CA VERSAILLES (1re ch. B), 4 mars 2003
CERCLAB - DOCUMENT N° 1716
CA VERSAILLES (1re ch. B), 4 mars 2003 : RG n° 2001/7270 ; arrêt n° 168
Publication : Legifrance ; Juris-Data n° 239681 ; Bull. inf. C. cass., 15 novembre 2003, n° 1423
Extrait : « Mais, considérant que l'article 5c) du contrat prévoit qu'en « cas d'immobilisation, le loueur n'est pas tenu de fournir au locataire un véhicule de remplacement, même si le véhicule loué est immobilisé par suite d'un cas fortuit ou de force majeure. Le locataire ne pourra prétendre à aucune diminution du loyer de fait de cette immobilisation. » ; qu'en restreignant l'absence de fourniture de véhicule de remplacement par suite de cas fortuit ou de force majeure, le loueur a implicitement mais nécessairement accepté la fourniture d'un véhicule de remplacement en cas d'immobilisation en raison d'une faute ou d'une négligence commise par lui ou à défaut une diminution de loyer ; que la clause figurant dans le contrat litigieux ne présente donc pas un caractère abusif.
Considérant que la Commission des clauses abusives reconnaît la légitimité des clauses pénales en cas de retard dans le paiement des loyers ; que si elle précise que le contrat de location ne contient pas de clause pénale en faveur du locataire pour en déduire qu'il existe un déséquilibre contractuel en raison de la nature même de ce contrat, le déséquilibre existant ici n'est pas pour autant significatif ; qu'en conséquence, la clause pénale qui impose au locataire de continuer à payer les loyers non échus ne présente pas un caractère abusif, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation ; que la contestation par Monsieur X. de sa validité sera, donc rejetée. »
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
PREMIÈRE CHAMBRE B
ARRÊT DU 4 MARS 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 2001-7270. Arrêt n° 168. Appel d’un jugement rendu le 20 septembre 2001 par le Tribunal d’instance de Versailles.
LE QUATRE MARS DEUX MILLE TROIS, La cour d’appel de VERSAILLES, 1ère chambre 2ème section, a rendu l’arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique, La cause ayant été débattue à l’audience publique du 24 janvier 2003, DEVANT : Madame Sabine FAIVRE, conseiller chargé du rapport, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés, en application de l’article 786 du nouveau code de procédure civile,
Assisté de Madame Natacha BOURGUEIL, Greffier,
Le magistrat rapporteur en a rendu compte à la cour dans son délibéré, celle-ci étant composée de : Monsieur Alban CHAIX, président, Monsieur Daniel CLOUET, conseiller, Madame Sabine FAIVRE,
Et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi, DANS L’AFFAIRE ENTRE :
APPELANT :
Monsieur X.
[adresse], CONCLUANT par Maître Claire RICARD, PLAIDANT par Maître Yannick GUILLEMOT, avocat au barreau de Versailles, APPELANT
ET
INTIMÉE :
Société LOCA DIN
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, CONCLUANT par la SCP LISSARAGUE-DUPUIS et ASSOCIES, PLAIDANT par Maître Bernard GISSEROT, avocat au barreau de Paris, INTIMÉE
[minute page 2]
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Suivant acte en date du 8 décembre 2000, la société LOCA DIN a fait assigner Monsieur X. afin de le voir condamner au paiement de l'arriéré locatif d'un véhicule.
Par jugement contradictoire en date du 20 septembre 2001, le Tribunal d'Instance de VERSAILLES a rendu la décision suivante :
Condamne Monsieur X. à payer la Société LOCA DIN :
- La somme de 2.235,81 € avec intérêts au taux légal à compter du 17 août 2000,
- La somme de 2.849,94 € avec intérêts au taux légal à compter de la signification,
Autorise Monsieur X. à s'acquitter de sa dette par 23 versements de 228,67 € et un 24ème versements soldant la dette en principal frais et intérêts, les versements s'imputeront par priorité sur le principal,
Dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance le solde sera aussitôt exigible,
Ordonne l'exécution provisoire du jugement,
Dit n'y avoir lieu à l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne Monsieur X. aux dépens,
Par déclaration en date du 7 novembre 2001, Monsieur X. a interjeté appel de cette décision.
Monsieur X. estime que l'indemnité de résiliation constitue une [minute page 3] clause pénale car elle aurait pour but d'obliger le preneur à assurer l'exécution de son obligation.
Il affirme à cet égard que cette clause est abusive car créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du non professionnel.
Il considère également que la société LOCA DIN ne justifie d'aucun préjudice du fait de la résiliation du contrat ni du prix de revente du véhicule.
Monsieur X. demande donc en dernier à la Cour de :
- Dire que l'indemnité de résiliation prévue au contrat de location conclu entre la SOCIETE LOCA DIN et Monsieur X. s'analyse en une clause pénale, en vertu de l'article 1152 du Code Civil,
- Dire que cette clause pénale est abusive au regard de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation et de la recommandation de la Commission des Clauses Abusives n° 96-02 du 14 juin 1996,
Par conséquent, dire que ladite clause est réputée non écrite,
- Donner acte à Monsieur X. de ce qu'il reconnaît être redevable de la somme de 2.235,81 € à l'égard de la Société LOCA DIN,
A titre subsidiaire,
Vu l'article 1152 du Code Civil,
- Dire que la clause pénale et manifestement excessive,
- Dire et juger qu'au vu de l'absence de préjudice subi par la Société LOCA DIN, la clause pénale sera purement et simplement supprimée,
En tout état de cause,
- [minute page 4] Condamner la Société LOCA DIN à verser à Monsieur X. une somme de 762,25 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
La société LOCA DIN estime que l'indemnité de résiliation ne constitue pas une clause pénale et, en conséquence, estime que le Tribunal, qui a reconnu la même qualité à cette indemnité, n'aurait pas dû réduire le montant de cette indemnité de manière injustifiée.
Elle affirme que le Juge aurait dû relever un excès manifeste entre cette indemnité et le préjudice subi par le bailleur et non une simple disproportion.
La société LOCA DIN prie donc en dernier la Cour de :
Déclarer recevable mais mal fondé l'appel principal interjeté par Monsieur X.,
Déclarer recevable et fondé l'appel incident formé par la Société LOCA DIN
- Y faisant droit,
Reformant la décision entreprise,
Si la Cour devait la qualifier de clause pénale, dire n'y avoir lieu à réduction de son montant dans la mesure où elle n'est pas manifestement excessive,
En tout état de cause,
Condamner Monsieur X. à porter et payer à la concluante la somme de 5.695,55 € avec intérêts au taux contractuel à compter du 17 août 2000.
[minute page 5]
La clôture a été prononcée le 12 décembre 2002 et l'affaire appelée à l'audience du 24 janvier 2003.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR
Considérant que par contrat en date du 24 février 1998, la Société LOCA DIN a donné en location à Monsieur X., un véhicule de marque Peugeot PARTNER pour une durée de 36 mois moyennant un loyer mensuel de 418,39 €.
Considérant que Monsieur X. qui a interrompu le paiement des loyers reconnaît être débiteur d'une somme de 2235,91 €. ; que le jugement qui l'a condamné au paiement de cette somme sera confirmé.
Sur l'indemnité de résiliation
Considérant que la clause du contrat qui fixe forfaitairement et à l'avance la sanction en cas d'inexécution du contrat par l'une des parties constitue une clause pénale au sens de l'article 1152 du code civil et de l'article 1229 dudit code.
Considérant que le contrat de location prévoit dans son article 8 c) que le loueur réclamera au locataire, outre les loyers impayés, ... une indemnité hors taxes correspondant à la somme de la valeur actualisée à la date de la résiliation du contrat des loyers non échus TVA incluse.
Considérant que l'article 8 c) du contrat de location qui met à la charge du locataire, du seul fait du manquement à ses obligations, une indemnisation du loueur égale à la valeur des loyers non échus, dont le mode de calcul est déterminé d'avance, constitue une clause pénale au sens de l'article 1152 du code civil, ainsi que le soutient à juste titre Monsieur X. ; que le jugement qui en a décidé autrement sera infirmé de ce chef.
Considérant que, selon la Recommandation de la Commission des clauses abusives relative aux locations de véhicules, du 14 juin 1996, la clause qui impose au locataire de continuer à payer les loyers, même si le véhicule est [minute page 6] immobilisé (alors que cette faute peut résulter d'une faute ou d'une négligence du loueur) est abusive dès lors qu'elle permet d'exiger un paiement sans contrepartie et l'exonère de l'exception d'inexécution.
Mais, considérant que l'article 5c) du contrat prévoit qu'en « cas d'immobilisation, le loueur n'est pas tenu de fournir au locataire un véhicule de remplacement, même si le véhicule loué est immobilisé par suite d'un cas fortuit ou de force majeure. Le locataire ne pourra prétendre à aucune diminution du loyer de fait de cette immobilisation. » ; qu'en restreignant l'absence de fourniture de véhicule de remplacement par suite de cas fortuit ou de force majeure, le loueur a implicitement mais nécessairement accepté la fourniture d'un véhicule de remplacement en cas d'immobilisation en raison d'une faute ou d'une négligence commise par lui ou à défaut une diminution de loyer ; que la clause figurant dans le contrat litigieux ne présente donc pas un caractère abusif.
Considérant que la Commission des clauses abusives reconnaît la légitimité des clauses pénales en cas de retard dans le paiement des loyers ; que si elle précise que le contrat de location ne contient pas de clause pénale en faveur du locataire pour en déduire qu'il existe un déséquilibre contractuel en raison de la nature même de ce contrat, le déséquilibre existant ici n'est pas pour autant significatif ; qu'en conséquence, la clause pénale qui impose au locataire de continuer à payer les loyers non échus ne présente pas un caractère abusif, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation ; que la contestation par Monsieur X. de sa validité sera, donc rejetée.
Sur la réduction de la clause pénale
Considérant que pour être réduite, la peine résultant de la clause pénale doit être manifestement excessive ; qu'au cas d'espèce, elle s'élève à 3.459,69 € ; qu'elle n'est pas excessive dès lors que s'ajoutant au produit de la vente dont Monsieur X. indique lui même qu'il a été faible (5.945,51 €), il a existé un manque à gagner certain et important pour la Société LOCA DIN ; que le montant de la clause pénale a pour objet de le compenser ; que l'immobilisation du véhicule en raison d'un accident a eu lieu pendant trois mois de juillet à octobre 1998 ; que Monsieur X. a ensuite repris régulièrement le paiement des loyers jusqu'à la fin de l'année 1999, sans solder les impayés de [minute page 7] loyer de l'année 1998.
Considérant que l'article 107 du décret du 31 juillet 1992 autorise la vente amiable du bien ayant fait l'objet d'une requête aux fins d'appréhension ; que cette disposition ouvre au locataire une alternative à la vente forcée du véhicule ; que le produit de la vente aurait pu alors être supérieur ; que la somme due au titre de la clause pénale n'est pas excessive au regard des conditions d'exécution du contrat et de la vente ; que la réduction de la somme due au titre de la clause pénale ne se justifie, donc pas et que la demande de ce chef est rejetée ;
Considérant que l'équité commande d'allouer la Société LOCA DIN une somme de 500 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Considérant que l'appelant qui succombe supportera la charge des dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS
La Cour
Statuant, publiquement, contradictoirement, en dernier ressort
Infirme le jugement entrepris
Dit que l'indemnité de résiliation prévue au contrat de location conclu entre la Société LOCA DIN et Monsieur X. s'analyse en une clause pénale.
Dit que cette clause pénale ne présente pas un caractère abusif.
Condamne Monsieur X. à payer à la Société LOCA DIN
* la somme de 2235,91 € avec intérêts au taux légal à compter du 17 août 2000
* [minute page 8] la somme de 3 459,69 € avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Condamne Monsieur X. à payer à la Société LOCA DIN la somme de 500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le Condamne aux dépens qui seront recouvrés directement contre lui par la SCP LISSARAGUE, DUPUIS et ASSOCIES, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Et ont signé le présent arrêt : Monsieur Alban CHAIX, qui l'a prononcé, Madame Natacha BOURGUEIL, qui a assisté à son prononcé, Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT.
- 5998 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Influence effective
- 6008 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Interprétation en faveur du consommateur (L. 212-1, al. 1, C. consom.) - Articulation avec les clauses abusives
- 6014 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Absence de déséquilibre - Déséquilibre non significatif
- 6023 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des prérogatives - Asymétrie
- 6122 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du consommateur - Clauses pénales ou d’indemnité forfaitaire - Droit antérieur au décret du 18 mars 2009 (indices)
- 6286 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location de meuble (bail mobilier) - Location de voiture (4) - Obligations et responsabilité du professionnel (bailleur)
- 6288 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location de meuble (bail mobilier) - Location de voiture (6) - Durée et fin du contrat