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CJUE (8e ch.), 20 septembre 2018

Nature : Décision
Titre : CJUE (8e ch.), 20 septembre 2018
Pays : UE
Juridiction : Cour de Justice de l'UE (8e ch.)
Demande : 448/17
Date : 20/09/2018
Nature de la décision : Question préjudicielle (CJUE)
Mode de publication : Site Curia (CJUE)
Date de la demande : 25/07/2017
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8150

CJUE (8e ch.), 20 septembre 2018 : Affaire C‑448/17

Publication : Rec.

 

Extrait : « 1) La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lue en combinaison avec le principe d’équivalence, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui ne permet pas à une organisation de protection des consommateurs d’intervenir, dans l’intérêt du consommateur, dans une procédure d’injonction de payer concernant un consommateur individuel et de former opposition contre une telle injonction en l’absence de contestation de celle-ci par ledit consommateur, dans le cas où ladite réglementation soumet effectivement l’intervention des associations de consommateurs dans les litiges relevant du droit de l’Union à des conditions moins favorables que celles applicables aux litiges relevant exclusivement du droit interne, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

2) La directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, tout en prévoyant, au stade de la délivrance d’une injonction de payer contre un consommateur, le contrôle du caractère abusif des clauses contenues dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur, d’une part, confie à un fonctionnaire administratif d’une juridiction qui n’a pas le statut de magistrat la compétence de délivrer cette injonction de payer et, d’autre part, prévoit un délai de quinze jours pour former opposition et exige que cette dernière soit motivée au fond, dans le cas où un tel contrôle d’office n’est pas prévu au stade de l’exécution de ladite injonction, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

3) L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cas où un contrat de crédit à la consommation, d’une part, n’indique pas le taux annuel effectif global et ne contient qu’une équation mathématique de calcul de ce taux annuel effectif global non assortie des éléments nécessaires pour procéder à ce calcul et, d’autre part, ne mentionne pas le taux d’intérêt, une telle circonstance est un élément décisif dans le cadre de l’analyse par la juridiction nationale concernée du point de savoir si la clause dudit contrat relative au coût du crédit est rédigée de façon claire et compréhensible, au sens de ladite disposition. ».

 

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE

HUITIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

 

 

Dans l’affaire C‑448/17, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Krajský súd v Prešove (cour régionale de Prešov, Slovaquie), par décision du 16 mai 2017, parvenue à la Cour le 25 juillet 2017, dans la procédure

 

EOS KSI Slovensko s. r. o.

contre

Ján Danko - Margita Danková,

en présence de :

Združenie na ochranu občana spotrebiteľa HOOS,

 

LA COUR (huitième chambre), composée de M. J. Malenovský, président de chambre, MM. M. Safjan (rapporteur) et M. Vilaras, juges,

- avocat général : M. E. Tanchev,

- greffier : M. A. Calot Escobar,

Vu la procédure écrite,

Considérant les observations présentées :

- pour le gouvernement slovaque, par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

- pour la Commission européenne, par MM. A. Tokár et N. Ruiz García, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Arrêt

1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 2, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant EOS KSI Slovensko s. r. o. (ci-après « EOS ») à M. Ján Danko et à Mme Margita Danková au sujet d’une demande de paiement de sommes restant dues dans le cadre d’un crédit à la consommation.

 

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 87/102

3. L’article 1er de la directive 87/102/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation (JO 1987, L 42, p. 48), telle que modifiée par la directive 98/7/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998 (JO 1998, L 101, p. 17) (ci-après la « directive 87/102 »), dispose :

« 1. La présente directive s’applique aux contrats de crédit.

2. Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

d) “coût total du crédit au consommateur” : tous les coûts, y compris les intérêts et les autres frais, que le consommateur est tenu de payer pour le crédit ;

e) “taux annuel effectif global” : le coût total du crédit au consommateur exprimé en pourcentage annuel du montant du crédit consenti, et calculé conformément à l’article 1er bis. »

4. L’article 1er bis de la directive 87/102 prévoit :

« 1. a. Le taux annuel effectif global, qui rend égales, sur une base annuelle, les valeurs actuelles de l’ensemble des engagements (prêts, remboursements et charges) existants ou futurs, pris par le prêteur et par le consommateur, est calculé selon la formule mathématique exposée à l’annexe II.

b. À titre indicatif, quatre exemples de calcul sont donnés à l’annexe III.

2. Afin de calculer le taux annuel effectif global, on détermine le coût total du crédit au consommateur, tel que défini à l’article 1er paragraphe 2 point d), à l’exception des frais suivants [...]

[...]

4. a. Le taux annuel effectif global est calculé au moment de la conclusion du contrat de crédit, sans préjudice des dispositions de l’article 3 relatives aux annonces et offres publicitaires.

b. On effectue le calcul en se plaçant dans l’hypothèse où le contrat de crédit reste valable pendant la durée convenue et où le prêteur et le consommateur remplissent leurs obligations dans les délais et aux dates convenus.

[...]

6. Pour les contrats de crédit qui comportent des clauses permettant de modifier le taux d’intérêt et le montant ou le niveau d’autres frais, repris dans le taux annuel effectif global mais ne pouvant être quantifiés au moment de son calcul, on calcule le taux annuel effectif global en prenant pour hypothèse que le taux et les autres frais restent fixes par rapport au niveau initial et s’appliquent jusqu’au terme du contrat de crédit.

[...] »

5. L’article 4 de cette directive énonce, à son paragraphe 2 :

« Le contrat écrit contient :

a) une indication du taux annuel effectif global ;

b) une indication des conditions dans lesquelles le taux annuel effectif global peut être modifié ;

[...] »

6. La directive 87/102 a été abrogée avec effet au 11 juin 2010, conformément à l’article 29 de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO 2008, L 133, p. 66, et rectificatif JO 2009, L 207, p. 14). Compte tenu de la date des faits au principal, c’est la directive 87/102 qui demeure applicable en l’occurrence.

 

La directive 93/13

7. Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 :

« Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou [l’Union européenne] sont partis, notamment dans le domaine des transports, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive. »

8. L’article 3, paragraphe 1, de cette directive énonce :

« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »

9. L’article 4 de ladite directive prévoit :

« 1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

10. L’article 5 de la même directive est libellé comme suit :

« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. Cette règle d’interprétation n’est pas applicable dans le cadre des procédures prévues à l’article 7 paragraphe 2. »

11. Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

12. L’article 7 de cette directive dispose :

« 1. Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.

2. Les moyens visés au paragraphe 1 comprennent des dispositions permettant à des personnes ou à des organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à protéger les consommateurs de saisir, selon le droit national, les tribunaux ou les organes administratifs compétents afin qu’ils déterminent si des clauses contractuelles, rédigées en vue d’une utilisation généralisée, ont un caractère abusif et appliquent des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation de telles clauses.

3. Dans le respect de la législation nationale, les recours visés au paragraphe 2 peuvent être dirigés, séparément ou conjointement, contre plusieurs professionnels du même secteur économique ou leurs associations qui utilisent ou recommandent l’utilisation des mêmes clauses contractuelles générales, ou de clauses similaires. »

13. L’article 8 de ladite directive énonce :

« Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. »

 

Le droit slovaque

14. L’article 53a de l’Občiansky zákonník (code civil), qui transpose l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, interdit à tout professionnel de continuer à utiliser une clause contractuelle qui a été reconnue comme étant abusive par une juridiction dans une décision rendue dans le cadre d’un litige dans le domaine du droit de la consommation. Cette disposition exige, toutefois, que le consommateur soit à l’origine du litige ou que, lorsqu’il est défendeur, il pose un acte de procédure.

15. L’article 93 du zákon č. 99/1963 Zb., Občiansky súdny poriadok (loi no 99/1963 portant code de procédure civile), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après le « code de procédure civile »), prévoit :

« 1) Peut intervenir comme partie intervenante à l’appui des conclusions du requérant ou du défendeur la personne qui a un intérêt juridique à l’issue de la procédure [...].

2) Peut également intervenir comme partie intervenante dans la procédure au soutien des conclusions du requérant ou du défendeur la personne morale dont l’activité a pour objet la protection de droits en application d’une disposition particulière.

3) Cette personne intervient dans la procédure de sa propre initiative ou à la demande d’une partie transmise par la juridiction. La juridiction ne se prononce sur la recevabilité de l’intervention que lorsqu’elle est saisie d’une demande en ce sens.

4) Dans le cadre de la procédure, la partie intervenante a les mêmes droits et obligations qu’une partie à la procédure. Toutefois, elle n’agit que pour elle-même. Si ses actes s’opposent à ceux de la partie au soutien de laquelle elle intervient, la juridiction les apprécie après examen de toutes les circonstances. »

16. Aux termes de l’article 172 du code de procédure civile :

« 1) Le juge peut délivrer une injonction de payer même en l’absence d’une demande expresse du demandeur et sans avoir entendu le défendeur si la requête invoque un droit au paiement d’une somme d’argent découlant des circonstances invoquées par le demandeur. Dans l’injonction de payer, il enjoint au défendeur de payer au demandeur, dans les quinze jours suivant la notification de celle-ci, la créance exigible et les frais de justice, ou à soumettre dans ce délai une opposition auprès de la juridiction qui a délivré l’injonction de payer. L’opposition contre l’injonction de payer doit être motivée au fond. [...]

[...]

3) Si le juge ne délivre pas d’injonction de payer, il ordonne la tenue d’une audience.

[...]

7) Si la requête invoque un droit partiellement en contradiction manifeste avec la législation, le juge ne délivre une injonction de payer, avec le consentement du demandeur, que pour la partie non concernée par ladite contradiction ; une fois ce consentement exprimé, la procédure n’a plus pour objet que cette partie de la requête, et le juge ne statue pas sur le reste. L’objet de la procédure reste, même après la délivrance de l’injonction de payer, la partie de la requête sur laquelle le juge a statué en délivrant ladite injonction de payer ; cette disposition s’applique également si une opposition est introduite.

[...]

9) En cas de revendication du droit au paiement d’une somme d’argent au titre d’un contrat conclu avec un consommateur et dans le cas où le défendeur est un consommateur, le juge ne délivre pas d’injonction de payer si le contrat comporte des clauses abusives. »

17 Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, sous g), de la loi no 258/2001 sur le crédit à la consommation, applicable aux faits au principal, un contrat de crédit à la consommation qui ne mentionne pas le taux annuel effectif global (ci–après le « TAEG ») est réputé ne pas produire d’intérêts ni de frais.

 

Le litige au principal et les questions préjudicielles

18. Le 24 octobre 2005, M. Danko a souscrit auprès de Všeobecná úverová banka a.s. un contrat de crédit à la consommation renouvelable pour un montant de 30 000 couronnes slovaques (SKK) (environ 995 euros). Le prêteur a, par la suite, cédé sa créance découlant dudit contrat à EOS, société de recouvrement de créances.

19. Il ressort de la décision de renvoi que le contrat en cause au principal n’indiquait pas le TAEG et que seule y figurait une équation mathématique de calcul du TAEG, non assortie des éléments nécessaires pour procéder à ce calcul.

20. Invoquant la violation dudit contrat par l’emprunteur, EOS a introduit auprès de l’Okresný súd Humenné (tribunal de district de Humenné, Slovaquie) un recours tendant à obtenir le paiement de la somme de 1 123,12 euros, majorée des intérêts de retard au taux de 9,5 %. Elle a demandé à cet égard la délivrance d’une injonction de payer en application de l’article 172, paragraphe 1, du code de procédure civile, cette procédure accélérée étant caractérisée par le fait que la décision au fond est adoptée sans audience, sans administration des preuves et uniquement sur le fondement des affirmations du requérant.

21. Le 24 août 2012, l’Okresný súd Humenné (tribunal de district de Humenné) a délivré l’injonction de payer sollicitée. Cette injonction a été émise non par un magistrat mais par un fonctionnaire. Ladite juridiction n’a pas pris en compte le fait que le contrat de crédit en cause au principal n’indiquait pas le TAEG ni examiné le caractère éventuellement abusif des clauses de ce contrat.

22. La Združenie na ochranu občana spotrebiteľa HOOS, association slovaque de protection des consommateurs (ci-après la « HOOS »), intervenant au soutien des droits de M. Danko et de Mme Danková, a formé opposition à l’injonction de payer.

23. Par ordonnance du 17 janvier 2013, l’Okresný súd Humenné (tribunal de district de Humenné) a rejeté ladite opposition, au motif que, le consommateur n’ayant pas fait lui-même opposition, les conditions requises pour que la HOOS puisse intervenir dans la procédure n’étaient pas remplies.

24. Saisi d’un recours formé par la HOOS, le Krajský súd v Prešove (cour régionale de Prešov, Slovaquie) a, par ordonnance du 30 septembre 2013, annulé l’ordonnance visée au point précédent et a enjoint l’Okresný súd Humenné (tribunal de district de Humenné) d’organiser une audience, de procéder à l’administration des preuves et de statuer à nouveau sur le fond du litige après avoir procédé à un contrôle juridictionnel des clauses contractuelles du contrat de crédit en cause au principal. Le Krajský súd v Prešove (cour régionale de Prešov) a admis l’opposition de la HOOS au motif que celle-ci disposait des mêmes droits qu’un consommateur-emprunteur, et a considéré que l’affaire au principal ne pouvait être soumise à la procédure accélérée, dès lors que cette dernière exclut la tenue d’une audience et l’administration de la preuve.

2.5 Le procureur général (Slovaquie) a introduit un recours en cassation extraordinaire contre l’ordonnance du Krajský súd v Prešove (cour régionale de Prešov) devant le Najvyšší súd (Cour suprême, Slovaquie).

26. Par ordonnance du 10 mars 2015, le Najvyšší súd (Cour suprême) a annulé l’ordonnance du Krajský súd v Prešove (cour régionale de Prešov) et a renvoyé l’affaire devant cette dernière juridiction. La première de ces juridictions a constaté que la finalité de l’intervention d’une association de protection des consommateurs ne peut s’accomplir qu’après la naissance d’un litige, à savoir seulement à partir du moment où le consommateur forme une opposition à une injonction de payer.

27. Le Krajský súd v Prešove (cour régionale de Prešov) se demande si la réglementation nationale satisfait au principe d’équivalence prévu par le droit de l’Union, en ce qui concerne les conditions dans lesquelles une association de protection des consommateurs peut intervenir dans la procédure dans l’intérêt du consommateur par rapport aux règles générales du droit slovaque de l’intervention dans l’intérêt de la partie défenderesse.

28. À cet égard, la juridiction de renvoi fait valoir que, dans le cas où un consommateur défendeur à un litige est, dans le cadre de la procédure destinée à faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec un professionnel, visée à l’article 53a du code civil, ignorant et inactif, et où il ne peut être contacté, ses droits ne seraient pas adéquatement défendus si la juridiction saisie d’une demande de délivrance d’une injonction de payer devait renoncer à contrôler le caractère abusif des clauses concernées.

29. Or, les dispositions du droit slovaque ne permettraient pas à une association de protection des consommateurs d’intervenir, dans l’intérêt du consommateur, dans la procédure, dans la mesure où ces dispositions exigeraient que :

– le consommateur donne son accord écrit à une telle intervention ;

– les moyens de défense soulevés par ladite association soient approuvés également par le consommateur en tant que partie défenderesse ;

– le consommateur donne son accord pour qu’une telle association puisse former un recours contre une décision judiciaire le concernant.

30. Selon la juridiction de renvoi, dans l’affaire au principal, le droit slovaque a été appliqué d’une façon moins favorable que s’il s’était agi d’une situation ne comportant aucun élément relevant du droit de l’Union, en méconnaissance de la jurisprudence dégagée dans l’arrêt du 27 février 2014, Pohotovosť (C‑470/12, EU:C:2014:101, point 46). En effet, dans une situation ne relevant pas du droit de l’Union, le litige naît le jour du dépôt de l’acte introductif d’instance devant la juridiction nationale, si bien que la partie intervenante est habilitée à intervenir dans la procédure dès le début de celle-ci.

31. Enfin, s’agissant de la clause du contrat en cause au principal portant sur le TAEG, la juridiction de renvoi considère qu’elle n’est pas transparente et est contraire aux bonnes mœurs, de sorte que, conformément au droit slovaque, le crédit en cause au principal devrait être réputé ne pas produire d’intérêts ni de frais. De l’avis de cette juridiction, une telle sanction serait proportionnelle et dissuasive au regard des exigences posées par la Cour dans l’arrêt du 9 novembre 2016, Home Credit Slovakia (C‑42/15, EU:C:2016:842, points 65 et 69).

32. Dans ces conditions, le Krajský súd v Prešove (cour régionale de Prešov) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Compte tenu de l’arrêt [du 27 février 2014, Pohotovosť (C‑470/12, EU:C:2014:101)], et des considérations formulées par la [Cour] au point 46 de [cet arrêt], une réglementation qui, en mettant sur un même pied les intérêts protégés par la loi et la protection des droits des consommateurs contre les clauses abusives, n’autorise pas, d’une part, sans l’accord du consommateur partie défenderesse, qu’une personne morale dont l’activité consiste à protéger collectivement les consommateurs contre les clauses abusives et à faire respecter l’article 7, paragraphe 1, de la directive [93/13], tel que transposé par l’article 53a, paragraphes 1 et 2, du code civil, intervienne comme partie intervenante dans une procédure judiciaire dès le début de celle-ci et ne permet pas l’exercice effectif, dans la présente procédure, des moyens de défense et de recours au bénéfice du consommateur aux fins de le protéger contre l’utilisation généralisée de clauses abusives, alors que, dans un autre cas, la partie intervenante qui a un intérêt à ce que l’objet de la procédure soit réglé au fond (du point de vue patrimonial) et qui intervient dans une procédure judiciaire à l’appui de la partie défenderesse n’a pas besoin de l’accord de cette dernière pour intervenir dans la procédure judiciaire dès le début de celle-ci aux fins de faire valoir utilement des moyens de défense et de recours au bénéfice de la partie défenderesse à l’appui de laquelle elle intervient est-elle contraire au principe d’équivalence du droit de l’Union ?

2) Eu égard aux [arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai (C‑26/13, EU:C:2014:282) et du 23 avril 2015, Van Hove (C‑96/14, EU:C:2015:262)], le terme “compréhensible” figurant à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit-il être interprété en ce sens qu’une clause peut être qualifiée d’“incompréhensible”, ce qui a pour conséquence juridique que le juge examine d’office le caractère abusif de la clause, même si le régime juridique (l’instrument) que régit cette clause contractuelle, est en soi compliqué de sorte que ses conséquences juridiques sont difficilement prévisibles pour le consommateur moyen et que sa compréhension requiert en général un conseil juridique spécialisé dont le coût est disproportionné par rapport à la valeur de la prestation que le consommateur reçoit au titre du contrat ?

3) Si une juridiction se prononce sur les droits découlant d’un contrat conclu avec un consommateur invoqués à l’encontre du consommateur, en sa qualité de partie défenderesse, sur la seule base des affirmations de la partie requérante, en délivrant une injonction de payer dans le cadre d’une procédure accélérée, sans aucunement appliquer dans le cadre de la procédure la disposition de l’article 172, paragraphe 9, du code de procédure civile, qui prévoit de ne pas délivrer d’injonction de payer si le contrat conclu avec un consommateur contient des clauses abusives, la législation d’un État membre qui, dès lors que la juridiction n’applique pas l’obligation découlant de l’article 172, paragraphe 9, du code de procédure civile et compte tenu du court délai pour introduire une opposition contre une injonction de payer et de l’éventuelle impossibilité de contacter le consommateur, ne permet pas qu’une association de protection des consommateurs qui a qualité et est habilitée à appliquer l’article 7, paragraphe 1, de la directive [93/13], tel que transposé par la disposition de l’article 53a, paragraphes 1 et 2, du code civil, fasse utilement valoir, sans l’accord du consommateur (mais sans que le consommateur manifeste son désaccord), l’unique moyen de défense du consommateur sous la forme d’une opposition à l’injonction de payer est-elle contraire au droit de l’Union ?

4) Aux fins de la réponse aux deuxième et troisième questions, peut-on considérer comme pertinente la circonstance que, en vertu de l’ordre juridique, le consommateur n’a pas droit à une représentation juridique obligatoire et que sa méconnaissance combinée à une absence de représentation juridique fonde le risque non négligeable qu’il n’invoque pas le caractère abusif des clauses contractuelles et qu’il ne pose même pas un acte autorisant l’intervention dans la procédure judiciaire, à l’appui de sa position, d’une association de protection des consommateurs, qui a qualité et est habilitée à exécuter l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, tel que transposé par l’article 53a, paragraphes 1 et 2, du code civil ?

5) Une réglementation telle que la procédure accélérée relative à une injonction de payer (article 172, paragraphes 1 et suivants, du code de procédure civile) qui permet d’octroyer, avec les effets attachés à une décision de justice, 1) une somme d’argent au bénéfice du professionnel 2) dans le cadre d’une procédure accélérée 3) par un employé administratif d’une juridiction, 4) sur la seule base des affirmations du professionnel, et ce 5) sans administration de la preuve et dans une situation où 6) le consommateur n’est pas représenté par un spécialiste du droit et que 7) sa défense ne peut même pas être utilement assurée, sans son consentement, par une association de protection des consommateurs qui a qualité et est habilitée à exécuter l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, tel que transposé par la disposition de l’article 53a, paragraphes 1 et 2, du code civil est-elle contraire au droit de l’Union, et notamment à l’exigence d’apprécier toutes les circonstances de l’affaire en application de l’article 4, paragraphe 1, de la directive [93/13] ? »

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur les questions préjudicielles :

Sur la première question :

33. Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui ne permet pas à une organisation de protection des consommateurs d’intervenir, dans l’intérêt du consommateur, dans une procédure d’injonction de payer concernant un consommateur individuel et de former opposition contre une telle injonction en l’absence de contestation de celle-ci par ledit consommateur.

34. À cet égard, il importe de relever que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 oblige les États membres à veiller à ce que des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs. Il ressort de l’article 7, paragraphe 2, de cette directive que ces moyens comprennent la possibilité pour des personnes ou des organisations ayant un intérêt légitime à protéger les consommateurs de saisir les tribunaux afin de faire déterminer si des clauses rédigées en vue d’une utilisation généralisée présentent un caractère abusif et d’obtenir, le cas échéant, leur interdiction (arrêt du 27 février 2014, Pohotovosť, C‑470/12, EU:C:2014:101, point 43 et jurisprudence citée).

35. Cependant, ni la directive 93/13 ni celles qui lui ont succédé, complétant le dispositif réglementaire de protection des consommateurs, ne contiennent de disposition régissant le rôle pouvant ou devant être dévolu aux associations de protection des consommateurs dans le cadre de litiges individuels impliquant un consommateur. Ainsi, la directive 93/13 ne régit pas le point de savoir si de telles associations devraient avoir le droit d’être admises en intervention au soutien de consommateurs dans le cadre de tels litiges individuels (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Pohotovosť, C‑470/12, EU:C:2014:101, point 45).

36. Il s’ensuit que, en l’absence de réglementation de l’Union en ce qui concerne le droit des associations de protection des consommateurs d’intervenir dans des litiges individuels impliquant des consommateurs, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre d’établir de telles règles, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, à condition toutefois qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité) (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Pohotovosť, C‑470/12, EU:C:2014:101, point 46).

37. S’agissant, en premier lieu, du principe d’équivalence, la juridiction de renvoi fait observer que les conditions auxquelles la réglementation nationale en cause au principal subordonne la possibilité pour une association de protection des consommateurs d’être admise à intervenir seraient plus favorables lorsque le recours est engagé exclusivement sur la base du droit interne que lorsqu’il l’est sur la base du droit de l’Union. En effet, alors que, dans une affaire ne comportant pas d’éléments relevant du droit de l’Union, le litige naît, conformément à la réglementation nationale, le jour du dépôt de l’acte introductif d’instance devant la juridiction, de telle sorte que la partie intervenante est habilitée à intervenir dans la procédure dès le début de celle-ci, il apparaîtrait par contraste que, dans l’affaire au principal, qui relève du droit de l’Union, le litige naît seulement à partir du moment où le consommateur forme opposition à l’injonction de payer, si bien que l’association de protection des consommateurs concernée ne pourrait intervenir qu’à compter de l’opposition.

38. À cet égard, il convient de rappeler que le respect du principe d’équivalence exige l’application indifférenciée des règles nationales aux procédures fondées sur le droit de l’Union et à celles fondées sur le droit national (voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2016, Danqua, C‑429/15, EU:C:2016:789, point 30).

39. Par conséquent, ce principe doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui soumet l’intervention des associations de consommateurs dans les litiges relevant du droit de l’Union à des conditions moins favorables que celles applicables en cas de litiges relevant exclusivement du droit interne.

40. Si le gouvernement slovaque affirme, dans ses observations écrites, que l’application différenciée des règles nationales ayant été identifiées par la juridiction de renvoi n’est pas fondée sur le rattachement ou non du litige au droit de l’Union, mais sur la nature différente des procédures en cause, il appartient, toutefois, à la juridiction de renvoi, qui possède une connaissance directe des modalités procédurales des recours dans son ordre juridique interne, de vérifier le respect du principe d’équivalence dans l’affaire dont elle est saisie, en procédant à une analyse des recours concernés sous l’angle de leur objet, de leur cause et de leurs éléments essentiels.

41. En ce qui concerne, en second lieu, le principe d’effectivité, la Cour a déjà jugé que le refus d’admission de l’intervention d’une association de protection des consommateurs dans une procédure mettant en cause un consommateur n’affecte pas le droit de cette association à un recours juridictionnel effectif pour la défense des droits qui lui sont reconnus en tant qu’association de ce type, consistant, notamment, en ses droits d’action collective qu’elle tient de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 93/13. Au demeurant, il convient d’ajouter que, en application de la réglementation nationale en cause au principal, une association peut directement représenter un tel consommateur dans toute procédure, y compris d’exécution, sur mandat donné par ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Pohotovosť, C‑470/12, EU:C:2014:101, points 54 et 55).

42. Dans ces conditions, il n’apparaît pas que la réglementation nationale en cause au principal méconnaisse le principe d’effectivité en ce qui concerne le droit des associations de protection des consommateurs d’intervenir dans des litiges impliquant des consommateurs dans une situation telle que celle au principal.

43. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que la directive 93/13, lue en combinaison avec le principe d’équivalence, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui ne permet pas à une organisation de protection des consommateurs d’intervenir, dans l’intérêt du consommateur, dans une procédure d’injonction de payer concernant un consommateur individuel et de former opposition contre une telle injonction en l’absence de contestation de celle-ci par ledit consommateur, dans le cas où ladite réglementation soumet effectivement l’intervention des associations de consommateurs dans les litiges relevant du droit de l’Union à des conditions moins favorables que celles applicables aux litiges relevant exclusivement du droit interne, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 

Sur les troisième à cinquième questions/

44. Par ses troisième à cinquième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, tout en prévoyant, au stade de la délivrance d’une injonction de payer contre un consommateur, le contrôle du caractère abusif des clauses contenues dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur, d’une part, confie à un fonctionnaire administratif d’une juridiction qui n’a pas le statut de magistrat la compétence pour délivrer cette injonction de payer et, d’autre part, limite à quinze jours le délai pour former opposition et exige que cette dernière soit motivée au fond.

45. À cet égard, il convient de rappeler que la protection effective des droits découlant de la directive 93/13 ne saurait être garantie qu’à la condition que le système procédural national prévoie, dans le cadre de la procédure de délivrance d’une injonction de payer ou dans celui de la procédure d’exécution d’une telle injonction, un contrôle d’office, par un juge, de la nature potentiellement abusive des clauses contenues dans le contrat concerné (voir, en ce sens, arrêt du 18 février 2016, Finanmadrid EFC, C‑49/14, EU:C:2016:98, points 45 et 46).

46. Ainsi, dans l’hypothèse où aucun contrôle d’office, par un juge, de la nature potentiellement abusive des clauses contenues dans le contrat concerné n’est prévu au stade de l’exécution de l’injonction de payer, une législation nationale doit être considérée comme étant de nature à porter atteinte à l’effectivité de la protection voulue par la directive 93/13, si elle ne prévoit pas un tel contrôle au stade de la délivrance de l’injonction ou, lorsqu’un tel contrôle est prévu uniquement au stade de l’opposition contre l’injonction délivrée, s’il existe un risque non négligeable que le consommateur concerné ne forme pas l’opposition requise soit en raison du délai particulièrement court prévu à cette fin, soit eu égard aux frais qu’une action en justice entraînerait par rapport au montant de la dette contestée, soit parce que la législation nationale ne prévoit pas l’obligation que lui soient communiquées toutes les informations nécessaires pour lui permettre de déterminer l’étendue de ses droits (voir, par analogie, arrêts du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito, C‑618/10, EU:C:2012:349, point 54, et du 18 février 2016, Finanmadrid EFC, C‑49/14, EU:C:2016:98, point 52).

47. En l’occurrence, l’article 172, paragraphe 9, du code de procédure civile prévoit que, en cas de revendication du droit au paiement d’une somme d’argent au titre d’un contrat conclu avec un consommateur et dans le cas où le défendeur est un consommateur, le juge ne délivre pas d’injonction de payer si le contrat comporte des clauses abusives.

48. Cependant, la décision de renvoi précise que la réglementation nationale confère compétence, en matière de délivrance des injonctions de payer, à un fonctionnaire de la juridiction n’ayant pas le statut de magistrat.

49. À cet égard, il y a lieu de relever que la préservation de l’effet utile de la directive 93/13 s’oppose à ce qu’une réglementation nationale permette qu’une injonction de payer soit délivrée sans que le consommateur soit en mesure de bénéficier, à aucun moment de la procédure, de la garantie qu’un contrôle de l’absence de clause abusive dans le contrat concerné sera opéré par un juge (voir, en ce sens, arrêt du 18 février 2016, Finanmadrid EFC, C‑49/14, EU:C:2016:98, point 45).

50. Par conséquent, la circonstance que la réglementation nationale confère compétence en matière de délivrance des injonctions de payer à un fonctionnaire n’ayant pas le statut de magistrat n’est pas de nature à porter atteinte à la préservation de l’effet utile de la directive 93/13 pour autant qu’un contrôle par un juge de l’absence de clause abusive dans le contrat concerné est prévu au stade de l’exécution de l’injonction de payer ou en cas d’opposition à celle-ci.

51. Cela étant, ainsi qu’il a été rappelé au point 46 du présent arrêt, l’existence d’un tel contrôle au seul stade de l’opposition n’est susceptible de préserver l’effet utile de la directive 93/13 que si les consommateurs ne sont pas dissuadés de former une telle opposition.

52. Or, en l’occurrence, la réglementation nationale en cause au principal prévoit un délai de quinze jours seulement au cours duquel le consommateur peut former opposition à l’injonction de payer, et exige en outre de celui-ci qu’il motive au fond son opposition.

5.3 Par conséquent, il existe, avec une telle réglementation, un risque non négligeable que le consommateur concerné ne forme pas opposition et que, par suite, le contrôle d’office par un juge de l’absence de clause abusive dans le contrat concerné ne puisse être effectué.

54. À la lumière de ces considérations, il y a lieu de répondre aux troisième à cinquième questions que la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, tout en prévoyant, au stade de la délivrance d’une injonction de payer contre un consommateur, le contrôle du caractère abusif des clauses contenues dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur, d’une part, confie à un fonctionnaire administratif d’une juridiction qui n’a pas le statut de magistrat la compétence de délivrer cette injonction de payer et, d’autre part, prévoit un délai de quinze jours pour former opposition et exige que cette dernière soit motivée au fond, dans le cas où un tel contrôle d’office n’est pas prévu au stade de l’exécution de ladite injonction, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 

Sur la deuxième question :

Sur la recevabilité :

55. Dans ses observations écrites, le gouvernement slovaque soutient, en substance, que cette question présente un caractère hypothétique dès lors qu’une éventuelle reconnaissance, par la juridiction de renvoi, de la qualité pour agir de la HOOS entraînerait l’annulation de l’ordonnance de l’Okresný súd Humenné (tribunal de district de Humenné) du 17 janvier 2013 et le renvoi de l’affaire devant ce dernier. Ainsi, la juridiction de renvoi ne se prononcerait pas sur le caractère abusif de la clause contractuelle concernée.

56. À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa propre responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 21 septembre 2017, Malta Dental Technologists Association et Reynaud, C‑125/16, EU:C:2017:707, point 28 ainsi que jurisprudence citée).

57. Par ailleurs, il appartient à la juridiction nationale de décider à quel stade de la procédure il y a lieu, pour cette juridiction, de poser une question préjudicielle à la Cour (arrêt du 21 septembre 2017, Malta Dental Technologists Association et Reynaud, C‑125/16, EU:C:2017:707, point 29 ainsi que jurisprudence citée).

58. À la lumière de cette jurisprudence et compte tenu de la réponse apportée aux première, troisième, quatrième et cinquième questions, il convient de constater que la deuxième question est recevable.

 

Sur le fond :

59. Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que la clause d’un contrat de crédit à la consommation relative au coût du crédit doit être regardée comme étant rédigée de façon claire et compréhensible, au sens de cette disposition, dans le cas où ce contrat, d’une part, n’indique pas le TAEG et ne contient qu’une équation mathématique de calcul de ce TAEG non assortie des éléments nécessaires pour procéder à ce calcul et, d’autre part, ne mentionne pas le taux d’intérêt.

60. À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 prévoit que l’appréciation du caractère abusif des clauses d’un contrat conclu avec un consommateur ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible.

61. À cet égard, la Cour a eu l’occasion de préciser que cette exigence de transparence des clauses contractuelles, également rappelée à l’article 5 de la directive 93/13, ne saurait être réduite au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical de celles-ci, mais que, au contraire, le système de protection mis en œuvre par cette directive reposant sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne, notamment, le niveau d’information, cette exigence de rédaction claire et compréhensible des clauses contractuelles et, partant, de transparence, posée par la même directive, doit être entendue de manière extensive (arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, point 44 ainsi que jurisprudence citée).

62. Il s’ensuit que, pour déterminer si la clause d’un contrat de crédit relative au coût de celui-ci et qui, à ce titre, porte sur l’objet principal de ce contrat est rédigée de façon claire et compréhensible, il convient de tenir compte de l’ensemble des dispositions du droit de l’Union fixant des obligations en matière d’information des consommateurs qui sont susceptibles de s’appliquer au contrat concerné.

63. Or, la Cour a déjà jugé, s’agissant de la directive 87/102, que, eu égard à l’objectif de protection du consommateur poursuivi par cette directive contre des conditions de crédit inéquitables et afin de lui permettre d’avoir une entière connaissance des conditions de l’exécution future du contrat souscrit, lors de la conclusion de celui–ci, l’article 4 de ladite directive exige que l’emprunteur détienne l’ensemble des éléments susceptibles d’avoir une incidence sur la portée de son engagement (arrêt du 9 juillet 2015, Bucura, C‑348/14, non publié, EU:C:2015:447, point 57 et jurisprudence citée).

64. Conformément à l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive 87/102, le contrat de crédit doit être établi par écrit, cet écrit devant contenir l’indication du TAEG ainsi que les conditions dans lesquelles ce dernier peut être modifié. L’article 1er bis de cette directive fixe les modalités de calcul du TAEG et précise, à son paragraphe 4, sous a), que celui-ci doit être calculé « au moment de la conclusion du contrat ». Cette information du consommateur sur le coût global du crédit, sous la forme d’un taux calculé selon une formule mathématique unique, revêt ainsi une importance essentielle (voir, en ce sens, ordonnance du 16 novembre 2010, Pohotovosť, C‑76/10, EU:C:2010:685, points 69 et 70).

65. Par conséquent, l’absence de mention du TAEG dans un contrat de crédit peut constituer un élément décisif dans le cadre de l’analyse par la juridiction nationale concernée du point de savoir si la clause de ce contrat relative au coût du crédit est rédigée de façon claire et compréhensible, au sens de l’article 4 de la directive 93/13. Si tel n’est pas le cas, cette juridiction nationale est habilitée à apprécier le caractère abusif d’une telle clause au sens de l’article 3 de cette directive (voir, en ce sens, ordonnance du 16 novembre 2010, Pohotovosť, C‑76/10, EU:C:2010:685, points 71 et 72).

66. Il convient d’ajouter que doit être assimilée à la situation d’absence d’indication du TAEG dans un contrat de crédit celle où, comme dans l’affaire en cause au principal, le contrat contient uniquement une équation mathématique de calcul de ce TAEG non assortie des éléments nécessaires pour procéder à ce calcul.

67. En effet, dans une telle situation, le consommateur ne saurait être regardé comme possédant une entière connaissance des conditions de l’exécution future du contrat souscrit, lors de la conclusion de celui–ci, et, par suite, comme détenant l’ensemble des éléments susceptibles d’avoir une incidence sur la portée de son engagement.

68. Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cas où un contrat de crédit à la consommation, d’une part, n’indique pas le TAEG et ne contient qu’une équation mathématique de calcul de ce TAEG non assortie des éléments nécessaires pour procéder à ce calcul et, d’autre part, ne mentionne pas le taux d’intérêt, une telle circonstance est un élément décisif dans le cadre de l’analyse par la juridiction nationale concernée du point de savoir si la clause dudit contrat relative au coût du crédit est rédigée de façon claire et compréhensible, au sens de ladite disposition.

 

Sur les dépens :

69. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

1) La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lue en combinaison avec le principe d’équivalence, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui ne permet pas à une organisation de protection des consommateurs d’intervenir, dans l’intérêt du consommateur, dans une procédure d’injonction de payer concernant un consommateur individuel et de former opposition contre une telle injonction en l’absence de contestation de celle-ci par ledit consommateur, dans le cas où ladite réglementation soumet effectivement l’intervention des associations de consommateurs dans les litiges relevant du droit de l’Union à des conditions moins favorables que celles applicables aux litiges relevant exclusivement du droit interne, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

2) La directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, tout en prévoyant, au stade de la délivrance d’une injonction de payer contre un consommateur, le contrôle du caractère abusif des clauses contenues dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur, d’une part, confie à un fonctionnaire administratif d’une juridiction qui n’a pas le statut de magistrat la compétence de délivrer cette injonction de payer et, d’autre part, prévoit un délai de quinze jours pour former opposition et exige que cette dernière soit motivée au fond, dans le cas où un tel contrôle d’office n’est pas prévu au stade de l’exécution de ladite injonction, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

3) L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cas où un contrat de crédit à la consommation, d’une part, n’indique pas le taux annuel effectif global et ne contient qu’une équation mathématique de calcul de ce taux annuel effectif global non assortie des éléments nécessaires pour procéder à ce calcul et, d’autre part, ne mentionne pas le taux d’intérêt, une telle circonstance est un élément décisif dans le cadre de l’analyse par la juridiction nationale concernée du point de savoir si la clause dudit contrat relative au coût du crédit est rédigée de façon claire et compréhensible, au sens de ladite disposition.

Signatures