TGI MONTPELLIER (2e ch. A), 9 novembre 1999
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 882
TGI MONTPELLIER (2e ch. A), 9 novembre 1999 : RG n° 97/01421
(sur appel CA Montpellier (1re ch. B), 11 décembre 2002 : RG n° 00/00115 ; arrêt n° 1731)
Extrait : « Attendu qu’il est toutefois constant que les dispositions susvisées ne s’appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant ; Attendu qu’en l’espèce le CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE, organisme régional qui s’est donné pour mission, comme le souligne justement la société demanderesse, l’information du jeune public doit être regardé, pour l’exercice de cette activité, comme un professionnel au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation ; Qu’il ne saurait être sérieusement contesté que le contrat de maintenance des deux copieurs - ledit contrat ayant pour objet le dépannage et l’entretien des machines à hauteur non pas de quelques copies par an mais à hauteur de 45.000 photocopies par trimestre - a un rapport direct avec l’exercice normal de l’activité du CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON, cette activité de diffusion d’information requérant d’évidence la possession d’un tel matériel en état constant de bon fonctionnement ; Qu’il convient en conséquence d’écarter le moyen fondé sur les dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation ». […]
« Que si enfin le CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON entend se prévaloir des dispositions de l’article 1133 et éventuellement celles de l’article 6 du code civil lesquelles ne permettent pas il est vrai de considérer comme légalement formées les conventions contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs, il y a lieu de répondre que les seuls textes d’ordre public économique de protection susceptibles d’être invoqués dans le présent litige sont ceux issus de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 et dont fait partie l’article L. 132-1 du code de la consommation, texte que ce défendeur ne saurait voir utilement appliqué à son profit pour les raisons ci-dessus développées ».
TRIBUNAL DE GRANCE INSTANCE DE MONTPELLIER
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION A
JUGEMENT DU 9 NOVEMBRE 1999
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 97/01421.
DEMANDEUR (S) :
1 - Société COPY SUD
SA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [adresse], Ayant constitué pour avocat postulant la SCP MATEU-BOURDIN-DEPINS-ALBISSON et la SCP DUMAINE LA COMBE QUENIOUX, Avocat plaidant TOULOUSE
DÉFENDEUR(S) :
1 - CENTRE RÉGIONAL INFORMATION JEUNESSE (CRIJ)
pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [adresse], Ayant constitué pour avocat la SCP SCHEUER VERNHET.
COMPOSITION DU TRIBUNAL, lors des débats et du délibéré : Président : M. MALLET - Juges : M. YBRES J.L. et LAGARRIGUE. Assisté de Mme DEWALCKENAERE, Greffier lors des débats et du prononcé.
DÉBATS : en audience publique du 14 septembre 1999.
JUGEMENT : en audience publique du 9 novembre 1999. Jugement prononcé par le Président, qui l’a signé avec le greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Par acte d’huissier en date du 17 février 1997 la SA COPY SUD a donné assignation au CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON d’avoir à comparaître devant le présent tribunal aux fins de voir ledit centre condamné, avec exécution provisoire, à lui payer la somme de 138.662,82 francs avec intérêts au taux légal à compter du 2 avril 1996.
La SA COPY SUD a également sollicité sa condamnation à lui payer la somme de 3.000 francs sur le fondement des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
A l’appui de ses prétentions la société demanderesse a fait valoir que le CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON a souscrit auprès d’elle un contrat de service relatif à la maintenance d’un copieur à effet du 1er février 1995 pour une durée irrévocable de cinq ans mais que ce centre a cependant résilié le contrat par courrier du 18 mars 1996.
Elle indique que ses demandes d’indemnisation fondées sur les dispositions contractuelles sont demeurées vaines.
Le CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON a conclu principalement à ce que la clause 8 du contrat prévoyant l’indemnité de résiliation soit déclarée non écrite eu égard son caractère abusif, subsidiairement dire et juger le contrat et l’article 8-2 dudit contrat nul comme étant dénué de cause et en tout état de cause au rejet des prétentions émises à son encontre, sollicitant la condamnation de la société demanderesse à lui verser la somme de 10.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 5.000 francs au titre des frais irrépétibles.
Il soutient en effet que cette clause 8 doit être réputée non écrite comme étant abusive au sens des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation, précisant en outre qu’il est lui-même non professionnel au sens dudit article.
Le moyen subsidiaire est développé en faisant référence à l’article 1131 du code civil, le CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE affirmant que le contrat de maintenance était lié aux deux photocopieurs. Or ces derniers ayant été cédés, le contrat n’avait plus lieu d’exister et ainsi l’article 8 des conditions générales prévoyant une indemnité contractuelle du fait de la résiliation anticipée est totalement dénué de cause.
La SA COPY SUD a déposé des conclusions en réponse pour dénier au CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE le droit de se prévaloir des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation, entendant souligner que les conditions prévues par cette disposition ne s’appliquent pas aux contrats de fournitures de biens et de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant et que ce rapport direct doit être interprété largement.
Elle a également nié tout caractère abusif de la clause en faisant valoir qu’il n’y avait pas de sa part un abus de puissance économique et qu’elle ne bénéficiait d’aucun avantage excessif conféré par cette clause. Elle a enfin rappelé que l’argument relatif à l’absence de cause est dénué de sérieux puisque la cause du contrat existait lors de sa conclusion.
Le CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON a une dernière fois conclu pour réitérer ses arguments et développer de façon peu claire sa thèse tenant au défaut de cause, non plus semble t-il du contrat lui-même, mais de l’article 8 des conditions générales.
[minute page 3] L’ordonnance de clôture est en date du 3 septembre 1999.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
Attendu qu’il est constant, à l’examen des pièces régulièrement communiquées dans le cadre de la présente procédure que le 28 décembre 1994 le CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON a souscrit auprès de la SA COPY SUD un contrat de service copieur portant sur deux appareils, ledit contrat devant prendre effet à compter du 1er février 1995 et ce, pour une durée irrévocable de 5 ans (article 7-2 du contrat) ;
Que selon l’article 8-2 dudit contrat, en cas de résiliation anticipée du fait du client, la société COPY SUD exigerait le versement d’une indemnité contractuelle égale à 95 % du montant total des forfait annuels ou trimestriels hors taxes (en l’espèce 7.600 francs H.T par trimestre) qui aurait été dû jusqu’à l’expiration de la durée de l’engagement du client ;
Que le 18 mars 1996, M. X., directeur du CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE a informé la SA COPY SUD de ce qu’il avait procédé à l’installation de nouveaux matériels et lui a demandé d’arrêter le contrat de maintenance ;
Attendu que selon les dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation (telles qu’elles résultent de leur rédaction issue de la loi n° 95-96 du 1er février 1995), dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;
Que selon l’annexe qui suit cet article, est visée la clause ayant pour objet ou pour effet d’imposer au consommateur qui n’exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé ;
Attendu qu’il est toutefois constant que les dispositions susvisées ne s’appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant ;
Attendu qu’en l’espèce le CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE, organisme régional qui s’est donné pour mission, comme le souligne justement la société demanderesse, l’information du jeune public doit être regardé, pour l’exercice de cette activité, comme un professionnel au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation ;
Qu’il ne saurait être sérieusement contesté que le contrat de maintenance des deux copieurs - ledit contrat ayant pour objet le dépannage et l’entretien des machines à hauteur non pas de quelques copies par an mais à hauteur de 45.000 photocopies par trimestre - a un rapport direct avec l’exercice normal de l’activité du CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON, cette activité de diffusion d’information requérant d’évidence la possession d’un tel matériel en état constant de bon fonctionnement ;
Qu’il convient en conséquence d’écarter le moyen fondé sur les dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation ;
Attendu qu’il y a également lieu de rejeter l’argument au sujet de l’absence de cause du contrat du 28 décembre 1994, le CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON méconnaissant de façon flagrante le principe fondamental [minute page 4] selon lequel la cause de l’engagement doit exister et doit s’apprécier lors de la formation du contrat ;
Qu’il ne saurait donc se prévaloir d’une prétendue disparition ultérieure de la cause, disparition dont il est exclusivement à l’origine ;
Que doit être également écarté le moyen particulièrement confus évoqué en trois lignes par ce défendeur dans ses toutes dernières écritures (page 5) selon lequel la stipulation relative au paiement de l’indemnité contractuelle serait contraire à l’ordre public et de ce fait nulle pour défaut de cause par application de l’article 1134 du code civil (sic) puisque d’une part ce dernier article ne traite pas directement de l’absence de cause et d’autre part parce que cet argumentaire fondé sur une absence de cause est ici infondé, la conclusion en 1994 d’un contrat synallagmatique et l’existence d’obligations réciproques en découlant ne pouvant, on l’a vu, être sérieusement contesté ;
Que si enfin le CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON entend se prévaloir des dispositions de l’article 1133 et éventuellement celles de l’article 6 du code civil lesquelles ne permettent pas il est vrai de considérer comme légalement formées les conventions contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs, il y a lieu de répondre que les seuls textes d’ordre public économique de protection susceptibles d’être invoqués dans le présent litige sont ceux issus de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 et dont fait partie l’article L. 132-1 du code de la consommation, texte que ce défendeur ne saurait voir utilement appliqué à son profit pour les raisons ci-dessus développées ;
Attendu que le CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON ne demandant pas au tribunal de faire application des dispositions de l’article 1152 du code civil, il y a lieu de faire intégralement droit à la demande principale formée par la SA COPY SUD, prétention dont le quantum ne fait par ailleurs l’objet d’aucune contestation de la part de ce défendeur ;
Que la somme de 138.662,82 francs à payer par le CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON portera par ailleurs intérêts au taux légal à compter du 4 avril 1996 date de réception de la mise en demeure de payer ;
Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA COPY SUD les frais non compris dans les dépens que cette dernière a été contrainte d’exposer dans le cadre de la présente pour le recouvrement de sa créance ;
Que le CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON sera en conséquence tenu de lui payer la somme de 2.000 francs sur le fondement des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu qu’à défaut d’éléments de nature à caractériser la nécessité de l’exécution provisoire, notamment au regard d’une quelconque urgence, il n’y a pas lieu d’assortir le présent jugement du bénéfice d’une telle mesure ;
Attendu enfin que succombant en la présente instance le CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON sera condamné aux entiers dépens et ce conformément aux dispositions de l’article 696 du nouveau code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 5] PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, après en avoir délibéré;
- Condamne le CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON à payer à la SA COPY SUD la somme de 138.662,82 francs (cent trente huit mille six cent soixante deux francs quatre vingt deux centimes) laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 4 avril 1996 ;
- Le condamne également à lui payer à la somme de 2.000 francs (deux mille francs) au titre des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision ;
- Condamne le CENTRE RÉGIONAL D’INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON aux entiers dépens de la présente instance.
Le Greffier, Le Président.
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5896 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Objet du contrat - Importance du contrat
- 5910 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Intensité du lien avec l’activité - Contrat nécessaire
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale
- 5948 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation par type d’activité
- 6153 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 - Extension directe sans texte