CA PARIS (25e ch. sect. B), 28 juin 2002
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 904
CA PARIS (25e ch. sect. B), 28 juin 2002 : RG n° 2001/00787
Publication : Juris-Data n° 185782
Extrait : « Considérant que l’application des textes précités comme la protection accordée par la directive précitée implique que le juge national puisse apprécier d'office le caractère abusif d'un contrat qui lui est soumis ; Considérant qu'en l'espèce ce caractère abusif s'apprécie au regard des conditions générales signées par la société DMF qui ont seules un caractère contractuel ;
Considérant qu’il s'évince de cette clause que la perte du bénéfice de l'assurance souscrite pour le conducteur désigné au contrat résulte du seul défaut de restitution des clés originales après qu'ait été constaté un vol, quelles qu'en soient les circonstances, indépendamment de toute faute du locataire ; Considérant qu'est à l'évidence abusive et comme telle réputée non écrite une telle stipulation, d'une part, au regard du déséquilibre significatif entre les contractants qui résulte des conséquences financières découlant pour le locataire d'un vol qui ne se rattacherait pas à une faute qu'il aurait commise en considération de l'avantage que confère l'utilisation momentanée - en l'espèce d'une journée - contre rémunération du loueur d'un véhicule dans le cadre d'un contrat de location, d'autre part, que cette clause ne distinguait pas selon que le vol se rattacherait ou non à une faute qu'aurait commise le locataire ;
Considérant que, cette clause étant, ainsi qu'il a été dit, réputée non écrite, sans que le juge ait la faculté d'opérer des distinctions que les parties n'ont pas convenues, il se déduit nécessairement des conditions générales du contrat, qu'elles ne stipulaient aucune non assurance, lorsque les clés n'ont pas été restituées à la suite d'un vol, ce vol aurait-il été la conséquence d'une imprudence »
COUR D’APPEL DE PARIS
VINGT CINQUIÈME CHAMBRE SECTION B
ARRÊT DU 28 JUIN 2002
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/00787. Pas de jonction. Décision dont appel : Jugement rendu le 25 octobre 2000 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS 8ème Ch. RG n° : 1999/18658.
Date ordonnance de clôture : 21 mars 2002. Nature de la décision : CONTRADICTOIRE. Décision : CONFIRMATION.
APPELANT :
EURL ADC LOCADA
prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège [adresse] représenté par la SCP HARDOUIN, avoué assisté de Maître ORTOLLAND, Avocat
INTIMÉ :
SOCIÉTÉ DMF DIFFUSION MENUISERIE FERMETURE (EURL)
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse], représenté par la SCP VARIN-PETIT, avoué assisté de Maître GRADUS, Avocat
COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats, conformément à l'article 786 du NCPC, Monsieur JACOMET, Magistrat rapporteur a entendu les plaidoiries les avocats [minute page 2] ne s'y étant pas opposés, puis il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré lors du délibéré :
Président : Monsieur JACOMET Conseiller : Madame COLLOT Conseiller : Madame DELMAS-GOYON
DÉBATS : A l'audience publique du 22 mai 2002
GREFFIER : lors des débats et du prononcé de l'arrêt Madame BERTHOUD
ARRÊT : CONTRADICTOIRE. Prononcé publiquement par Monsieur JACOMET, Président, lequel a signé la minute avec Madame BERTHOUD, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La Cour est saisie de l'appel, déclaré le 20 décembre 2000, d'un jugement rendu le 25 octobre 2000 par le Tribunal de Commerce de PARIS.
L'objet du litige porte principalement sur la demande de l’EURL ADC dirigée contre l'EURL DMF, en paiement d'une somme correspondant à la valeur vénale du véhicule, que cette dernière avait loué et n'avait pu restituer en raison du vol dont il avait été l'objet.
Le Tribunal a statué, ainsi qu'il suit :
- vu la recommandation de la commission des clauses abusives en date du 14 juin 1996 portant le n° 96-02,
- déclare non écrite la clause insérée dans le contrat de location conclu entre la société ADC LOCADA et la société DMF (DIFFUSION MENUISERIE FERMETURE) en son article 6 intitulé « quand ne suis-je pas assuré ? » comme étant abusive,
- en conséquence : déboute la société ADC LOCADA de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamne la société ADC LOCADA à payer à la société DMF la somme de 10.000 Francs en application de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux entiers dépens.
L’EURL ADC, appelante, demande à la cour de :
- [minute page 3] infirmer le jugement,
- statuant à nouveau, condamner la société DMF à payer à la société ADC LOCADA la somme de 76.100 Francs augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 1998, lesdits intérêts devant eux-mêmes capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil, la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L’EURL DMF, intimée demande à la Cour de
- confirmer le jugement,
- débouter la société ADC LOCADA de l'ensemble de ses demandes,
- la condamner à lui payer la somme de 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
La Cour se réfère en ce qui concerne les faits, la procédure, les moyens et prétentions des parties au jugement et aux conclusions d'appel.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Considérant que, pour critiquer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes, L'EURL ADC prétend que, le contrat stipulait, en cas d'impossibilité de restituer, sauf cas de force majeure, les clefs originales du véhicule après avoir constaté le vol de celui-ci, le paiement de la valeur du véhicule estimé par expert, qu'une telle clause ne serait pas abusive au sens de la recommandation du 14 juin 1996, eu égard à l'exclusion pour force majeure, et à la circonstance que le vol aurait été commis à la suite d'une imprudence ayant consisté à laisser les clefs du véhicule sur un bureau pendant que se déroulait un cocktail dans les locaux de la société, étant précisé que la recommandation n'aurait pas de caractère impératif, « tout étant, en réalité, une affaire d'espèce » ;
Considérant au vu des pièces produites que :
- l’EURL a loué le 14 mai 1998 un véhicule de type TRANSIT à restituer le lendemain,
- le 15 mai 1998 cette entreprise a déposé plainte pour vol, le véhicule a été retrouvé endommagé, les dégâts n'étant pas réparables, eu égard à leur coût de réparation et la valeur vénale du véhicule, estimé par l'expert à 76.100 Francs,
- les conditions générales signées par le locataire, après avoir [minute page 4] rappelé que le conducteur désigné au contrat était assuré pendant la durée du contrat jusqu'à la restitution des clefs pendant les heures d'ouverture de l'agence, stipulaient notamment en son article 6 « Vous n'êtes pas assuré (- - -) si vous êtes dans l'incapacité de restituer au loueur les clefs originales du véhicule après avoir constaté le vol de celui-ci. Dans ce cas, vous serez tenu au paiement de la valeur du véhicule estimée par expert », l'EURL produit pour sa part des conditions générales reproduisant la même clause sous la réserve qu'elle ne contenait plus aucune référence à la force majeure,
- les conditions particulières prévoyaient une franchise de 3.000,00 Francs doublée en cas de vol ;
Considérant que par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la transposition de la directive du Conseil de la CEE du 5 avril 1993 « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou tour effet de créer, au détriment du non professionnel ou consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, » tandis que de telles clauses abusives sont réputées non écrites ;
Considérant que, par application des articles L. 132-2 et suivants du code de la consommation [N.B. : minute originale : code civil], la commission recommande la suppression ou la modification des clauses qui présentent un caractère abusif ;
Considérant que dans sa recommandation du 14 juin 1996 publiée le 3 septembre 1996, la Commission des Clauses Abusives, retenant que certaines clauses prévoient qu'à défaut de restitution des documents et des clés, le locataire doit au loueur la valeur du véhicule et que ces clauses sont abusives lorsque la non restitution n'est pas imputable au locataire, a recommandé, que « soient éliminées des contrats de location de véhicule automobile les clauses ayant pour objet ou pour effet de : ( - - - ) 28 ° obliger le locataire à payer la valeur du véhicule au loueur à défaut de restitution des documents et des clés, alors même que la non restitution ne lui est pas imputable » ;
Considérant que l’application des textes précités comme la protection accordée par la directive précitée implique que le juge national puisse apprécier d'office le caractère abusif d'un contrat qui lui est soumis ;
Considérant qu'en l'espèce ce caractère abusif s'apprécie au regard des conditions générales signées par la société DMF qui ont seules un caractère contractuel ;
Considérant qu’il s'évince de cette clause que la perte du bénéfice de l'assurance souscrite pour le conducteur désigné au contrat résulte du seul défaut de restitution des clés originales après qu'ait été constaté un vol, [minute page 5] quelles qu'en soient les circonstances, indépendamment de toute faute du locataire ;
Considérant qu'est à l'évidence abusive et comme telle réputée non écrite une telle stipulation, d'une part, au regard du déséquilibre significatif entre les contractants qui résulte des conséquences financières découlant pour le locataire d'un vol qui ne se rattacherait pas à une faute qu'il aurait commise en considération de l'avantage que confère l'utilisation momentanée - en l'espèce d'une journée - contre rémunération du loueur d'un véhicule dans le cadre d'un contrat de location, d'autre part, que cette clause ne distinguait pas selon que le vol se rattacherait ou non à une faute qu'aurait commise le locataire ;
Considérant que, cette clause étant, ainsi qu'il a été dit, réputée non écrite, sans que le juge ait la faculté d'opérer des distinctions que les parties n'ont pas convenues, il se déduit nécessairement des conditions générales du contrat, qu'elles ne stipulaient aucune non assurance, lorsque les clés n'ont pas été restituées à la suite d'un vol, ce vol aurait-il été la conséquence d'une imprudence ;
Considérant, en conclusion de ce qui précède, que, par ces motifs ajoutés à ceux non contraire, des premiers juges que le jugement est confirmé ;
Considérant que l'équité commande de condamner 1’EURL ADC de payer la somme de 1.500 euros à l'EURL DMF au titre de l'article 700 du NCPC, le jugement étant confirmé sur cet article ;
Considérant que L'EURL ADC est condamnée aux dépens d'appel, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement,
Y ajoutant,
Condamne L'EURL ADC à payer à L'EURL DMF la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du NCPC,
Condamne l’EURL ADC aux dépens d'appel,
Admet la SCP VARIN PETIT, avoués, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.
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