareil automatique de retrait ou de dépôt, l’infériorité technologique du consommateur doit trouver sa contrepartie dans le fait que la banque conserve des documents communicables). § Pour l’expression de la même idée, V. Recommandation 88/590/CEE de la Commission du 17 novembre 1988 concernant les systèmes de paiement et en particulier les relations entre titulaires et émetteurs de cartes (JO L 317 du 24.11.1988, p. 55) : « En raison de la nature de la technologie actuellement utilisée... il est indispensable que les opérations... soient consignées afin d’en conserver la trace et de rectifier les erreurs ; que le titulaire contractant n’a aucun moyen d’accès aux pièces justificatives et que, en conséquence, il doit incomber à la personne qui lui fournit le moyen de paiement en vertu d’un contrat, c’est à dire à l’émetteur, de démontrer que l’opération a été correctement enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une panne technique ou une autre déficience du système ».

Caractère abusif des clauses exigeant du consommateur la preuve d’un manquement du professionnel à partir d’informations qu’il n’a pas. V. par exemple : CA Versailles (1re ch. 1re sect.), 15 septembre 2005 : RG n° 04/05564 ; Cerclab n° 3146 ; Juris-Data n° 2005-283144 ; Lamyline (fourniture d’accès internet ; tenu d’une obligation de résultat et non de moyens, le fournisseur est présumé responsable de tout dysfonctionnement dont l’usager n’est pas en mesure de connaître la cause et encore moins de rapporter la preuve d’une faute de son fournisseur), pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 8 novembre 2007 : pourvoi n° 05‑20637 et 06‑13453 ; arrêt n° 1230 ; Cerclab n° 2810 (argument non évoqué).