CA PARIS (8e ch. sect. A), 26 novembre 2002
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 901
CA PARIS (8e ch. sect. A), 26 novembre 2002 : RG n° 2001/22335
Publication : Juris-Data n° 209301
Extrait : « Considérant qu'il sera ajouté que le contrat a été conclu par M. X. au nom de la « [enseigne] », que l'article L. 121-22 du code de la consommation prévoit que ne sont pas soumises à la loi sur le démarchage à domicile les locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation commerciale ou de toute autre profession, qu'il ne peut être sérieusement contesté que le matériel loué et le contrat d'entretien afférent avaient pour objet la surveillance des locaux commerciaux, que c'est d'ailleurs à raison de la vente du fonds que M. X. entend se dégager de ses obligations au motif que le successeur n'a pas souhaité continuer les contrats souscrits ».
« …Considérant au demeurant que l'argumentation ci-dessus développée ne l'est qu'à toutes fins, que l'article L.132-1 du code de la consommation relatif aux clauses abusives n'est applicable que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou commerçants ; Considérant que c'est à tort qu'en l'espèce le premier juge a écarté le qualificatif de professionnel en ce qui concerne M. X. qui a contracté pour les besoins de son commerce et en qualité de commerçant pour une acquisition et un service ayant un rapport direct avec son activité de buraliste et les risques spécifiques qui s'y attachent ; Considérant que l'argument selon lequel M. X. n'aurait pas été un spécialiste de la télésurveillance est spécieux, que des connaissances techniques dans ce domaine n'ont aucun caractère déterminant pour la conclusion d'un contrat dont il convenait seulement d'examiner l'opportunité et les contraintes financières et juridiques qu'il comportait, examen qui entrait dans la sphère de compétence du commerçant concerné »
COUR D’APPEL DE PARIS
HUITIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2002
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/22335. Pas de jonction.
Décision dont appel : Jugement rendu le 27/09/2001 par le TRIBUNAL D'INSTANCE de LE RAINCY. RG n ° : 2000/00635.
Date ordonnance de clôture : 24 septembre 2002
Nature de la décision : CONTRADICTOIRE. Décision : REFORMATION
APPELANT :
SA GERLING NAMUR ASSURANCES DU CREDIT
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse], représentée par Maître BLIN, avoué, assisté de Maître Evelyne BOCCALINI avocat au barreau de CRETEIL
INTIMÉ :
Monsieur X.
demeurant [adresse], représenté par la SCP MOREAU, avoué, assistée de Maître Sandra GIL GUZMAN avocat M.1267
[minute page 2]
INTIMÉE :
Madame X.
demeurant [adresse], représentée par la SCP MOREAU, avoué, assistée de Maître Sandra GIL GUZMAN avocat M. 1267
COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats et du délibéré : Président : Monsieur MAZIERES. Conseiller : Monsieur PIQUARD. Conseiller : Monsieur BRUNET
DÉBATS : A l'audience publique du 21 OCTOBRE 2002.
GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt Madame BARBINI.
ARRÊT : Prononcé publiquement par Monsieur MAZIERES, Président, lequel a signé la minute avec J. BARBINI Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par actes sous seing privé du 14 octobre 1994, M. X., exploitant son fonds de commerce de librairie-papeterie presse, a souscrit au profit de son commerce un contrat de location de matériel de télésurveillance avec la société FIMACOM (Société Financière Matra Communication), et auprès de la [minute page 3] société CET (Compagnie Européenne de Télésurveillance) fournisseur du matériel loué, un abonnement de télésurveillance moyennant 610 Francs par mois H.T, comprenant le coût de la prestation de télésurveillance ainsi que le coût de la location du matériel.
Le contrat de location a été souscrit pour une période irrévocable de 48 mois. Le loyer, payable entre les mains de FIMACOM était fixé initialement à 990 Francs H.T par mois, comprenant à la fois le coût de la location du matériel (85 %) et le coût de la prestation de télésurveillance.
M. X. ayant cessé de payer les loyers en invoquant la cession de son fonds de commerce en mars 1995, le contrat a été résilié le 28 avril 1995. La société NAMUR ASSURANCES DU CRÉDIT, assureur de FIMACOM qui a payé à son assurée à ce titre la somme de 60.252,10 Francs a été subrogée dans les droits de FIMACOM.
Par requête du 20 mars 1997, la société NAMUR ASSURANCES DU CRÉDIT a sollicité du juge d'instance du RAINCY qu'il enjoigne à M. X. de lui verser 53.227,68 Francs (mensualités impayées) outre les intérêts au taux de 18 % (2.766,21 Francs) et une clause pénale (4.258,21 Francs), le tout représentant l'indemnité de résiliation suivant décompte arrêté au 14 janvier 1997.
Une ordonnance d'injonction de payer a été rendue le 10 avril 1997 pour un montant de 52.227,68 Francs en principal, outre les intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 1997.
M. X. et son épouse ont formé opposition et fait délivrer à la société NAMUR ASSURANCES DU CREDIT une assignation aux fins d'entendre :
- prononcer la rétractation du commandement de payer 60.261,11 Francs signifié le 4 février 2000,
- condamner la société demanderesse à leur verser 5.000 Francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- [minute page 4] ordonner l'exécution provisoire du jugement à venir.
Le premier juge a estimé abusive la clause du contrat de location interdisant de mettre fin à celui-ci en cas de cause légitime comme la cession de fonds de commerce et celle prévoyant une durée irrévocable de 4 années.
La société GERLING NAMUR ASSURANCES DU CRÉDIT appelante a demandé à la Cour de : (écritures du 9 septembre 2002)
- infirmer le jugement entrepris,
- constater que l'ordonnance d'injonction de payer n'a été rendue qu'à l'encontre de M. X.,
en conséquence :
- déclarer irrecevable et en tout cas non fondée Mme X. en ses demandes,
- constater que le contrat de location liant la société FIMACOM (aux droits de laquelle succède la société GERLING NAMUR ASSURANCES DU CRÉDIT) et M. X. a été exécuté,
subsidiairement,
- dire que l'exception de nullité dont s'agit est une nullité relative,
- constater que M. X. a confirmé le contrat de location,
- dire M. X. irrecevable et en tout cas non fondé en ses demandes,
au contraire,
- dire la société GERLING NAMUR ASSURANCES DU CRÉDIT recevable et bien fondée en ses demandes,
- confirmer l'ordonnance d'injonction de payer du 10 avril 1997 en toutes ses dispositions,
- [minute page 5] condamner M. X. à régler à la société GERLING NAMUR ASSURANCES DU CRÉDIT la somme de 53.8.114,51 euros (?), [N.B. : version conforme à la minute]
subsidiairement et si par impossible la Cour considérait que la cession de fonds de commerce est opposable à la société GERLING NAMUR ASSURANCES DU CRÉDIT,
vu les dispositions de l'article 10-1 b et c du contrat de location,
- condamner M. X. à régler à la société GERLING NAMUR ASSURANCES DU CREDIT la somme de 9.009,74 euros,
- si la Cour entend déduire les 16 % du montant de la prestation, condamner M. X. à régler à la société GERLING NAMUR ASSURANCES DU CRÉDIT la somme de 7.568,18 euros,
et y ajoutant :
- condamner M. et Mme X. au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens.
M. et Mme X. ont ainsi conclu leur argumentation en cause d'appel : (écritures du 21 août 2002)
- confirmer le jugement déféré, subsidiairement :
vu les dispositions de l'article 1152 du code civil,
- dire que l'indemnité litigieuse, stipulée quelque soit l'hypothèse de résiliation, constitue une pénalité dont le montant est manifestement excessif,
- modérer à un montant symbolique le montant de ladite pénalité qui ne saurait excéder trois mois de loyers, et débouter la société GERLING NAMUR ASSURANCES DU CRÉDIT du surplus de ses prétentions,
- condamner en tout état de cause la société GERLING NAMUR ASSURANCES DU CRÉDIT à payer la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, en sus de celle précédemment allouée de ce chef par le premier juge,
- [minute page 6] rejeter toutes les demandes contraires,
- et condamner la société GERLING NAMUR ASSURANCES DU CRÉDIT en tous les dépens de première instance et d'appel.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE LA COUR :
Considérant que devant la Cour M. et Mme X. intimés ne critiquent pas expressément les dispositions du jugement en ce qu'elles ont déclaré irrecevable l'opposition de Mme X. et rejeté l'argumentation de M. X. sur le fondement de la loi sur le démarchage, qu'au besoin la Cour adopte expressément les motifs du premier juge sur ces points ;
Considérant qu'il sera ajouté que le contrat a été conclu par M. X. au nom de la « [enseigne] », que l'article L. 121-22 du code de la consommation prévoit que ne sont pas soumises à la loi sur le démarchage à domicile les locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation commerciale ou de toute autre profession,
qu'il ne peut être sérieusement contesté que le matériel loué et le contrat d'entretien afférent avaient pour objet la surveillance des locaux commerciaux, que c'est d'ailleurs à raison de la vente du fonds que M. X. entend se dégager de ses obligations au motif que le successeur n'a pas souhaité continuer les contrats souscrits ;
Considérant sur le caractère abusif des clauses du contrat, qu'il y a lieu d'observer qu'il a été souscrit deux conventions distinctes mais complémentaires :
- un contrat de location assurant le financement du matériel de vidéo-surveillance conclu avec FIMACOM aux droits de laquelle GERLING NAMUR ASSURANCES DU CRÉDIT est subrogée,
- un contrat de prestation de service sous la forme d'un abonnement de vidéo-surveillance conclu avec la société CET, qui n'a d'ailleurs pas été appelée en la cause ;
Considérant que la société FIMACOM a acquis pour le compte de M. X. le matériel choisi par lui, que les conventions de l'espèce ne se réduisent aucunement à un contrat de prestation de service de télésurveillance lequel peut être interrompu, moyennant préavis sinon sans risque d'exploitation du moins sans grand risque financier par le prestataire de service ;
[minute page 7] Considérant que la société de financement ayant acquis le bien comptant dans l'intérêt exclusif du locataire doit être assuré d'une durée irrévocable minimale et de la poursuite à son terme du contrat, en l'espèce 4 ans, pour compenser et rémunérer le service rendu par le crédit ainsi octroyé et les risques financiers pris, que dans une telle hypothèse ni la durée du contrat qui est ainsi fonction du coût du matériel acquis, ni l'indemnité de résiliation en cas de résolution anticipée ne présentent un caractère abusif ;
Considérant que permettre au locataire de mettre fin à tout moment à la location romprait l'équilibre financier du contrat alors que le bailleur a fait un investissement dans l'intérêt du locataire, investissement qui doit être amorti ;
Considérant que la recommandation émise par la commission des clauses abusives sur les contrats de télésurveillance distingue précisément et expressément les contrats d'abonnement à une prestation de service de ceux incluant l'acquisition et la location de matériel, que la commission recommande de considérer comme abusives diverses clauses visées à l'article 24 mais dont aucune ne concerne la situation présente ;
Considérant que M. X. invoque plus spécialement la clause 24 a qui stipule « obliger le consommateur à poursuivre le paiement des loyers alors que le contrat de télésurveillance serait suspendu, résolu ou résilié » laquelle ne reflète pas le cas de l'espèce sinon par une assimilation hâtive ;
Considérant que l'article 24 ne constitue précisément qu'une recommandation qui n'est pas reprise par décret comme prévu au paragraphe 1er de l'article L. 132-1 du code de la consommation, que les articles R. 132-1 et R. 132-2 du même code ne renvoient pas à l'article de la recommandation invoqué par l'intimé ;
Considérant encore que la cession de son fonds de commerce par M. X. ne saurait être opposée à la société GERLING NAMUR ASSURANCES DU CRÉDIT subrogée dans les droits de FIMACOM alors qu'en application des dispositions de l'article 1165 du code de la consommation [N.B. : lire Code civil] les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes et ne nuisent pas aux tiers, que la clause qui interdit de se prévaloir de la vente du commerce surveillé ne fait ainsi qu'appliquer la loi ;
Considérant au demeurant que l'argumentation ci-dessus développée ne l'est qu'à toutes fins, que l'article L.132-1 du code de la consommation relatif aux clauses abusives n'est applicable que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou commerçants ;
[minute page 8] Considérant que c'est à tort qu'en l'espèce le premier juge a écarté le qualificatif de professionnel en ce qui concerne M. X. qui a contracté pour les besoins de son commerce et en qualité de commerçant pour une acquisition et un service ayant un rapport direct avec son activité de buraliste et les risques spécifiques qui s'y attachent ;
Considérant que l'argument selon lequel M. X. n'aurait pas été un spécialiste de la télésurveillance est spécieux, que des connaissances techniques dans ce domaine n'ont aucun caractère déterminant pour la conclusion d'un contrat dont il convenait seulement d'examiner l'opportunité et les contraintes financières et juridiques qu'il comportait, examen qui entrait dans la sphère de compétence du commerçant concerné ;
Considérant que l'article 10 c du contrat de location prévoit une indemnité de résiliation, qui à supposer même qu'elle constitue une clause pénale réductible, ne peut l'être qu' à la condition qu'elle présente un caractère manifestement excessif ;
Considérant que la clause qui prévoit une indemnité de résiliation égale au total des loyers TTC et une indemnité de 10 % en sus ne présente aucun caractère manifestement excessif alors qu'elle ne fait que procurer au bailleur un avantage équivalent à celui qui aurait été retiré de la poursuite du contrat à son terme outre une majoration raisonnable ;
Considérant que M. X. ayant réglé le montant de 3 loyers reste redevable de :
45 loyers à 1.193,94 Francs TTC 53.327,30 Francs
indemnité de 10 % 5.372,73 Francs
59.100,03 Francs
soit (9.009,74 euros)
Considérant que cette somme est supérieure à la demande principale formulée par la société GERLING NAMUR ASSURANCES DU CRÉDIT qui limite ses prétentions à la confirmation de l'ordonnance : 52.227,68 Francs en principal, soit 7.962,06 euros ;
Considérant qu'il appartenait à M. X. commerçant de lire les clauses explicites de son contrat et de ne pas s'engager dans un investissement conséquent réalisé à crédit et non comptant mois de 6 mois avant la vente de son fonds ou de négocier celle-ci de telle sorte que la poursuite des contrats soit assurée, que le crédit bailleur ou son subrogé n'ont pas à supporter les conséquences des revirements et approximations de gestion de M. X. ;
[minute page 9] Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société GERLING NAMUR ASSURANCES DU CRÉDIT la charge de la totalité de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Réforme le jugement entrepris.
Statue à nouveau :
Déclare Mme X. irrecevable en son opposition.
Déclare M. X. recevable.
Condamne M. X. à payer à la société GERLING NAMUR ASSURANCES DU CRÉDIT :
1°) la somme de 7.962,06 euros en principal,
2°) celle de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Rejette toutes autres demandes des parties.
Condamne M. X. aux dépens de première instance et d'appel.
Admet Maître BLIN, Avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
- 5881 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : identité de spécialité
- 5883 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et besoins de l’activité
- 5885 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence
- 5886 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence juridique
- 5888 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères – Démarchage - Identité temporaire de critère avec les clauses abusives (rapport direct)
- 5953 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation générale
- 5954 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par activité
- 5955 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par cour d’appel