CA ROUEN (2e ch.), 7 décembre 2000
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 978
CA ROUEN (2e ch.), 7 décembre 2000 : RG n° 99/00924 ; arrêt n° 798 (?)
Publication : Juris-Data n° 137094
Extrait : « Attendu, en l'espèce, que le contrat de location litigieux a été souscrit par Mme X. sous son enseigne commerciale « Cafétéria Y. » ; que l'usage de ce matériel téléphonique devant être utilisé avec des pièces est manifestement réservé aux clients de l'exploitation ; que le contrat est donc en rapport direct avec l'activité exercée par Mme X., peu important qu'elle ait ultérieurement précisé que le matériel ne lui était d'aucune utilité, faute de clientèle suffisante ; Qu'en principe, le contrat signé par un commerçant pour les besoins de son commerce et qui a un rapport direct avec son activité ne relève pas de la législation sur le démarchage ;
Attendu, cependant, qu'aucune disposition légale n'interdit à un professionnel de soumettre à cette législation les contrats qu'il conclut avec d'autres professionnels ; Attendu, en l'espèce, que les parties ont conclu le contrat litigieux « aux conditions générales et particulières suivantes, définies sur le présent contrat qui comporte quatre pages ; Que, selon l'article 1er, « les clauses, conditions et obligations définies dans le présent contrat sont indivisibles » ; Qu'après l'énonciation de 18 clauses, ce contrat reproduit, sous l'intitulé « Code de la consommation », les dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-26 de ce Code ; Qu'en revanche, le texte de l'article L. 121-22 du même Code, qui fait échapper à la législation protectrice des consommateurs les contrats conclus avec des professionnels, n'est pas reproduit ; Que les premiers juges ont exactement déduit de l'ensemble de ces clauses claires et précises que la société Socréa a expressément soumis le contrat litigieux à la législation sur le démarchage applicable aux consommateurs ; qu'il n'est pas démontré que Mme X. a expressément renoncé à s'en prévaloir ;Attendu qu'il résulte de l'article L. 121-23 du Code précité que le contrat doit, notamment, comporter, à peine de nullité, le prix global et les modalités de paiement ».
COUR D’APPEL DE ROUEN
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 7 DÉCEMBRE 2000
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 99/00924. DÉCISION ATTAQUÉE : T. Com. ROUEN du 09 novembre 1998.
APPELANTE :
Société KBC LEASE FRANCE anciennement dénommée SOCREA LOCATION
[adresse], représentée par la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAULT (avoués à la Cour)
INTIMÉE :
Madame X.
[adresse], représenté par Maître COUPPEY (avoué à la Cour), assistée de Maître VELLY substituant Maître PILLARD, avocat (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro […] du […] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 26 octobre 2000 sans opposition des avocats devant Madame BIGNON, Président, rapporteur,
[minute non paginée, en fait page 2] Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame BIGNON, Président ; Monsieur PERIGNON, Conseiller ; Madame BRUMEAU, Conseiller.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame LECUYER, Greffier.
DÉBATS : A l'audience publique du 26 octobre 2000, où l'affaire a été mise en délibéré au 7 décembre 2000
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé à l'audience publique du 7 décembre 2000 par Madame le Président BIGNON qui a signé la minute avec Madame LECUYER, Greffier présent à cette audience.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 1, en fait page 3] Faits et procédure :
Par contrat en date du 6 février 1997, la société Cofigest a mis à la disposition de la « Cafétéria Y. », exploitée par Mme X., un matériel téléphonique « publiphone à pièces » de marque Pegasus, loué auprès [de la] société KBC Lease France, exerçant sous l'enseigne « Socréa KBC lease » (ci-après société Socréa).
Après livraison du matériel le 17 février 1997, Mme X. a cessé de régler les loyers à compter du mois de juin 1997.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la société Socréa a notifié la résiliation du contrat à Mme X.
Par acte du 27 mars 1998, la société Socréa a assigné Mme X. en paiement et en restitution du matériel. Invoquant l'inobservation des dispositions du Code de la consommation, Mme X. a demandé le prononcé de la nullité du contrat et la restitution des sommes versées.
Par jugement rendu le 27 mars 1998, le tribunal de commerce de Rouen, après avoir retenu que la société Socréa avait volontairement rendu contractuels les dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation, a :
- prononcé la nullité du contrat pour inobservation de l'article L. 121-23 du Code de la consommation,
- condamné la société Socréa à rembourser à Mme X. la somme de 1.881,36 francs,
- dit que Mme X. devra tenir à disposition le matériel,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- débouté Mme X. de sa demande de dommages-intérêts,
- condamné la société Socréa à payer à Mme X. la somme de 2 000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
[minute page 2, en fait page 4] La société Socréa a interjeté appel de cette décision.
Prétentions et moyens des parties :
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 4 septembre 2000, la société Socréa, qui expose que le contrat de location litigieux avait un rapport direct avec l'activité de Mme X., soutient que cette dernière ne peut invoquer la méconnaissance des dispositions du Code de la consommation. Elle prétend que la seule référence aux articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation portée dans les conditions générales de location n'indique pas sa volonté de lui soumettre le contrat en contradiction avec la loi et fait valoir que le contrat litigieux est un contrat type pré-imprimé, présenté tant à des consommateurs qu'à des professionnels et que dans le cas où, comme en l'espèce, le signataire du contrat est un professionnel, les dispositions précitées sont sans objet.
Elle conclut donc à l'infirmation du jugement entrepris, et à la condamnation de Mme X. à lui payer la somme de 22.475,23 francs, avec les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 mars 1998, celle de 8.000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, celle de 7.500 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile et à lui restituer le matériel sous astreinte de 2.000 francs par jour de retard à compter du second jour suivant la signification de l'arrêt.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 8 août 2000, Mme X. invoque les motifs du jugement ayant retenu qu'en les reproduisant au contrat de location, la société Socréa a volontairement rendu contractuels les articles L. 121-3 à L. 121-26 du Code de la consommation. Elle fait valoir en outre qu'en l'espèce, commerçante en restauration, elle se trouve vis-à-vis d'un matériel téléphonique, dans le même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur. Elle conteste l'existence d'un rapport direct entre son activité de restauration et le contrat concernant un appareil téléphonique pouvant être mis en place dans tout lieu ouvert au public.
Elle conclut donc à la confirmation du jugement. Invoquant la faute commise par la société Socréa en la poursuivant en justice et le préjudice en résultant, elle demande la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 20.000 francs à titre de dommages-intérêts.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3, en fait page 5] Sur ce, la cour,
Attendu que, selon l'article L. 122-22 du Code de la consommation, les contrats de ventes, de locations ou locations ventes de biens qui ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation commerciale ne sont pas soumis aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-29 du même Code ;
Attendu, en l'espèce, que le contrat de location litigieux a été souscrit par Mme X. sous son enseigne commerciale « Cafétéria Y. » ; que l'usage de ce matériel téléphonique devant être utilisé avec des pièces est manifestement réservé aux clients de l'exploitation ; que le contrat est donc en rapport direct avec l'activité exercée par Mme X., peu important qu'elle ait ultérieurement précisé que le matériel ne lui était d'aucune utilité, faute de clientèle suffisante ;
Qu'en principe, le contrat signé par un commerçant pour les besoins de son commerce et qui un rapport a direct avec son activité ne relève pas de la législation sur le démarchage ;
Attendu, cependant, qu'aucune disposition légale n'interdit à un professionnel de soumettre à cette législation les contrats qu'il conclut avec d'autres professionnels ;
Attendu, en l'espèce, que les parties ont conclu le contrat litigieux « aux conditions générales et particulières suivantes, définies sur le présent contrat qui comporte quatre pages » ;
Que, selon l'article 1er, « les clauses, conditions et obligations définies dans le présent contrat sont indivisibles » ;
Qu'après l'énonciation de 18 clauses, ce contrat reproduit, sous l'intitulé « Code de la consommation », les dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-26 de ce Code ;
[minute page 4, en fait page 6] Qu'en revanche, le texte de l'article L. 121-22 du même Code, qui fait échapper à la législation protectrice des consommateurs les contrats conclus avec des professionnels, n'est pas reproduit ;
Que les premiers juges ont exactement déduit de l'ensemble de ces clauses claires et précises que la société Socréa a expressément soumis le contrat litigieux à la législation sur le démarchage applicable aux consommateurs ; qu'il n'est pas démontré que Mme X. a expressément renoncé à s'en prévaloir ;
Attendu qu'il résulte de l'article L. 121-23 du Code précité que le contrat doit, notamment, comporter, à peine de nullité, le prix global et les modalités de paiement ;
Que le contrat litigieux, produit par Mme X., ne comporte pas le prix global de l'opération ;
Que le tribunal en a exactement déduit que ce contrat était nul ;
Attendu que la société Socréa a produit aux débats un exemplaire du contrat qu'elle a complété postérieurement à sa conclusion afin de le rendre conforme aux dispositions de l'article L. 121-23, 6°, du Code de la consommation et le faire échapper à la nullité encourue ;
Qu'en poursuivant ainsi une procédure dans des conditions blâmables, la société Socréa a commis une faute et causé un préjudice à Mme X. que la cour a les éléments pour évaluer à la somme de 10.000 francs ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rouen le 27 mars 1998, sauf en celle de ses dispositions ayant débouté Mme X. de sa demande de dommages-intérêts ;
Et statuant à nouveau sur ce point :
[minute page 5, en fait page 7] Condamne la société Socréa KBC Lease à payer à Mme X. la somme de 10.000 francs à titre de dommages-intérêts ;
Laisse les dépens de l'instance d'appel à la charge de la société Socréa avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
- 5831 - Code de la consommation - Domaine d’application - Application conventionnelle - Illustrations voisines : démarchage à domicile
- 5883 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et besoins de l’activité
- 5885 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence
- 5893 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Conclusion du contrat
- 5904 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Amélioration du service offert au client
- 5916 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Adjonction d’une activité supplémentaire : moyens de communication