TI LILLE, 31 août 2009

CERCLAB - DOCUMENT N° 1327
TI LILLE, 31 août 2009 : RG n° 09-002099 ; jugt n° 2099/09
(sur appel CA Douai (8e ch. sect. 1), 30 septembre 2010 : RG n° 09/06764)
Extraits : 1/ « A titre liminaire, il sera observé que, en application des articles 1250 et suivants du Code Civil, le débiteur peut opposer au créancier subrogé les mêmes moyens de défense et exceptions dont il aurait pu disposer contre le créancier originaire. Aux termes de l'article 125 du Code de procédure civile, le Juge doit relever d'office les fins de non-recevoir lorsqu'elles revêtent un caractère d'ordre public, telle celle résultant de l'article L. 311-37 du Code de la consommation qui dispose que les actions en paiement engagées devant le Tribunal d'Instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Par ailleurs, en vertu de l'article L. 141-4 du Code de la consommation, il peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application, en ce compris celles relatives aux clauses abusives prévues par les articles L. 132-1 et suivants et R. 132-1 et suivants de ce Code. »
2/ « Avant même l'entrée en vigueur de la loi du 28 janvier 2005, il était déjà admis à propos de l'augmentation du découvert autorisé, que la dispense de réitération de l'offre préalable prévue par l'article L. 311-9 du Code de la consommation ne s'étendait pas aux nouvelles ouvertures de crédit lesquelles devaient être conclues dans les termes d'une offre préalable. En effet, la dispense de réitération n'était valable qu'en cas de renouvellement à l'identique de l'offre initiale et non si les conditions en étaient modifiées. Le législateur n'a fait que confirmer cette interprétation par la loi du 28 janvier 2005 […].
Dès lors, toute augmentation de découvert non autorisée ou modification du montant du taux de crédit précédemment accordé, en ce qu'elle touche à un des éléments constitutifs du contrat, doit faire l'objet d'une nouvelle offre préalable comportant les mentions prescrites par l'article L. 311- 10 du Code de la consommation.
A cet égard, l'argument selon lequel le découvert utile ne correspondrait qu’à l'utilisation de la première fraction d'une ouverture de crédit plus importante est quelque peu artificiel. […]
Une telle clause, en exonérant le prêteur de respecter les exigences légales protectrices de l'emprunteur à l'occasion de l'augmentation du découvert autorisé, et en privant du même coup ce dernier de sa faculté de rétractation, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur. »
TRIBUNAL D’INSTANCE DE LILLE
31 AOÛT 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09-002099. Jugement n° 2099/09.
DEMANDEURS :
Société ATRADIUS CREDIT INSURANCE
[adresse], représenté(e) par Maître BOCCALINI Evelyne, avocat du barreau de CRÉTEIL
DÉFENDEURS :
Monsieur X.
[adresse], non comparant
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : Lorraine BIGOT
Greffier : Dominique DEBRUYNE
DÉBATS : Audience publique du : 22 juin 2009
JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, rendu le 31 août 2009, par Lorraine DIGOT ; Président, assisté de Dominique DEBRUYNE, Greffier, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant offre préalable émise le 6 octobre 2003 et acceptée le 10 octobre 2003, la Société EGG BANKING, a consenti à Monsieur X. un crédit sous forme de découvert en compte, utilisable par fractions et assorti d'une carte de crédit, remboursable selon des échéances incluant des intérêts au taux effectif global annuel variable et dégressif en fonction du montant des sommes utilisées.
Monsieur X. aurait cessé de rembourser les échéances convenues.
Suivant quittance d'indemnité du 18 avril 2008, la SA BANQUE ACCORD, ayant succédé aux droits du prêteur par suite d'un contrat de cession partielle de fonds de commerce du 1er décembre 2004, a subrogé la Société ATRADIUS CREDIT INSURANCE (ci-après la Société) dans tous ses droits et actions.
Par exploit d'huissier en date du 20 mai 2009, la Société ATRADIUS CREDIT INSURANCE a fait citer Monsieur X. à comparaître devant le Tribunal de céans aux fins d'obtenir sa condamnation, assortie de l'exécution provisoire, à lui payer la somme de 15.756,72 euros avec intérêts au taux de 12,90 % à compter du 6 mars 2008, outre le paiement d'une indemnité de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
A l'audience du 22 juin 2009, le Tribunal invite les parties à s'expliquer notamment sur le caractère abusif de la clause contractuelle autorisant une augmentation du découvert sans présentation d'une nouvelle offre et l'exception de forclusion relevés d'office.
La Société conclut à la recevabilité de ses demandes et sollicite le bénéfice de son acte introductif d'instance.
Elle soutient que la clause litigieuse ne saurait être qualifiée d'abusive, s'agissant simplement de permettre à l'emprunteur d'utiliser dans son intégralité le découvert autorisé, seule notion qui correspond à la définition de « crédit consenti » au sens de l'article L. 311-9 du Code de la consommation, et qui doit être distingué du découvert utile.
Elle fait observer que les dispositions de l'article L. 311-9 n'imposent la rédaction d'une nouvelle offre qu'en cas de modification du crédit consenti lors du contrat initial ce qui n'est pas le cas lorsque seule la fraction disponible est dépassée.
A tout le moins, à supposer que le Tribunal reconnaisse la nécessité de présenter une nouvelle offre, la seule sanction encourue selon elle est celle de la déchéance du droit aux intérêts et non la forclusion, l'augmentation du découvert ne pouvant être assimilée à une défaillance de l'emprunteur si par ailleurs les échéances nouvelles sont honorées.
Bien que régulièrement cité à l'étude, citation doublée d'une convocation par lettre simple, Monsieur X. ne comparaît pas, n'est pas représenté et n'a pas fait connaître les motifs de son absence.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] MOTIFS DE LA DÉCISION :
En application des articles 472 et 473 du Code de procédure civile, s'il peut être statué sur le fond, en dépit de l'absence de comparution de Monsieur X., le juge doit s'assurer de la recevabilité et du bien fondé de la demande.
A titre liminaire, il sera observé que, en application des articles 1250 et suivants du Code Civil, le débiteur peut opposer au créancier subrogé les mêmes moyens de défense et exceptions dont il aurait pu disposer contre le créancier originaire.
Aux termes de l'article 125 du Code de procédure civile, le Juge doit relever d'office les fins de non-recevoir lorsqu'elles revêtent un caractère d'ordre public, telle celle résultant de l'article L. 311-37 du Code de la consommation qui dispose que les actions en paiement engagées devant le Tribunal d'Instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
Par ailleurs, en vertu de l'article L. 141-4 du Code de la consommation, il peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application, en ce compris celles relatives aux clauses abusives prévues par les articles L. 132-1 et suivants et R. 132-1 et suivants de ce Code.
Sur le caractère abusif de la clause de variation du capital attribué
Avant même l'entrée en vigueur de la loi du 28 janvier 2005, il était déjà admis à propos de l'augmentation du découvert autorisé, que la dispense de réitération de l'offre préalable prévue par l'article L. 311-9 du Code de la consommation ne s'étendait pas aux nouvelles ouvertures de crédit lesquelles devaient être conclues dans les termes d'une offre préalable.
En effet, la dispense de réitération n'était valable qu'en cas de renouvellement à l'identique de l'offre initiale et non si les conditions en étaient modifiées.
Le législateur n'a fait que confirmer cette interprétation par la loi du 28 janvier 2005 qui, en son article 4, a modifié le dernier alinéa de l'article L. 311-9 du Code de la consommation en ce sens que « l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial et pour toute augmentation du crédit consenti ».
Dès lors, toute augmentation de découvert non autorisée ou modification du montant du taux de crédit précédemment accordé, en ce qu'elle touche à un des éléments constitutifs du contrat, doit faire l'objet d'une nouvelle offre préalable comportant les mentions prescrites par l'article L. 311- 10 du Code de la consommation.
A cet égard, l'argument selon lequel le découvert utile ne correspondrait qu’à l'utilisation de la première fraction d'une ouverture de crédit plus importante est quelque peu artificiel.
En effet, le montant du découvert maximum autorisé n'est autre que le seuil réglementaire pour l'application des dispositions du Code de la Consommation.
[minute page 4] Le « crédit consenti » au sens de l'article L. 311-9 du Code de la consommation est nécessairement celui dont l'emprunteur peut disposer à la signature du contrat et qui conditionne le taux du crédit et le montant des mensualités de remboursement.
C'est sur la base d'un crédit d'un montant déterminé et donc limité que les parties se sont accordées et non pas sur un crédit maximum « pouvant » être atteint et dont le remboursement était nécessairement soumis à d'autres modalités.
En l'espèce, le contrat prévoit une réserve maximale de 21.500 euros « montant maximum que Egg pourra, le cas échéant, mettre à la disposition du client en cours de contrat », et une « réserve autorisées » de 2.000 euros « montant immédiatement à la disposition du client, dès que l'offre est devenue définitive », que « le client ne doit pas dépasser », « la réserve autorisée [pouvant] être augmentée jusqu'au montant de la réserve maximale par montants successifs ou en une seule fois à l'initiative de Egg ».
Une telle clause, en exonérant le prêteur de respecter les exigences légales protectrices de l'emprunteur à l'occasion de l'augmentation du découvert autorisé, et en privant du même coup ce dernier de sa faculté de rétractation, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur.
Or, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un tel déséquilibre.
C'est ce qu'avait décidé la Commission des clauses abusives dans un avis du 27 mai 2004 (n° 04-02) relatif à des contrats de compte permanent en concluant que « de telles clauses qui laissent penser que le prêteur ne doit pas pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur-une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter et que l'emprunteur ne dispose pas, à cette occasion, de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur. »
Dans un avis du 10 juillet 2006, la Cour de cassation s'est prononcée également en ce sens à propos d'une clause ainsi rédigée : « montant maximal du découvert global pouvant être autorisé 140.000 francs, montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture de compte est fixé à 40.000 francs. Ce montant est révisable par [le créancier], qui se réserve le droit de modifier à la hausse ou à la baisse. Ce montant peut être augmenté sur simple demande de la part [de l'emprunteur] ».
En effet, la Cour a indiqué qu'une telle clause devait être réputée non écrite comme abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation.
La clause susvisée est donc une clause abusive de variation du montant du crédit, et à ce titre, doit être réputée non écrite.
Dès lors, le montant de l'ouverture de crédit consentie correspond au montant de la fraction disponible lors de l'acceptation de l'offre initiale soit la somme de 2.000 euros.
[minute page 5]
Sur les conséquences du dépassement du découvert sans nouvelle offre :
Le point de départ du délai à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance.
Sans le cas d'une ouverture de crédit, d'un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, le délai de forclusion court donc à compter de la première échéance impayée non régularisée à laquelle doit être assimilé le premier dépassement non régularisé du montant du découvert contractuellement convenu.
Ainsi, bien qu'un dépassement du découvert ait été explicitement envisagé par le contrat, malgré l'accord au moins tacite du prêteur qui a avancé les fonds, et en l'absence d'un avenant augmentant dans des conditions régulières le montant du découvert, ce dépassement constitue un incident de paiement caractérisant la défaillance de l'emprunteur et, partant, constitutif du point de départ du délai biennal de forclusion.
Il ressort de l'historique dé compte que, dès le mois de février 2005, par les utilisations répétées de son compte, Monsieur X. a dépassé le montant du découvert initialement autorisé sans qu'aucune offre préalable n'ait été soumise à son consentement.
Ce dépassement n'a jamais été régularisé par la suite et, bien au contraire, n'a cessé de s'aggraver.
La défaillance de l'emprunteur remonte donc au mois de février 2005, et l'action a été engagée le 20 mai 2009, soit plus de deux ans après cet événement.
En conséquence, il sera constaté que la Société est forclose.
Ses demandes seront dites irrecevables et elle sera condamnée aux dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition du jugement au Greffe à la date indiquée à l'issue des débats en audience publique en application de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, par jugement réputé contradictoire et rendu en premier ressort,
CONSTATE le caractère abusif de la clause relative à la variation du montant du crédit et la déclare non écrite ;
CONSTATE la forclusion de l'action en paiement de la Société ATRADIUS CREDIT INSURANCE contre Monsieur X. au titre du contrat n° XX ;
DIT la Société ATRADIUS CREDIT INSURANCE irrecevable en ses demandes ;
[minute page 6] CONDAMNE la Société ATRADIUS CREDIT INSURANCE aux dépens ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.
Ainsi jugé et prononcé à LILLE, le 31 août 2009, la minute étant signée par Mademoiselle DIGOT, Présidente, et Madame DEBRUYNE, Greffière, à laquelle cette minute a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
D. DEBRUYNE L. DIGOT
- 5716 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Loi du 3 janvier 2008
- 5719 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Jurisprudence antérieure - Crédit à la consommation
- 5722 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Obligation - Jurisprudence antérieure à la loi du 17 mars 2014
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 5848 - Code de la consommation - Domaine d’application - Personne soumise à la protection - Notion de professionnel - Principes
- 6631 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 2 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Obligation de faire une offre
- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives
- 6636 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 7 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Conformité aux modèles-type