TI RENNES, 3 juin 1993
CERCLAB - DOCUMENT N° 1765
TI RENNES, 3 juin 1993 : RG n° 93/694
Extrait : « Il convient donc de réputer non écrite, car abusive, la clause selon laquelle les membres « s'engagent par leur signature à ne pas récuser le montant dû, qu'ils utilisent ou non les installations du GYMNASIUM. Le délai de rétractation dépassé, les acomptes versés ou les cartes enregistrées, ne peuvent en aucun cas être remboursés. » Le fait que GYMNASIUM n'ait pas cessé, pour sa part, d'offrir la prestation contractuellement prévue ne saurait, à lui seul, interdire la résiliation du contrat dont l'abonné ne pourrait plus profiter pour une cause légitime, notamment médicale ou professionnelle. »
TRIBUNAL D’INSTANCE DE RENNES
JUGEMENT DU 3 JUIN 1993
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 93/694.
AUDIENCE PUBLIQUE DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE RENNES tenue le TROIS JUIN MIL NEUF CENT QUATRE VINGT TREIZE au siège du Tribunal, cité Judiciaire, 7, rue Pierre Abélard, 5e étage
Par Béatrice LEFEUVRE, Juge d'Instance, Assisté de Hélène BOUVIER, Greffier.
En présence de Paul BARINCOU, auditeur de justice qui a siégé en surnombre, délibéré avec voix consultative et rédigé la décision en application de l'article 19 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, modifié par l'article 3 de la loi organique n° 70-462 du 17 juillet 1960.
ENTRE :
DEMANDEUR :
Monsieur X.
[adresse] DEMANDEUR Comparant en personne
ET :
DÉFENDEUR :
Monsieur le Directeur du Centre GYMNASIUM
[adresse] DÉFENDEUR Représenté par Maître GLOAGUEN, Avocat à BREST
LE TRIBUNAL, Après avoir entendu le demandeur en ses explications et le Conseil du défendeur en sa plaidoirie à l'audience publique du 22 avril 1993, a mis l'affaire en délibéré à ce jour où le jugement suivant a été rendu.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] JUGEMENT - FAITS ET PROCÉDURE :
Le 30 mars 1992, Monsieur X. a souscrit un contrat d'abonnement au GYMNASIUM de Rennes pour une durée de 5 ans, moyennant la somme de 9.000 francs.
Il a, réglé cette somme grâce à un crédit de 9.000 francs, souscrit, le même jour auprès de SOFINCO, et prévoyant un remboursement en 24 mensualités de 460 francs au taux effectif global de 19,92%.
Le 16 mars 1993, Monsieur X. a, par déclaration au greffe, fait convoquer la société CORPS A COEUR, exploitant du centre GYMNASIUM, pour obtenir le paiement de la somme de 8.280 francs correspondant au montant des 18 mensualités restant à échoir au mois de novembre 92, au titre du crédit souscrit auprès de SOFINCO.
Il expose que ses horaires professionnels ayant été modifiés en septembre 1992, il ne peut plus bénéficier des prestations du centre de sport auquel il est abonné, dans la mesure où il travaille désormais de 1 heure à 13 heures.
Il soutient que la clause contractuelle selon laquelle l'adhérant peut suspendre son abonnement en cas de raisons professionnelles est abusive, au sens le l'article 35 de la loi du 10 Janvier 1978, en ce qu'elle interdit toute faculté de résiliation pour le même motif.
Il se fonde pour cela sur la recommandation N° 87-03 de la commission des clauses abusives.
La société CORPS A COEUR demande que Monsieur X. soit débouté de sa demande et condamné à lui payer la somme de 3.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle expose tout d'abord que les recommandations de la commission des clauses abusives, dépourvues de tout caractère réglementaire, n'ont aucune force obligatoire et que la clause litigieuse est parfaitement licite.
Elle précise qu'en tout état de cause, les raisons invoquées par Monsieur X. ne sauraient justifier la résiliation de son abonnement car elles ne rendent pas impossible sa fréquentation du centre GYMNASIUM.
Enfin, elle ajoute que le contrat ne saurait être résilié alors que la société GYMNASIUM n'a jamais cessé pour sa part d'offrir les prestations prévues au contrat.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
- MOTIFS :
Afin de pouvoir examiner la demande de résiliation de son contrat formée par Monsieur X., il convient au préalable de déterminer le caractère abusif ou non de la clause qui le lui interdit.
[minute page 3] - Sur le caractère abusif de la clause litigieuse :
Doit être considérée comme abusive, et en conséquence réputée non écrite, la clause qui est imposée au consommateur par un abus de la puissance économique de l'autre partie et confère à cette dernière un avantage exclusif.
Il appartient au juge, saisi d'un litige né de l'exécution d'un contrat, de déterminer ci ce dernier contient de telles clauses contraires à l'ordre public de protection institué en faveur des consommateurs.
Il n'est pas nécessaire pour cela qu'un acte réglementaire soit intervenu de manière générale pour interdire la clause litigieuse.
Il est par ailleurs certain que les recommandations de la commission des clauses abusives n'ont aucune force obligatoire, tant pour le juge que pour les professionnels.
Cependant, dans la prudente recherche du caractère abusif des clauses qui lui sont déférées, le juge ne peut que s'inspirer du travail de cette commission dont la compétence en la matière est indéniable.
Dans sa recommandation N° 87-03, relative aux contrats proposés par les clubs de sport à caractère lucratif, cette commission écrit :
« Considérant que la plupart des clubs de sport à but lucratif proposent à leur clientèle des contrats d'une durée de plusieurs mois voire de plusieurs années ; que le consommateur peut pour des causes indépendantes de sa volonté, notamment pour des raisons de santé ou professionnelles, être provisoirement ou définitivement empêché de bénéficier des prestations de service du club ; que les contrats lui refusent un droit de résiliation unilatérale et au contraire stipulent que l'intégralité du prix convenu reste dû ; que les professionnels font valoir que les contrats de longue durée sont consentis à des tarifs préférentiels et que, dans les cas où ils sont convaincus de la bonne foi du consommateur, ils n'hésitent pas à délier le client de ses engagements ; que certains clubs font souscrire à leurs clientèle une assurance contre un tel risque ; que néanmoins, lorsque la bonne foi du consommateur est établie, il parait abusif de lui dénier tout droit à une prorogation de son contrat en cas d'empêchement temporaire ou à résilier son contrat en cas d'empêchement définitif... ».
En conclusion cette même recommandation conclut à la nécessité pour les contrats proposés par ce type de club de sport d'inclure une clause ayant pour objet ou pour effet : « de permettre au consommateur, dans les contrats de longue durée (égale ou supérieure à 6 mois), de résilier unilatéralement le contrat lorsque pour des causes de santé ou professionnelles il est définitivement empêché de bénéficier des prestations de service du club de sport. »
[minute page 4] En l'espèce, le contrat conclu entre Monsieur X. et GYMNASIUM prévoit exclusivement une possibilité de suspension de l'abonnement, pour une durée maximale de deux ans, en cas de raisons professionnelles justifiées par une attestation de l'employeur.
Ce même contrat stipule que les membres « s'engagent par leur signature à ne pas récuser le montant dû, qu'ils utilisent ou non les installations du GYMNASIUM » et qu'une fois passé le délai de rétractation, « les acomptes versés ne peuvent en aucun cas être remboursés ».
Il en résulte qu'aucune possibilité de résiliation de l'abonnement n'est ouverte contractuellement aux utilisateurs, quelle que soit la cause de leur éventuelle demande en ce sens, le cas de force majeure n'étant même pas réservé.
La seule suspension de l'abonnement, par ailleurs limitée dans le temps à une durée bien moindre que celle de l'abonnement considéré, ne peut suffire à répondre aux besoins d'un utilisateur à qui ses nouvelles contraintes interdiraient d'envisager toute reprise de ses activités sportives dans ce délai, au sein d'un établissement GYMNASIUM.
La clause litigieuse est au surplus insérée dans un abonnement conclu pour une durée très longue.
En effet, la commission des clauses abusives considère qu'il existe un contrat de longue durée dès lors qu'il excède six mois.
Or, en l'espèce, la durée de l'abonnement souscrit par Monsieur X. est de 5 ans, soit dix fois plus que la durée retenue par la commission.
Ceci alors même qu'il n'est pas raisonnablement possible pour un consommateur de prévoir aussi longtemps à l'avance si des modifications dans sa vie professionnelle ou son état de santé, ne vont pas venir lui imposer de cesser de bénéficier des prestations offertes.
Par ailleurs, il convient de souligner que GYMNASIUM se réserve, pour sa part, la possibilité de résilier unilatéralement ce même abonnement pour des raisons disciplinaires.
Enfin, il est usuel en matière d'abonnement à une prestation à exécution successive de prévoir un mode de règlement périodique.
Or le contrat litigieux ne permet qu'un paiement au comptant, soit par versement direct de la somme à GYMNASIUM, soit par la souscription d'un crédit auprès d'un organisme bancaire.
Ainsi, dans les deux cas, GYMNASIUM est assuré de percevoir immédiatement l'argent qui, selon le contrat, lui reste acquis dans tous les cas.
Du fait de ce mode de paiement, les « acomptes versés », qui selon le contrat ne peuvent en aucun cas être remboursés, sont équivalents au prix total de l'abonnement.
[minute page 5] Cette clause est à l'évidence inscrite dans les contrats de GYMNASIUM au bénéfice exclusif de ce dernier dans la mesure où il est le seul à en tirer avantage alors le consommateur n'en retire que des contraintes.
Cette même clause est imposée aux consommateurs par un abus de la puissance économique de GYMNASIUM en ce sens qu'elle est insérée dans un contrat d'adhésion, prérédigé et n'offrant aucune part à d'éventuelles négociations précontractuelles.
Il convient donc de réputer non écrite, car abusive, la clause selon laquelle les membres « s'engagent par leur signature à ne pas récuser le montant dû, qu'ils utilisent ou non les installations du GYMNASIUM. Le délai de rétractation dépassé, les acomptes versés ou les cartes enregistrées, ne peuvent en aucun cas être remboursés. »
Le fait que GYMNASIUM n'ait pas cessé, pour sa part, d'offrir la prestation contractuellement prévue ne saurait, à lui seul, interdire la résiliation du contrat dont l'abonné ne pourrait plus profiter pour une cause légitime, notamment médicale ou professionnelle.
- Sur la demande en paiement :
Monsieur X. verse aux débats une attestation de son employeur, selon laquelle il travaille désormais de 1 heure à 13 heures et expose que, la fatigue qu'il en ressent, lui interdit de continuer à bénéficier de son abonnement auprès de GYMNASIUM.
Il est évident que si les horaires de Monsieur X. sont bien ceux qu'il indique, ce dont rien en l'état ne permet de douter, il doit bénéficier de temps de repos substantiels pour compenser la lourdeur de ses journées de travail.
Il est tout à fait légitime pour lui de vouloir désormais consacrer son temps libre à des activités plus reposantes que la fréquentation régulière d'une salle de sport.
Cependant, la résiliation d'un contrat, tel que celui qu'il a récemment souscrit auprès de GYMNASIUM, ne peut être envisagée que dans les cas où pour des raisons totalement indépendantes de sa volonté, le membre du club est mis dans l'impossibilité de continuer à bénéficier des prestations offertes.
En l'espèce, Monsieur X. ne rapporte pas la preuve que ses nouveaux horaires de travail lui interdisent obligatoirement toute fréquentation du GYMNASIUM.
Au surplus, il ne démontre pas non plus que de tels horaires, assez inhabituels, vont lui être imposés durablement, alors que, dans le cas contraire, il pourrait bénéficier de la suspension de son abonnement, prévu au contrat passé avec GYMNASIUM.
En conséquence, il sera débouté de sa demande tendant au paiement du solde du prix de son abonnement souscrit auprès de GYMNASIUM.
[minute page 6] - Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La demande d'une indemnité à ce titre sera donc rejetée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal,
Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
DÉBOUTE Monsieur X. de ses demandes,
REJETTE la demande de la société CORPS A COEUR fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
MET les dépens à la charge du demandeur.
AINSI JUGE ET PRONONCE les jour, mois et an que dessus et Nous avons signé avec le Greffier.
- 5802 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (2) - Cass. civ. 1re, 14 mai 1991 - Application directe de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 : principe
- 5803 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (2) - Cass. civ. 1re, 14 mai 1991 - Application directe de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 : illustrations
- 5996 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Absence de caractère normatif
- 5998 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Influence effective
- 6039 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Environnement du contrat - Clauses usuelles
- 6046 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Contraintes d’exécution - Consommateur - Exécutions irréalistes et contraintes excessives
- 6131 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Durée du contrat - Résolution ou résiliation sans manquement - Résiliation par le consommateur
- 6438 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Sport - Club de sport et de remise en forme