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CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 28 mai 2020

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 28 mai 2020
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 5
Demande : 17/13136
Date : 28/05/2020
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 29/06/2017
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8438

CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 28 mai 2020 : RG n° 17/13136 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « La clause de résiliation du contrat à l'issue de chaque année ne peut être constitutive d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties dès lors que la SAS D. Restauration reconnaît que cette clause est usuelle dans les conventions, qu'elle a été négociée et que cette faculté de résiliation est accordée de manière similaire aux deux parties.

Il a été jugé qu'en l'espèce, la résiliation à titre conservatoire caractérisait une résiliation du contrat. Il a été retenu que la SAS D. Restauration l'avait comprise en ce sens comme le corroboraient les démarches qu'elle avait effectuées pour proposer un meilleur service ou des conditions financières plus attractives pour obtenir son renouvellement puis la proposition de signature d'un protocole d'accord pour régler les différends existant entre les parties.

Le fait que la SAS D. Restauration ait de sa propre initiative présenté des propositions à la SAS HPM pour tenter d'obtenir à l'issue du premier contrat dont elle avait intégré la résiliation au 31 décembre 2014, le renouvellement de celui-ci, ne peut constituer un déséquilibre significatif du fait que la SAS HPM est en définitive la seule décisionnaire. En effet, une telle situation relève de la liberté de négociation contractuelle et non de l'exécution du contrat. »

2/ « L'examen d'un déséquilibre doit être évalué en fonction de l'économie du contrat et non au vu de la seule clause litigieuse. En conséquence, il est insuffisant de prétendre que cette clause ne comporte aucune contrepartie. Il résulte du contrat que des dispositions précises ont été prises relatives à la fixation du prix et au maintien d'une fréquentation minimale contractuelle avec l'existence d'une clause de sauvegarde.

Aux termes de cette clause de l'article 10, il est mentionné que « si au cours de l'exécution du présent contrat et ses éventuels avenants, son équilibre financier et/ou son économie se trouvaient déséquilibrés, les parties conviennent de se rencontrer afin de réexaminer ensemble les conditions contractuelles et de trouver une solution commune au rééquilibrage financier et/ou économique du contrat. »

Cette clause démontre que les clauses du contrat ont été discutées et étaient susceptibles d'être revues et que l'économie du contrat a été prise en compte notamment afin de permettre à la SAS D. Restauration de bénéficier d'un taux de fréquentation contractuelle.

Lors de l'élaboration du protocole d'accord, cette clause n'a pas été remise en cause par la SAS D. Restauration dans son principe.

Il n'est pas démontré que cette clause aurait été imposée à la SAS D. Restauration et constituerait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties alors que la lecture de la convention dans sa globalité établit que chaque clause participe à l'équilibre économique du contrat. La SAS D. Restauration sera déboutée de sa demande de ce chef ;

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la SAS D. Restauration à payer à ce titre la somme de 58.899 euros au titre de l'année 2014 en tenant compte du chiffre d'affaires duquel a été déduite la remise pour sur fréquentation. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 5

ARRÊT DU 28 MAI 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/13136 (22 pages). N° Portalis 35L7-V-B7B-B3UVH. Décision déférée à la cour : jugement du 30 mai 2017 - Tribunal de Commerce de LILLE - RG n° 2015018401.

 

APPELANTE :

SASU D. RESTAURATION

Ayant son siège social [adresse], [...], N° SIRET : XXX, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Véronique DE LA T., avocat au barreau de PARIS, toque : K148, Ayant pour avocat plaidant Me Robert L., avocat au barreau de LILLE substitué à l'audience par Maître Antoine S., avocat au barreau de LILLE

 

INTIMÉE :

SAS HPM HOPITAL PRIVÉ MÉTROPOLE

Ayant son siège social [adresse], [...], N° SIRET : YYY, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Jean-Michel G., avocat au barreau de PARIS, toque : P0544, Ayant pour avocat plaidant Maître Stéphane M., avocat au barreau de LILLE

 

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 septembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre, chargée du rapport et Mme Christine SOUDRY, conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre, Madame Christine SOUDRY, conseillère, Madame Camille LIGNIERES, conseillère, qui en ont délibéré. Un rapport a été présenté à l'audience par Mme Marie-Annick PRIGENT dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Hortense VITELA-GASPAR

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Marie-Annick PRIGENT, Présidente de Chambre et par Mme Hortense VITELA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La SAS D. Restauration est une entreprise de restauration collective dont l'implantation est nationale.

Le groupe Hôpital Privé Métropole (ci-après HPM) regroupe dans la métropole lilloise dix établissements de soins et un EHPAD, établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. La SAS HPM est la holding du groupe HPM.

Par un contrat en date du 20 juillet 2010, la SAS HPM a confié à la SAS D. Restauration la gestion du service de restauration d'une douzaine d'établissements. Ce contrat a été conclu pour une durée ferme de 3 ans, prenant effet à compter du 1er octobre 2010.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 janvier 2013, la SAS HPM a résilié à titre conservatoire le contrat signé le 20 juillet 2010.

Les parties ont prorogé par avenant le terme du contrat cadre pour le repousser du 30 septembre au 31 décembre 2013.

Le 30 septembre 2013, la société HPM a lancé une procédure d'appel d'offres pour ses prestations de restauration et en a avisé la SAS D. Restauration.

La SAS D. Restauration a émis ses offres, reçues par les services de la SAS HPM le 24 septembre 2013.

Le 2 octobre 2013, la SAS HPM a transmis à la SAS D. Restauration le cahier des charges général de la consultation et le 22 octobre 2013 le cahier des dispositions particulières.

Par contrat conclu le 7 janvier 2014 avec prise d'effet au 1er janvier 2014, la SAS HPM a confié à la SAS D. Restauration la restauration des patients et résidents, du personnel et des accompagnants dans neuf établissements pour une durée ferme d'une année.

Le contrat était renouvelable au maximum trois fois par tacite reconduction pour des périodes de même durée et à durée indéterminée à l'issue de la dernière période.

Chacune des parties avait la possibilité de faire cesser les effets du contrat à la fin de chaque période à la condition expresse de prévenir l'autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception moyennant le respect d'un préavis de quatre mois avant l'échéance de la période concernée.

Une résiliation à titre conservatoire a été notifiée par la SAS HPM, le 25 août 2014.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 17 octobre 2014, la SAS HPM a informé la SAS D. Restauration de sa décision définitive de mettre un terme au contrat à compter du 31 décembre 2014.

Les 10 décembre 2014 et 5 janvier 2015, la SAS D. Restauration a mis en demeure la SAS HPM de procéder à l'apurement complet de la créance dont elle était débitrice.

La SAS D. Restauration a assigné la SAS HPM à comparaître en référé aux fins de la voir condamner au paiement par provision de la somme de 562.131,55 euros au titre des prestations impayées outre les pénalités et intérêts de retard. La SAS HPM a procédé au règlement partiel de la créance et a contesté le surplus.

Par ordonnance du 26 février 2015, le juge des référés a désigné Monsieur Z. pour procéder par voie de conciliation entre les parties si possible à la négociation d'un protocole manifestant l'accord intervenu.

Par procès-verbal du 8 mai 2015, ce dernier a constaté l'absence de conciliation entre les parties et l'affaire est revenue à l'audience du 28 mai 2015.

Par ordonnance du 2 juillet 2015, le président du tribunal de commerce de Lille a constaté que le contrat a été résilié à l'initiative de la SAS HPM par courrier du 17 octobre 2014, a considéré qu'il existait des contestations sérieuses entre les parties, tant sur les frais fixes que sur la fréquentation et le montant des RFA, et a renvoyé à se pourvoir devant le juge du fond.

Par acte en date du 17 novembre 2015, la SAS D. Restauration a fait assigner la SAS HPM devant le tribunal de commerce de Lille Métropole aux fins de la voir condamnée au paiement de la somme de 293.333,11 euros au titre des prestations impayées correspondant aux factures émises et prestations honorées pour le mois de décembre 2014 et de la somme de 1.756.521 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Le 17 décembre 2015, la société Générale de santé a fait l'acquisition du groupe HPM.

Par jugement du 30 mai 2017, le tribunal de commerce de Lille a :

- débouté la société D. Restauration de sa demande de retrait des débats du projet d'accord transactionnel produit aux débats ;

- condamné la société HPM à payer à la société D. Restauration la somme de 293.333,11 euros au titre des prestations impayées correspondant aux factures émises et au paiement des intérêts de retard selon le taux d'intérêt appliqué par la B.C.E. à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points de pourcentage sur chacune des factures impayées à dater de la date de résiliation du contrat au 31.12.2014 ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1.720 euros ;

- débouté la société D. Restauration de sa demande de rupture en violation du préavis contractuel et dit valable et régulière la résiliation du contrat par HPM le 25.08.2014 ;

- condamné la société D. Restauration à payer à la société HPM les sommes suivantes :

- Remise au titre de la sur-fréquentation : 260.337,00 euros ;

- Remise de fin d'année : 58.899,00 euros ;

- Provision pour congés payés : 80.898.02 euros ;

- ordonné à la société HPM de restituer à la société D. restauration une partie du matériel pour une somme de 28.900 euros ;

- condamné la société HPM à payer à la société D. Restauration la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision nonobstant appel et sans caution ;

- condamné la société HPM aux dépens, taxés et liquidés à la somme de 81,12 euros (en ce qui concerne les frais de greffe).

Par déclaration du 29 juin 2017, la SAS D. Restauration a interjeté appel de ce jugement en ce qu'elle a été déboutée de sa demande en indemnisation au titre de la rupture des relations contractuelles et a été condamnée au paiement de la somme de 260.337 euros au titre de la surfréquentation, 58.899 euros au titre de la remise de fin d'année et 80.898,02 euros au titre de la provision pour congés payés.

La SAS HPM a interjeté appel incident de la décision sur les points sur lesquels le tribunal n'a pas fait droit à ses demandes.

[*]

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 28 août 2019, la SAS D. Restauration demande à la cour de :

Vu le contrat conclu entre la société D. Restauration et la SAS HPM,

Vu les dispositions de l'article 1134 du code civil,

Vu les dispositions de l'article L. 442-6 et suivants du code de commerce,

Vu l'article D. 442-3 du code de commerce,

Vu les dispositions des articles 1108 et suivants du code civil,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer partiellement le jugement rendu le 29 juin 2017 par le tribunal de commerce de Lille – Métropole ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

- ordonner le retrait des débats du projet de protocole d'accord produit aux débats par HPM ;

- dire et juger que le contrat conclu avec la société D. Restauration a été rompu par la société HPM en violation du préavis contractuel ;

- dire et juger que le contrat conclu entre les sociétés Dupont Restauration et HPM a donc fait l'objet d'une reconduction tacite pour une année ;

- condamner en conséquence la société HPM à réparer l'intégralité du préjudice subi par la société D. Restauration et à lui régler de ce chef la somme de 1.756.521 euros correspondant à la perte de marge brute annuelle que la société D. Restauration était en droit d'espérer ;

- dire et juger que les articles 10 et 12 du contrat de restauration conclu entre Dupont-Restauration et HPM sont nuls et de nul effet ;

- débouter en conséquence la société HPM de ses demandes en paiement relatives au titre de la remise pour sur fréquentation et de la remise de fin d'année ;

- ordonner à la société HPM de restituer à la société D. Restauration le matériel pour une somme de 54.038 euros ;

- débouter la société HPM de sa demande en paiement relative aux investissements non réalisés ;

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la société HPM est responsable d'une rupture brutale et abusive des relations commerciales qu'elle entretenait avec la société D. Restauration ;

- condamner en conséquence la société HPM à réparer l'intégralité du préjudice subi par la société D. Restauration et à lui régler de ce chef :

- la somme de 1.756.521 euros en réparation de son préjudice commercial, correspondant à la perte de marge brute sur le chiffre d'affaires que la société D. Restauration aurait réalisé pendant le préavis qui aurait dû lui être accordé,

- la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice moral subi par la société D. Restauration à raison du caractère vexatoire de la résiliation.

A titre très subsidiaire,

- dire et juger que la société HPM, par sa résiliation « à titre conservatoire » du 25 août 2014 a soumis la société D. Restauration à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, lequel, a généré une rupture brutale et abusive des relations commerciales ;

- condamner en conséquence la société HPM à réparer l'intégralité du préjudice subi par la société D. Restauration et à lui régler de ce chef :

- la somme de 1.756.521 euros en réparation de son préjudice commercial, correspondant à la perte de marge brute sur le chiffre d'affaires que la société D. Restauration aurait réalisé, pendant le préavis qui aurait dû lui être accordé ;

- la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice moral subi par la société D. Restauration à raison du caractère vexatoire de la résiliation ;

En tout état de cause,

- débouter la société HPM de sa demande en paiement partiel des sommes perçus en contrepartie des opérations de maintenance ;

- débouter la société HPM de sa demande en paiement au titre des indemnités retraite ;

- débouter la société HPM de sa demande en réparation de son préjudice ;

- débouter la société HPM de sa demande de report du point de départ des intérêts moratoires ;

- débouter la société HPM de l'ensemble de ses autres demandes indemnitaires comme non fondées ;

- en tout état de cause, condamner la société HPM au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société HPM aux entiers dépens.

[*]

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 3 septembre 2019, la SAS Hôpital Privé Métropole demande à la cour de :

Vu le contrat régularisé le 7 janvier 2014,

Vu la faculté de résiliation moyennant un préavis de 4 mois,

Vu l'échéance au 31 décembre 2014,

Vu la mise en jeu de la clause de sauvegarde le 5 juin 2014,

Vu la résiliation à titre conservatoire du 25 août 2014,

Vu la confirmation de cette résiliation le 17 octobre 2014,

Vu les jurisprudences validant les résiliations à titre conservatoire,

Sur l'appel principal,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce en ce qu'il a débouté la société D. Restauration de ses demandes en paiement de dommages-intérêts, à titre principal, pour résiliation non conforme au contrat et à titre subsidiaire, pour rupture brutale de relations commerciales établies ;

- rejeter la demande de retrait du projet de protocole d'accord ;

A titre principal,

- dire et juger valable et régulière la résiliation à titre conservatoire notifiée par la société HPM le 25 août 2014,

- dire et juger que la société HPM a respecté le délai contractuel de résiliation prévu entre les parties,

- constater la défaillance de la société D. Restauration à communiquer des éléments susceptibles d'établir son taux de marge, ainsi que son préjudice,

En conséquence,

- débouter la société D. Restauration de sa demande en paiement d'une indemnité, ainsi que de sa demande en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait d'une rupture irrégulière du contrat,

A titre subsidiaire,

Vu l'absence de caractère brutal de la rupture,

Vu l'ancienneté des relations remontant au 7 janvier 2014,

Vu les possibilités de réorganisation de la société D. Restauration,

Vu le caractère ouvert du marché,

Vu l'absence de dépendance,

- dire et juger que les relations que la société HPM et la société D. Restauration entretenaient ne peuvent remonter qu'au 7 janvier 2014, c'est-à-dire au premier contrat signé après la mise en concurrence de la société D. Restauration avec d'autres concurrents ;

- dire et juger qu'il n'y a eu aucune rupture brutale ;

- dire et juger qu'au regard de l'ancienneté très relative de la relation des parties, et des possibilités de réorganisation, le délai de préavis qui a commencé le 5 juin 2014 si on retient la date de mise en jeu de la clause de sauvegarde qui a cristallisé les désaccords entre les parties ou le 25 août 2014, date de la résiliation, était suffisant ;

En conséquence,

- débouter la société D. Restauration de sa demande en indemnisation d'une prétendue rupture abusive ;

- constater la défaillance de la société D. Restauration à communiquer des éléments susceptibles d'établir son taux de marge ;

En conséquence,

- débouter de plus fort la société D. Restauration de sa demande d'indemnisation ;

- dire et juger que les factures dues par la société HPM porteront intérêts à compter de la décision d'appel ;

Sur les demandes reconventionnelles de la société HPM,

- condamner la société D. Restauration à payer à la société HPM Nord les sommes suivantes :

- Remise due au titre de la surfréquentation : 260.337 euros HT,

- Remise contractuelle de fin d'année : 64.106 euros HT,

- Investissements non réalisés : 45.091,24 euros HT,

- Maintenance non réalisée : 56.529,26 euros HT,

- Provision pour retraite : 53.413 euros,

- Provision pour congés payés : 80.898,02 euros,

Vu les multiples désagréments subis,

- condamner la société D. Restauration à payer à la société HPM la somme de 500.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- condamner la société D. Restauration à payer à la société HPM la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société D. Restauration aux entiers frais et dépens.

[*]

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 septembre 2019.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande de la société D. Restauration d'écarter le protocole d'accord qu'elle a rédigé, communiqué et versé aux débats :

La société D. Restauration expose que :

- le protocole transactionnel non signé ne comporte aucune concession et n'a pas de valeur probatoire ;

- ce projet de protocole doit être écarté des débats en vertu du principe de loyauté de la preuve et de l'obligation de confidentialité des négociations ;

La société HPM répond que :

- le protocole d'accord qu'elle a rédigé, communiqué et versé aux débats prévoit expressément en son article 6 qu'il pourra être librement utilisé en justice ;

- la SAS D. Restauration n'explique pas en quoi la communication du protocole d'accord qu'elle a rédigé, régulièrement communiqué à la SAS HPM et qui pouvait librement être produit en justice constituerait une preuve obtenue déloyalement ;

[*]

Les parties doivent respecter la confidentialité des informations diffusées au cours de négociations même si cette disposition n'était pas inscrite dans la loi antérieurement à 2016.

Cependant, en l'espèce, les parties au protocole ont entendu dans certaines circonstances, déroger à ce principe.

Une clause de confidentialité a été insérée dans le projet de protocole aux termes de laquelle les parties s'engageaient à ne pas le produire ni en faire état devant un tiers sans l'autorisation préalable expresse et écrite de l'autre partie, à l'exception des productions nécessaires à tout contrôle réglementaire, légal, fiscal ou son utilisation en justice.

Le tribunal a indiqué sans être démenti, que « cette pièce a été communiquée dans le cadre de l'assignation en référé sans soulever d'opposition particulière. Le juge des référés, dans les motivations du jugement du 02.07.2015, a pu s'appuyer sur ce protocole utile à la compréhension du litige. » Le tribunal relève que dans la présente procédure, la SAS D. Restauration reprend elle-même dans son « bordereau récapitulatif des pièces versées aux débats », le « projet de protocole transactionnel. »

Si le protocole n'a pas été signé, sa production en justice a néanmoins eu lieu du fait de la SAS D. Restauration ; celle-ci n'est donc pas fondée à faire obstacle à la production de ce document devant la cour d'appel dans une instance n'intéressant que les parties au projet de protocole.

Le jugement sera confirmé en ce que le tribunal a jugé que le protocole d'accord ne devait pas être écarté des débats.

 

Sur l'indemnisation de la société D. Restauration à raison de la résiliation fautive du contrat par la SAS HPM :

La SAS D. Restauration soutient que :

- la SAS HPM a procédé à une résiliation en violation des dispositions contractuelles ;

- la SAS HPM l'a informée officiellement de la résiliation du contrat par lettre recommandée du 17 octobre 2014 et n'a pas respecté le préavis prévu à l'article 2 du contrat et engage sa responsabilité contractuelle ;

- la résiliation « à titre conservatoire » du 25 août 2014 n'a aucune valeur juridique en ce qu'elle n'est pas prévue par le contrat et n'est ni claire ni non équivoque ;

- la résiliation à titre conservatoire est équivoque et suivie d'une confirmation et ne devrait pas produire d'effets juridiques ;

- l'accusé de réception de rupture à titre conservatoire ne peut s'analyser en une acceptation ;

La SAS HPM doit indemniser la SAS D. Restauration pour le non-respect du délai de préavis à hauteur du montant des prestations qui auraient été effectuées jusqu'au terme du contrat, soit la marge brute correspondante à une année de prestation supplémentaire en l'espèce du fait de la reconduction tacite ;

La SAS HPM réplique que :

- une première résiliation à titre conservatoire est intervenue le 17 janvier 2013, sans susciter aucune contestation ou réserve de la part de la SAS D. Restauration ; cette dernière en a admis la validité juridique en signant un avenant pour couvrir la période de négociation postérieure à la résiliation ;

- la sécurité juridique et les obligations de loyauté et de bonne foi justifient qu'un cocontractant ne puisse admettre la validité d'une résiliation à titre conservatoire une année et soulever sa nullité l'année suivante ;

- la SAS D. Restauration n'a jamais contesté la résiliation effectuée à titre conservatoire et en a accusé réception ; elle a intégré cette dénonciation dans ses échanges et a sollicité une prolongation du contrat ;

- la résiliation à titre conservatoire est non équivoque : elle n'a jamais suscité d'interrogation de l'appelante, a été acceptée, intégrée et a suscité une demande de prolongation du contrat ;

- la SAS HPM a donc résilié le contrat le 25 août 2014, soit plus de 4 mois avant l'expiration du contrat, délai de rigueur prévu par celui-ci ;

- l'appelante a manqué à son obligation d'agir de bonne foi en n'avisant pas sa cocontractante qu'elle n'acceptait plus le mode de résiliation à titre conservatoire ;

- la SAS D. Restauration a souhaité repousser les négociations ;

- l'appelante ne prouve pas son préjudice et devra être déboutée : elle produit des tableaux sans justificatif.

[*]

En application de l'article 1134 code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Par contrat de prestations de restauration en date du 20 juillet 2010, la SAS HPM a confié à la SAS D. Restauration la gestion de prestations de restauration de plusieurs cliniques et d'un EHPAD.

En vue de l'échéance de ce premier contrat en date du 30 septembre 2013, la société HPM a souhaité ouvrir à la concurrence ses prestations de restauration et a lancé une procédure d'appel d'offres dont la SAS D. Restauration a été avisée par courrier en date du 15 janvier 2013.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 17 janvier 2013, la société HPM a résilié à titre conservatoire le contrat signé le 20 juillet 2010.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 17 octobre 2013, la société HPM a indiqué que son courrier de résiliation à titre conservatoire en date du 17 janvier 2013 concernait tous les sites du Groupe HPM NORD et que le contrat de la Clinique du VAL DE LYS également concerné se terminerait à la date du 31 mai 2014.

L'appel d'offres a abouti à la signature d'un nouveau contrat le 7 janvier 2014 entre la SAS D. Restauration qui a été choisie et la SAS HPM relatif à six cliniques et à une polyclinique.

L'article 2.1 du contrat de prestations de restauration en date du 7 janvier 2014 stipule que 'le contrat a été conclu pour une période ferme d'une année, et prendra fin le 31 décembre 2014 après le dernier service.

Cette période initiale est renouvelable au maximum 3 fois par tacite reconduction à l'issue de chaque période pour des périodes de même durée.

Chacune des parties a la possibilité de faire cesser les effets du contrat à la fin de chaque période à la condition expresse de prévenir l'autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception, moyennant le respect d'un préavis de 4 mois, avant l'échéance de la période concernée.'

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 25 août 2014, la SAS HPM a résilié le contrat de la manière suivante : « par la présente nous vous informons que nous souhaitons résilier à titre conservatoire le contrat de prestation de restauration qui nous lie pour l'ensemble des sites du groupe HPM. »

Pour être valide, la résiliation doit être expresse, dépourvue d'ambiguïté et ne pas suggérer que le contrat est susceptible de se poursuivre.

Le courrier envoyé fait part d'une résiliation à titre conservatoire en respectant le délai de préavis de quatre mois, la durée de la convention étant d'un an.

L'emploi de l'adjectif conservatoire ne peut être ambigu pour la SAS D. Restauration qui deux ans plus tôt a reçu une résiliation similaire. De plus, le contrat prenait fin au 31 décembre 2014 et la résiliation ne pouvait intervenir qu'à cette date.

Par courrier du 29 août 2014 en réponse, la SAS D. Restauration proposait à son cocontractant une évolution financière et contractuelle « de manière à intégrer la dénonciation conservatoire » et précisait qu'à défaut d'accord sur ces bases, elle appliquerait strictement les stipulations contractuelles et les tarifs actuels jusqu'à l'échéance du 31 décembre 2014.

Suite à la résiliation, la société D. Restauration ne conteste pas avoir sollicité une prolongation du contrat après l'échéance du 31 décembre 2014 et ce jusqu'au 30 juin 2015.

La société D. Restauration ayant présenté des propositions financières et de réorganisation pour tenter d'obtenir une reconduction du contrat, le terme « résiliation à titre conservatoire » ne présentait pour la SAS D. Restauration aucune incertitude sur le sort du contrat.

La SAS D. Restauration ne peut davantage tirer argument de l'envoi d'un courrier en date du 17 octobre 2014 par la SAS HPM qui confirmait la résiliation du contrat au 31 décembre 2014 par une reprise en gestion directe du service de restauration au 1er janvier 2015. Ce second courrier ne peut constituer le point de départ du préavis contractuel alors même que la SAS D. Restauration a transmis au mois de décembre 2014 à la SAS HPM un protocole d'accord daté du 11 décembre 2014 et aux termes duquel les parties entendaient solder définitivement les différends les opposant à la suite de la résiliation du contrat en cours, laquelle n'était pas discutée.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce que le tribunal a jugé que le contrat avait été régulièrement résilié.

 

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies ;

La SAS D. Restauration fait valoir que :

- les parties entretenant des relations commerciales pendant plus de quinze ans, un préavis de 12 mois aurait dû être respecté nonobstant l'existence d'un délai de préavis plus bref dans le contrat, conformément aux dispositions légales de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce relatives à la rupture des relations commerciales établies ;

- la SAS D. Restauration entretenait depuis 1999 des relations commerciales avec les cliniques du Groupe HPM ;

-doit être pris comme point de départ de la relation entre les SAS HPM et Dupont Restauration, la date de la conclusion du premier contrat entre cette dernière et la clinique appartenant à HPM, soit le 1er juillet 1999, dès lors que HPM entendait s'inscrire dans la continuité des relations contractuelles antérieurement nouées ;

- comme le précise l'article 2.1 du dernier contrat régularisé, la relation commerciale avait vocation à perdurer jusqu'en 2017. L'article 14 prévoyait la mise en place d'investissements importants amortissables de façon linéaire sur quatre années ;

- la seule existence d'une procédure d'appel d'offres ne permet pas de conclure à la précarité des relations commerciales ;

- la SAS HPM ne démontre pas en quoi les manquements allégués à l'encontre de la SAS D. Restauration étaient d'une gravité telle qu'ils justifiaient le non-respect du préavis légal ;

- Dupont Restauration a subi un préjudice moral, à savoir un déficit d'image du fait de la perte de son client renommé dans la région d'implantation historique de Dupont Restauration.

La SAS HPM fait valoir que :

- la relation commerciale ne peut remonter qu'au 7 janvier 2014, date du premier contrat signé après la mise en concurrence de la SAS D. Restauration avec d'autres concurrents ;

- le regroupement capitalistique des différentes cliniques du groupe ne peut anéantir l'autonomie de leurs personnes morales et établir une solidarité entre elles ;

- un premier contrat avec la SAS HPM a été signé le 20 juillet 2010 et résilié à titre conservatoire le 17 janvier 2013 afin de lancer une procédure d'appel d'offres ;

- l'acceptation d'une procédure d'appel d'offres prive les relations commerciales de toute permanence garantie excluant la qualification de relations commerciales établies ;

- la rupture n'était ni imprévisible, ni soudaine, ni violente : elle a été précédée de la mise en œuvre de la clause de sauvegarde, de l'annonce de la résiliation à titre conservatoire et de diverses réunions ;

- la SAS D. Restauration ne peut se prévaloir d'un contrat d'une année ayant vocation à perdurer dès lors qu'elle a accepté la mise en concurrence liée à l'appel d'offres.

[*]

L'article L. 442-6-I-5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas.

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

En l'espèce, un contrat ayant été régularisé le 20 juillet 2010 pour une durée d'un an, avec prise d'effet au 1er octobre 2010 puis résilié à titre conservatoire le 17 janvier 2013 au profit d'une procédure d'appels d'offres régulière, la SAS D. Restauration a eu connaissance à compter de cette date du caractère désormais précaire des relations commerciales existant avec la SAS HPM quelle que soit la durée des relations antérieures.

De plus, postérieurement à la première résiliation qui a eu lieu le 30 décembre 2013 la SAS D. Restauration a bénéficié d'une année supplémentaire de relations commerciales qu'elle savait nécessairement précaires puisque le nouveau contrat avait été signé dans le cadre d'un appel d'offres à terme fixe d'une année renouvelable maximum trois fois ce qui démontre la précarisation de la relation.

Le jugement sera confirmé en ce que le tribunal a débouté la SAS D. Restauration de ses demandes à ce titre.

 

Sur le déséquilibre significatif dans les droits et obligations résultant de la pratique de la « résiliation à titre conservatoire » :

La société D. Restauration allègue que le recours à la résiliation à titre conservatoire constitue un moyen de la soumettre ou de tenter de la soumettre à une obligation créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;

La SAS HPM réplique que :

- l'appelante ne justifie pas en quoi la résiliation à titre conservatoire admise par la jurisprudence aurait créé un déséquilibre significatif ;

- la clause résolutoire n'avait pas de caractère abusif dans la mesure où la faculté de résiliation était ouverte aux deux parties ;

[*]

Cet article dispose :

L'article L. 442-6-I-2° du code du commerce énonce que « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

2° de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

La clause de résiliation du contrat à l'issue de chaque année ne peut être constitutive d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties dès lors que la SAS D. Restauration reconnaît que cette clause est usuelle dans les conventions, qu'elle a été négociée et que cette faculté de résiliation est accordée de manière similaire aux deux parties.

Il a été jugé qu'en l'espèce, la résiliation à titre conservatoire caractérisait une résiliation du contrat. Il a été retenu que la SAS D. Restauration l'avait comprise en ce sens comme le corroboraient les démarches qu'elle avait effectuées pour proposer un meilleur service ou des conditions financières plus attractives pour obtenir son renouvellement puis la proposition de signature d'un protocole d'accord pour régler les différends existant entre les parties.

Le fait que la SAS D. Restauration ait de sa propre initiative présenté des propositions à la SAS HPM pour tenter d'obtenir à l'issue du premier contrat dont elle avait intégré la résiliation au 31 décembre 2014, le renouvellement de celui-ci, ne peut constituer un déséquilibre significatif du fait que la SAS HPM est en définitive la seule décisionnaire. En effet, une telle situation relève de la liberté de négociation contractuelle et non de l'exécution du contrat.

Le jugement sera confirmé en ce que le tribunal a débouté la SAS D. Restauration de ses demandes de ce chef.

 

Sur les demandes reconventionnelles de la SAS HPM :

Sur la remise réclamée par HPM au titre de la sur-fréquentation : 260.337 euros HT :

La société D. Restauration fait valoir que :

- la clause de sauvegarde doit être annulée car obtenue au moyen de manœuvres consistant à sous-estimer volontairement le nombre de repas à livrer lors de l'appel d'offres ;

- le tribunal a fait une mauvaise appréciation de la commune intention des parties lors de la négociation contractuelle en retenant que les parties ont déterminé d'un commun accord une valeur moyenne de tous types de repas servis ;

- la clause n'est pas conforme à l'économie générale du contrat ;

- la SAS D. Restauration n'a pas consenti à cette clause en connaissance de cause dans la mesure où elle engendre des conséquences financières négatives particulièrement importantes pour celle-ci ;

- la SAS HPM a manqué à son obligation de négocier de bonne foi et d'information sincère en communiquant dans son appel d'offres des prévisions erronées ;

- le consentement de la SAS D. Restauration a été vicié lors de la conclusion du contrat ;

- les parties auraient conclu le contrat même en l'absence de la clause litigieuse de sorte que le contrat peut être maintenu dans ses autres dispositions malgré la nullité de la clause litigieuse ;

La SAS HPM réplique que :

- par LRAR du 31 juillet 2014, la SAS D. Restauration a reconnu l'existence d'un trop perçu pour l'année 2014 de l'ordre de 170.000 euros ;

- les parties avaient prévu qu'une remise interviendrait en cas de variation supérieure à 7,5 % du nombre de repas annuel de base et avaient convenu de sa formule de calcul ;

- la SAS HPM n'a pas commis de manœuvres de sous-estimation de la fréquentation ;

- l'économie du contrat n'a pas été bouleversée ;

[*]

Le coût du repas a été fixé contractuellement sur la base d'une fréquentation de 536.845 repas.

Il a été prévu une remise en cas de variation du nombre de repas supérieure à 7,5 % du nombre de repas annuel de base.

Ces dispositions ont été expressément prévues au contrat ; par courriel du 31 décembre 2013, la SAS D. Restauration présentait à la SAS HPM le projet de contrat incluant la clause de sauvegarde actualisée avec la base contractuelle de 536.845 repas par an fondée sur le nombre de repas de novembre 2012 à octobre 2013, en continuité de la grille communiquée dans le cahier des charges.

La SAS D. Restauration n'est pas fondée à alléguer que la SAS HPM aurait volontairement sous-estimé le nombre de repas pour bénéficier de cette clause alors que l'article 10 du contrat stipule que « les parties conviennent d'une prise de risque commune jusqu'à + ou -7,5%. Donc entre - 7.5 et + 7,5 du nombre de repas effectifs annuels, les prix sont fermes et définitifs. Ainsi, la facturation ou la remise complémentaire n'intervient qu'en cas de variation supérieure à 7,5 % du nombre de repas annuels de base. »

Le mode de calcul de la remise est mentionné précisément au contrat.

L'emploi du terme « prise de risque commune » signifie que la clause a été discutée entre les parties et qu'un accord a été conclu avec une prise de risque partagée par rapport à un faible pourcentage d'augmentation de la prestation.

Par courriel du 3 janvier 2014, la SAS D. Restauration écrivait à la SAS HPM :

« Nous avons réécrit la clause de sauvegarde pour une compréhension et une application simplifiée. Le calcul en global est plus cohérent avec le contrat cadre puisque nous nous engageons réciproquement sur un volume global. Ainsi une valeur d'incompressibilité pondérée a été calculée (moyenne pondérée des frais fixes incompressibles par site) pour obtenir 1,95 € HT. Pour répondre à votre problématique de la répartition site par site, nous pouvons le gérer ensemble, selon votre opportunité le moment venu (par exemple vous pourriez souhaiter que la remise globale reste sur HPM SAS, ou alors que la facture complémentaire impacte plus tel ou tel site). »

Il résulte de ce courriel que la clause de sauvegarde, contrairement à ce que la SAS D. Restauration soutient, s'applique de manière globale sur l'ensemble des prestations et non en fonction de la nature des repas puisque la SAS D. Restauration proposait que les deux parties s'engagent réciproquement sur un volume global et une valeur pondérée de 1,95 euros HT ce qui a été accepté par la SAS HPM.

Les dispositions du cahier des charges et l'annexe 1 du contrat reprenant les prestations proposées pour chacun des établissements démontrent que les prestations du petit déjeuner et du goûter étaient incluses pour la clinique Saint Jean, la clinique Ambroise P. et la Maison fleurie, trois établissements pour lesquels la SAS D. Restauration conteste s'être engagée sur ce type de prestations.

Après avoir proposé à la SAS HPM par courrier du 31 juillet 2014, de lui établir un avoir en date du 31 août 2014, afin de solder le trop-perçu sur la base de 1,95 euros HT X nombre de prestations excédentaire, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 29 août 2014, la société D. Restauration a proposé l'établissement d'un avoir de 176.000 euros au titre des seuls huit premiers mois d'activité 2014. Elle démontrait ainsi sa volonté d'appliquer la clause.

Cette clause ayant été dûment discutée entre les parties et acceptée d'un commun accord, la demande d'annulation de la SAS D. Restauration sera rejetée.

Le jugement sera confirmé en ce que le tribunal a condamné à ce titre la SAS D. Restauration à payer à la SAS HPM la somme de 260.337 euros HT selon le mode de calcul conforme au contrat et qu'il a précisé.

 

Sur la remise de fin d'année : 64.106 euros HT :

La SAS D. Restauration expose que :

- l'article 12 du contrat imposant l'obligation à la charge de la société D. Restauration de remettre en fin d'année à la société HPM l'équivalent de 2 % sur le chiffre d'affaires HT ne prévoit aucun droit en contrepartie ;

- la clause doit être déclarée nulle car créatrice d'un déséquilibre significatif ;

La SAS HPM réplique :

- le contrat a été rédigé par la SAS D. Restauration et notamment la clause de remise de fin d'année ;

- la SAS HPM a fourni de réelles contreparties en acceptant de régler les 'management fees' ;

[*]

L'examen d'un déséquilibre doit être évalué en fonction de l'économie du contrat et non au vu de la seule clause litigieuse. En conséquence, il est insuffisant de prétendre que cette clause ne comporte aucune contrepartie. Il résulte du contrat que des dispositions précises ont été prises relatives à la fixation du prix et au maintien d'une fréquentation minimale contractuelle avec l'existence d'une clause de sauvegarde.

Aux termes de cette clause de l'article 10, il est mentionné que « si au cours de l'exécution du présent contrat et ses éventuels avenants, son équilibre financier et/ou son économie se trouvaient déséquilibrés, les parties conviennent de se rencontrer afin de réexaminer ensemble les conditions contractuelles et de trouver une solution commune au rééquilibrage financier et/ou économique du contrat. »

Cette clause démontre que les clauses du contrat ont été discutées et étaient susceptibles d'être revues et que l'économie du contrat a été prise en compte notamment afin de permettre à la SAS D. Restauration de bénéficier d'un taux de fréquentation contractuelle.

Lors de l'élaboration du protocole d'accord, cette clause n'a pas été remise en cause par la SAS D. Restauration dans son principe.

Il n'est pas démontré que cette clause aurait été imposée à la SAS D. Restauration et constituerait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties alors que la lecture de la convention dans sa globalité établit que chaque clause participe à l'équilibre économique du contrat. La SAS D. Restauration sera déboutée de sa demande de ce chef ;

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la SAS D. Restauration à payer à ce titre la somme de 58.899 euros au titre de l'année 2014 en tenant compte du chiffre d'affaires duquel a été déduite la remise pour sur fréquentation.

La SAS HPM demande que la clause des « management fees » soit déclarée sans cause et que la SAS D. Restauration soit condamnée à lui restituer la somme de 133.624 euros HT versée à ce titre mais ne formule pas cette demande de restitution dans le dispositif de ses conclusions. Cette clause a une cause en ce qu'elle constitue le prix en partie versé en contrepartie de la prestation reçue de la SAS D. Restauration, ce que ne conteste pas la SAS HPM qui n'a d'ailleurs, dans le cadre des négociations, pas contesté le principe de cette clause mais que la facturation se fasse de manière forfaitaire ainsi que le demandait la SAS D. Restauration.

 

Sur les investissements non réalisés :

La SAS D. Restauration fait valoir que :

- en vertu de l'article 14.1 alinéa 2 du contrat, la SAS D. Restauration demeure propriétaire de l'investissement déjà effectué et la SAS HPM est redevable de l'amortissement restant dû depuis la résiliation du contrat ;

- la SAS HPM n'est donc pas fondée à réclamer une quelconque créance à ce titre et doit restituer les investissements réalisés par la SAS D. Restauration ;

La SAS HPM demande le remboursement des dépenses d'investissement comprises dans le prix des repas et non réalisées et soutient qu’à défaut, la SAS D. Restauration bénéficierait d'un enrichissement sans cause puisque la majoration du prix du repas serait non causée à hauteur des investissements non réalisés.

Il résulte de l'article 14 de la convention que le prestataire investit pour le compte du client une enveloppe globale de 220.837 euros HT. Ces investissements concernent notamment l'informatisation de la prise de commande par le logiciel Hestia, des chambres froides, du matériel et de la vaisselle. Cet investissement est compris dans le prix du repas à hauteur de 0,14 euros HT. Les parties conviennent expressément d'amortir cet investissement de manière linéaire sur une période de quatre années à partir du 1er janvier 2014. Cet investissement reste la propriété du prestataire jusqu'à complet amortissement (4 ans). Si pour quelque raison que ce soit, le présent contrat est rompu avant le 31 décembre 2017, le client est immédiatement redevable de l'amortissement restant dû selon le tableau d'amortissement en annexe 9 tableau 1.

La SAS D. Restauration indique que la somme de 220.837 euros n'ayant pas été initialement investie, les parties ayant en effet convenu d'un investissement plus progressif, le tableau d'amortissement annexé au Contrat ne saurait être appliqué.

Elle ajoute qu'il y a donc lieu d'appliquer seulement le principe de la restitution du matériel investi soit le remboursement de la somme de 54.038 euros sans préciser sur quel fondement. Cette disposition n'est pas comprise dans le contrat.

Il est seulement prévu au contrat que la SAS HPM rembourse, en cas de rupture de la convention, l'amortissement restant dû.

Il y a lieu de constater que les parties n'ont pas appliqué le contrat sur ce point ni prévu d'avenant aux dispositions qu'elles ont prises. Le contrat prévoit que la SAS D. Restauration reste propriétaire du matériel seulement jusqu'à complet amortissement (4 ans).

La SAS D. Restauration étant dans l'impossibilité d'établir qu'il demeure un amortissement restant dû, elle sera déboutée de sa demande non fondée. Le jugement sera infirmé de ce chef et la SAS D. Restauration sera déboutée de sa demande en paiement de la somme de 54.038 euros.

La SAS HPM fait valoir que la SAS D. Restauration, alors qu'elle a reçu de sa part au titre des investissements une somme de 99.129, 24 EUR HT (correspondant à 0,14 euros par repas servi) n'a investi que 54.038 euros HT. La SAS HPM réclame le remboursement de la différence qu'elle a investie. Il n'est pas prévu au contrat que cette somme soit remboursée et aux termes de l'amortissement, la SAS HPM devenant en définitive propriétaire des investissements, elle sera déboutée de sa demande en paiement de la somme de 45.091,24 euros HT.

 

Sur les opérations de maintenance non réalisées : 56.529,26 euros :

La SAS D. Restauration allègue que :

- le choix de la payer de manière forfaitaire relève de la volonté des parties ;

- les parties n'ont pas sur ce point prévu de clause de révision du prix au bénéfice de la société HPM ;

La société HPM réplique que :

-elle est bien fondée à solliciter le remboursement des frais de maintenance facturés et non réalisés

-à défaut, la SAS D. Restauration bénéficierait d'un enrichissement sans cause puisque la majoration du prix du repas serait alors non causée à hauteur des opérations de maintenance non réalisées ;

- même si la prestation de maintenance n'était effectivement pas la prestation principale du contrat, la maintenance était l'accessoire indispensable de cette prestation.

[*]

Aux termes de1'article 4.12 du contrat, la SAS D. Restauration avait en charge la maintenance des matériels dédiés à l'exécution des prestations de restauration, un montant de 0.11 euros par repas étant affecté à ce poste. La SAS HPM, faisant valoir que le budget maintenance ayant représenté en 2014 une valeur de 77.887 euros alors que la SAS D. Restauration a limité ses dépenses effectives à 21.358 euros, elle demande la restitution de la somme de 77.887 euros -21.358 euros = 56.529 euros.

L'annexe 1 au contrat prévoit qu'est incluse dans le prix de la prestation la somme de 0,11 euros pour la maintenance et le renouvellement du matériel ; aucune autre disposition n'est prévue contractuellement notamment en cas de résiliation du contrat.

Cette somme apparaît comme une contribution forfaitaire de la SAS HPM à cette obligation, la SAS D. Restauration devant exécuter son obligation de maintenance dans la limite de cette somme allouée.

Le fait que la SAS D. Restauration ait dépensé une somme moindre que celle allouée ne constitue pas en l'espèce un enrichissement sans cause puisque la somme litigieuse résulte d'une annexe au contrat accepté par la SAS HPM, les parties n'ayant pas jugé utile de stipuler qu'il soit procédé à un compte annuel entre elles sur ce point.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SAS HPM de sa demande en paiement de ce chef.

 

Sur la provision pour retraite des salariés repris :

La SAS D. Restauration soutient que :

-elle ne provisionne pas les indemnités de départ en retraite comme la loi l'y autorise ;

- les stipulations du projet de protocole transactionnel sont dépourvues de valeur dans la mesure où il n'a pas été entériné par les parties ;

La SAS HPM répond que :

- le protocole d'accord précise qu'il existe un désaccord sur la valeur des provisions constituées pour le départ en retraite que Dupont Restauration devait restituer à HPM ;

- le principe du paiement n'était pas discuté ;

- il est en principe obligatoire de constituer une provision pour les 'engagements de retraite et avantages similaires puisque les conditions liées à la constitution d'une provision sont remplies' (PCG, article 312-1) ;

- un tableau du coût des indemnités de départ a été dressé ;

[*]

La société HPM sollicite le remboursement de la somme de 53.413 euros au titre de la provision pour retraite des salariés repris.

Aux termes de l'article L. 123-13 du code de commerce, « le montant des engagements de l'entreprise en matière de pension, de compléments de retraite, d'indemnités et d'allocations en raison du départ à la retraite ou avantages similaires des membres ou associés de son personnel et de ses mandataires sociaux est indiqué dans l'annexe. Par ailleurs, les entreprises peuvent décider d'inscrire au bilan, sous forme de provision, le montant correspondant à tout ou partie de ces engagements.

L'annexe complète et commente l'information donnée par le bilan et le compte de résultat. »

La SAS D. Restauration justifie par l'annexe du rapport du commissaire aux comptes (AEQUITAS) pour l'exercice de l'année 2014 qu'elle ne provisionne pas les indemnités de départ en retraite ce qui est une possibilité pour elle. Il est précisé « que la société n'a signé aucun accord particulier en matière d'engagements de retraite. Ces derniers se limitent donc à l'indemnité conventionnelle de départ à la retraite. »

Il est précisé que les indemnités de départ à la retraite s'élèvent globalement à la somme de 1.407.010 euros. Elle remplit ainsi ses obligations.

La SAS HPM ne peut se prévaloir d'une créance à ce titre sur le fondement du projet de protocole d'accord qui n'a pas été signé par les parties.

La SAS HPM ne justifie d'aucune obligation légale ou conventionnelle mettant à la charge de la SAS D. Restauration le remboursement de la somme de 53.413 euros au titre de la provision pour retraite des salariés repris à la suite de la résiliation du contrat.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté de sa demande la SAS HPM de ce chef.

La provision pour congés payés des salariés repris : 80.898,02 euros HT

Cette disposition du jugement n'étant pas contestée, elle sera confirmée.

 

Sur la demande de dommages et intérêts de la société HPM :

La société HPM prétend qu'elle aurait subi un trouble de jouissance qu'elle évalue à la somme de 500.000 euros.

La société HPM allègue avoir subi de nombreux dysfonctionnements qui l'ont contrainte à résilier le contrat de restauration notamment des carences, inerties ayant généré l'insatisfaction de ses patients, et ayant entraîné un préjudice en termes d'image ce qui est contesté par la SAS D. Restauration.

La SAS HPM se réfère au protocole transactionnel qui est relatif aux questions, objet du présent litige mais non à l'indemnisation d'un préjudice d'image.

La SAS HPM ne verse aucune pièce à l'appui de sa demande et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de ce chef.

 

Sur les intérêts moratoires des sommes dues au titre des factures demeurées impayées :

Si aux termes du protocole transactionnel, les parties avaient envisagé une compensation entre les sommes dues, ce document date du 11 décembre 2014 et dès lors qu'il n'a pas été signé par elles, les factures étaient dues. En conséquence, le jugement qui a prévu une condamnation aux intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 441-6 du code de commerce sera confirmé.

 

Sur les demandes accessoires :

Compte tenu de l'issue du litige, chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles d'appel.

Les dépens d'appel seront partagés par moitié entre les parties.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement en ce que le tribunal a ordonné à la société HPM de restituer à la société D. restauration une partie du matériel pour une somme de 28.900 euros,

LE CONFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau du chef infirmé,

DÉBOUTE la SAS D. Restauration de sa demande en restitution du matériel pour un montant de 54.038 euros,

Y ajoutant,

DÉBOUTE la société Hôpital Privé Métropole Nord de sa demande en paiement de la somme de 45.091,24 euros HT au titre des investissements non réalisés par la SAS D. Restauration,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande,

DIT que les dépens d'appel seront partagés par moitié entre les parties.

La Greffière                                      La Présidente

Hortense VITELA-GASPAR         Marie-Annick PRIGENT