CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 28 février 2008
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1238
CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 28 février 2008 : RG n° 07/00047 ; arrêt n° 112
Publication : Juris-Data n° 358171
Extrait : « En l'espèce, il convient d'observer en premier lieu que l'offre préalable acceptée par Monsieur X. le 25 juillet 2003 ne constitue pas la reproduction fidèle de l'un des modèles-types prévus par l'article R. 311-6 du Code de la consommation, mais seulement une adaptation contractuelle. Mais surtout, quand bien même cette offre serait-elle la reproduction servile d'un modèle-type que sa conformité à la loi pourrait toujours être discutée compte tenu de la hiérarchie des normes en vertu de laquelle un texte de nature législative prime sur les décrets et arrêtés pris pour son application. Il n'y a là aucune contradiction avec l'article 1er de la directive CEE n° 93-13 du 5 avril 1993, opposé par la société Cetelem, et aux termes duquel « les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives (...) ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive », ce texte n'ayant pas pour finalité d'éluder la règle précitée, mais devant au contraire être combiné avec elle.
Il sera donc rappelé qu'aux termes de l'article L. 132-1, alinéa 1er, du Code de la consommation, « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
En l'espèce, est bien abusive la clause de l'offre (voir article II-3 des conditions générales) aux termes de laquelle « l'emprunteur peut faire évoluer le découvert utile jusqu'au montant du découvert maximum autorisé », sans acceptation d'une nouvelle offre préalable.
Elle est en effet de nature à faire obstacle à ce que l'emprunteur soit pleinement informé de l'ensemble des caractéristiques du crédit, et notamment des charges liées à son remboursement, sans que cette aggravation de sa situation soit nécessairement compensée par l'avantage qu'il peut tirer de la mise à disposition d'une somme plus importante : elle crée donc bien à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. A cet égard que l'argument du prêteur selon lequel le découvert utile ne correspondrait qu'a l'utilisation de la première fraction d'une ouverture de crédit plus importante est quelque peu artificiel.
Il est, en effet, stipulé dans l'offre que « l'augmentation du découvert utile ne peut résulter du seul usage des moyens d'utilisation du compte et doit faire l'objet d'une demande expresse de l'emprunteur », ce qui tend à démontrer que le dépassement du découvert utile est bien assimilé à une modification du découvert initialement consenti. »
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 07/00047. Arrêt n° 112. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE COMPIÈGNE du 26 octobre 2006.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
SA CETELEM
[adresse], Représentée par la SCP MILLON - PLATEAU, avoués à la Cour et plaidant par Maître HERMAN, avocat au barreau de LAON
ET :
INTIMÉ :
Monsieur X.
[adresse]. Assigné à l'étude suivant exploit de Maître Nicolas GROUSELLE, Huissier de Justice Associé à COMPIÈGNE, en date du 4 juin 2007 à la requête de la SA CETELEM. Non comparant,
DÉBATS : A l'audience publique du 21 décembre 2007 devant M. DAMULOT, Conseiller, entendu en son rapport, magistrat rapporteur siégeant, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du nouveau Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Février 2008.
GREFFIER : M. DROUVIN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. Le Conseiller en a rendu compte à la Cour composée de : M. GRANDPIERRE, Président, Mme CORBEL et M. DAMULOT, Conseillers qui en ont délibéré conformément à la Loi.
[minute page 2] PRONONCÉ PUBLIQUEMENT Le 28 février 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ; M. GRANDPIERRE, Président, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant offre préalable acceptée le 25 juillet 2003, la société Cetelem a consenti à Monsieur X. une ouverture de crédit de 1.000 euros, utilisable par fractions, et remboursable au taux effectif global de 17,16 % l'an.
Par exploit du 10 juillet 2006, le prêteur a fait assigner Monsieur X. devant le tribunal d'instance de Compiègne afin de voir le défendeur condamné à lui payer la somme de 5.278,44 euros, outre intérêts au taux contractuel échus sur le capital restant dû depuis la déchéance du terme, au titre du découvert précité.
Par jugement du 26 octobre 2006, réputé contradictoire, le Tribunal a constaté que la société Cetelem était forclose en son action et l'a condamnée aux dépens.
Suivant déclaration reçue au greffe de la Cour le 5 janvier 2007, Cetelem a interjeté appel de cette décision. Elle demande à la juridiction de céans de l'infirmer en condamnant Monsieur X. à lui payer la somme de 5.278,44 euros, outre intérêts au taux de 17,16 % sur la somme de 4.905,44 euros, et au taux légal sur le solde. Accessoirement, elle sollicite une indemnité de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
A ces fins, l'appelante fait valoir que le dépassement du découvert utile ne constitue pas un incident de paiement ou une défaillance de l'emprunteur, et ne peut donc constituer le point de départ du délai de forclusion biennal prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation, contrairement au dépassement du découvert autorisé ; qu'en l'espèce, ce dernier s'élevait à 12.000 euros ; que Monsieur X. n'a pas dépassé ce montant que la clause qui distingue entre découvert utile et découvert maximal autorisé ne saurait être jugée abusive alors qu'elle est conforme aux modèles-types prévus à l'article R. 311-6 du Code de la consommation ; qu'aucune nouvelle offre n'est nécessaire tant que le découvert maximal autorisé n'a pas été dépassé ; qu'en effet, le découvert utile ne correspond qu'à la première utilisation fractionnée ; que la directive CEE n° 93-13 du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives exclut de son champ d'application les clauses contractuelles qui reflètent les dispositions législatives ou réglementaires impératives ; que ne peut être considérée comme abusive une clause qui n'ouvre à l'emprunteur qu'une simple faculté ; qu'elle ne crée aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Assigné en application de l'article 908 du nouveau Code de procédure civile, par exploit du 4 juin 2007 signifié à l'étude de l'huissier, Monsieur X. n'a pas constitué avoué,
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Il résulte de l'article 472 du nouveau Code de procédure civile que la non-comparution du défendeur ne dispense pas le juge d'avoir à apprécier la [minute page 3] régularité, la recevabilité et le bien fondé des demandes dont il est saisi.
En l'espèce, il convient d'observer en premier lieu que l'offre préalable acceptée par Monsieur X. le 25 juillet 2003 ne constitue pas la reproduction fidèle de l'un des modèles-types prévus par l'article R. 311-6 du Code de la consommation, mais seulement une adaptation contractuelle.
Mais surtout, quand bien même cette offre serait-elle la reproduction servile d'un modèle-type que sa conformité à la loi pourrait toujours être discutée compte tenu de la hiérarchie des normes en vertu de laquelle un texte de nature législative prime sur les décrets et arrêtés pris pour son application.
Il n'y a là aucune contradiction avec l'article 1er de la directive CEE n° 93-13 du 5 avril 1993, opposé par la société Cetelem, et aux termes duquel « les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives (...) ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive », ce texte n'ayant pas pour finalité d'éluder la règle précitée, mais devant au contraire être combiné avec elle.
Il sera donc rappelé qu'aux termes de l'article L. 132-1, alinéa 1er, du Code de la consommation, « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
En l'espèce, est bien abusive la clause de l'offre (voir article II-3 des conditions générales) aux termes de laquelle « l'emprunteur peut faire évoluer le découvert utile jusqu'au montant du découvert maximum autorisé », sans acceptation d'une nouvelle offre préalable.
Elle est en effet de nature à faire obstacle à ce que l'emprunteur soit pleinement informé de l'ensemble des caractéristiques du crédit, et notamment des charges liées à son remboursement, sans que cette aggravation de sa situation soit nécessairement compensée par l'avantage qu'il peut tirer de la mise à disposition d'une somme plus importante : elle crée donc bien à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. A cet égard que l'argument du prêteur selon lequel le découvert utile ne correspondrait qu'a l'utilisation de la première fraction d'une ouverture de crédit plus importante est quelque peu artificiel.
Il est, en effet, stipulé dans l'offre que « l'augmentation du découvert utile ne peut résulter du seul usage des moyens d'utilisation du compte et doit faire l'objet d'une demande expresse de l'emprunteur », ce qui tend à démontrer que le dépassement du découvert utile est bien assimilé à une modification du découvert initialement consenti.
Aussi la clause permettant à l'emprunteur de dépasser le montant du découvert maximum autorisé sans nouvelle offre préalable doit-elle être considérée comme non-écrite. Il en résulte que le dépassement par Monsieur X. du découvert utile, intervenu dès le mois de janvier 2004, constitue un incident de paiement.
Or, cet incident n'a jamais été régularisé, le découvert n'ayant jamais été ramené sous le montant du découvert utile mais ayant, au contraire, continué de s'accroître.
L'assignation n'ayant été délivrée que le 10 juillet 2006, la forclusion biennale prévue à l'article L. 311-37 du Code de la consommation est acquise.
[minute page 4] Le jugement querellé sera donc confirmé en toutes ses dispositions, tandis que la société Cetelem, déboutée de l'intégralité de ses prétentions et condamnée aux entiers dépens d'appel, conformément au principe posé par l'article 696 du nouveau Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
statuant publiquement, en dernier ressort, et par défaut,
Confirme le jugement entrepris ;
Déboute la société Cetelem de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et la condamne aux entiers dépens d'appel,
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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