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CA PARIS (5e ch. sect. B), 30 mars 2001

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (5e ch. sect. B), 30 mars 2001
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 5e ch. sect. B
Demande : 1999/18979
Date : 30/03/2001
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Lamyline
Décision antérieure : TGI BOBIGNY (7e ch.), 19 novembre 1998
Numéro de la décision : 118
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 918

CA PARIS (5e ch. sect. B), 30 mars 2001 : RG n° 1999/18979 ; arrêt n° 118

Publication : Lamyline

 

Extrait : « Considérant que contrairement à ce que soutient l'intimée, le comité d'établissement est recevable à se prévaloir de l'article L. 132-1 du code de la consommation, selon lequel sont abusives et réputées non écrites les clauses des contrats conclus entre professionnels et non professionnels ayant pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'en effet l'objet du contrat souscrit par le comité d'établissement, à savoir l'utilisation d'un photocopieur, n'a pas de rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par celui-ci ;

Mais considérant que la clause litigieuse, qui ne fait que tirer les conséquences du caractère irrévocable de la durée du contrat fixée par les parties, en considération notamment de l'amortissement du matériel et de la rémunération de l'investissement, en mettant à la charge du locataire à qui incombe la responsabilité d'une résiliation anticipée le paiement des redevances exigibles jusqu'au terme du contrat, n'a pas pour effet, en elle-même, de créer au détriment du locataire un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, quand bien même la société bailleresse se trouvait déchargée, du fait de la résiliation, des opérations d'entretien et de la fourniture de consommables auxquelles elle s'était obligée, alors qu'il n'est pas contesté que le prix de revente du matériel devait être déduit du montant de l'indemnité forfaitaire prévu ».

 

 

COUR D’APPEL DE PARIS

CINQUIÈME CHAMBRE B

ARRÊT DU 30 MARS 2001

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro d'inscription au répertoire général : 1999/18979. Arrêt n° 118. Pas de jonction. Décision dont appel : Jugement rendu le 19 novembre 1998 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de BOBIGNY (7ème Ch.) : RG n° 1997/08964. Date ordonnance de clôture : 26 janvier 2001. Nature de la décision : CONTRADICTOIRE. Décision : ARRÊT AU FOND.

 

APPELANT :

Monsieur X. ès qualités de liquidateur du comité d'entreprise Bull Paris Nord II 

[adresse], demeurant [adresse], représenté par la SCP FANET-SERRA, avoué, assistée de Maître WEIZMANN, Toque 186, Avocat au Barreau de BOBIGNY (SCP FEYLER THOMAS)

 

INTIMÉE :

SA N. F. se trouvant aux droits de la société GESTETNER

prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse], représentée par la SCP MIRA-BETTAN, avoué, assistée de Maître CECCARELLI, Toque D 1383, Avocat au Barreau

[minute page 2]

COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats et du délibéré : Président : Monsieur MAIN. Conseillers : Monsieur FAUCHER et Madame BRIOTTET (loi du 7 janvier 1988).

DÉBATS à l'audience publique du 16 FÉVRIER 2001.

GREFFIER Lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame LAISSAC.

ARRÊT : contradictoire - prononcé publiquement par Monsieur MAIN, Président, lequel a signé la minute avec Madame LAISSAC, greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La Cour statue sur l'appel interjeté par Monsieur X. agissant en qualité de liquidateur du Comité d'entreprise de la société [Bull Paris Nord II] contre le jugement rendu le 19 novembre 1998 par le Tribunal de grande instance de Bobigny, qui l'a condamné ès qualités à payer à la société Gestetner aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société N.F. la somme de 115.232 francs, augmentée des intérêts légaux à compter du 13 septembre 1996, à titre d'indemnité de résiliation d'un contrat de location de matériel de reprographie, précisant toutefois que l'échéance d'octobre 1996 serait déduite si le défendeur justifiait l'avoir payée.

Le comité d'établissement de la société [Bull Paris Nord II], qui avait conclu avec la société Gestetner, le 28 septembre 1993, pour une durée irrévocable de 54 mois, un contrat de location portant sur un photocopieur avec trieuse, ayant résilié ce contrat par courrier du 18 septembre 1995, à compter du 30 octobre 1995, motif pris de la « fermeture définitive de l'établissement et de l'éclatement de l'effectif », la société Gestetner [a] répondu que, si le Comité maintenait sa décision, il devait payer l'indemnité forfaitaire prévue au contrat en cas de résiliation anticipée. Aucun accord n'ayant pu se faire et le Comité d'établissement n'ayant plus payé aucun loyer ni aucune autre somme, la société Gestetner a, après mise en demeure infructueuse, résilié elle même le contrat le 13 septembre 1996 et, par acte du 19 juin 1997, réclamé en justice les loyers impayés à la date de la résiliation, l'indemnité contractuelle de résiliation ainsi que la restitution du matériel.

Appelant de la décision qui a accueilli ses demandes, Monsieur X. [minute page 3] en sa qualité de liquidateur du comité d'entreprise [Bull Paris Nord II] prie la Cour aux termes de ses dernières écritures signifiées le 14 novembre 2000, de rejeter les prétentions de la société N. F. […], subsidiairement, de modérer très largement les effets de la clause pénale.

Il invoque pour l'essentiel la force majeure, résultant de la décision de fermeture, prise par les dirigeants de l'entreprise, et l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dont l'application devrait conduire, selon lui, à réputer non écrite comme abusive la clause prévoyant une indemnité de résiliation égale au montant des loyers restant dus jusqu'au terme du contrat.

La société N. F. venant aux droits de la société Gestetner, intimée, qui conteste tant l'existence d'un cas de force majeure que l'applicabilité du texte invoqué du Code de la consommation, dès lors que le contrat avait un rapport direct avec l'activité professionnelle du comité, et en toute hypothèse le caractère prétendument abusif de la clause critiquée, et fait valoir que l'appelant ne justifie pas que le comité d'établissement s'est acquitté de l'échéance d'octobre 1996, demande à la Cour, aux termes de ses dernières conclusions du 8 janvier 2001, de confirmer le jugement attaqué mais de condamner le comité à lui payer, avec les intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 1996, la somme de 14.622,75 francs, correspondant à ladite échéance, encore que le dispositif des conclusions mentionne, selon le paragraphe, « l'échéance du mois d'octobre 1996 » et « l'échéance du mois d'avril 1996 ». L'intimée réclame encore 20.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

CELA ÉTANT EXPOSÉ :

Sur la force majeure :

Considérant que, selon l'article 1148 du Code civil, il n'y a lieu à aucun dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de faire ce à quoi il s'était obligé ;

Que, pour être constitutif de la force majeure, l'événement invoqué doit être extérieur, imprévisible et irrésistible et empêcher l'exécution de l'obligation ;

Considérant que, selon l'appelant, constituerait en l'espèce un cas de force majeure la décision, prise par la direction de l'entreprise, de fermer définitivement l'établissement, entraînant la disparition du comité d'entreprise ayant conclu le contrat de location et, par là, l'objet même de la prestation sur laquelle il portait ;

Mais considérant que la preuve n'est pas rapportée de ce que l'événement ainsi invoqué, courant dans la vie des entreprises, à tout le moins dépourvu de caractère exceptionnel, était impossible à prévoir lors de la conclusion du contrat ;

[minute page 4] Qu'il n'a pas en outre revêtu le caractère d' irrésistibilité constitutif de la force majeure, n'ayant nullement empêché le comité d'établissement, alors que la société Gestetner ne s'opposait pas à la résiliation mais exigeait seulement le paiement de l'indemnité contractuelle due en cas de résiliation anticipée, de payer ladite indemnité ; qu'en effet, ce paiement pouvait intervenir dans le cadre de la liquidation du comité ; qu'il résulte du rapport sur les comptes du comité arrêtés au 30 septembre 1995 que c'est volontairement que n'a pas été compris dans les charges à payer le montant de l'indemnité forfaitaire de résiliation due à la société Gestetner, évalué à 144.720 francs, au motif que cette indemnité pourrait « faire l'objet d'une négociation avec la société Gestetner ou que le contrat pourrait être « cédé à un autre comité » ; que le bilan de liquidation faisait apparaître un solde à répartir de 258.281,13 francs, largement supérieur donc à la créance invoquée par la société Gestetner ;

 

Sur la clause prévoyant une indemnité forfaitaire en cas de résiliation anticipée :

Considérant que, selon l'article 10 du contrat de location conclu entre la société Gestetner et le comité d'établissement [Bull Paris Nord II], « suite à la résiliation du présent contrat quelle qu'en soit la cause, le client deviendra redevable envers le prestataire, sans autre formalité ni mise en demeure, du total des redevances restant dues jusqu'à l'expiration de la durée irrévocable précisée au recto des présentes, majorée de tous frais et honoraires, y compris tous frais et honoraires d'avocats et officiers de justice non répétibles, et toutes taxes exposées ou dues par le prestataire en rapport avec la résiliation et la reprise du matériel » ;

Considérant que contrairement à ce que soutient l'intimée, le comité d'établissement est recevable à se prévaloir de l'article L. 132-1 du code de la consommation, selon lequel sont abusives et réputées non écrites les clauses des contrats conclus entre professionnels et non professionnels ayant pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'en effet l'objet du contrat souscrit par le comité d'établissement, à savoir l'utilisation d'un photocopieur, n'a pas de rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par celui-ci ;

Mais considérant que la clause litigieuse, qui ne fait que tirer les conséquences du caractère irrévocable de la durée du contrat fixée par les parties, en considération notamment de l'amortissement du matériel et de la rémunération de l'investissement, en mettant à la charge du locataire à qui incombe la responsabilité d'une résiliation anticipée le paiement des redevances exigibles jusqu'au terme du contrat, n'a pas pour effet, en elle-même, de créer au détriment du locataire un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, quand bien même la société bailleresse se trouvait déchargée, du fait de la résiliation, des opérations d'entretien et de la fourniture de consommables auxquelles elle s'était obligée, alors qu'il n'est pas contesté que le prix de revente du matériel devait être déduit du montant de l'indemnité [minute page 5] forfaitaire prévu ;

Considérant en revanche que, les redevances prévues au contrat comprenant, outre le prix de la location, celui de l'entretien du matériel et de la mise à disposition du toner noir, prestation que la société Gestetner n'avait plus à fournir après la résiliation du contrat, il apparaît que l'indemnité litigieuse, de caractère forfaitaire, constitue en l'espèce une peine excédant manifestement le préjudice subi du fait de la résiliation par la société Gestetner qui, si elle était appliquée, percevrait immédiatement la totalité des redevances qu'elle n'aurait perçues qu'à mesure de leur échéance si le contrat avait été exécuté jusqu'à son terme et en contrepartie desquelles elle aurait dû exposer des frais d'entretien et de fourniture de produits consommables ; qu'il convient donc de modérer cette peine en application de l'article 1152 du Code civil ;

Considérant que diminuée du prix de revente des appareils donnés en location, soit 1.750 francs, l'indemnité de résiliation telle que calculée selon les modalités contractuelles, représentant huit échéances trimestrielles, s'élèverait à 115.232 francs ; qu'il convient de la ramener à 98.000 francs, avec les intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 1996, date de réception de la lettre de mise en demeure adressée le 13 septembre 1996 par la société Gestetner ; que le comité d'établissement, ne justifiant pas avoir payé l'échéance d'avril 1996, sera condamné à en payer le montant soit 14.622,75 francs avec les intérêts à compter de la même date ; qu'en revanche, l'échéance d'octobre 1996 se trouve comprise dans l'indemnité de résiliation, la société Gestetner ayant notifié la résiliation le 13 septembre 1996 ; que le comité d'établissement ne justifiant pas voir réglé la somme correspondant à cette échéance, il n'y a pas lieu toutefois de la déduire du montant de l'indemnité de résiliation ;

Considérant que le comité d'établissement, qui succombe pour l'essentiel en son appel, devra supporter les dépens d'appel comme ceux de première instance ; qu'il est équitable de le condamner à payer à l'intimée 3.000 francs au titre des frais irrépétibles d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Donne acte à la société N. F. de ce qu'elle vient aux droits de la société Gestetner,

Réforme le jugement attaqué et, statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne le comité d'établissement [Bull Paris Nord II], représenté par son liquidateur M. X. à payer à la société N. F. les sommes de 14.622,75 francs et 98.000 francs, avec les intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 1996, ainsi que celle de 3.000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Le déboute de ses demandes contraires au présent dispositif,

[minute page 6] Le condamne aux dépens de première instance et d'appel et, pour le recouvrement de ceux-ci, admet la SCP MIRA BETTAN, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Le Greffier       Le Président.