TI COMPIÈGNE, 26 octobre 2006
CERCLAB - DOCUMENT N° 1586
TI COMPIÈGNE, 26 octobre 2006 : RG n° 11-06-000401
(sur appel CA Amiens (1re ch. 1re sect.), 28 février 2008 : RG n° 07/00047 ; arrêt n° 112)
Extraits : 1/ « S'agissant de la possibilité pour le juge de relever d'office l'existence de clauses abusives au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, issu de la transposition de la directive N° 93/13 du 5 avril 1993, la Cour de justice des communautés européennes a estimé qu'une « protection effective du consommateur ne peut être atteinte que si le juge national se voit reconnaître la faculté d'apprécier d'office une telle clause » (27 juin 2000, Océano Groupo). »
2/ « Par ailleurs, la Cour de cassation, dans l'arrêt Sanchez (Civ 1re, 17 mars 1998, Sanchez, RTD com oct.-déc. 1998, p. 907 obs. B. Bouloc), a indiqué que tout dépassement du plafond de découvert prévu au contrat de crédit par fractions doit donner lieu à la souscription d'une nouvelle offre préalable de crédit. Dans son arrêt Villatte (Cass. civ. 1re, 18 janv. 2000, Villatte, Bull. civ. I, n° 14 ; D. 2000, AJ p. 134), elle a rappelé que « toute modification du montant ou du taux d'un crédit précédemment accordé doit être conclue dans les termes d'une offre préalable ».
L'article 4 de la loi du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, applicable aux contrats en cours à cette date (art. 7) a d'ailleurs consacré la position de la Cour de cassation en modifiant la fin du premier alinéa de l'art. L. 311-9 en ce sens : « l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial et pour toute augmentation de crédit consenti ». Il s'agit là d'assurer une bonne information du consommateur et d'éviter que des offres souscrites pour de faibles montants ne soient par la suite utilisées pour emprunter des montants beaucoup plus élevés.
Aussi une clause prévoyant une augmentation du montant maximum du découvert autorisé fixé dans la convention initiale des parties sans que ne soit conclu un nouveau contrat de prêt a pour effet de créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur emprunteur, en exonérant le prêteur de sacrifier aux exigences légales protectrices de l'emprunteur et en privant du même coup celui-ci de cette protection. C'est ainsi par exemple que l'emprunteur se voit déchu de la possibilité de rétracter son acceptation dans le délai de 7 jours.
La Commission des clauses abusives a condamné de telles clauses en précisant qu'elles « laissent penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, [minute page 4] délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter et que l'emprunteur, ne dispose pas, à cette occasion, de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur » (Avis 04-02 et 04-03).
La Cour de cassation a au demeurant rendu un avis dans le même sens le 10 juillet 2006 en considérant que « l'article L. 132-1 du Code de la consommation répute comme non écrite comme abusive la clause, telle qu'interprétée par le juge, prévoyant l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit ».
En conclusion, il résulte de l'ensemble des motifs qui précèdent que bien qu'un dépassement du montant initial ait été explicitement envisagé par le contrat jusqu'à un maximum de 12.000 euros, et malgré l'accord au moins tacite du prêteur qui avait avancé de nouveaux fonds, ce dépassement constitue un incident caractérisant la défaillance de l'emprunteur, partant, faisait courir le délai biennal de forclusion.»
TRIBUNAL D’INSTANCE DE COMPIÈGNE
JUGEMENT DU 26 OCTOBRE 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-06-000401.
DEMANDEUR(S) :
- Société CETELEM
[adresse], représentée par la SCP DRYE - DE BAILLENCOURT, avocats au Barreau de SENLIS
DÉFENDEUR(S) :
- Monsieur X.
[adresse], non comparant
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : Madame Anne-Marie FARJOT-WERQUIN
Greffier : Madame CARON
DÉBATS : Audience publique du : 14 septembre 2006
DÉCISION : réputée contradictoire, en premier ressort, prononcée publiquement le 26 octobre 2006 PAR MISE À DISPOSITION DU JUGEMENT AU GREFFE DU TRIBUNAL, LES PARTIES AYANT ÉTÉ PRÉALABLEMENT AVISÉES DANS LES CONDITIONS PRÉVUES AU DEUXIÈME ALINÉA DE L'ARTICLE 450 DU NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon offre préalable acceptée le 25 juillet 2003, la société Cetelem a consenti à M. X. une ouverture de crédit reconstituable par fractions pour un montant initial de 1.000 euros, et ouvrant droit pour le prêteur à la perception d'intérêts au taux effectif global de 17,16 % l'an.
Par acte d'huissier en date du 10 juillet 2006, la société Cetelem a fait assigner M. X. devant le présent Tribunal d'Instance afin d'obtenir, sous bénéfice de l'exécution provisoire, le paiement de la somme de 5.278,44 euros avec intérêts au taux contractuel, au titre de ce contrat de crédit.
Le demandeur sollicite en outre la condamnation de M. X. aux entiers dépens ainsi qu'à lui payer une somme de 500 euros en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Assigné suivant l'article 655 du NCPC M. X. n'a pas comparu.
Lors de l'audience du 14 septembre 2006, la société Cetelem a indiqué que son action n'était pas éteinte par forclusion.
L'affaire a été mise en délibéré au 26 octobre 2006.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Selon l'article 472 du Nouveau Code de Procédure Civile, lorsque le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond, le Juge ne faisant droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
L'article 125 du Nouveau Code de Procédure Civile fait obligation au Juge de relever d'office les fins de non-recevoir lorsqu’elles revêtent un caractère d'ordre public.
S'agissant de la possibilité pour le juge de relever d'office l'existence de clauses abusives au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, issu de la transposition de la directive N° 93/13 du 5 avril 1993, la Cour de justice des communautés européennes a estimé qu'une « protection effective du consommateur ne peut être atteinte que si le juge national se voit reconnaître la faculté d'apprécier d'office une telle clause » (27 juin 2000, Océano Groupo).
Aux termes de l'article L. 311-37 du Code de la Consommation, l'action en paiement née d'un contrat de crédit à la consommation doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit l'événement qui lui a donné [minute page 3] naissance à peine de forclusion.
Le point de départ du délai à l'expiration duquel ne peut plus s'exercer une action se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui leur a donné naissance.
Dans le cas d'une ouverture de crédit reconstituable et assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, le délai biennal court à compter de la première échéance impayée non régularisée (Assemblée Plénière de la Cour de Cassation 6 juin 2003).
Notamment, le dépassement du plafond maximal fixé sur l'offre manifeste la défaillance de l'emprunteur, et fait courir le délai de forclusion (Civ. 1re, 7 décembre 2004, n° 03-19.862, B.B., JCP 2005, IV, 1152).
Par ailleurs, la Cour de cassation, dans l'arrêt Sanchez (Civ 1re, 17 mars 1998, Sanchez, RTD com oct.-déc. 1998, p. 907 obs. B. Bouloc), a indiqué que tout dépassement du plafond de découvert prévu au contrat de crédit par fractions doit donner lieu à la souscription d'une nouvelle offre préalable de crédit.
Dans son arrêt Villatte (Cass. civ. 1re, 18 janv. 2000, Villatte, Bull. civ. I, n° 14 ; D. 2000, AJ p. 134), elle a rappelé que « toute modification du montant ou du taux d'un crédit précédemment accordé doit être conclue dans les termes d'une offre préalable ».
L'article 4 de la loi du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, applicable aux contrats en cours à cette date (art. 7) a d'ailleurs consacré la position de la Cour de cassation en modifiant la fin du premier alinéa de l'art. L. 311-9 en ce sens : « l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial et pour toute augmentation de crédit consenti ». Il s'agit là d'assurer une bonne information du consommateur et d'éviter que des offres souscrites pour de faibles montants ne soient par la suite utilisées pour emprunter des montants beaucoup plus élevés.
Aussi une clause prévoyant une augmentation du montant maximum du découvert autorisé fixé dans la convention initiale des parties sans que ne soit conclu un nouveau contrat de prêt a pour effet de créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur emprunteur, en exonérant le prêteur de sacrifier aux exigences légales protectrices de l'emprunteur et en privant du même coup celui-ci de cette protection. C'est ainsi par exemple que l'emprunteur se voit déchu de la possibilité de rétracter son acceptation dans le délai de 7 jours.
La Commission des clauses abusives a condamné de telles clauses en précisant qu'elles « laissent penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, [minute page 4] délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter et que l'emprunteur, ne dispose pas, à cette occasion, de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur » (Avis 04-02 et 04-03).
La Cour de cassation a au demeurant rendu un avis dans le même sens le 10 juillet 2006 en considérant que « l'article L. 132-1 du Code de la consommation répute comme non écrite comme abusive la clause, telle qu'interprétée par le juge, prévoyant l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit ».
En conclusion, il résulte de l'ensemble des motifs qui précèdent que bien qu'un dépassement du montant initial ait été explicitement envisagé par le contrat jusqu'à un maximum de 12.000 euros, et malgré l'accord au moins tacite du prêteur qui avait avancé de nouveaux fonds, ce dépassement constitue un incident caractérisant la défaillance de l'emprunteur, partant, faisait courir le délai biennal de forclusion.
La Cour de cassation a d'ailleurs rendu, le 30 mars 2005, une décision en ce sens, et précisé que cette défaillance « ne peut être regardée comme utilement effacée par l'octroi d'un crédit complémentaire intervenu dans des conditions irrégulières au regard de la législation en la matière » (Civ. 1re, 30 mars 2005, n° 02-13.765, Cofinoga/Fumanal, Gaz. Pal. 1er/2 juillet 2005 p. 9, concl. J. Sainte-Rose - Bull. civ. I n° 159 p. 134).
Il résulte de l'historique de compte produit aux débats que M. X., dès le mois janvier 2004, a, par les utilisations de son compte, dépassé le montant du découvert initial de 1.000 euros. Ce dépassement n'a jamais été régularisé par la suite et, bien au contraire, n'a fait que s'aggraver.
En conséquence la défaillance de l'emprunteur constituant le premier incident de paiement non régularisé remonte au mois de janvier 2004, nonobstant la clause contractuelle prévoyant la possibilité d'une augmentation du montant du découvert autorisé sans souscription d'une nouvelle offre préalable conforme, laquelle en effet, étant abusive, doit être réputée non écrite.
L'action en paiement de la société Cetelem, engagée plus de deux ans après le premier incident de paiement non régularisé est donc forclose ; ses demandes seront déclarées irrecevables, et elle sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
[minute page 5] Le Tribunal statuant publiquement, par jugement mis à disposition, réputé contradictoire et en premier ressort
CONSTATE que l'action en paiement de la société Cetelem est forclose,
DÉCLARE irrecevables les demandes de la société Cetelem
CONDAMNE la société Cetelem aux entiers dépens.
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