CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 6 février 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8331
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 6 février 2020 : RG n° 17/05622 ; arrêt n° 2020/39
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La clause 7 ajoutait qu'un échéancier était annexé à l'offre de prêt, qu'il était établi sur la base du taux d'intérêts applicable à la date de l'offre et qu'il serait actualisé à la fin de chaque période en fonction de l'évolution du taux d'intérêts applicable.
Il suit de là que M. X. avait été parfaitement informé du mécanisme du taux variable, et il pouvait en déduire, sans avoir de compétences financières particulières, que le montant des intérêts pouvait augmenter ou baisser dans de forte proportion.
Quant à la variation possible du taux de change euro/franc suisse, et à ses conséquences sur le prêt, il est mathématiquement connu par tout investisseur normalement avisé. De plus, l'article 11 de l'offre de prêt intitulé « Variation des taux de change » était rédigé en des termes de nature à attirer l'attention de l'emprunteur sur la possibilité qu'ensuite de la variation du taux de change, le capital emprunté ne devienne excessif.
En effet cette clause prévoit que dans le cas où, en fonction des taux de change, l'endettement en cours viendrait à dépasser le montant de 444.000 livres sterling, soit la limite de Facilité Sterling, la banque serait autorisée, à son entière discrétion, à prendre tout ou partie des 3 mesures qui étaient ensuite énoncées.
M. X., de nationalité britannique, ne pouvait qu'être interpellé sur le montant de la Facilité Sterling, ou « stop loss » en terme boursier, qui était bien supérieur au capital emprunté en euro et qui informait donc du risques pris dès lors que le prêt était souscrit dans une devise étrangère.
Enfin et surtout, la Jyske Bank AS produit un courrier du 13 avril 2006, en anglais, dans lequel elle informe Monsieur X. que sa demande de prêt hypothécaire de 500.000 € a été acceptée en son principe et souligne d'une part, que le taux des intérêts étant variable, « une hausse du taux aura pour conséquence une augmentation du coût effectif ou des remboursements », d'autre part, qu'il avait la possibilité de procéder au tirage du prêt dans une autre devise, que s'il envisageait de souscrire son entrée dans une devise autre que celle dans laquelle ses revenus pour son patrimoine sont valorisés, il devait tenir compte du fait que les taux de change sont soumis aux fluctuations du marché et que « toute dépréciation de votre devise de base/revenus par rapport à la devise choisie pour votre prêt se traduira par une augmentation du coût de vos remboursements du prêt » et qu'« aussi la souscription d'un prêt dans une devise étrangère peut être considérée à « haut risque » ».
Il est aussi mentionné dans ce courrier : « Enfin, même si l'assurance-vie n'est pas une condition préalable à notre offre, vous devez bien réfléchir aux conséquences et à l'impact sur les revenus de votre ménage et à votre capacité de remboursement du prêt dans le cas où l'un de vous décéderait au cours de la durée du prêt. Nous vous recommandons fortement de songer à souscrire une assurance vie pour vous protéger à cet effet. »
La Jyske Bank AS démontre ainsi avoir rempli son obligation générale d'information. »
2/ « Préalablement, il y a lieu d'écarter toute supputation sur l'article 2 du contrat qui est la définition de l'objet du contrat, soit un prêt de « 585 000 € ou l'équivalent à la date du tirage du prêt dans l'une des principales devises européennes, dollars américains ou yens japonnis » dont la nullité sur le fondement de l'article L. 132-1 ne peut être poursuivie, cette clause étant claire et compréhensible. »
3/ « M. X. invoque que postérieurement à la signature de son contrat, la loi du 26 juillet 2013 entrée en vigueur le 1er janvier 2014, reprise à l'article L.313-64 du code de la consommation dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 25 mars 2016, a interdit les prêts libellés en devise autre que l'euro parce que de tels prêts libellés en devise étrangère « ne peuvent être qu'abusifs ».
Cependant, ces dispositions sont applicables aux prêts immobiliers. Or le prêt dont s'agit est un prêt hypothécaire ordinaire souscrit pour obtenir des liquidités, est libellé en euros et non en francs suisse, et dont les remboursements trimestriels sont aussi prévus en euros dans ledit article 4 repris ci-dessus.
Enfin et surtout, comme le fait valoir la Jyske Bank AS, cette clause 4 relève de l'objet principal du contrat de prêt souscrit par M. X. comme fixant une prestation essentielle caractérisant le contrat. Elle échappe donc aux dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation ci-dessus rappelées sauf si elle est insuffisamment claire et compréhensible. Or d'évidence, cette clause 4 est claire et compréhensible. C'est pourquoi elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article L.132-1 du code de la consommation applicable et ne peut être une clause abusive. »
4/ « Cette clause ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat de prêt, ni sur l'adéquation de la rémunération au service offert.
La faculté de conversion offerte à la banque est soumise à un seuil de déclenchement objectif, la limite de Facilité Sterling, fixée dans le contrat, qui ne dépend pas de la volonté de la banque. Cette faculté de conversion offerte à la banque constitue une modalité de gestion du risque bancaire corrélatif à la faiblesse des garanties prises.
Par ailleurs, cette faculté de conversion constitue la contrepartie de l'option initiale offerte à l'emprunteur de libérer le prêt dans la devise de son choix, notamment en vue de profiter des taux d'intérêt les plus avantageux, le choix du franc suisse ayant été dicté par la modicité du taux d'intérêts applicable aux emprunts en cette monnaie.
De plus, même si cela ne résulte pas expressément du contrat de prêt, les emprunteurs disposent de la faculté mentionnée dans les relevés (roll-over) qui leur sont adressés trimestriellement, de convertir les prêts tout au long de la durée d'amortissement, en euros ou en toute autre devise. Cette prérogative n'était donc pas unilatérale.
Enfin, la limite de Facilité Sterling qui est liée à l'augmentation du capital due à la variation du taux de change, donnée objective, ne s'impose qu'à la banque laquelle ne peut convertir qu'en livre sterling, alors que l'emprunteur peut convertir le prêt à tout moment et dans la devise de son choix.
Il s'ensuit que la faculté de conversion de l'endettement telle qu'instituée par l'article 11 du contrat au profit de la Jyske Bank AS, ne caractérise pas l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation applicable à l'espèce ».
5/ « L'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-132 du 10 février 2016, énonce que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Alors que la clause 11 du contrat de prêt stipule que lorsque la Jyske Bank AS use de sa faculté de conversion celle-ci doit être faite en livre sterling, la conversion du 16 juin 2011 ordonnée à l'initiative de la banque, l'a été en euro.
À défaut d'accord express de l'emprunteur, la Jyske Bank AS a failli a son obligation contractuelle.
Au surplus, la Jyske Bank AS ne démontrait pas et ne démontre toujours pas que l'endettement de M. X. dépassait au 16 juin 2011 le montant de 444.000 livres sterling.
Toutefois, cette irrégularité dans l'exécution du contrat n'est pas de nature à entraîner sa résolution. Or M. X. ne sollicite pas, à titre subsidiaire, l'annulation de cette opération, mais uniquement des dommages et intérêts. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 3-4
ARRÊT DU 6 FÉVRIER 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/05622. Arrêt n° 2020/39. N° Portalis DBVB-V-B7B-BAHW5. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 8 novembre 2016 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 2016/928.
APPELANTE :
Société JYSKE BANK A/S
société de droit danois, dont le siège social sis [adresse] prise en son établissement principal en France, sis [...] pris en la personne de son directeur général, représentée par Maître Isabelle F. de la SELARL L. F. & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Maître Aurélie B., avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté et assisté de Maître Myriam D., avocat au barreau de GRASSE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 24 septembre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Laure BOURREL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de : Madame Laure BOURREL, Président, Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller, Madame Anne FARSSAC, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 6 février 2020, après prorogation du délibéré
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 6 février 2020, Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Selon offre de prêt du 1er juin 2006, reçue le 12 juin 2006 et acceptée le 27 juin 2006, réitérée par acte authentique du 1er août 2006, Monsieur X. a contracté un prêt multidevises auprès de la société Jyske Bank AS de droit danois d'un montant de 585.000 € ou « l'équivalent, à la date du tirage du prêt, dans l'une des principales devises européennes, dollars américains ou yens japonais ».
Ce prêt a été consenti à taux variable composé du taux de base bancaire de la Jyske Bank AS (Jyske Bank Funding Rate) et un taux fixe de 1,5 %, pour une durée de 20 ans, remboursable par quatre trimestrialités par an, et moyennant une hypothèque de premier rang sur le bien appartenant à Monsieur X. situé à [ville O.].
Le prêt a été libéré en francs suisses, et le 28 juillet 2006, Monsieur X. a perçu la contre-valeur en francs suisses de 585.000 € soit 921.375 CHF.
Monsieur X. explique qu'il a sollicité ce prêt en vue d'obtenir des liquidités en fonction de la valeur du bien immobilier dont il était propriétaire, et que la somme empruntée a été placée au sein de la société Jyske Bank AS qui lui avait garanti un placement permettant de régler le coût de l'intérêt de l'emprunt tout en dégageant une marge bénéficiaire.
À compter de 2009, le franc suisse s'est renforcé par rapport à l'euro, ce qui a augmenté significativement le capital emprunté et le montant des intérêts.
Monsieur X. a alors converti son prêt en euros par tranche :
- le 27 juillet 2010 avec date de valeur au 30 juillet 2010, conversion de 230.000 CHF soit 167.650,70 €,
- le 31 août 2010 avec date de valeur au 29 octobre 2010, conversion de 291.000 CHF, soit 147.787,06 €,
- le 3 septembre 2010, avec date de valeur au 27 octobre 2010, conversion de 100.000 CHF, soit 76.376,69 €,
- le 28 octobre 2010 avec date de valeur au 28 janvier 2011, conversion de 100.000 CHF soit 73.448,40 €,
- 21 janvier 2011, avec date de valeur au 28 janvier 2011, conversion de 100.000 CHF soit 76.834,42 €,
- 15 juin 2011 avec date de valeur au 29 juillet 2011, conversion de 100.000 CHF soit 82.576,38 €.
Le 16 juin 2011, estimant que la limite de Facilité Sterling était atteinte, la banque a converti le solde toujours en francs suisse, 100.375 CHF, en euros, soit 83.876,49 euros, alors que l'article 11 de l'offre de prêt prévoyait une conversion en livre sterling.
À la suite de ces conversions, d'un prêt initial de 585.000 €, le capital emprunté est passé à la somme de 708'550,14 euros, soit une augmentation de 21,12 %.
Les diverses démarches de Monsieur X. en vue d'un règlement amiable du litige ayant échoué, par exploit du 19 septembre 2012, il a assigné la Jyske Bank AS.
Il aurait aussi déposé plainte auprès du Procureur de la République.
Par jugement du 8 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Grasse a :
- déclaré irrecevable la demande de déchéance du droit aux intérêts,
- déclaré irrecevable la demande de nullité de l'article 4 du contrat de prêt,
- dit que les dispositions des articles 1907 du Code civil et L. 312-8 du code de la consommation ont été respectées, et débouté par conséquent Monsieur X. de sa demande d'application du taux d'intérêt légal,
- dit que les dispositions de l'article L. 312-8-2° ter du code de la consommation en vigueur à la date de signature du contrat de prêt ont été respectées,
- dit que les articles 4 et 11 du contrat de prêt ne constituent pas des clauses abusives,
- dit que les dispositions de l'article L. 533-13 du code monétaire et financier sont inapplicables au cas d'espèce,
- dit que la société Jyske Bank n'a pas respecté son devoir d'information et de conseil à l'égard de Monsieur X.,
- condamné la société Jyske Bank à payer à Monsieur X. la somme de 123.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de contracter dans d'autres conditions,
- dit que la société Jyske Bank n'a pas respecté les termes du contrat de prêt en procédant le 16 juin 2011 à une conversion dans une monnaie différente de celle prévue par les parties,
- rejeté la demande de résolution du contrat de prêt en l'absence de gravité suffisante du manquement,
- débouté Monsieur X. de ses demandes d'indemnisation du préjudice subi en raison du non-respect des termes du contrat de prêt, s'agissant du préjudice financier et moral,
- débouté Monsieur X. de sa demande de publication du jugement,
- dit que Monsieur X. est redevable des intérêts sur le capital en francs suisses,
- condamné Monsieur X. à payer à la société Jyske Bank la somme de 8.077,32 euros,
- ordonné la compensation du solde du prêt dû par Monsieur X. constituée de la somme, en francs suisses, due avant la conversion du 16 juin 2011, assortie du taux d'intérêt variable applicable depuis cette date, avec les dommages et intérêts alloués par le présent jugement,
- dit que la demande de délais de paiement formée par Monsieur X. est sans objet,
- condamné la société Jyske Bank à payer à Monsieur X. la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires,
- condamné la société Jyske Bank aux dépens de l'instance.
La société Jyske Bank AS a relevé appel de cette décision par déclaration du 22 mars 2017.
[*]
Par conclusions du 2 septembre 2019, qui sont tenues pour entièrement reprises, l'appelante demande à la cour de :
« Vu les articles 1134 et 1147 (article 1231-1) du Code civil,
vu les termes du contrat de prêt en date du 27 juin 2006,
vu l'article 753 du code de procédure civile,
In limine litis, dire et juger irrecevable la demande en nullité du contrat de prêt.
Dire et juger que la cour n'a pu être saisie que des demandes de l'intimé formalisées aux termes du dispositif des conclusions d'appel incident signifiées le 20 août 2017.
En conséquence, dire et juger irrecevables les demandes de réformation du jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 8 novembre 2016 en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable la demande de déchéance du droit aux intérêts,
- déclaré irrecevable la demande de nullité de l'article 4 du contrat de prêt,
- rejeté la demande de publication du jugement de Monsieur X.
En tout état de cause, dire et juger que sont prescrites les demandes de déchéance du droit aux intérêts et de nullité de l'article 4 du contrat de prêt.
Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 8 novembre 2016 en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable la demande de déchéance du droit aux intérêts,
- déclaré irrecevable la demande de nullité de l'article 4 du contrat de prêt,
- dit que les dispositions des articles 1907 du Code civil et L. 312-8 du code de la consommation ont été respectés, et débouté par conséquent Monsieur X. de sa demande d'application du taux d'intérêt légal,
- dit que les dispositions de l'article L. 312-8-2° ter du code de la consommation en vigueur à la date de signature du contrat ont été respectés,
- dit que les articles 4 et 11 du contrat de prêt ne constituent pas des clauses abusives,
- dit que les dispositions de l'article L. 533-13 du code monétaire et financier sont inapplicables au cas d'espèce,
- rejeté la demande de résolution du contrat de prêt en l'absence de gravité suffisante du manquement,
- condamné Monsieur X. à payer à la société Jyske Bank la somme de 8.077,32 euros,
- débouté Monsieur X. de ses demandes d'indemnisation du préjudice subi en raison du non-respect des termes du contrat de prêt, s'agissant des préjudices financier et moral.
Réformer le jugement en ce qu'il a :
- dit que Jyske Bank AS n'a pas respecté son devoir d'information et de conseil à l'égard de Monsieur X.,
- condamné Jyske Bank AS à payer à Monsieur X. la somme totale de 123.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chances de contracter dans d'autres conditions,
- dit que Jyske Bank AS n'a pas respecté les termes du contrat de prêt en procédant le 16 juin 2011 à une conversion dans une monnaie différente de celle prévue par les parties,
- condamné Jyske Bank AS aux dépens.
Statuant à nouveau,
Dire et juger que Jyske Bank AS a dûment exécuté les obligations d'information auxquelles elle était tenue. Débouter en conséquence, Monsieur X. de ses demandes.
Dire et juger valable la conversion en euros opérée par Jyske Bank AS le 16 juin 2011.
Dire et juger que le montant du capital remboursé dans les conditions contractuelles s'élève à 708.550,14 euros.
Débouter Monsieur X. de l'ensemble de ses demandes.
Condamner Monsieur X. au paiement d'une somme de 259.112,04 euros au titre des échéances d'intérêts et de capital impayées.
À titre subsidiaire, en cas d'annulation de la conversion du 16 juin 2011,
Dire et juger que le montant du capital remboursé dans les conditions contractuelles s'élève à 624.673,65 euros, somme des conversions volontaires, et 100.375 CHF.
Condamner Monsieur X. au paiement des intérêts calculés sur le capital restant dû en euros à hauteur de 624.673,65 euros et en francs suisses à hauteur de 100.375 CHF, ainsi qu'au paiement des échéances d'amortissement du capital calculées sur la base des mêmes montants amortis et selon les conditions prévues au contrat de prêt, déduction faite des sommes déjà versées par Monsieur X.
En tout état de cause,
Condamner Monsieur X. à payer à Jyske Bank AS la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl L. & Associés, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. »
[*]
Par conclusions du 14 août 2019, qui sont tenues pour entièrement reprises, Monsieur X. demande à la cour de :
« Accueillir l'appel incident de Monsieur X.
Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a :
- dit que Jyske Bank AS n'a pas respecté son devoir d'information et de conseil à l'égard de Monsieur X.,
- condamné Jyske Bank AS à payer à Monsieur X. la somme totale de 123.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de contracter dans d'autres conditions,
- dit que la Jyske Bank AS n'a pas respecté les termes du contrat de prêt en procédant le 14 juin 2011 à une conversion dans une monnaie différente de celle prévue par les parties,
- condamné Jyske Bank AS à payer à Monsieur X. chacun la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Jyske Bank AS aux dépens.
Et réformer ce même jugement en ce qu'il a :
- condamné X. à payer à la société Jyske Bank la somme de 8.077,32 euros,
- dit que les dispositions des articles 1907 du Code civil et L. 312-8 du code de la consommation ont été respectées et débouté par conséquent M. X. de sa demande d'application de l'intérêt au taux d'intérêt légal,
- dit que les dispositions de l'article L. 312-8-2° ter du code de la consommation en vigueur à la date de signature du contrat ont été respectées,
- dit que les articles 11 et 4 du contrat de prêt ne constituent pas une clause abusive,
- dit que les dispositions de l'article L. 533-13 du code monétaire et financier sont inapplicables au cas d'espèce,
- dit que la société Jyske Bank n'était pas tenue de devoir de mise en garde à l'égard de M. X. en l'absence de risque d'endettement excessif,
- ordonné la compensation du solde du prêt dû par M. X. constitué de la somme, en francs suisses, due avant la conversion du 16 juin 2011, assortie du taux d'intérêt variable applicable depuis cette date, avec les dommages intérêts alloués par le présent jugement,
- débouté Monsieur X. de ses demandes d'indemnisation du préjudice subi en raison du non-respect des termes du contrat de prêt s'agissant des préjudices financier et moral.
Statuer à nouveau,
Y ajouter,
Sur le fondement des clauses abusives
vu l'article L. 132-1 (devenu l'article L. 212-1) du code de la consommation,
vu la position actuelle de la Cour de Cassation qui fait preuve d'une sévérité en cassant systématiquement les arrêts refusant d'annuler les prêts litigieux et d'indemniser intégralement les emprunteurs sur le terrain des clauses abusives,
vu notamment la première chambre civile qui s'est à nouveau prononcée dans un arrêt en date du 16 mai 2018 (n° 17-11. 337, n° 505 FS - P + B),
Sur le fondement de l'obligation précontractuelle d'information,
vu notamment les articles L. 311-8, L. 312-8 et L. 312-10 du code de la consommation,
vu surtout l'article 1134 (devenu 1104) du Code civil,
vu la construction prétorienne,
Sur le fondement du non-respect des obligations jurisprudentielles,
vu l'obligation précontractuelle générale d'information,
vu le devoir de conseil,
vu l'obligation de mise en garde,
vu le panorama jurisprudentiel actuel,
Rejeter toutes fins de non-recevoir tirées de la prescription des moyens de nullité de la convention.
Déclarer recevables, bien fondées et non prescrites les demandes de Monsieur X.
À titre principal
Constater que la Jyske Bank n'a pas respecté son obligation de mise en garde eu égard à l'endettement excessif.
Dire et juger que les manquements contractuels de la Jyske Bank sont graves.
Dire et juger que les clauses contenues dans l'article 4 et l'article 11 du contrat seront déclarées abusives et en tant que telles réputées non écrites.
Constater de ce fait, que le contrat de prêt ne peut subsister.
Si la cour prononce la résolution du contrat, Monsieur X. chiffre son préjudice de la manière suivante :
1. Montant des intérêts payés à la Jyske Bank jusqu'en octobre 2015 : 199.257,19 euros.
2. Perte au niveau de l'investissement dans le produit Keyplan Mortgage vendu par la Jyske qui disait que les intérêts payés par l'investissement seraient de l'ordre de 6 à 12 % pour payer les intérêts annuels du prêt. Cela ne s'est jamais réalisé il a fallu utiliser du capital. Calcul opéré sur un taux de 4 % : 95.698 €
3. Remboursement des honoraires du notaire : 3.969,67 euros.
4. Perte de valeur de la maison évaluée en 2006 à 900.000 € : 180.000 €
5. Perte des intérêts sur la dévaluation de la maison de 180.000 € à 4 % l'an pendant les six dernières années jusqu'au procès : 47.757 €.
6. Préjudice moral : 10.000 €
Total : 536.691,86 euros.
Dans cette hypothèse, condamner la Jyske Bank à payer à Monsieur X. la somme de 536.691,416 euros.
Le contrat n'ayant plus d'existence pour l'avenir, dire et juger que le compte entre les parties devra être effectué et une compensation devra être opérée tenant compte :
- des intérêts versés à ce jour par Monsieur X. à la Jyske Bank,
- de l'application d'un intérêt au taux légal,
- des dommages et intérêts qui lui seront octroyés du fait du préjudice qu'il a subi,
- de la perte d'investissement subi par Monsieur X.,
- du remboursement par la Jyske Bank des honoraires et frais payés au titre de l'acte authentique.
Si la cour ne prononce pas la résolution du contrat, le préjudice de Monsieur X. s'établit de la manière suivante :
1. Prêt - pertes encourues suite à la différence entre le prêt original et le prêt converti : 123.550 €.
2. Perte au niveau de l'investissement dans le produit Keyplan Mortgage vendu par la Jyske qui disait que les intérêts payés par l'investissement seraient de l'ordre de 6 à 12 % pour payer les intérêts annuels du prêt. Cela ne s'est jamais réalisé il a fallu utiliser du capital. Calcul opéré sur un taux de 4 % : 95.698 €
3. Remboursement des honoraires du notaire : 3.969,67 euros
4. Perte de valeur de la maison évaluée en 2006 à 900.000 € : 180.000 €
5. Perte des intérêts sur la dévaluation de la maison de 180.000 € à 4 % l'an pendant les six dernières années jusqu'au procès : 47.757 €.
6. Préjudice moral : 10.000 €
Total : 460.974,67 euros.
Dans cette dernière hypothèse, condamner la Jyske Bank à payer à Monsieur X. la somme de 460.974,67 euros.
Condamner la Jyske Bank à restituer à Monsieur X. sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir les investissements confiés.
En tout état de cause
Débouter la société Jyske Bank de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir :
- en première page du site Internet de la société Jyske Bank dans un encadré identique à ceux usuellement utilisés pour cette première page
- dans le journal quotidien Le Monde et Le Figaro
pendant la durée de six mois, et ce dans le mois de la signification de la présente décision.
Condamner la société Jyske Bank au paiement d'une somme de montant de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure et aux entiers dépens d'instance et d'appel, distraits au profit de Maître Myriam D. de la SCP D. & D., avocat aux offres de droit. »
[*]
L'instruction de l'affaire a été close le 3 septembre 2019.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la procédure :
1. Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Il ne sera donc pas statué sur l'application de l'article 1907 du code civil. En effet M. X. ne développe pas dans la discussion aucun moyen au soutien de sa demande de réformation du jugement en ce qu'il a dit que les dispositions des articles 1907 du code civil et L. 312-8 du code de la consommation ont été respectées et a débouté par conséquent M. X. de sa demande d'application de l'intérêts au taux légal.
2. En ce qui concerne l'étendue de l'appel incident, la Jyske Bank AS expose que dans ses écritures déposées dans le délai de deux mois qui lui était imparti par application des dispositions de l'article 909 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable à la présente instance, soit ses écritures transmises par RPVA le 21 août 2017, M. X. n'a pas formé appel à l'encontre du jugement déféré en ce qu'il avait :
- déclaré irrecevable la demande de déchéance du droit aux intérêts,
- déclaré irrecevable la demande de nullité de l'article 4 du contrat de prêt,
- débouté M. X. de sa demande de publication du jugement.
C'est pourquoi l'appelante sollicite que les demandes de réformation de M. X. de ces 3 chefs dans ses dernières écritures soient déclarées irrecevables.
En effet, une lecture précise des conclusions valant appel incident de M. X. reçues le 21 août 2017 dans le délai de 2 mois des conclusions de l'appelante en date du 21 juin 2017, confirme que celui-ci n'a pas formé appel incident de ces 3 dispositions du jugement attaqué.
Il en résulte que le rejet de la demande de publication est définitif.
Il en est de même de l'irrecevabilité pour prescription d'une part, de la demande de déchéance du droit aux intérêts fondée sur la violation du délai de réflexion, et d'autre part, de la demande de nullité de l'article 4 du contrat de prêt pour indétermination de son objet.
Sur le fond :
La clause 3 de l'offre de prêt du 1er juin 2006 accepté le 27 juin 2006, objet du présent litige, indique qu'il s'agit d'un prêt ordinaire qui est offert à M. X. exclusivement dans le but de dégager des liquidités en fonction de sa propriété située [...], et la clause 9 que le prêt est consenti à la condition que soit fourni une hypothèque de 1er rang sur cet immeuble.
Au regard de la définition du prêt immobilier donné par l'article L. 312-2 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date de l'acceptation de l'offre, il ne s'agit pas d'un prêt immobilier. Il s'agit d'un prêt certes hypothécaire, mais ordinaire.
M. X. explique, sans en justifier mais sans contestation de l'appelante, qu'une partie de la somme obtenue a été placée auprès de la Jyske Bank AS et qu'il lui avait été promis un rendement suffisamment élevé pour payer les intérêts du prêt et faire un bénéfice.
1. Sur l'obligation d'information :
L'offre de prêt objet du présent litige n'étant pas un prêt immobilier, le non-respect des dispositions des articles L. 312- 8 et L. 312-9 du code de la consommation dans leur rédaction applicable au 1er juin 2006 invoqué par M. X. à l'appui de sa prétention est sans emport.
Aux termes de l'article L. 111-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date de l'offre de prêt le 1er juin 2006, tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service.
Cette obligation d'information générale qui repose sur le professionnel et qui découle aussi des dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, s'applique au banquier qui fait une offre de prêt, que l'emprunteur soit averti ou pas.
Au titre de cette obligation générale, le banquier doit mettre son client en mesure d'apprécier les conséquences de son engagement.
L'offre de prêt du 1er juin 2006 était parfaitement éclairante dans la mesure où la clause 4 explicite parfaitement le mécanisme du taux variable puisqu'il y est précisé notamment :
- que le taux variable est égal au Jyske Bank Funding Rate qui est à 4,3750 % à la date de l'offre plus un taux fixe de 1,5 %,
- que le taux Jyske Funding Rate est le taux de financement permettant à la Banque d'obtenir un montant identique au prêt, dans la monnaie du prêt, pour la durée du prêt, sur les marchés interbancaires 2 jours ouvrables avant le premier jour de la période au cours de laquelle courront les intérêts,
- que la périodicité du remboursement est trimestriel,
- que le nombre d'échéances est de 80 dont 40 en remboursement d'intérêts seulement et 40 en remboursement d'intérêts et du capital,
- que le montant des échéances est en principal de 14.625 € ou son équivalent en une autre devise plus le montant des intérêts,
- que compte tenu de la formule de détermination du taux, le taux sera révisé à l'issue de chacune des périodes en fonction du taux Jyske Bank Funding Rate applicable à la date du terme de la période concernée.
La clause 7 ajoutait qu'un échéancier était annexé à l'offre de prêt, qu'il était établi sur la base du taux d'intérêts applicable à la date de l'offre et qu'il serait actualisé à la fin de chaque période en fonction de l'évolution du taux d'intérêts applicable.
Il suit de là que M. X. avait été parfaitement informé du mécanisme du taux variable, et il pouvait en déduire, sans avoir de compétences financières particulières, que le montant des intérêts pouvait augmenter ou baisser dans de forte proportion.
Quant à la variation possible du taux de change euro/franc suisse, et à ses conséquences sur le prêt, il est mathématiquement connu par tout investisseur normalement avisé. De plus, l'article 11 de l'offre de prêt intitulé « Variation des taux de change » était rédigé en des termes de nature à attirer l'attention de l'emprunteur sur la possibilité qu'ensuite de la variation du taux de change, le capital emprunté ne devienne excessif.
En effet cette clause prévoit que dans le cas où, en fonction des taux de change, l'endettement en cours viendrait à dépasser le montant de 444.000 livres sterling, soit la limite de Facilité Sterling, la banque serait autorisée, à son entière discrétion, à prendre tout ou partie des 3 mesures qui étaient ensuite énoncées.
M. X., de nationalité britannique, ne pouvait qu'être interpellé sur le montant de la Facilité Sterling, ou « stop loss » en terme boursier, qui était bien supérieur au capital emprunté en euro et qui informait donc du risques pris dès lors que le prêt était souscrit dans une devise étrangère.
Enfin et surtout, la Jyske Bank AS produit un courrier du 13 avril 2006, en anglais, dans lequel elle informe Monsieur X. que sa demande de prêt hypothécaire de 500.000 € a été acceptée en son principe et souligne d'une part, que le taux des intérêts étant variable, « une hausse du taux aura pour conséquence une augmentation du coût effectif ou des remboursements », d'autre part, qu'il avait la possibilité de procéder au tirage du prêt dans une autre devise, que s'il envisageait de souscrire son entrée dans une devise autre que celle dans laquelle ses revenus pour son patrimoine sont valorisés, il devait tenir compte du fait que les taux de change sont soumis aux fluctuations du marché et que « toute dépréciation de votre devise de base/revenus par rapport à la devise choisie pour votre prêt se traduira par une augmentation du coût de vos remboursements du prêt » et qu'« aussi la souscription d'un prêt dans une devise étrangère peut être considérée à « haut risque » ».
Il est aussi mentionné dans ce courrier : « Enfin, même si l'assurance-vie n'est pas une condition préalable à notre offre, vous devez bien réfléchir aux conséquences et à l'impact sur les revenus de votre ménage et à votre capacité de remboursement du prêt dans le cas où l'un de vous décéderait au cours de la durée du prêt. Nous vous recommandons fortement de songer à souscrire une assurance vie pour vous protéger à cet effet. »
La Jyske Bank AS démontre ainsi avoir rempli son obligation générale d'information.
2. Sur le défaut de mise en garde eu égard à l'endettement excessif :
L'article L 311-8 du code de la consommation qui énonce dans son alinéa 1 notamment que le prêteur ou l'intermédiaire de crédit fournit à l'emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, qu'il attire l'attention de l'emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement, a été créé par la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, est entré en vigueur le 1er mai 2011, et depuis son abrogation par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mai 2016, a été repris à l'article L. 312-14 du code de la consommation.
Ces dispositions n'ont fait qu'introduire dans la loi la jurisprudence antérieure selon laquelle le banquier est tenu à l'égard de l'emprunteur profane d'une obligation de mise en garde en cas de risque d'endettement excessif.
La Jyske Bank AS sur laquelle repose la charge de démontrer qu'elle a satisfait à cette obligation et ce avant l'acceptation de l'offre, soutient que M. X. serait un emprunteur averti comme étant expert maritime, travaillant au sein de la société Y. Consultants immatriculée dans l'Ile de Man, spécialiste dans la vente de yachts, conseillant ou étant intermédiaire de transactions internationales, et à ce titre, parfaitement au courant des mécanismes des taux de change.
En effet, si sur l'offre, il est indiqué que M. X., de nationalité britannique, est arpenteur principal, et en anglais, « principal surveyor », dans l'acte authentique, il est mentionné qu'il est expert maritime.
Au demeurant, M. X. qui se présente aujourd'hui comme retraité, ne conteste pas avoir été expert maritime.
Dès lors, dans le cadre de ses activités professionnelles où il a côtoyé des propriétaires fortunés de toutes nationalités, M. X. a acquis les connaissances financières et les compétences lui permettant d'appréhender les avantages et les risques d'un taux variable, y compris lorsque celui-ci n'est pas indexé sur un taux tel que le LIBOR, ainsi que les avantages et les risques liés à un prêt libéré en une monnaie étrangère.
La Jyske Bank AS n'avait donc pas d'obligation de mise en garde à l'égard de M. X., emprunteur averti.
Au surplus, les diverses opérations de conversion en euros effectuées à compter de juillet 2010 par M. X. démontrent qu'il suivait l'évolution de son prêt et surtout, qu'il avait parfaitement compris les mécanismes financiers mis en jeu et leurs conséquences.
Enfin, outre que la Jyske Bank AS conteste qu'elle soit soumise à une quelconque obligation de conseil, ni dans le dispositif de ses dernières écritures, ni même dans ses motifs, M. X. ne lui fait grief d'avoir enfreint à cette obligation. Il n'y a donc lieu d'envisager ce point.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a dit que la Jyske Bank AS n'avait pas respecté son devoir d'information et de conseil à l'égard de M. X., et en ce qu'il a condamné la Jyske Bank AS à lui payer la somme de 123.000 € à titre de dommage et intérêts en réparation de la perte de chance de contracter dans d'autres conditions, et il sera dit que la Jyske Bank AS n'a pas manqué à son obligation d'information, que M. X. est un emprunteur averti et que la Jyske Bank AS n'avait pas d'obligation de mise en garde à son égard.
3. Sur les clauses abusives :
L'article L. 132-1 alinéa 1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce (devenu depuis l'article L.212-1), énonce :
« Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
.....
Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.
Les clauses abusives sont réputées non écrites.
L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.
Les dispositions du présent article sont d'ordre public. »
Préalablement, il y a lieu d'écarter toute supputation sur l'article 2 du contrat qui est la définition de l'objet du contrat, soit un prêt de « 585 000 € ou l'équivalent à la date du tirage du prêt dans l'une des principales devises européennes, dollars américains ou yens japonnis » dont la nullité sur le fondement de l'article L. 132-1 ne peut être poursuivie, cette clause étant claire et compréhensible.
a. L'article 4 de l'offre de prêt qui s'intitule « Caractéristiques du prêt » est ainsi rédigé :
« Taux variable : égal au Jyske Bank Funding Rate* + 1,50 % points
(soit pour indication, à la date de la présente offre, un total de 4,3750 %)
* Le taux Jyske Funding Rate est le taux de financement permettant à la Banque d'obtenir un montant identique au prêt, dans la monnaie du prêt, pour la durée du prêt, sur les marchés interbancaires 2 jours ouvrables avant le premier jour de la période au cours de laquelle courront les intérêts.
Montant du prêt : 585.000 €,
Devise : Multi devise, initialement en euros
Durée du prêt : 20 ans
Type de prêt : Ordinaire
Périodicité du remboursement : trimestriel
Nombre d'échéances : 80 (40 en remboursement d'intérêts seulement et 40 en remboursement d'intérêts et du capital)
Montant des échéances : en principal, 14.625 € (ou son équivalent en une autre devise) + montant des intérêts
Compte tenu de la formule de détermination du taux, le taux sera révisé à l'issue de chacune des périodes en fonction du taux Jyske Bank Funding Rate applicable à la date du terme de la période concernée.
Taux conventionnel annuel : 4,3750 % annuel, pour un prêt en euros et au taux Jyske Bank Funding Rate à la date de la présente offre. Le taux sera modifié en fonction du taux Jyske Bank Funding Rate applicable à la date de tirage du prêt.
Evaluation du coût des garanties (en ce compris le montant des frais liés à la sureté visée à l'article 9 ci-dessous) : 9.050 €.
Intérêts et garanties : 396.155 €
Frais de dossier TTC : 750 €
Frais d'évaluations TTC : 1.000 €
Frais de gestion TTC : 3.000 € (estimation du total, en euros, des 25,00 livres sterling facturés à chaque échéance de paiement)
Coût total du prêt : 985.000 €.
Taux Effectif Global : 4,660 % annuel, pour un prêt en euros et au taux Jyske Bank Funding Rate à la date de la présente offre. Le taux sera modifié en fonction du taux Jyske Bank Funding Rate applicable à la date de tirage du prêt.
Taux Effectif Global de période : 1,140 %
Conformément aux dispositions de l'article L 313-1 du code de la consommation, le taux effectif global du prêt a été calculé en tenant compte ...Il est précisé que le prêt n'a pas donné lieu à souscription d'une assurance décès-invalidité par l'emprunteur. »
M. X. invoque que postérieurement à la signature de son contrat, la loi du 26 juillet 2013 entrée en vigueur le 1er janvier 2014, reprise à l'article L.313-64 du code de la consommation dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 25 mars 2016, a interdit les prêts libellés en devise autre que l'euro parce que de tels prêts libellés en devise étrangère « ne peuvent être qu'abusifs ».
Cependant, ces dispositions sont applicables aux prêts immobiliers. Or le prêt dont s'agit est un prêt hypothécaire ordinaire souscrit pour obtenir des liquidités, est libellé en euros et non en francs suisse, et dont les remboursements trimestriels sont aussi prévus en euros dans ledit article 4 repris ci-dessus.
Enfin et surtout, comme le fait valoir la Jyske Bank AS, cette clause 4 relève de l'objet principal du contrat de prêt souscrit par M. X. comme fixant une prestation essentielle caractérisant le contrat. Elle échappe donc aux dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation ci-dessus rappelées sauf si elle est insuffisamment claire et compréhensible.
Or d'évidence, cette clause 4 est claire et compréhensible. C'est pourquoi elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation applicable et ne peut être une clause abusive.
b. La clause 11 intitulée « Variation des taux de change » stipule :
« Pour le cas où, en fonction de la variation des taux de change, l'endettement en cours viendrait à dépasser le montant de 444.000 livres sterling (ci-après « la limite de Facilité Sterling »), la banque serait autorisée, à son entière discrétion, à prendre tout ou partie des mesures suivantes :
11.1 Convertir l'endettement en cours en sterling, au taux de change de la banque en vigueur le jour de la conversion,
11.2 Réaliser ou appeler, immédiatement et comme bon semble à la banque, tout ou partie de la sûreté placée auprès de la banque, et utiliser les montants ainsi obtenus pour compenser en partie l'endettement afin qu'il ne dépasse pas les limites de la Facilité Sterling,
11.3 Demander le remboursement immédiat d'une partie de l'endettement en cours d'un montant suffisant pour réduire cet endettement, après sa conversion en sterling au taux de change de la banque, à un montant qui ne soit pas supérieur à la limite de la Facilité Sterling.
Les droits et pouvoirs mentionnés ci-dessus peuvent être exercés par la banque, sans notification préalable et sans que vous ayez donné votre consentement, et sont exercés sans préjudice des autres droits de la banque mentionnés dans cette offre de prêt, des documents relatifs à la sûreté ou de la loi, y compris notamment le droit de demander, à tout moment, le remboursement immédiat et intégral de l'endettement.
Le taux de change applicable à toute transaction aux termes des présentes sera celui du fixing de la banque à la date de ladite transaction. »
Cette clause ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat de prêt, ni sur l'adéquation de la rémunération au service offert.
La faculté de conversion offerte à la banque est soumise à un seuil de déclenchement objectif, la limite de Facilité Sterling, fixée dans le contrat, qui ne dépend pas de la volonté de la banque. Cette faculté de conversion offerte à la banque constitue une modalité de gestion du risque bancaire corrélatif à la faiblesse des garanties prises.
Par ailleurs, cette faculté de conversion constitue la contrepartie de l'option initiale offerte à l'emprunteur de libérer le prêt dans la devise de son choix, notamment en vue de profiter des taux d'intérêt les plus avantageux, le choix du franc suisse ayant été dicté par la modicité du taux d'intérêts applicable aux emprunts en cette monnaie.
De plus, même si cela ne résulte pas expressément du contrat de prêt, les emprunteurs disposent de la faculté mentionnée dans les relevés (roll-over) qui leur sont adressés trimestriellement, de convertir les prêts tout au long de la durée d'amortissement, en euros ou en toute autre devise. Cette prérogative n'était donc pas unilatérale.
Enfin, la limite de Facilité Sterling qui est liée à l'augmentation du capital due à la variation du taux de change, donnée objective, ne s'impose qu'à la banque laquelle ne peut convertir qu'en livre sterling, alors que l'emprunteur peut convertir le prêt à tout moment et dans la devise de son choix.
Il s'ensuit que la faculté de conversion de l'endettement telle qu'instituée par l'article 11 du contrat au profit de la Jyske Bank AS, ne caractérise pas l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation applicable à l'espèce.
Aucun des autres articles de l'offre de prêt du 1erjuin 2006 n'appelle d'observation au regard des clauses abusives.
4. Sur la conversion en euro :
L'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-132 du 10 février 2016, énonce que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Alors que la clause 11 du contrat de prêt stipule que lorsque la Jyske Bank AS use de sa faculté de conversion celle-ci doit être faite en livre sterling, la conversion du 16 juin 2011 ordonnée à l'initiative de la banque, l'a été en euro.
À défaut d'accord express de l'emprunteur, la Jyske Bank AS a failli a son obligation contractuelle.
Au surplus, la Jyske Bank AS ne démontrait pas et ne démontre toujours pas que l'endettement de M. X. dépassait au 16 juin 2011 le montant de 444.000 livres sterling.
Toutefois, cette irrégularité dans l'exécution du contrat n'est pas de nature à entraîner sa résolution. Or M. X. ne sollicite pas, à titre subsidiaire, l'annulation de cette opération, mais uniquement des dommages et intérêts.
5. Sur la demande d'indemnisation de M. X. :
M. X. ne précise pas le préjudice matériel ou financier qu'il aurait pu subir du fait de cette conversion, alors que lui-même le 15 juin 2011 avait ordonné la conversion en euros de 100.000 CHF.
M. X. invoque plusieurs postes de préjudice qui sont sans rapport avec la faute contractuelle retenue par la Cour à l'encontre de la Jyske Bank AS.
Il en est ainsi de la perte résultant de la différence entre le prêt original et le prêt converti en euro, la perte de l'investissement Keyplan Mortgage, le remboursement des frais notariés alors qu'il n'y a ni annulation ni résolution du contrat de prêt, la perte de la valeur de la maison, la perte des intérêts sur la dévaluation de la maison.
Seul le préjudice moral pour non-respect des termes du contrat de prêt soit la conversion en euro au lieu de livre sterling, peut être indemnisé. Au regard des éléments du dossier, ledit préjudice moral en rapport avec la faute retenue sera indemnisé par l'allocation de la somme de 5.000 €.
M. X. sollicite aussi le remboursement sous astreinte des investissements effectués. Outre que cette demande est formulée de façon générale, sans aucune quantification, ni aucune pièce relative auxdits investissements, et fait en outre double emploi avec la demande d'indemnisation au titre de la perte des investissements Keyplan Mortgage, elle est sans lien avec la faute retenue à l'encontre de la Jyske Bank AS. L'intimé sera débouté de cette demande.
6. Sur la demande reconventionnelle de la Jyske Bank AS :
M. X. ayant cessé de payer les échéances, la Jyske Bank AS sollicite la somme de 259 112,04 € au titre des échéances d'intérêts et de capital échues arrêtées au 30 août 2019. La banque justifie de sa demande en produisant un relevé de compte. M. X. ne discute ni cette pièce, ni même le principe de sa dette résultant de l'exécution du contrat.
Il sera donc fait droit à cette demande.
Sur les autres demandes :
L'équité ne commande pas de faire bénéficier l'une ou l'autre des parties des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Chacune des parties conservera la charge de ses dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Déclare irrecevable comme tardif l'appel incident de M. X. en ce que le jugement déféré a déclaré irrecevable la demande de déchéance des intérêts et la demande de nullité de l'article 4 du contrat de prêt et a rejeté la demande de publication,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- dit que la Jyske Bank AS n'a pas respecté les termes du contrat de prêt en procédant le 16 juin 2011 à une conversion dans une monnaie différente de celle prévue par les parties,
- rejeté la demande de résolution du contrat de prêt,
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
Dit que la Jyske Bank AS n'a pas manqué à son obligation d'information,
Dit que M. X. est un emprunteur averti et que la Jyske Bank AS n'avait pas d'obligation de mise en garde à son égard,
Dit que le contrat de prêt ne comporte pas de clause abusive,
Condamne la Jyske Bank AS à payer à M. X. la somme de 5.000 € au titre de son préjudice moral,
Déboute M. X. de sa demande de restitution des investissements effectués,
Condamne M. X. à payer à la Jyske Bank AS la somme de 259.112,04 € au titre des échéances d'intérêts et de capital échues arrêtées au 30 août 2019,
Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
Dit n'y avoir lieu à application des articles 699 et 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie conservera la charge des frais et dépens par elle engagés.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 6017 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Notion d’objet principal
- 6021 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des contreparties : obligations secondaires
- 6024 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des prérogatives - Inégalité
- 6030 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Acceptation des clauses - Clauses offrant une option
- 6054 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Garanties d’exécution en faveur du professionnel
- 6619 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Taux d’intérêt et frais
- 9742 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier - Monnaie étrangère