CA MONTPELLIER (1re ch. B), 11 décembre 2002
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 931
CA MONTPELLIER (1re ch. B), 11 décembre 2002 : RG n° 00/00115 ; arrêt n° 1731
Publication : Juris-Data n° 206554
Extrait : « qu'il ne saurait être sérieusement contesté que le contrat de maintenance des deux copieurs, ledit contrat ayant pour objet le dépannage et l'entretien des machines, à hauteur, non pas de quelques copies par an, mais à hauteur de 45.000 copies par trimestre, a un rapport direct avec l'exercice normal de l'activité du CENTRE RÉGIONAL D'INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON, cette activité de diffusion d'information requérant d'évidence la possession d'un tel matériel en état constant de bon fonctionnement. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a exclu l'application des dispositions du Code de la Consommation. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B
ARRÊT DU 11 DÉCEMBRE 2002
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 00/00115. Arrêt n° A 02 1B 1731. Réf. 1ère Instance : TGI Montpellier, 09 novembre 1999 : RG n° 9701421.
APPELANTE :
Association CENTRE RÉGIONAL INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON (CRIJ)
Association Loi 1901 représentée par son président en exercice domicilié en cette qualité au siège [adresse], représentée par la SCP ARGELLIES TRAVIER WATREMET, avoués à la Cour, assistée de la SCP SCHEUER-VERNHET, avocats au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉE :
SA COPY SUD
représentée par son Directeur domicilié es qualité au siège social [adresse], représentée par la SCP JOUGLA - JOUGLA, avoués à la Cour, assistée de Maître DUMAINE, avocat au barreau de TOULOUSE
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 30 octobre 2002.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. Jean-Marc ARMINGAUD, Conseiller le plus ancien, faisant fonction de Président, M. Yves BLANC-SYLVESTRE, Conseiller, Mme Gisèle BRESDIN, Conseiller,
GREFFIER : Mme Myriam RUBINI, lors des débats et Mme Myriam RUBINI, lors du prononcé.
[minute page 2] DÉBATS : en audience publique le CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE DEUX devant M. Jean-Marc ARMINGAUD, Conseiller, et M. Yves BLANC-SYLVESTRE, Conseiller, qui, avec l'accord des conseils des parties, ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte à la cour composée comme indiqué dans son délibéré.
L'affaire a été mise en délibéré au 10 décembre 2002, le délibéré prorogé au 11 décembre 2002.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé en audience publique le ONZE DÉCEMBRE DEUX MILLE DEUX par M. Jean-Marc ARMINGAUD, Conseiller le plus ancien, faisant fonction de Président.
Le présent arrêt a été signé par M. Jean-Marc ARMINGAUD, Conseiller le plus ancien faisant fonction de Président, et par le greffier présent à l'audience.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte d'huissier en date du 17 février 1997, la SA COPY SUD a fait assigner le CENTRE RÉGIONAL D'INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON par devant le Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER aux fins de voir ledit centre condamné, avec exécution provisoire, à lui payer la somme de 138.662,82 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 2 avril 1996.
La SA COPY SUD a également sollicité sa condamnation à lui payer la somme de 3.000 Francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
A l'appui de ses prétentions, la Société COPY SUD a fait valoir que le CENTRE RÉGIONAL D'INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON a souscrit auprès d'elle un contrat de service relatif à la maintenance d'un copieur, à effet du 1er février 1995 pour une durée irrévocable de cinq ans, mais que ce centre a cependant résilié le contrat par courrier du 18 mars 1996 ;
que ses demandes d'indemnisation, fondées sur les dispositions contractuelles, sont demeurées vaines.
Le CENTRE RÉGIONAL D'INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON a conclu principalement à ce que la clause 8 du contrat prévoyant l'indemnité de résiliation, soit déclarée non écrite, eu égard à son caractère abusif ; subsidiairement, dire et juger le contrat et l'article 8-2 dudit contrat nul, comme étant dénué de cause, et en tout état de cause, au rejet des prétentions émises à son encontre, sollicitant la condamnation de la société demanderesse à lui verser la somme de 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi que celle de 5.000 Francs au titre des frais irrépétibles.
Il a soutenu que cette clause 8 doit être réputée non écrite, comme étant abusive au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, précisant en outre qu'il est lui-même non professionnel au sens dudit article ;
[minute page 4] que le contrat de maintenance était lié aux deux photocopieurs, que ces dernières ayant été cédés, le contrat de maintenance n'avait plus lieu d'exister et qu'ainsi, l'article 8 des conditions générales, prévoyant une indemnité contractuelle du fait de la résiliation anticipée, est totalement dénué de cause.
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La SA COPY SUD a dénié au CENTRE RÉGIONAL D'INFORMATION JEUNESSE le droit de se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, en soulignant que les conditions prévues par cette disposition ne s'appliquent pas aux contrats de fournitures de biens et de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant, et que ce rapport direct doit être interprété largement ;
elle a également nié tout caractère abusif de la clause, en faisant valoir qu'il n'y avait pas de sa part un abus de puissance économique et qu'elle ne bénéficiait d'aucun avantage excessif conféré par cette clause ; elle a enfin rappelé que l'argument relatif à l'absence de cause est dénué de sérieux, puisque la cause du contrat existait lors de sa conclusion.
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Par jugement en date du 9 novembre 1999, le Tribunal a statué en ces termes :
- condamne le CENTRE RÉGIONAL D'INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON à payer à la SA COPY SUD la somme de 138.662,82 Francs laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 4 avril 1996 ;
- le condamne également à lui payer la somme de 2.000 Francs au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision ;
- condamne le CENTRE RÉGIONAL D'INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON aux entiers dépens de la présente instance.
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[minute page 5] Le CRIJ, qui a fait appel le 26 novembre 1999, a, par conclusions en date du 16 octobre 2001, demandé à la Cour :
- de constater que le CRIJ est une association qui ne saurait être qualifiée de professionnel eu- égard à la jurisprudence versée et, à la loi de 1995 ayant modifié l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ;
- de dire et juger en conséquence que la clause de l'article 8 du contrat passé entre COPY SUD et le CRIJ est abusive ;
- de dire et juger en conséquence que cette clause est nulle et de nul effet ;
à titre subsidiaire, compte tenu des manœuvres dolosives caractérisées,
- de dire et juger que le contrat de service passé entre COPY SUD et le CRIJ est nul ;
en conséquence,
- de dire et juger qu'aucune somme n'est due à COPY SUD et qu'au surplus, COPY SUD devra restituer les sommes par elle versées au titre de ce contrat, à savoir 7.875 Francs HT ;
à titre infiniment subsidiaire,
- de dire et« juger excessive la clause pénale et de la modérer en son montant ;
en tout état de cause,
- de condamner la SA COPY SUD à verser au CRIJ la somme de 20.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens.
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Vu les conclusions prises le 25 avril 2001 par la SA COPY SUD, qui a demandé à la Cour :
vu l'article L. 132-1 du Code de la Consommation,
vu les articles 1134, 1152 et 1322 du Code Civil,
vu l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- de confirmer la décision dont appel, en ce qu'elle a condamné le CRIJ au paiement de la somme de 138.662,82 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 4 avril 1996,
- de la condamner au paiement de la somme de 10.000 Francs au titre des frais irrépétibles pour l'ensemble de la procédure et aux dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 6] SUR CE :
Le CENTRE RÉGIONAL D'INFORMATION JEUNESSE, qui sera dit le CRIJ, maintient qu'il n'est pas un professionnel, ayant le statut d'association à but non lucratif, que le contrat de maintenance signé par la société COPY SUD n'aurait pas de rapport direct avec son activité professionnelle, n'étant ni vendeur, ni loueur, ni réparateur de photocopieurs, que donc, les dispositions du code de la consommation s'appliqueraient à ces contrats.
Toutefois, pour admettre que ces contrats de maintenance présentaient un lien direct avec l'activité professionnelle du CRIJ, les premiers juges ont retenu, à bon droit, que le CENTRE RÉGIONAL D'INFORMATION JEUNESSE, organisme régional, qui s'est donné pour mission l'information du jeune public, doit être regardé, pour l'exercice de cette activité, comme un professionnel au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ;
qu'il ne saurait être sérieusement contesté que le contrat de maintenance des deux copieurs, ledit contrat ayant pour objet le dépannage et l'entretien des machines, à hauteur, non pas de quelques copies par an, mais à hauteur de 45.000 copies par trimestre, a un rapport direct avec l'exercice normal de l'activité du CENTRE RÉGIONAL D'INFORMATION JEUNESSE LANGUEDOC ROUSSILLON, cette activité de diffusion d'information requérant d'évidence la possession d'un tel matériel en état constant de bon fonctionnement.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a exclu l'application des dispositions du Code de la Consommation.
L'appelant maintient ensuite que le contrat serait atteint de nullité, du fait de l'attitude dolosive de la SA COPY SUD, qui lui aurait fait signer un contrat dont le contenu serait différent de celui qui lui avait été annoncé, ne lui aurait fait parvenir le contrat qu'après sa date d'effet.
Toutefois, la société COPY SUD répond justement que le 28 décembre 1994, soit avant la prise d'effet du contrat fixée au 1er février [minute page 7] 1995, le directeur du CRIJ a signé le contrat de service, approuvant ainsi les mentions du contrat par lesquelles il reconnaissait avoir pris connaissance des conditions générales figurant au verso, et déclarant les approuver ;
qu'au verso de ce document, figurent bien les articles 8-1 et 8-2 fixant les conditions de la résiliation, prévoyant une indemnité contractuelle égale à 95 % du montant total des forfaits qui auraient été dus jusqu'à l'expiration du contrat ;
qu'ainsi, aucun dol ne saurait lui être reproché, le cocontractant ayant été informé du contenu des conditions générales.
Le CRIJ maintient ensuite que la clause relative à l'indemnité de résiliation serait dépourvue de cause, instaurerait un privilège au profit de la société COPY SUD, dont ne disposerait pas l'autre partie.
Toutefois, par des motifs pertinents que la Cour adopte, les premiers juges ont retenu que la cause de l'engagement doit exister et doit s'apprécier lors de la formation du contrat ;
que le CRIJ ne saurait se prévaloir d'une prétendue disparition ultérieure de la cause, disparition dont il est exclusivement à l'origine, puisque c'est à sa seule initiative que le matériel loué et visé par le contrat de maintenance a été cédé à une autre société.
Le CRIJ maintient enfin sa demande de réduction de l'indemnité de résiliation, qui constitue une clause pénale, en faisant valoir que son montant est démesuré par rapport au préjudice invoqué, que la SARL COPY SUD ne justifie pas de ce préjudice à hauteur de 138.668,82 Francs.
L'intimée répond sur ce point que pour remplir le contrat de maintenance pendant 5 ans, elle a dû mettre en place un service technique compétent, recruter du personnel qualifié, disposer de pièces détachées, de véhicules, investir dans la formation de son personnel ;
que la rupture du contrat par ce client est préjudiciable à la société COPY SUD, car elle doit, malgré la résiliation du contrat, faire face aux investissements engagés en personnel et matériel, en prévision de l'exécution du contrat ;
[minute page 8] qu'elle ne peut, par exemple, licencier son personnel ou le réembaucher, au gré des résiliations intempestives des clients sollicités par les concurrents ;
que l'indemnité contractuelle de résiliation, qui vise à compenser le préjudice subi par COPY SUD du fait de la résiliation anticipée, est donc justifiée dans son principe comme dans son montant, les investissements étant effectués pour permettre l'exécution du contrat dès sa conclusion et jusqu'à son achèvement.
La Cour relève toutefois que si la demande d'indemnité de résiliation est bien fondée dans son principe, pour autant, la SA COPY SUD ne justifie pas de ce que les frais ci-dessus exposés, représenteraient pour ce qui est du présent contrat, un montant égal à 95 % des sommes restant dues en exécution du contrat ;
qu'il n'est nullement établi par la SA COPY SUD qu'elle n'aurait pas pu signer d'autres contrats de maintenance, avec d'autres clients, sur lesquels elle aurait pu amortir ses frais, généraux pendant le temps du présent contrat restant à courir.
En l'état de ces éléments qui établissent le caractère excessif de la somme de 138.662,82 Francs, la Cour réduira à 70.000 Francs soit 10.671,43 €, la somme due par le CRIJ au titre de l'indemnité de résiliation.
Restant succombant, le CRIJ supportera les entiers dépens d'instance et d'appel, paiera à l'intimée une somme supplémentaire de 750 € au titre des frais irrépétibles d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré,
Dit l'appel partiellement fondé ;
Réduit l'indemnité de résiliation à 10.671,43 €, outre intérêts légaux depuis le 4 avril 1996 ;
Confirme pour le surplus ;
Ajoutant au jugement,
[minute page 9] Condamne le CRIJ à payer à la SA COPY SUD une somme supplémentaire de 750 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne l'appelant aux dépens d'instance et d'appel ;
Accorde à la SCP JOUGLA le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5896 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Objet du contrat - Importance du contrat
- 5910 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Intensité du lien avec l’activité - Contrat nécessaire
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale
- 5948 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation par type d’activité
- 6153 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 - Extension directe sans texte