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CA COLMAR (3e ch. civ. sect. B), 1er juillet 1999

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (3e ch. civ. sect. B), 1er juillet 1999
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 3 ch. civ. sect. B
Demande : 3B 9800300
Décision : 99/00605
Date : 1/07/1999
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Gazette du Palais
Date de la demande : 19/01/1998
Décision antérieure : TI MULHOUSE, 28 octobre 1997
Numéro de la décision : 605
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1412

CA COLMAR (3e ch. civ. sect. B), 1er juillet 1999 : RG n° 3B 9800300 ; arrêt n° 99/00605

Publication : Gaz. Pal. 2001. somm. 933, obs. H. Vray

 

Extrait  : « Attendu que le paragraphe suivant de l'article 10 prévoit qu'à défaut de livraison dans les dix jours de la date fixée, et sept jours après une mise en demeure recommandée, le contrat est résilié de plein droit, et l'acompte restitué à l'acquéreur ; Attendu qu'à supposer que cette clause constitue une faculté de dédit stipulée au profit du vendeur, susceptible de lui permettre unilatéralement de ne pas donner suite à son engagement, la seule conséquence qui en résulterait pour lui serait l'obligation stipulée à titre de clause pénale (sic) de restituer l'acompte ; Or, attendu qu'une telle clause contrevient à l'article L. 132-1 du Code de la consommation, et à l'annexe 1 d de cet article, qui répute abusive toute clause permettant au professionnel de retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir le droit pour le consommateur de percevoir une indemnité d'un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c'est celui-ci qui renonce ; Attendu que la clause litigieuse ne prévoit en effet aucune indemnité à la charge du vendeur, dans la mesure où celui-ci ne s'engage qu'à restituer l'acompte versé, et ne paye aucune somme à titre d'indemnité, cependant que l'acquéreur, dans l'hypothèse inverse, perd l'acompte versé par lui ; Attendu d'autre part que la stipulation de la restitution d'un acompte à titre de clause pénale, ainsi que cela est indiqué, constitue une peine dérisoire au sens de l'article 1152 du Code civil ; Attendu donc qu'à supposer que l'article 10 permette un dédit au vendeur, la pénalité contractuelle stipulée est nulle en ce cas ;

Attendu qu'il n'est donc pas possible de limiter à la restitution de l'acompte les conséquences de la résiliation de la vente par le garagiste ; […] Attendu que conformément à l'annexe de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, et conformément à l'article 1152 du Code civil, la Cour porte l'indemnité à la charge du vendeur à une somme identique à celle qu'aurait perdue l'acquéreur, c'est-à-dire en l'espèce une somme de 5.000,00 francs ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION B

ARRET DU 1er JUILLET 1999

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 3B 9800300. Arrêt n° 99/00605.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS AVEC L'ACCORD DES AVOCATS : M. LEIBER, Président de la 3ème Chambre Civile, Section B et M. CUENOT, Conseiller, Magistrats-Rapporteurs

LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. LEIBER, Président de la 3ème Chambre Civile, Section B Mme SANVIDO et M. CUENOT, Conseillers qui en ont délibéré sur rapport des Magistrats-Rapporteurs.

Greffier présent aux débats et au prononcé : M. DOLLE.

DÉBATS à l'audience publique du 20 mai 1999.

ARRÊT CONTRADICTOIRE du 1er juillet 1999 prononcé publiquement par le Président.

NATURE DE L'AFFAIRE : 509 Autres demandes relatives à la vente.

 

APPELANT :

Monsieur X.

demeurant [adresse], représenté par Maître SPIESER, Avocat à la Cour

 

INTIMEE :

La SARL ALSACE AUTOMOBILES

ayant son siège social [adresse], prise en la personne de son représentant légal, représentée par Maîtres CAHN et Associés, Avocats à la Cour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Attendu que se plaignant du défaut d'exécution d'une vente de voiture d'occasion, Monsieur X. a saisi le 5 décembre 1996 le Tribunal d'instance de MULHOUSE d'une demande visant à contraindre le vendeur, la société ALSACE AUTOMOBILES, à exécuter ses obligations, ou à tout le moins à lui payer des dommages et intérêts ;

Attendu que la société ALSACE AUTOMOBILES a excipé d'une clause de l'acte qui permettait la résiliation du contrat passé un certain délai et moyennant la restitution de l'acompte perçu ;

qu'elle a expliqué en fait qu'elle s'était aperçue d'une défectuosité du véhicule vendu ;

Attendu que par jugement du 28 octobre 1997, le Tribunal d'instance de MULHOUSE a estimé que le contrat avait été régulièrement résilié par le vendeur, et qu'il a débouté en conséquence Monsieur X. de sa demande, en le condamnant à payer 1.000,00 F. à la SARL ALSACE AUTOMOBILES sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que Monsieur X. a relevé appel le 19 janvier 1998 de ce jugement, dans des conditions de recevabilité qui ne sont pas discutées ;

Attendu qu'au soutien de son recours, Monsieur X. indique essentiellement que la clause de résiliation sans indemnité opposée par le vendeur, ou à tout le moins son interprétation, sont abusives, et que si le véhicule avait effectivement une défectuosité, il appartenait à la société ALSACE AUTOMOBILES de le réparer avant de le livrer ;

qu'il conclut à l'infirmation du jugement entrepris, et demande la condamnation de la société ALSACE AUTOMOBILES à lui payer 20.000,00 francs de dommages et intérêts et 8.000,00 Francs sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que la SARL ALSACE AUTOMOBILES conclut à la confirmation du jugement entrepris, en faisant valoir qu'elle a appliqué normalement le contrat et restitué à Monsieur X. l'acompte versé ;

qu'elle plaide subsidiairement la nullité du contrat pour erreur, et qu'elle conclut au rejet des demandes de Monsieur X., et à sa condamnation à lui payer 5.000,00 Francs de dommages et intérêts pour procédure abusive et 7.000,00 Francs sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que les pièces versées aux débats montrent que le 4 octobre 1996, Monsieur X. a signé un bon de commande d'un véhicule d'occasion Peugeot 605, au prix de 55.000,00 Francs, payable à [minute page 3] concurrence de 20.000,00 Francs par la reprise d'un véhicule 405 ;

que Monsieur X. a versé un acompte de 5.000,00 Francs ;

Attendu que dès le 07 octobre, la société ALSACE AUTOMOBILES a indiqué à Monsieur X. son intention de ne pas donner suite à cette transaction ;

que Monsieur X. a protesté par lettre du 8 octobre, et que le 9, la société ALSACE AUTOMOBILES a invoqué une défectuosité du moteur pour justifier la non livraison du véhicule ;

qu'elle a retourné l'acompte de 5.000,00 Francs versé ;

Attendu que Monsieur X. a protesté le 10 octobre, en indiquant que le prétexte invoqué par le garagiste était fallacieux, et qu'en réalité, celui-ci voulait résilier la transaction compte-tenu de l'évaluation du véhicule de reprise ;

Attendu que la SARL ALSACE AUTOMOBILES, actionnée judiciairement, a invoqué l'article 10 du contrat, aux termes duquel le vendeur s'engageait à livrer le véhicule dans les dix jours, passés lesquels, et sept jours après une mise en demeure recommandée, la commande serait résiliée de plein droit, et l'acompte versé par l'acheteur restitué à titre de clause pénale et sans autre indemnité ;

Attendu que cette argumentation a été reconnue fondée en première instance ;

Attendu cependant que la Cour observe que comme l'indique Monsieur X., le contrat est étonnamment déséquilibré, puisqu'à défaut d'enlèvement du véhicule dans les dix jours de la livraison, et passé un délai de sept jours après une mise en demeure recommandée, il est prévu que l'acquéreur perd l'acompte qui reste acquis au vendeur ;

Attendu que le paragraphe suivant de l'article 10 prévoit qu'à défaut de livraison dans les dix jours de la date fixée, et sept jours après une mise en demeure recommandée, le contrat est résilié de plein droit, et l'acompte restitué à l'acquéreur ;

Attendu qu'à supposer que cette clause constitue une faculté de dédit stipulée au profit du vendeur, susceptible de lui permettre unilatéralement de ne pas donner suite à son engagement, la seule conséquence qui en résulterait pour lui serait l'obligation stipulée à titre de clause pénale (sic) de restituer l'acompte ;

[minute page 4] Or, attendu qu'une telle clause contrevient à l'article L. 132-1 du Code de la consommation, et à l'annexe 1 d de cet article, qui répute abusive toute clause permettant au professionnel de retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir le droit pour le consommateur de percevoir une indemnité d'un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c'est celui-ci qui renonce ;

Attendu que la clause litigieuse ne prévoit en effet aucune indemnité à la charge du vendeur, dans la mesure où celui-ci ne s'engage qu'à restituer l'acompte versé, et ne paye aucune somme à titre d'indemnité, cependant que l'acquéreur, dans l'hypothèse inverse, perd l'acompte versé par lui ;

Attendu d'autre part que la stipulation de la restitution d'un acompte à titre de clause pénale, ainsi que cela est indiqué, constitue une peine dérisoire au sens de l'article 1152 du Code civil ;

Attendu donc qu'à supposer que l'article 10 permette un dédit au vendeur, la pénalité contractuelle stipulée est nulle en ce cas ;

Attendu qu'il n'est donc pas possible de limiter à la restitution de l'acompte les conséquences de la résiliation de la vente par le garagiste ;

Attendu que celui-ci invoque une défectuosité du moteur de la voiture pour justifier en fait le défaut de livraison, mais n'en rapporte aucune preuve ;

qu'à supposer que le moteur ait été effectivement déficient, le vendeur devait le réparer avant la livraison conformément à la garantie contractuellement stipulée pour trois mois ou 5.000 kilomètres ;

Attendu donc que la déficience alléguée, contredite d'ailleurs par la revente de ce véhicule peu après à une tierce personne, ne peut donc pas constituer une justification du défaut d'exécution de ses obligations par le vendeur, ou une erreur susceptible d'annuler son engagement conformément à l'article 1110 du Code civil ;

Attendu que conformément à l'annexe de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, et conformément à l'article 1152 du Code civil, la Cour porte l'indemnité à la charge du vendeur à une somme identique à celle qu'aurait perdue l'acquéreur, c'est-à-dire en l'espèce une somme de 5.000,00 francs ;

Attendu donc qu'infirmant le jugement entrepris, la Cour condamne la SARL ALSACE AUTOMOBILES à payer à Monsieur X. une indemnité de 5 000,00 F. ;

[minute page 5] Attendu qu'il serait inéquitable par ailleurs que Monsieur X. supporte les frais de sa procédure de première instance et d'appel, et que la Cour condamne de ce chef la société ALSACE AUTOMOBILES à lui payer une compensation de 5.000,00 F. sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré :

RECOIT l'appel de Monsieur X. contre le jugement du Tribunal d'instance de MULHOUSE du 28 octobre 1997 ;

RÉFORME le jugement entrepris, et statuant à nouveau,

CONDAMNE la SARL ALSACE AUTOMOBILES à payer à Monsieur X. une indemnité de 5.000,00 F. (cinq mille francs) ;

DIT que cette indemnité porte intérêts au taux légal à compter de la décision de la Cour ;

CONDAMNE en outre la SARL ALSACE AUTOMOBILES à payer à Monsieur X. une compensation de 5.000,00 F. (cinq mille francs) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL ALSACE AUTOMOBILES aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier présent au prononcé.