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CA COLMAR (3e ch. civ. A), 6 octobre 2008

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (3e ch. civ. A), 6 octobre 2008
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 3 ch. civ. sect. A
Demande : 07/03799
Décision : 08/0949
Date : 6/10/2008
Nature de la décision : Confirmation
Date de la demande : 30/08/2007
Décision antérieure : TI SARRE-UNION (Greffe Permanent), 19 juillet 2007
Numéro de la décision : 949
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1386

CA COLMAR (3e ch. civ. A), 6 octobre 2008 : RG n° 07/03799 ; arrêt n° 08/0949

 

Extraits : 1/ « Attendu que la directive du 5 avril 1993 relative au crédit à la consommation s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans le contrat (CJCE, 21 novembre 2002) ; Attendu que le moyen soulevé par le premier juge n'est pas une exception relative à la régularité de l'offre au regard des dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, soumise au délai de forclusion édicté par l'article L. 311-37, mais une application de la législation sur les clauses abusives ; que ce moyen n'est pas soumis à la prescription biennale ».

2/ « Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions contractuelles que : - le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte est de 10.000 F. ; que ce montant constitue le crédit initialement convenu, qui peut être augmenté par la simple utilisation par l'emprunteur d'un crédit plus important, approuvé par le prêteur au moyen de l'envoi des relevés de compte mentionnant les modalités de règlement ; - que ces dispositions prévoyant le relèvement du montant du crédit en compte sans souscription d'une nouvelle offre par l'emprunteur constituent une clause abusive, comme l'a estimé la cour de cassation dans son avis précité, en ce qu'elle créé, au détriment de l'emprunteur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat en tant qu'elle aggrave les modalités d'augmentation du capital emprunté par rapport aux dispositions légales, l'emprunteur étant privé de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation ; que cette clause, réputée non écrite, est inexistante ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRÊT DU 6 OCTOBRE 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A 07/03799. MINUTE N° 08/0949. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 juillet 2007 par le Tribunal d'Instance de SARRE-UNION (G.P.).

 

APPELANTE :

SA COMPAGNIE DE GESTION ET DE PRÊTS CDGP

ayant son siège social [adresse], Représentée par la SCP CALDEROLI-LOTZ - DECOT - FAURE (avocats au barreau de STRASBOURG)

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

Madame Y. épouse X.

demeurant ensemble [adresse], Non représentés

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 juin 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, [minute page 2] devant Mme MAZARIN-GEORGIN, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Mme RASTEGAR, Président de Chambre, Mme MAZARIN-GEORGIN, conseiller, M. JOBERT, conseiller qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. UTTARD

ARRÊT : - réputée contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme F. RASTEGAR, président et M. Christian UTTARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu le rapport.

Selon offre préalable acceptée le 12 novembre 1993 la Société SOFICARTE devenue la SA CDGP a consenti à M. et Mme X. une ouverture de crédit utilisable par fraction, le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte étant fixé à 10.000 F et le montant maximum du découvert pouvant être autorisé étant de 140.000 F.

Plusieurs échéances étant restées impayées la Société CDGP a prononcé la déchéance du terme par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 août 2006 et par acte du 5 juillet 2007 a assigné les époux X. devant le tribunal d'instance de SARRE-UNION en paiement de la somme de 4.671,04 euros avec les intérêts au taux de 16,70 % l'an sur la somme de 4.348,70 euros à compter du 15 août 2006 et les intérêts au taux légal pour le surplus à compter du 14 août 2006.

Le tribunal saisi a soulevé d'office le moyen tiré de la forclusion en faisant valoir que le point de départ du délai de forclusion se situait à la date de dépassement du crédit disponible à l'ouverture du compte soit au mois de novembre 2004.

La SA CDGP a répondu :

- que les exceptions tirées d'irrégularités de l'offre préalable ne pouvaient plus être invoquées pour le compte des emprunteurs en raison de la forclusion édictée par l'article L. 311-37 du code de la consommation dans sa version antérieure à la loi du 11 décembre 2001 ;

- que le relèvement du montant du crédit disponible était intervenu valablement en vertu d'une clause contractuelle laquelle devait recevoir application dès lors qu'elle ne créé pas de déséquilibre significatif au détriment du consommateur ;

- qu'en vertu de l'article L. 311-9 du code de la consommation applicable au jour de la [minute page 3] conclusions du contrat, l'offre préalable n'est nécessaire que pour l'offre initiale ce qui signifie a contrario que le relèvement du crédit par découvert en compte ne devait pas faire l'objet de l'émission d'une nouvelle offre

- qu'en vertu des dispositions de l'article L. 311-35 du code de la consommation, seule une défaillance de l'emprunteur est susceptible de constituer le point de départ du délai de forclusion et que le dépassement d'un crédit en compte ne s'analyse pas en une défaillance au sens de l'article L. 311-37 du code de la consommation.

Par jugement en date du 19 juillet 2007 le tribunal d'instance de SARRE-UNION a déclaré la demande de la Société CDGP irrecevable pour cause de forclusion et l'a condamnée aux dépens.

La Société CDGP a interjeté appel de ce jugement le 30 août 2007.

Par conclusions reçues le 22 octobre 2007 elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris ;

- de constater la forclusion des exceptions relatives à l'irrégularité des dispositions contractuelles figurant dans l'offre préalable de crédit du 12 novembre 1993 ;

- de condamner solidairement M. et Mme X. à lui payer la somme de 4.671,04 euros avec les intérêts au taux de 16,70 % l'an sur la somme de 4.348,70 euros à compter du 15 août 2006 et des intérêts au taux légal pour le surplus à compter du 14 août 2006 ;

- de les condamner solidairement aux entiers dépens et au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Elle fait valoir essentiellement que :

- les exceptions relatives au contrat devaient être invoquées dans un délai de deux ans à compter de sa conclusion à peine de forclusion en application de l'article L. 311-37 du code de la consommation dans sa version antérieure à la loi du 11 décembre 2001 ;

- la clause de relèvement du crédit par découvert en compte n'est pas abusive, M. et Mme X. disposaient de la faculté de contester les termes des relevés de compte qui leur ont été adressés mensuellement de sorte que les emprunteurs étaient d'une part à l'origine du déblocage des fonds entraînant la mise en jeu de la clause contractuelle de relèvement du découvert en compte, et qu'en outre ils avaient la possibilité de contester les termes des relevés de compte mentionnant expressément le relèvement du plafond de découvert en compte afin d'en obtenir le gel ; le système contractuel mis en place ne créé pas de déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur ;

- antérieurement à la loi du 28 janvier 2005, l'article L. 311-9 du code de la consommation prévoyait expressément que l'offre préalable de crédit n'était nécessaire que pour le contrat initial ce qui signifiait a contrario que le relèvement du montant du découvert en compte effectué en application des dispositions contractuelles insérées dans l'offre préalable initiale était valable et ne devait pas faire l'objet de l'émission d'une nouvelle offre

- l'avis rendu par la cour de cassation le 10 janvier 2006 ne lie pas les juges du fond qui restent souverains pour apprécier la validité des clauses selon les règles édictées à l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

- [minute page 4] la défaillance de l'emprunteur n'est pas constituée par la date de dépassement du crédit disponible mais par le défaut de remboursement des échéances mises à sa charge en vertu des dispositions contractuelles ;

- le premier incident de paiement non régularisé se situe au mois de septembre 2005 de sorte que l'assignation délivrée au mois de mars 2007 est intervenue avant l'expiration du délai de forclusion.

M. et Mme X., régulièrement assignés à personne, n'ont pas constitué avocat.

L'arrêt sera réputé contradictoire.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI :

Attendu que la directive du 5 avril 1993 relative au crédit à la consommation s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans le contrat (CJCE, 21 novembre 2002) ;

Attendu que le moyen soulevé par le premier juge n'est pas une exception relative à la régularité de l'offre au regard des dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, soumise au délai de forclusion édicté par l'article L. 311-37, mais une application de la législation sur les clauses abusives ; que ce moyen n'est pas soumis à la prescription biennale ;

qu’il y a lieu de rejeter l'appel sur ce point ;

Attendu que, selon l'avis de la cour de cassation du 10 juillet 2006 « l'article L. 132-1 du code de la consommation répute non écrite comme abusive la clause prévoyant l'augmentation du crédit initial sans acceptation de l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit » ;

que par ailleurs, selon la jurisprudence rendue sous l'empire de l'article L. 311-9 applicable dans sa rédaction antérieure à la loi du 28 janvier 2005, l'augmentation du découvert autorisé dans le cadre d'un contrat initial constitue une nouvelle ouverture de crédit qui doit être conclue dans les termes d'une offre préalable (Cass. Civ. 1re 16 janvier 2007) ;

Attendu que l'offre préalable acceptée le 12 novembre 1993 indique que : « la présente offre ouvre droit à un crédit qui ne peut être supérieur à une fraction des achats effectués à l'aide de la carte... cette fraction est celle dont le financement à crédit est autorisé ; … la présente offre est faite aux conditions suivantes :

- montant maximum du découvert global pouvant être autorisé : 140.000 F.

- montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte : 5.000 F. pour la réserve « achats » et 5.000 F. pour la réserve « financière » ; ces montants sont révisables par SOFICARTE qui se réserve le droit de les modifier en hausse ou en baisse » ;

Attendu que l'article 11-4 des conditions générales de financement précise : « la preuve de l'utilisation de l'ouverture de crédit qui vous est consentie résultera suffisamment des documents comptables et bancaires matérialisant les financements subséquents aux utilisateur ... SOFICARTE vous adressera mensuellement un relevé de l'ensemble de vos utilisations …  ce relevé constitue un support d'informations relatives aux modalités optionnelles de règlement qui vous sont offertes ... » ;

[minute page 5] que, l'article 11-2 mentionne « sauf accord préalable de SOFICARTE, le montant de vos utilisations ne devra à aucun moment conduire à un dépassement du montant maximum du découvert autorisé tel qu'il figure au verso ou tel qu'il aura été révisé après que vous en ayez été avisé par SOFICARTE » ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions contractuelles que :

- le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte est de 10.000 F. ; que ce montant constitue le crédit initialement convenu, qui peut être augmenté par la simple utilisation par l'emprunteur d'un crédit plus important, approuvé par le prêteur au moyen de l'envoi des relevés de compte mentionnant les modalités de règlement ;

- que ces dispositions prévoyant le relèvement du montant du crédit en compte sans souscription d'une nouvelle offre par l'emprunteur constituent une clause abusive, comme l'a estimé la cour de cassation dans son avis précité, en ce qu'elle créé, au détriment de l'emprunteur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat en tant qu'elle aggrave les modalités d'augmentation du capital emprunté par rapport aux dispositions légales, l'emprunteur étant privé de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation ;

que cette clause, réputée non écrite, est inexistante ;

Attendu que le délai biennal de forclusion court, dans le cas d'une ouverture de crédit d'un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, à compter du moment où le montant du dépassement du maximum convenu n'est pas régularisé, cette situation constituant un incident qui caractérise la défaillance de l'emprunteur (Cass. Civ. 1re 30 mars 2005) ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que le montant maximum du crédit convenu, soit 10.000 F., a été constamment dépassé à compter du mois de novembre 2004, sans qu'aucune offre préalable n'ait été soumise aux emprunteurs et sans qu'aucune régularisation ne soit intervenue ;

que l'assignation a été délivrée le 5 mars 2007 soit plus de deux ans après le premier incident de paiement non régularisé ;

que par conséquent, l'action est atteinte par la forclusion et qu'il convient de confirmer le jugement qui l'a déclarée irrecevable ;

Attendu que la Société SDGP succombant en ses prétentions sera condamnée aux dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

CONFIRME le jugement entrepris,

CONDAMNE la Société CDGP aux dépens.

Le greffier,     Le président,

 

Est cité par :