CA VERSAILLES (16e ch.), 28 octobre 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9221
CA VERSAILLES (16e ch.), 28 octobre 2021 : RG n° 20/01720
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Ainsi que le relève justement la banque intimée, la SCI Thesa est une société civile immobilière inscrite au registre du commerce et des sociétés d'Aubenas, qui a pour objet, aux termes de son extrait Kbis et de ses statuts, la propriété, la jouissance par acquisition, prise en location, bail à construction, crédit-bail immobilier ou tout autre moyen de tous immeubles quelle que soit leur nature, l'administration et l'exploitation desdits immeubles par bail, location, sous-location ou autrement, et généralement toutes opérations civiles, mobilières ou autres pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet ci-dessus défini. En outre, l'objet du prêt est le financement d'un bâtiment industriel, dont la banque établit qu'il était effectivement destiné à la location. Il en découle que le financement litigieux a été octroyé à la SCI Thesa, personne morale, pour les besoins de son activité professionnelle. Il n'entre pas, en conséquence, dans le champ d'application des dispositions du code de la consommation, alors applicables, régissant le crédit immobilier. »
2/ « En vertu de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date de conclusion du contrat, les clauses abusives sont susceptibles d'affecter les seuls contrats conclus entre des professionnels d'une part et des non-professionnels ou consommateurs d'autre part.
Bien que la SCI Thesa revendique une qualité de non-professionnelle au sens du texte susvisé, en soutenant qu'elle a pour objet social la location de terrains et d'autres biens immobiliers et qu'elle n'est pas une professionnelle de la finance ou des techniques bancaires, il reste que le contrat qu'elle a conclu avec la banque était destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier qui devait être loué, et qu'il est donc, de ce fait, en rapport direct avec son activité professionnelle, de sorte que, comme le fait valoir la banque à juste titre, les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, même interprétées à la lumière de l'article 1171 nouveau du code civil, comme le demande la SCI Thesa, n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce.
Faute que soit applicable, entre les parties, la réglementation relative aux clauses abusives, la demande de la SCI Thesa tendant à voir juger « nulle et non écrite » la clause de remboursement anticipée en application du régime des clauses abusives est rejetée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen tiré de la prescription applicable au dit régime. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
SEIZIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/01720. N° Portalis DBV3-V-B7E-T2FI. Code nac : 53D. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 décembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE : R.G. n° 19/03275.
LE VINGT HUIT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT ET UN, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE :
SCI THESA
N° Siret : XXX (RCS de Lyon) [...], [...], Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Xavier D. de la SCP D. D., Plaidant, avocat au barreau de GRENOBLE, vestiaire : B22 - Représentant : Maître Ariane O.-S., Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 206
INTIMÉE :
CRÉDIT COOPÉRATIF
Société coopérative de banque populaire à forme anonyme, N° Siret : YYY (RCS de Nanterre), [...], [...], [...], Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Margaret B., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.409 - Représentant : Maître Christophe F., Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R110, substitué par Maître Bénédicte H., avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R110
Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 septembre 2021 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Fabienne PAGES, Président, Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller, Madame Florence MICHON, Conseiller.
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant acte notarié du 27 juillet 2007, la société Le Crédit Coopératif a consenti à la SCI Thesa un prêt d'un montant de 450.000 euros, remboursable en douze années, dont trois mois de franchise en capital, au taux annuel de 5,50 %, pour concourir au financement de l'acquisition d'un bâtiment industriel sis à [ville C.] et de divers frais.
Quatre avenants ont été successivement régularisés, le 8 novembre 2007 pour prolonger la franchise en capital de 3 mois, et rallonger en conséquence la durée du prêt, le 22 octobre 2009 puis le 25 octobre 2010, ayant essentiellement pour objet d'octroyer à l'emprunteur une franchise en capital (respectivement 12 mois et 6 mois), avec allongement équivalent de la durée du prêt, et le 15 mars 2012, afin d'allonger la durée du prêt de huit ans.
La SCI Thesa ayant exprimé la volonté de procéder au remboursement anticipé du prêt, la banque l'a informée, par courrier du 12 décembre 2016, du montant du capital restant dû (306.976,98 euros après paiement de l'échéance du 24 décembre 2016), et du montant de l'indemnité de remboursement anticipé prévue au contrat (109.717,74 euros).
Par acte du 15 novembre 2017, la SCI Thesa a fait citer la société Le Crédit Coopératif devant le tribunal de grande instance de Grenoble, en contestation de la stipulation d'intérêts contractuels et de la clause de remboursement anticipé.
Par ordonnance du 11 septembre 2018, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Grenoble a renvoyé les parties devant le tribunal de grande instance de Nanterre.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 20 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
- débouté la SCI Thesa de toutes ses demandes ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- condamné la SCI Thesa aux dépens de l'instance.
Le 16 mars 2020, la SCI Thesa a relevé appel de cette décision.
Par ordonnance du conseiller chargé de la mise en état rendue le 26 janvier 2021, confirmée, après rectification de l'erreur matérielle l'affectant, par arrêt rendu par la présente cour le 24 juin 2021, les conclusions déposées par l'appelante le 23 décembre 2020 ont été déclarées irrecevables.
Par ordonnance rendue le 7 septembre 2021, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 23 septembre 2021.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions recevables en date du 22 juin 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la SCI Thesa, appelante, demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu le 20 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Nanterre dans toutes ses dispositions.
Et en conséquence statuant de nouveau,
- la déclarer recevable et bien fondé en ses demandes ;
- constater l'erreur de calcul du TEG ;
- dire et juger nulle la stipulation d'intérêts contractuels et ordonner la substitution du taux contractuel au taux légal pour les années 2007 jusqu'au mois de juin 2017 en raison de l'erreur de calcul affectant le TEG ;
- condamner le Crédit Coopératif à lui régler la somme de 115.062,43 euros arrêtée au mois de juin 2017 sauf à parfaire représentant le trop-perçu d'intérêts par la banque par la différence entre le taux d'intérêt contractuel et le taux légal, outre intérêts au taux légal capitalisé à compter de la présente ;
Subsidiairement,
- prononcer la déchéance de la stipulation d'intérêts contractuels et condamner le Crédit Coopératif à lui régler la somme de 115.062,43 euros, sauf à parfaire, au titre de son préjudice ;
- ordonner au Crédit Coopératif d'établir un nouveau tableau d'amortissement avec intérêt au taux légal sur toute la durée du prêt ;
- constater le caractère incompréhensible de la clause de remboursement anticipée viciant le consentement de la SCI Thesa et son défaut de cause pour l'emprunteur ;
- dire et juger nulle et non écrite la clause de remboursement anticipée pour erreur et défaut de cause, et subsidiairement, en application du régime des clauses abusives ;
- condamner le Crédit Coopératif à lui régler la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP D. conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
- ordonner l'exécution provisoire du jugement.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 24 décembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civilela société Le Crédit Coopératif, intimée, demande à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 20 décembre 2019 mais y ajoutant, déclarer également irrecevable la SCI Thesa en toutes ses demandes en raison du caractère prescrit de l'action,
Ce faisant,
- déclarer irrecevable comme prescrite la SCI Thesa en l'intégralité de ses demandes et prétentions formées à l'encontre du Crédit Coopératif et en tout état de cause, la débouter de toutes ses demandes et prétentions dirigées contre le Crédit Coopératif,
A titre subsidiaire,
1 - Sur le grief émis par la SCI Thesa en lien avec le TEG affiché dans l'acte de prêt du 27 juillet 2007, si la cour juge que l'action engagée par la SCI Thesa n'est pas prescrite et qu'elle rapporte la preuve d'une erreur affectant le TEG affiché dans l'acte de prêt du 27 juillet 2007 avec une incidence sur le TEG au-delà du seuil d'une décimale tolérée par l'article R. 313-1 du code de la consommation :
- sur la demande principale de la SCI Thesa en nullité de la stipulation d'intérêt contractuel, déclarer la SCI Thesa irrecevable en sa demande principale en nullité de la stipulation d'intérêt contractuel et l'en débouter ;
- sur la demande subsidiaire de la SCI Thesa en déchéance du droit aux intérêts de la banque, dire et juger qu'eu égard aux griefs invoqués par la SCI Thesa, il n'y a pas lieu de déchoir le Crédit Coopératif des intérêts contractuels dans le cas d'espèce,
Plus subsidiairement, si la cour juge qu'il y a matière à déchéance :
- ordonner une simple déchéance partielle des intérêts contractuels à hauteur d'un quantum d'intérêts forfaitaire fixé par le juge dans la décision à intervenir et en tenant compte du préjudice réellement subi et prouvé par la SCI Thesa (et qui en l'état est inexistant),
A titre infiniment subsidiaire, sur la demande d'annulation de la stipulation d'intérêts contractuels et à supposer que la cour juge recevable cette demande :
- dire et juger, en pareille hypothèse, que la SCI Thesa restera débitrice, le cas échéant, des intérêts au taux légal ; le taux légal étant alors révisable périodiquement selon les révisions que la loi lui apporte (Cour de cassation, 21 janvier 1992, n° 90-18116 et 90-18120 ; Cour de cassation, 11 mai 2017, n° 14-27253 ; Cour de cassation, 23 janvier 2019, n°17.20818 ; Cour de cassation, 22 mai 2019, n°17-28858),
- dire et juger, en pareille hypothèse, que les effets d'une éventuelle annulation de la stipulation d'intérêt contractuel seront limités au seul acte de prêt du 27 juillet 2007, les quatre avenants subséquents ne faisant l'objet d'aucune critique,
2- Sur le grief émis par la SCI Thesa au titre de la clause de remboursement anticipée, si la cour juge que l'action engagée par la SCI Thesa n'est pas prescrite et qu'elle est recevable en son action :
- débouter la SCI Thesa de l'intégralité de ses demandes dirigées contre le Crédit Coopératif à ce titre,
En tout état de cause,
- condamner la SCI Thesa à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Margaret B., avocat au Barreau de Versailles, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 28 octobre 2021.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A titre liminaire, sur la qualité de l'emprunteur :
Ainsi que le relève justement la banque intimée, la SCI Thesa est une société civile immobilière inscrite au registre du commerce et des sociétés d'Aubenas, qui a pour objet, aux termes de son extrait Kbis et de ses statuts, la propriété, la jouissance par acquisition, prise en location, bail à construction, crédit-bail immobilier ou tout autre moyen de tous immeubles quelle que soit leur nature, l'administration et l'exploitation desdits immeubles par bail, location, sous-location ou autrement, et généralement toutes opérations civiles, mobilières ou autres pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet ci-dessus défini. En outre, l'objet du prêt est le financement d'un bâtiment industriel, dont la banque établit qu'il était effectivement destiné à la location. Il en découle que le financement litigieux a été octroyé à la SCI Thesa, personne morale, pour les besoins de son activité professionnelle. Il n'entre pas, en conséquence, dans le champ d'application des dispositions du code de la consommation, alors applicables, régissant le crédit immobilier.
Sur la nullité de la stipulation d'intérêts :
Au visa, impropre, des articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation, et en s'appuyant sur un rapport établi par un analyste en mathématiques financières sur la base des éléments chiffrés détaillés dans l'acte de prêt notarié du 27 juillet 2007, la SCI Thesa soutient que le taux effectif global de 5,65 % affiché par le Crédit Coopératif dans l'acte de prêt est erroné, et présente un écart de près de 5 décimales avec le taux réel, qui s'élève à 6,09 %. Elle fait valoir que cette erreur, qui n'était pas décelable pour un profane non averti des mathématiques financières, entraîne la nullité de la stipulation d'intérêts, de sorte qu'il y a lieu de substituer au taux d'intérêts contractuel le taux légal, et d'ordonner la restitution à l'emprunteur des intérêts indûment perçus par la banque, soit 115.062,43 euros, et à titre subsidiaire, que l'erreur affectant le TEG doit être sanctionnée par la déchéance de la stipulation d'intérêts.
La banque objecte, à titre principal, que dès lors que la SCI Thesa a la qualité d'emprunteur professionnel et que l'emprunt souscrit est un emprunt professionnel, toute action en lien avec le crédit souscrit le 27 juillet 2007 est irrecevable comme étant prescrite ; en effet, la SCI Thesa disposait en vertu de l'article 1304 du code civil alors applicable d'un délai de cinq ans pour contester le TEG affiché dans l'acte de prêt, et ce à compter de la souscription du dit crédit, et en tout état de cause, elle disposait, dès cette date, de tous les éléments d'information lui permettant de vérifier ou de faire vérifier par un analyste les prétendues erreurs dont elle se prévaut. A titre subsidiaire, elle fait valoir que la critique de la SCI Thesa, en lien avec le TEG affiché dans l'acte de prêt, est infondée. En toute hypothèse, elle soutient qu'en application de l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019, la seule sanction applicable en cas d'erreur ou d'absence de mention du TEG, quelle que soit la nature du crédit, est la déchéance facultative, et le cas échéant partielle, des intérêts.
[*]
La prescription quinquennale de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel exercée par un emprunteur qui a obtenu un concours financier pour les besoins de son activité professionnelle court, s'agissant d'un prêt, à compter de la date de la convention de prêt, contenant cette stipulation.
L'acte de prêt ayant été conclu le 27 juillet 2007, c'est à compter de cette date que court le délai de cinq ans applicable, et en conséquence, la SCI Thesa était prescrite en son action en contestation du TEG lorsqu'elle a attrait la banque devant le tribunal de grande instance de Grenoble le 15 novembre 2017.
Pour le même motif, elle est également prescrite en son action subsidiaire en déchéance du droit aux intérêts.
Il y a lieu dans ces conditions de la déclarer irrecevable en ses demandes découlant de la contestation du TEG.
Sur la clause indemnitaire de remboursement anticipé :
La SCI Thesa invoque, par ailleurs, la nullité de la clause indemnitaire de remboursement anticipé contenue dans le contrat de prêt du 27 juillet 2007. Elle soutient, d'une part, que son consentement a été vicié par une erreur sur la substance de la dite clause, qui est incompréhensible pour un profane des techniques bancaires et ne permet pas à l'emprunteur de connaître à l'avance de montant de l'indemnité à régler. Elle fait valoir, d'autre part, qu'en raison des conditions financières exorbitantes prévues par la clause litigieuse en cas d'exercice de la faculté de résiliation anticipée, cette clause est dépourvue de cause. A titre subsidiaire, elle se prévaut de l'application de la législation sur les clauses abusives, soutenant que la clause litigieuse crée un déséquilibre financier significatif à son préjudice, et au seul profit de la banque, et annule toute possibilité pour l'emprunteur d'un rachat de prêt.
La banque considère que la SCI Thesa est irrecevable comme étant prescrite en l'intégralité de ses demandes en lien avec l'indemnité de remboursement anticipé. En effet, la SCI Thesa, qui disposait en application de l'article 1304 alinéa 1 du code civil, en sa version applicable au jour de la souscription du prêt litigieux, d'un délai de 5 ans pour agir, et ce à compter de la souscription du prêt, puisqu'elle avait parfaitement connaissance, dès le 27 juillet 2007, des modalités de calcul de l'indemnité de remboursement anticipé, la clause litigieuse étant apparente et la SCI Thesa ayant, en outre, la qualité de professionnelle, n'a pas agi dans le délai qui lui était ouvert. En tout état de cause, elle conclut au rejet de la demande, que ce soit sur le fondement de l'erreur, d'un défaut de cause, ou encore du prétendu caractère abusif de la clause en litige.
Quant à la nullité pour défaut de cause et erreur :
En vertu de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, et désormais en vertu de l'article 2224 de ce code, l'action en nullité d'une convention est soumise à une prescription de cinq ans.
En matière de nullité pour défaut de cause, la prescription a pour point de départ le jour de l'acte, soit le 27 juillet 2007, date de l'acte notarié. L'action en nullité du contrat pour défaut de cause, dès lors qu'elle n'a été introduite que le 15 novembre 2017, soit plus de cinq ans après la date de l'acte, est en conséquence prescrite, et la SCI Thesa est irrecevable en sa demande de nullité en ce qu'elle est fondée sur l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige.
En matière de nullité pour erreur affectant le consentement, le point de départ de la prescription se situe, aux termes de l'article 1304 ancien du code civil, et désormais de l'article 1144 de ce code, au jour où l'erreur a été découverte.
Selon ses écritures, la SCI Thesa n'a découvert son erreur concernant la nature de ses droits que lorsque la banque lui a transmis le chiffrage de l'indemnité de résiliation anticipée, par courrier du 12 décembre 2016, soit moins de cinq ans avant qu'elle n'intente son action à l'encontre de la banque.
Il en découle que, sur le fondement de la nullité pour erreur, vice du consentement, son action, introduite moins de cinq ans après la date de ce courrier, ne se heurte pas à la prescription, et en conséquence, la fin de non-recevoir soulevée par la banque est, sur ce point, écartée.
Sur le fond, la clause litigieuse est ainsi rédigée :
« Article 4 - Remboursement anticipé
Le remboursement anticipé n'est possible qu'à la date de l'une des échéances de capital prévue au contrat, avec paiement d'une indemnité définie ci-après.
L'emprunteur qui sollicite le remboursement anticipé doit en aviser le prêteur, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, quatre vingt dix jours au moins avant la date d'échéance ; s'il s'agit d'un jour férié, la demande doit être reçue le jour ouvré qui précède.
Le prêteur communique le montant à rembourser, en précisant la date à laquelle doit être effectué le paiement.
4.1 Remboursement anticipe d'un prêt en taux fixe :
Si le taux d'intérêt du prêt en taux fixe est supérieur au taux de réemploi défini ci-après, le remboursement anticipé, total ou partiel, est subordonné au paiement d'une indemnité destinée à compenser la perte financière résultant pour la Banque de ce remboursement anticipé.
Dans ce cadre, l'indemnité est égale à la différence entre :
- la valeur actuelle, calculée au taux de réemploi défini ci-dessous, des échéances (intérêts et capital) qu'aurait produit le capital remboursé par anticipation sur la base du taux fixe et sur sa durée résiduelle,
- et le capital remboursé par anticipation.
Le taux de réemploi est le taux de l'OAT à taux fixe dont la vie moyenne résiduelle est la plus proche, à la date de remboursement par anticipation, de la vie moyenne du prêt à taux fixe. Le taux de réemploi est celui constaté le dernier jour de l'avant dernier mois précédant la date de remboursement anticipé.
Dans l'hypothèse où le taux de réemploi est supérieur au taux fixe du prêt donnant lieu au remboursement, l'indemnité est égale à 3 % du capital remboursé par anticipation.
4.2 Remboursement anticipé d'un prêt en taux variable ou révisable
Le remboursement anticipé, dans le cadre d'un prêt à taux variable ou révisable, est assujetti à une indemnité forfaitaire de 3 % du capital remboursé par anticipation ».
La SCI Thesa, qui soutient que son consentement a été « vicié par l'erreur sur la substance de la clause de l'indemnité de résiliation », s'abstient en l'espèce de rapporter la preuve tant de l'erreur alléguée, que de ce qu'elle aurait été déterminante de son consentement, puisqu'elle se borne à affirmer que la clause en cause serait « incompréhensible pour un profane des techniques bancaires », et dissimulerait en réalité « une méthode de calcul complexe laquelle aboutissait à un résultat dissuadant totalement la SCI Thesa de toute velléité de résiliation », sans expliquer aucunement en quoi elle a, effectivement, été induite en erreur par le libellé de cette clause, et en quoi cette erreur aurait été déterminante de son consentement.
Faute que soit établie l'erreur alléguée, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de nullité sur le fondement d'un vice du consentement.
Le jugement déféré est, sur ce point, confirmé.
Quant à la « nullité en application du régime des clauses abusives :
En vertu de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date de conclusion du contrat, les clauses abusives sont susceptibles d'affecter les seuls contrats conclus entre des professionnels d'une part et des non-professionnels ou consommateurs d'autre part.
Bien que la SCI Thesa revendique une qualité de non-professionnelle au sens du texte susvisé, en soutenant qu'elle a pour objet social la location de terrains et d'autres biens immobiliers et qu'elle n'est pas une professionnelle de la finance ou des techniques bancaires, il reste que le contrat qu'elle a conclu avec la banque était destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier qui devait être loué, et qu'il est donc, de ce fait, en rapport direct avec son activité professionnelle, de sorte que, comme le fait valoir la banque à juste titre, les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, même interprétées à la lumière de l'article 1171 nouveau du code civil, comme le demande la SCI Thesa, n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce.
Faute que soit applicable, entre les parties, la réglementation relative aux clauses abusives, la demande de la SCI Thesa tendant à voir juger 'nulle et non écrite’la clause de remboursement anticipée en application du régime des clauses abusives est rejetée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen tiré de la prescription applicable au dit régime.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Succombant en ses prétentions, la SCI Thesa doit supporter les dépens de l'appel. Elle sera, de plus, condamnée à régler à la banque intimée une somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et déboutée de sa propre demande à ce titre.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Dit que les demandes de sanction relatives à la détermination du TEG et la demande de nullité de la clause de remboursement anticipé sur le fondement du défaut de cause de la SCI Thesa se heurtent à la prescription ;
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Le Crédit Coopératif s'agissant de la demande de nullité de la clause de remboursement anticipé sur le fondement de l'erreur, vice du consentement ;
INFIRME le jugement rendu le 20 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Nanterre, sauf en ce qu'il a débouté la SCI Thesa de sa demande de nullité de la clause de remboursement anticipé sur le fondement de l'erreur ayant vicié son consentement, et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,
Déclare irrecevables les demandes de sanction relatives à la détermination du TEG et la demande de nullité de la clause de remboursement anticipé sur le fondement du défaut de cause de la SCI Thesa ;
Déboute la SCI Thesa de ses demandes fondées sur l'application du régime des clauses abusives ;
Déboute la SCI Thesa de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI Thesa à régler à la société Le Crédit Coopératif une somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI Thesa aux dépens, qui pourront être recouvrés dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.
- arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,
- 5705 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Délai pour agir - Prescription
- 5862 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Autres textes
- 5874 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Cour de cassation (1995-2016) : rapport direct
- 5881 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : identité de spécialité
- 5881 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : identité de spécialité
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- 5920 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Immeubles - Contrats immobiliers conclus par des sociétés immobilières
- 6152 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. – Articulation avec d’autres dispositions