CA PAU (2e ch. sect. 1), 27 septembre 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9101
CA PAU (2e ch. sect. 1), 27 septembre 2021 : RG n° 19/03266 ; arrêt n° 21/3571
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Mais, d'une part, en droit, il résulte des dispositions de l'article L. 312-8 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 que, en matière de crédit immobilier soumis au code de la consommation, l'offre préalable doit, notamment, indiquer, outre le montant du crédit susceptible d'être consenti, et, le cas échéant, celui de ses fractions périodiquement disponibles, son coût total, son taux défini conformément à l'article L. 313-1 ainsi que, s'il y a lieu, les modalités de l'indexation.
Et, il résulte des dispositions de l'article L. 312-33 du même code, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que le prêteur qui ne respecte pas l'une des obligations prévues à l'article L. 312-8 peut être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
Il s'ensuit que l'omission ou l'inexactitude du taux effectif global mentionnée dans une offre de prêt acceptée, serait-elle induite par un calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année autre que l'année civile, ne peut être sanctionnée que par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts conventionnels, dans la proportion fixée par le juge.
D'autre part, le moyen des appelants dénature le sens de la jurisprudence de la Cour de cassation qui, de longue date et constamment, applique, au visa du code de la consommation, la déchéance des intérêts conventionnels stipulées dans une offre préalable de prêt immobilier, la sanction de la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels, purement prétorienne, étant réservée aux autres actes de prêt, y compris aux actes notariés réitérant une offre préalable soumis au code de la consommation, pour lesquels aucune sanction légale n'était prévue.
Le revirement récent de la jurisprudence (notamment Civ. 1re 10 juin 2020) concerne seulement ces autres actes de prêt souscrits antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 qui, en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global dans un écrit constatant un contrat de prêt, a uniformisé à tous les prêts, sans rétroactivité, la sanction de la déchéance des intérêts conventionnels dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur, la cour suprême ayant décidé, dans un souci d'uniformisation des sanctions en droit positif, que ces autres actes de prêt antérieurs encourraient désormais la sanction de la déchéance des intérêts conventionnels dans la proportion fixée par le juge.
Loin de contrevenir au droit de l'Union européenne, la sanction de la déchéance des intérêts conventionnels, lesquels rémunèrent la prestation du prêteur professionnel, dans la proportion fixée par le juge, garant de l'ordre public de protection du consommateur, répond à l'impératif de proportionnalité des sanctions à la mesure du dommage subi par le consommateur qui a contracté sans bénéficier des informations légales destinées à éclairer son consentement.
Il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que les époux X. ne sont pas recevables, pour défaut d'action, à agir en nullité des stipulations des intérêts conventionnels mentionnées dans les offres préalables de prêt immobilier qu'ils ont acceptées. »
2/ « Ensuite, aucun principe du droit de l'Union européenne n'interdit de fixer le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance des intérêts conventionnels, en cas d'omission ou d'inexactitude du TEG, en cours d'exécution du prêt dès lors que la loi concilie l'exercice effectif du recours ouvert au consommateur informé des faits lui permettant d'exercer son action avec le principe de sécurité juridique qui fonde les relations contractuelles.
Enfin, en matière de clause abusive, l'action en déclaration réputée non écrite d'une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, laquelle n'est pas assujettie à la prescription, est distincte de l'action en déchéance des intérêts conventionnels en cas d'inexactitude du TEG induite même par l'application d'une clause qui serait abusive. »
3/ « Cependant, les intimés n'ont pas saisi la cour d'une demande tendant à voir déclarée abusive et réputée non écrite cette clause de laquelle ils déduisent que le prêteur a calculé les intérêts conventionnels sur la base d'une année civile de 360 jours au lieu de 365 jours, l'étude financière produite aux débats étant censée confirmer ce fait. »
4/ « Les époux X. font grief au jugement d'avoir rejeté leur demande de dommages et intérêts pour manquement du prêteur à son devoir de loyauté alors que la société Crédit Lyonnais était parfaitement consciente de l'interdiction qui lui était faite de pratiquer un calcul des intérêts périodiques sur une base autre que l'année civile, faisant en pleine conscience application d'une clause abusive au détriment de son devoir de loyauté.
Mais, d'une part, en l'espèce, le calcul prohibé sur 360 jours a concerné les seuls intérêts intercalaires sur la première échéance, générant un surcoût du 5,04 euros de sorte qu'il ne peut être considéré que la clause a entraîné un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation. »
COUR D’APPEL DE PAU
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/03266. Arrêt n° 21/3571. N° Portalis DBVV-V-B7D-HMMY. Nature affaire : Action en responsabilité exercée contre l'établissement de crédit pour octroi abusif de crédits ou brusque rupture de crédits.
ARRÊT : Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 27 septembre 2021, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
APRES DÉBATS à l'audience publique tenue le 28 juin 2021, devant : Monsieur Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport, assisté de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l'appel des causes.
Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Marie-Paule ALZEARI et en a rendu compte à la Cour composée de : Madame Marie-Paule ALZEARI, Présidente, Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller, Monsieur Marc MAGNON, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Société anonyme CRÉDIT LYONNAIS
immatriculée au RCS de LYON sous le numéro XXX, représentée par son directeur général domicilié en cette qualité au siège [...], [...], Représentée par Maître Isabelle U.-S. de la SCP U.-S. G. V. B., avocat au barreau de BAYONNE, Assistée de Maître Pierre B., avocat au barreau de LYON
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, [...], [...]
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], de nationalité Française, [...], [...]
Représentés par Maître Marie Pierre L., avocat au barreau de PAU, Assistés de Maître Jérémie B., avocat au barreau de DOUAI
sur appel de la décision en date du 23 SEPTEMBRE 2019 rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BAYONNE
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS et MOYENS DES PARTIES :
Suivant offre préalable acceptée le 9 février 2011, la société Crédit Lyonnais a consenti à M. X. et à Mme Y., épouse X. (ci-après les époux X.) deux prêts immobiliers :
- le premier d'un montant de 100.000 euros, d'une durée de 180 mois au taux annuel de 3,40 % et un taux effectif global annuel (TEG) de 3,55 %
- le second d'un montant de 149.766 euros, d'une durée de 300 mois au taux annuel de 3,75 % et un TEG de 3,83 %.
Courant 2017, les emprunteurs ont vainement contesté auprès du prêteur l'inexactitude des TEG mentionnés dans l'offre de prêt.
Sur la base de deux expertises financières unilatérales concluant à l'inexactitude des TEG mentionnés dans l'offre de prêt à raison du défaut de prise en compte du coût de l'assurance des prêts ainsi que du calcul prohibé des intérêts sur une année de 360 jours, et suivant exploit du 16 novembre 2018, les époux X. ont fait assigner la société Crédit Lyonnais par devant le tribunal de commerce de Bayonne en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels et substitution de l'intérêt légal, restitution des intérêts trop versés, au visa des articles 1907 du code civil et L. 313-1 et suivants du code de la consommation.
Par conclusions additionnelles, les requérants ont sollicité, à titre subsidiaire, de voir sanctionner ces mêmes irrégularités par la déchéance de la totalité des intérêts conventionnels, au visa des dispositions du code de la consommation.
Par jugement du 23 septembre 2019, auquel il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le tribunal a :
- déclaré recevable la demandes des époux X.
- constaté que les intérêts bancaires n'ont pas été calculés sur la base d'une année civile
- constaté que le taux effectif global est erroné
- ordonné la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat par les époux X.
- enjoint à la société Crédit Lyonnais à établir de nouveaux tableaux d'amortissement tenant compte de la substitution du taux légal au taux conventionnel, depuis la date de la souscription du prêt, des éventuels avenants, les échéances restant à courir sur le prêt jusqu'à son terme devant porter intérêts au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre
- condamné la société Crédit Lyonnais à restituer aux époux X. le trop-perçu correspondant à l'écart entre les intérêts au taux conventionnel et les intérêts au taux légal, soit la somme à parfaire de 16.701,87 euros au titre du prêt de [100.000 euros] et la somme à parfaire de 34.209,35 euros au titre du prêt de 149.766 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation
- dit que lesdites sommes devront être actualisées au regard des tableaux d'amortissement qui seront établis par la société Crédit Lyonnais, au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre, depuis la date de souscription du contrat
- débouté les époux X. de leur demande d'indemnisation à titre de dommages et intérêts
- débouté les époux X. de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions
- condamné la société Crédit Lyonnais à payer aux époux X. la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et débouté les époux X. du complément de leur demande
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
- condamné la société Crédit Lyonnais aux dépens, liquidés à la somme de 167,08 euros.
Par déclaration faite au greffe de la cour le 16 octobre 2019, la société Crédit Lyonnais a relevé appel de ce jugement.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 12 mai 2021.
* * *
Vu les dernières conclusions notifiées le 10 mai 2021 par la société Crédit Lyonnais qui a demandé à la cour de :
- réformer le jugement entrepris
- déclarer les époux X. irrecevables en leurs demandes d'annulation des stipulations d'intérêts, de substitution du taux légal aux taux conventionnels, d'établissement de nouveaux tableaux d'amortissement et de restitution d'intérêts, au visa des articles 1304 ancien du code civil et 122 du code de procédure civile
- subsidiairement, débouter les époux X. de leurs demandes d'annulation des stipulations d'intérêts, de substitution du taux légal aux taux conventionnels, d'établissement de nouveaux tableaux d'amortissement et de restitution d'intérêts, au visa des articles 1907 du code civil, L. 313-1 et R. 313-1 anciens du code de la consommation
- débouter les époux X. de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens et les condamner au contraire à lui payer 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- très subsidiairement, limiter à 13,38 euros ou à une autre somme forfaitaire symbolique les intérêts à restituer aux époux X.
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux X. de leurs demandes de dommages et intérêts et de toutes leurs autres demandes.
* * *
Vu les dernières conclusions notifiées le 7 mai 2021 par les époux X. qui ont demandé à la cour, au visa de l'article 1907 du code civil, des articles L. 313-1 et suivants, R. 313-1 et suivants du code de la consommation, de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leur demande d'indemnisation à titre de dommages et intérêts et toutes leurs autres demandes
- statuant de ces chefs, condamner la société Crédit Lyonnais à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté contractuelle
- subsidiairement, si par impossible la substitution des intérêts légaux aux intérêts conventionnels devait être écartée, prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels du prêt 40017XX1GH souscrit auprès du Crédit Lyonnais, au visa de l'article L. 312-33 du code de la consommation devenu L. 341-34
- confirmer le jugement entrepris [en ses autres dispositions]
- en tout état de cause, condamner la société Crédit Lyonnais à leur payer la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- rejeter toutes demandes et prétentions contraires de la société Crédit Lyonnais.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
1 - Sur la sanction de l'inexactitude du TEG mentionné dans l'offre de prêt immobilier :
Les époux X. font valoir que les TEG mentionnés dans l'offre de prêt immobilier qu'ils ont acceptée sont erronés aux motifs qu'ils ne prennent pas en compte le coût des assurances des prêts, et que les intérêts conventionnels ont été calculés sur la base prohibée d'une année de 360 jours au lieu d'une année civile de 365 jours.
Ils exposent que le revirement récent de jurisprudence de la Cour de cassation faisant application de la déchéance des intérêts conventionnels après avoir « martelé » que la sanction applicable à la pratique du diviseur 360 était la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels mentionnée dans l'acte de prêt, n'est pas compatible avec le droit de l'Union européenne qui pose de façon claire que les sanctions qui doivent être prononcées en cas de manquement par le banquier à ses obligations « doivent être effectives, proportionnées et dissuasives ».
Les appelants en déduisent que la sanction de la déchéance des intérêts dans une proportion définie par le juge conduit à conférer à ce dernier un pouvoir modérateur, créateur d'une insécurité juridique incompatible avec l'exigence du caractère dissuasif et effectif des sanctions à l'application desquelles les Etats membres doivent veiller, de sorte que seule l'annulation de la stipulation des intérêts conventionnels et la substitution du taux légal doit être prononcée.
Mais, d'une part, en droit, il résulte des dispositions de l'article L. 312-8 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 que, en matière de crédit immobilier soumis au code de la consommation, l'offre préalable doit, notamment, indiquer, outre le montant du crédit susceptible d'être consenti, et, le cas échéant, celui de ses fractions périodiquement disponibles, son coût total, son taux défini conformément à l'article L. 313-1 ainsi que, s'il y a lieu, les modalités de l'indexation.
Et, il résulte des dispositions de l'article L. 312-33 du même code, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que le prêteur qui ne respecte pas l'une des obligations prévues à l'article L. 312-8 peut être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
Il s'ensuit que l'omission ou l'inexactitude du taux effectif global mentionnée dans une offre de prêt acceptée, serait-elle induite par un calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année autre que l'année civile, ne peut être sanctionnée que par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts conventionnels, dans la proportion fixée par le juge.
D'autre part, le moyen des appelants dénature le sens de la jurisprudence de la Cour de cassation qui, de longue date et constamment, applique, au visa du code de la consommation, la déchéance des intérêts conventionnels stipulées dans une offre préalable de prêt immobilier, la sanction de la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels, purement prétorienne, étant réservée aux autres actes de prêt, y compris aux actes notariés réitérant une offre préalable soumis au code de la consommation, pour lesquels aucune sanction légale n'était prévue.
Le revirement récent de la jurisprudence (notamment Civ. 1re 10 juin 2020) concerne seulement ces autres actes de prêt souscrits antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 qui, en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global dans un écrit constatant un contrat de prêt, a uniformisé à tous les prêts, sans rétroactivité, la sanction de la déchéance des intérêts conventionnels dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur, la cour suprême ayant décidé, dans un souci d'uniformisation des sanctions en droit positif, que ces autres actes de prêt antérieurs encourraient désormais la sanction de la déchéance des intérêts conventionnels dans la proportion fixée par le juge.
Loin de contrevenir au droit de l'Union européenne, la sanction de la déchéance des intérêts conventionnels, lesquels rémunèrent la prestation du prêteur professionnel, dans la proportion fixée par le juge, garant de l'ordre public de protection du consommateur, répond à l'impératif de proportionnalité des sanctions à la mesure du dommage subi par le consommateur qui a contracté sans bénéficier des informations légales destinées à éclairer son consentement.
Il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que les époux X. ne sont pas recevables, pour défaut d'action, à agir en nullité des stipulations des intérêts conventionnels mentionnées dans les offres préalables de prêt immobilier qu'ils ont acceptées.
En revanche, il y a lieu d'examiner la demande de déchéance des intérêts conventionnels, fondée sur les mêmes faits, formée à titre subsidiaire par les époux X. tant devant les premiers juges qu'à hauteur d'appel.
Cependant, la cour constate que dans le dispositif de leurs conclusions, lequel seul saisit la cour des prétentions des parties, les époux X. ont limité leur demande de déchéance au seul prêt n° 40017XX1GH d'un montant de 100.000 euros. La cour n'est donc pas saisie d'une demande de déchéance des intérêts conventionnels concernant le second prêt de 149.766 euros.
2 - Sur la prescription de la demande de déchéance des intérêts conventionnels :
En application de l'article L. 110-4 du code de commerce, l'action en déchéance des intérêts conventionnels pour inexactitude du TEG est soumise à la prescription quinquennale.
Et, en application de l'article 2224 du code civil, le point de départ de la prescription de l'action de l'emprunteur non professionnel se situe au jour où celui-ci a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le TEG.
Les époux X. concluent, en premier lieu, à la confirmation du jugement qui a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale aux motifs que, non avertis, « ils ne pouvaient pas se rendre compte de l'erreur décelée par leur conseil à la signature du contrat » et qu'ils ont agi avant le délai maximal de 20 ans.
En outre, ils soutiennent que, en vertu du droit de l'Union européenne, aucune prescription ne saurait leur être opposée dans leur relation déséquilibrée avec un prêteur professionnel qui viole une règle d'ordre public destinée à protéger le consommateur qui ne dispose pas des compétences nécessaires pour en connaître la teneur exacte notamment en matière de calcul des intérêts périodiques et déceler les vices affectant le prêt.
Par ailleurs, les intimés soutiennent encore, d'une part, que la prescription quinquennale ne saurait commencer à courir à l'encontre d'un crédit en cours d'exécution sans priver les sanctions de leur efficacité et méconnaître l'effectivité des droits des consommateurs, et, d'autre part, pour les mêmes raisons tenant à l'ordre public de protection du consommateur, que la sanction d'une clause abusive ne saurait être assujettie à la prescription.
Mais, par sa durée et les conditions de fixation de son point de départ à la date à laquelle le consommateur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action, la prescription quinquennale de l'action en déchéance des intérêts conventionnels en cas d'omission ou d'inexactitude du TEG ne porte aucune atteinte disproportionnée à l'exercice d'un recours effectif ouvert au consommateur contre le prêteur.
Ensuite, aucun principe du droit de l'Union européenne n'interdit de fixer le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance des intérêts conventionnels, en cas d'omission ou d'inexactitude du TEG, en cours d'exécution du prêt dès lors que la loi concilie l'exercice effectif du recours ouvert au consommateur informé des faits lui permettant d'exercer son action avec le principe de sécurité juridique qui fonde les relations contractuelles.
Enfin, en matière de clause abusive, l'action en déclaration réputée non écrite d'une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, laquelle n'est pas assujettie à la prescription, est distincte de l'action en déchéance des intérêts conventionnels en cas d'inexactitude du TEG induite même par l'application d'une clause qui serait abusive.
En l'espèce, les époux X. qualifient d'abusives la clause du prêt relative aux modalités de paiement stipulant que les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an, précision faite que, concernant l'ajustement de la première échéance, celle-ci est toujours calculée en jours exacts ['] dans le cas où le nombre de jours entre le début d'amortissement et la première échéance n'est pas égal à 30 jours.
Cependant, les intimés n'ont pas saisi la cour d'une demande tendant à voir déclarée abusive et réputée non écrite cette clause de laquelle ils déduisent que le prêteur a calculé les intérêts conventionnels sur la base d'une année civile de 360 jours au lieu de 365 jours, l'étude financière produite aux débats étant censée confirmer ce fait.
Il convient donc, à la lumière des considérations qui précèdent, d'examiner la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale qui doit être appréciée pour chacun des faits impliqués dans l'inexactitude du TEG dénoncée par les époux X.
S'agissant du défaut de prise en compte du coût de l'assurance du prêt de 100.000 euros dans le calcul du TEG alors que cette garantie était une condition du prêt, la simple lecture de l'offre de prêt qui synthétise dans un tableau récapitulatif, clair et précis, l'ensemble des coûts du prêt et le montant du TEG en résultant, destiné à l'information de l'emprunteur, permettait aux époux X. de constater instantanément que le coût de l'assurance qu'ils disent avoir réglé n'avait pas été inclus dans le calcul du TEG.
Par conséquent, ils étaient en mesure d'exercer leur action en déchéance dès la date de l'acceptation de l'offre.
Cette action est donc prescrite du chef du défaut de prise en compte du coût de l'assurance du prêt.
S'agissant du calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de 360 jours, force est de constater que les époux X. s'emparent de la clause ci-avant exposée, qu'ils qualifient d'abusive.
Or, s'agissant des intérêts courus entre deux échéances, la clause 30/360, faussement qualifiée de Lombarde, équivaut au calcul des intérêts sur 365 jours et un mois normalisé d'une durée de 30,41666 jours, prévu à l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue du décret n°2002-927 du 10 juin 2002, qui a vocation à s'appliquer au calcul des intérêts conventionnels lorsque ceux-ci sont calculés sur la base d'une année civile et que le prêt est remboursable mensuellement.
En réalité, en l'espèce, seuls les intérêts journaliers, inférieurs à 30 jours, courus sur la première échéance, sont susceptibles d'être affectés par l'application de cette clause qui entraîne nécessairement un surcoût par rapport à un calcul sur une année civile, soit un surcoût de 5,04 euros sur le prêt de 100.000 euros. En tout état de cause, au- delà de ces considérations qui touchent le fond de l'action en déchéance, et sous réserve que ce calcul ait généré au détriment de l'emprunteur un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle du décret n° 2016-607 du 13 mai 2016, il reste que la contestation du calcul prohibé sur 360 jours dénoncée par les époux X. étant fondée sur cette clause ayant servi de base au calcul des intérêts conventionnels, intercalaires et périodiques, le vice allégué était donc décelable à la simple lecture de l'offre de prêt sans qu'il soit nécessaire de disposer de compétences financières en la matière, à charge pour les emprunteurs de procéder en temps utile à toutes consultations techniques nécessaires au débat judiciaire.
L'action en déchéance fondée sur ces faits est donc également prescrite. Le jugement sera donc infirmé de ce chef et les époux X. déclarés irrecevables en leur demande subsidiaire de déchéance des intérêts conventionnels sur le prêt de 100.000 euros.
3 - Sur la demande de dommages et intérêts :
Les époux X. font grief au jugement d'avoir rejeté leur demande de dommages et intérêts pour manquement du prêteur à son devoir de loyauté alors que la société Crédit Lyonnais était parfaitement consciente de l'interdiction qui lui était faite de pratiquer un calcul des intérêts périodiques sur une base autre que l'année civile, faisant en pleine conscience application d'une clause abusive au détriment de son devoir de loyauté.
Mais, d'une part, en l'espèce, le calcul prohibé sur 360 jours a concerné les seuls intérêts intercalaires sur la première échéance, générant un surcoût du 5,04 euros de sorte qu'il ne peut être considéré que la clause a entraîné un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.
Par ces motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les époux X. de leur demande de dommages et intérêts.
Les époux X. seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel et condamnés à payer à la société Crédit Lyonnais une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux X. de leur demande de dommages et intérêts,
INFIRME le jugement pour le surplus,
et statuant à nouveau,
DECLARE irrecevable, pour défaut d'action, la demande de nullité des stipulations d'intérêts conventionnels mentionnées dans l'offre de prêt immobilier acceptée le 9 février 2011 par les époux X.,
DECLARE irrecevable comme prescrite la demande de déchéance des intérêts conventionnels concernant le prêt de 100.000 euros,
CONDAMNE les époux X. aux dépens de première instance et d'appel,
CONDAMNE les époux X. à payer à la société Crédit Lyonnais une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Philippe DARRACQ, conseiller faisant fonction de Président et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
La Greffière, Le Président,
- 5705 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Délai pour agir - Prescription
- 5721 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Obligation - Loi du 17 mars 2014
- 5734 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Nature - Clause réputée non écrite
- 5750 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Autres effets - Réparation des préjudices - Consommateur - Clause imposée par le cocontractant
- 5826 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Principe
- 6619 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Taux d’intérêt et frais
- 9744 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier – Année civile et lombarde