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CA ROUEN (ch. civ. com.), 16 mai 2019

Nature : Décision
Titre : CA ROUEN (ch. civ. com.), 16 mai 2019
Pays : France
Juridiction : Rouen (CA), ch. civ. et com.
Demande : 17/02268
Date : 16/05/2019
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 2/05/2017
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7804

CA ROUEN (ch. civ. com.), 16 mai 2019 : RG n° 17/02268 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Devant la cour comme devant le tribunal, Madame X. maintient qu'elle a souscrit à la garantie emprunteur à effet au 15 juillet 2005 auprès de la société CARDIF dans le cadre d'un prêt immobilier consenti par la Société Générale d'un montant de 130.715 euros remboursable sur une durée de 25 ans, par mensualités de 672,05 euros, sans que lui soient remises la police d'assurance et ses conditions générales.

Si l'article L. 141-4 du code des assurances impose au souscripteur d'un contrat de groupe la remise à l'adhérent d'une notice établie par l'assureur définissant les garanties, cette obligation a été respectée en l'espèce, Madame X. ayant apposé sa signature sur le contrat d'assurance sous la mention imprimée rédigée comme suit : « l'adhérent et l'(les) assuré(s) reconnaissent avoir reçu préalablement à la présente demande d'adhésion et rester en possession du barème et des conditions générale de l'assurance. »

Ainsi, Madame X. est mal fondée à invoquer sa méconnaissance des conditions générales de la police souscrite auprès de la société CARDIF. »

2/ « Par ailleurs, Madame D. fait valoir que le tribunal a retenu indûment que le bulletin d'adhésion est conforme aux dispositions de l'article L. 112-4 du code des assurances qui impose que les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents, alors que la police utilisée est inférieure au corps huit. Or, le premier juge a justement retenu que l'intégralité des conditions générales est imprimée avec les mêmes caractères, les exclusions étant mentionnées en caractères gras, les définitions importantes relatives aux faits garantis faisant l'objet d'un lexique placé dans un encadré en tête des conditions générales, l'exigence d'une police de caractères qui ne soit pas inférieure au corps huit concernant seulement l'offre de crédit dont le non-respect est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts, qui est sans objet dans le cadre du présent litige. »

3/ « L'adhésion au contrat d'assurance de groupe, conséquence d'une stipulation pour autrui, crée entre l'adhérent et l'assureur qui l'agrée, un lien contractuel direct, dont les stipulations relèvent, comme telles, des dispositions sur les clauses abusives et notamment de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur lors de la souscription qui dispose que : [...].

Pour mettre fin à l'indemnisation de Madame X., la société CARDIF s'est prévalu dans une lettre en date du 27 mars 2015 du fait que son assurée n'était plus en « incapacité totale de travail » au sens de l'assurance ayant été admise en invalidité de catégorie 1 depuis le 28 février 2015.

Madame X. conteste l'application faite des clauses de la police d'assurance au motif que le contrat ne prévoit que l'invalidité permanente et totale sans autre distinction, la référence à la prise en charge au titre de l'invalidité 2ème catégorie n'étant évoquée qu'au paragraphe 9 alinéa 2 qui prévoit que la prise en charge de la CARDIF dépend de l'envoi de la notification de la mise en invalidité 2ème catégorie de la CPAM, le renvoi au lexique pour la définition de la notion d'invalidité au sens du contrat d'assurance étant de nature à tromper le consommateur.

Pour sa part, la société CARDIF fait valoir que les garanties sont strictement définies par la notice d'information sur l'assurance dans un lexique qui précise que : « Est considéré en incapacité totale de travail, l'assuré qui se trouve temporairement dans l'impossibilité totale et continue d'exercer, même à temps partiel, son activité professionnelle et qui n'exerce aucune autre activité ou occupation susceptible de lui procurer gain, salaire ou profit,

Est considéré en incapacité permanente et totale de travail (IPT), l'assuré reconnu, après consolidation de son état, constaté par l'assureur, inapte à tout travail à la suite d'une maladie ou d'un accident et définitivement incapable de se livrer à une activité, même de surveillance ou de direction, susceptible de lui procurer salaire, gain ou profit. »

Or, la définition du risque telle qu'elle est donnée dans la partie de la notice réservée au « lexique » ajoute aux dispositions relatives aux garanties contenues à l'article 6 des conditions générales qui précisent les prestations servies en cas d'invalidité permanente et totale et en cas d'incapacité temporaire et totale de travail sans autre précision relativement à la notion d'incapacité, notamment par référence à la notification de la mise en invalidité qui est seulement visée à l'article 9 des conditions générales relatif aux conditions de prise en charge listant les pièces à fournir par l'assuré, notamment la notification de mise en invalidité pour les assujettis à la sécurité sociale, étant précisé que l'appréciation par l'assureur de la notion d'incapacité ou d'invalidité n'est pas liée à la décision de la sécurité sociale.

Ainsi, il ressort de ce qui précède que les clauses contenues aux conditions générales sont sujettes à interprétation en ce qu'il est fait référence à de deux notions à savoir « l'invalidité » dès lors que celle-ci est permanente et « l'incapacité » dès lors que celle-ci est temporaire, la définition donnée en tête des conditions générales ne pouvant avoir pour effet de créer de nouvelles obligations à la charge de l'assuré ou de le priver d'un droit alors qu'il pouvait légitimement penser être couvert dans l'une ou l'autre de ces hypothèses.

En conséquence, la confusion créée dans l'esprit du cocontractant justifie de considérer comme non écrites les dispositions contenues au « lexique », lesquelles sont dès lors inopposables à l'assurée. »

 

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 16 MAI 2019