CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3 - 3), 23 mai 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 7749
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3 - 3), 23 mai 2019 : RG n° 17/22145 ; arrêt n° 2019/236
Publication : Jurica
Extrait : 1/ « La demande tendant à voir déclarer non écrites des clauses du contrat en ce qu'elles seraient des clauses abusives, n'est pas une demande nouvelle puisqu'elle tend aux mêmes fins que les demandes initiales, à savoir la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel stipulé dans l'acte, qu'elle peut être soulevée en tout état de cause et doit l'être d'office par le juge dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires. Elle n'est pas non plus soumise à la prescription quinquennale. Aucune irrecevabilité n'est encourue. »
2/ « L'appréciation du caractère abusif des clauses, au sens du premier alinéa de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, ne porte pas sur la définition de l'objet principal du contrat pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. Les clauses qui fixent le taux d'intérêt et son mode de calcul ainsi que les modalités de remboursement fixent l'objet principal d'un contrat de prêt d'argent.
* Sur le mode de calcul des intérêts :
Les appelants soutiennent que le calcul des intérêts conventionnels sur une année autre que l'année civile empêche l'emprunteur de recevoir une information lui permettant de comprendre et comparer les coûts qu'il devra supporter sans faire appel à des usages et des notions réservés aux professionnels, qu'une telle clause crée un déséquilibre au détriment du consommateur, qu'elle amplifie de façon sous-jacente le coût des intérêts du crédit, les échéances « incomplètes » étant majorées de 0,4166 %. Ils ajoutent que cette clause a été répertoriée comme clause abusive par la commission des clauses abusives, que telle qu'elle est rédigée, la clause n'est ni claire ni compréhensible et qu'elle n'aurait jamais été acceptée par le consommateur à la suite d'une négociation individuelle.
La banque fait valoir au contraire qu'il ne s'agit que d'une clause de rapport ou d'équivalence financière qui doit être rapprochée des dispositions légales régissant le calcul du taux effectif global et que s'agissant d'un remboursement du prêt par des échéances calculées selon une base mensuelle, le résultat est le même qu'en appliquant un mois normalisé comme il est prescrit pour le calcul du taux effectif global. Elle indique qu'une telle clause ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur.
Sur ce, et à titre préalable, il ne saurait être tiré aucun enseignement de la recommandation de la commission des clauses abusives invoquée par les appelants, laquelle concerne les conventions de compte de dépôt en application desquelles les intérêts sont calculés quotidiennement et non les crédits remboursables par échéances mensuelles égales.
La clause litigieuse, présente de manière identique dans les trois contrats de prêts souscrits par les appelants, est libellée comme suit : « durant le préfinancement, les intérêts sont calculés sur le montant des sommes débloquées, au taux d'intérêt ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours. Durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours ».
Ainsi cette clause, sur le plan formel et grammatical est parfaitement limpide et n'a aucun caractère obscur contrairement à ce que soutiennent les appelants. Quant à sa portée concrète, le mode de calcul ainsi exposé est parfaitement simple et facile à contrôler pour les emprunteurs dès lors à même d'apprécier si le calcul d'intérêts sur des périodes mensuelles considérées contractuellement comme identiques leur est ou non favorable par rapport à un calcul effectué selon le nombre de jours exacts contenus dans chaque mois de remboursement.
La clause étant rédigée de manière claire et compréhensible, il n'y a pas lieu d'apprécier le caractère abusif de cette clause au regard des dispositions de l'alinéa 1 de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation.
* Sur l'amortissement par paliers :
Les appelants soutiennent également que la clause stipulant un amortissement par paliers a un caractère abusif, que l'article 1 des conditions spécifiques à ce prêt qui énonce le principe de lissage est incompréhensible et insuffisant, car cette clause n'explique pas à l'emprunteur que la progressivité aboutit à une appréciation de sa dette. Ils ajoutent qu'il n'est à aucun moment indiqué que cette stipulation (disposition qu'ils n'ont nullement sollicitée et à laquelle il leur a été demandé d'adhérer) impliquait un coût supplémentaire d'intérêts de 4.585,21 euros et que cette disposition obscure ne leur permettait pas de rechercher des modalités d'amortissement moins onéreuses auprès d'établissements financiers concurrents puisque précisément l'impact financier de cette disposition est dissimulé.
Sur ce dernier point, l'acceptation d'une offre préalable de prêt immobilier n'est possible qu'après un délai incompressible de 10 jours après réception de l'offre, ce délai, d'ordre public, étant nécessaire pour permettre la réflexion des emprunteurs sur leur engagement, sur les clauses contenues dans l'offre et la mise en concurrence, le cas échéant avec d'autres offres, ce qui rend inopérante l'argumentation relative à l'empêchement allégué de solliciter des établissements financiers concurrents.
La clause litigieuse, qui ne concerne que le seul prêt « Primolis 2 phases », est libellée comme suit : « le prêt de lissage est obligatoirement associé à un ou plusieurs autres prêts. Sa mise en place permet à l'emprunteur, par l'utilisation de phases d'amortissement multiples, d'obtenir, pendant toute la durée d'amortissement des crédits concourant au financement, un lissage des charges de remboursement. Ces charges de remboursement sont égales à la somme des échéances mensuelles, assurance comprise, de l'ensemble des prêts constitutifs de l'offre, y compris d'éventuels prêts externes à la Caisse d'Épargne. Le prêt de lissage est décomposé en plusieurs phases d'amortissement, décrites aux conditions particulières de l'offre de prêt, elles correspondant à l'arrivée à terme du (des) prêt(s) associé(s) et (ou) s'il y a lieu, au passage en amortissement de la part différée du nouveau prêt à taux zéro 0 % du Ministère du logement. Il est possible à l'emprunteur de demander un lissage des charges d'emprunt sur une durée inférieure à la durée du prêt le plus long concourant au financement. »
Elle met en évidence ainsi, clairement, sur le plan formel et grammatical, par des phrases courtes énonçant d'abord son objet, puis les modalités de son fonctionnement, la finalité d'un tel prêt destiné à ce que, en présence de plusieurs emprunts consentis pour la même opération, dont certains peuvent émaner d'autres établissements bancaires, mais de durées différentes, le montant total des charges d'emprunt soit le même pour l'emprunteur, pendant la durée du prêt le plus long. Les conséquences concrètes de cet amortissement en deux phases figurent dans le tableau d'amortissement qui énonce le coût des intérêts pour chaque phase, celui-ci étant plus élevé lors de la phase où l'échéance du prêt est minorée, ce qu'un emprunteur normalement diligent et attentif ne peut que comprendre.
La clause étant rédigée de manière claire et compréhensible, il n'y a pas lieu d'apprécier le caractère abusif de cette clause au regard des dispositions de l'alinéa 1 de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 3 - 3
ARRÊT DU 23 MAI 2019
- 5705 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Délai pour agir - Prescription
- 5725 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Régime - Conditions - Respect de la prescription
- 5726 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Régime - Mise en œuvre - Respect du contradictoire
- 5730 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Voies de recours - Appel
- 5997 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Vérification de la pertinence de la recommandation
- 6017 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Notion d’objet principal
- 6638 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier - Présentation générale
- 9744 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier – Année civile et lombarde