CA GRENOBLE (ch. com.), 11 juin 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 2268
CA GRENOBLE (ch. com.), 11 juin 2009 : RG n° 07/03868
Extrait : « Il est constant que le contrat a été rédigé au nom de la société BAR RESTAURANT DES R. et qu'il a été signé par Madame X. en sa qualité de gérante. Il a pour objet la fourniture de divers matériels informatiques destinés, selon les mentions du contrat lui-même, à l'activité professionnelle de la société. Les premières réclamations de la société BAR RESTAURANT DES R. portaient au demeurant notamment sur le fait que le système d'exploitation était une version familiale, non conforme au contrat prévoyant un « pack logiciel professionnel », ce qui confirme la destination professionnelle du matériel (courrier du 27 mai 2004).
La société BAR RESTAURANT DES R. ne saurait dans ces conditions se prévaloir des dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 du Code de la consommation, alors que le matériel et les services en cause ont un rapport direct avec l'activité de bar-restauration, activité qui induit nécessairement l'usage de l'informatique.
La société BAR RESTAURANT DES R. ne saurait davantage invoquer les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de commerce, relatives aux clauses abusives, alors qu'elle a agi en tant que personne morale et qu'elle a contracté en sa qualité de professionnelle. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 11 JUIN 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/03868. Appel d'une décision (N° RG 2006J167) rendue par le Tribunal de Commerce de VIENNE en date du 25 septembre 2007 suivant déclaration d'appel du 26 octobre 2007.
APPELANTE :
SARL BAR RESTAURANT DES R.
prise en la personne de son représentant légal en exercice demeurant en cette qualité audit siège [adresse], représentée par la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, avoués à la Cour.
INTIMEE :
SARL ELPHICOM prise en la personne de son représentant légal en exercice demeurant en cette qualité audit siège
[minute Jurica page 2] [adresse], représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour.
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DELIBÉRÉ : Monsieur Daniel MULLER, Président de Chambre, Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller, Madame Françoise CUNY, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Nadine LEICKNER, Greffier.
DÉBATS : Audience publique du 29 avril 2009, Monsieur MULLER, Président a été entendu en son rapport. Les avoués ont été entendus en leurs conclusions. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par contrat du 7 avril 2004, le BAR RESTAURANT DES R. a conclu, avec la société ELPHICOM, un « contrat de prestations de services à usage professionnel » portant sur les services suivants :
- assistance informatique professionnelle + accès à la centrale d'achat télécom,
- « pack » services professionnel : information juridique, recouvrement, voyages,
- « pack » logiciel professionnel : suite bureautique, antivirus, gestion de compte,
- connexion internet pour professionnels,
- page web pour professionnel (2)
- matériel à usage professionnel :
- PC + écran + clavier + souris + HP + graveur + imprimante.
Par contrat séparé, dont la date n'est pas lisible mais que l'appelant indique, sans être contredite, avoir signé le 12 mai 2004, le BAR RESTAURANT DES R. a signé avec la société GE EQUIPEMENT un contrat de location de longue durée destiné à financer ce matériel.
Le matériel a été livré le 12 mai 2004 (PC, écran, kit clavier, souris 2 HP et imprimante), le bon de livraison mentionnant :
« Fin d'installation à prévoir à l'initiative du client :
[minute Jurica page 3] câblage téléphonique pour l'internet matin
formation logiciels ½ journée am »
Un document intitulé « contrôle qualité Ephicom », au demeurant argué de faux par l'appelante, a été remis le même jour au BAR RESTAURANT DES R. faisant état de l'accès aux services prévus par le contrat de prestations de services, à savoir : accès à internet et à la centrale d'achat télécom, adresses mail, assistance informatique et réalisation et hébergement d'un site internet.
Après échanges de courriers entre les parties, Madame X., gérante du BAR RESTAURANT DES R. informait par lettre du 15 juin 2004 la société ELPHICOM de sa « décision d'interrompre prématurément le contrat » passé entre les deux sociétés.
Le BAR RESTAURANT DES R. a fait assigner par acte du 7 juillet 2006 la société ELPHICOM devant le tribunal de commerce de VIENNE pour voir :
- prononcer la résolution de la vente intervenue le 7 avril 2004 entre les sociétés ELPHICOM et GE FINANCEMENT,
- prononcer la résolution du contrat de prestation de services intervenu entre elle et ELPHICOM,
- prononcer la résolution corrélative du contrat de crédit bail consenti le 12 mai 2004 entre elle et GE FINANCEMENT,
- condamner la société ELPHICOM à la restitution de la somme de 7.846,05 € au titre de l'ensemble des mensualités de crédit dont elle était tenue,
- condamner la société ELPHICOM au versement de l'indemnité de 10 % HT sur le montant total des loyers majorés de tous frais au titre de la location,
- condamner la société ELPHICOM au paiement des intérêts légaux sur l'ensemble des mensualités de location acquittées par elle,
- condamner la société ELPHICOM au paiement de la somme de 2.000 € en réparation du préjudice subi en raison du dol, au remboursement de la somme de 374,90 € TTC au titre de frais de constat ET DE 220,06 € au titre de frais administratifs injustifiés.
Par jugement du 25 septembre 2007, le tribunal de commerce de VIENNE a :
- débouté le BAR RESTAURANT DES R. de l'ensemble de ses demandes,
- condamné le BAR RESTAURANT DES R. à payer à la société ELPHICOM la somme de 1.300 € au titre de l'article 700 du NCPC.
Le BAR RESTAURANT DES R. a interjeté appel de ce jugement.
Vu les conclusions signifiées le 3 septembre 2008 par le BAR RESTAURANT DES R.,
Vu les conclusions signifiées le 11 juillet 2008 par la société ELPHICOM.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Le BAR RESTAURANT DES R. estime en premier lieu que la législation sur le démarchage à domicile s'applique et, alors que le délai de rétractation n'a pas été appliqué, que la nullité du contrat [minute Jurica page 4] est encourue.
Elle fait valoir par ailleurs, à l'appui de sa demande de résolution judiciaire du contrat :
- que la convention n'a pas été exécutée de bonne foi,
- que la société ELPHICOM n'a pas rempli ses obligations et a agi par dol,
- que le contrat comprend des clauses abusives en ce qu'il prévoit une durée de contrat de 48 mois sans faculté de résiliation et qu'il stipule une indemnité de résiliation le solde des mensualités,
- que la société ELPHICOM s'est rendue coupable de dol,
- que le matériel livré était affecté de vices cachés et de non-conformités à la chose commandée.
Il est constant que le contrat a été rédigé au nom de la société BAR RESTAURANT DES R. et qu'il a été signé par Madame X. en sa qualité de gérante.
Il a pour objet la fourniture de divers matériels informatiques destinés, selon les mentions du contrat lui-même, à l'activité professionnelle de la société.
Les premières réclamations de la société BAR RESTAURANT DES R. portaient au demeurant notamment sur le fait que le système d'exploitation était une version familiale, non conforme au contrat prévoyant un « pack logiciel professionnel », ce qui confirme la destination professionnelle du matériel (courrier du 27 mai 2004).
La société BAR RESTAURANT DES R. ne saurait dans ces conditions se prévaloir des dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 du Code de la consommation, alors que le matériel et les services en cause ont un rapport direct avec l'activité de bar-restauration, activité qui induit nécessairement l'usage de l'informatique.
La société BAR RESTAURANT DES R. ne saurait davantage invoquer les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de commerce, relatives aux clauses abusives, alors qu'elle a agi en tant que personne morale et qu'elle a contracté en sa qualité de professionnelle.
Elle ne démontre pas autrement que par des affirmations le dol qu'elle invoque.
La circonstance que selon elle les prestations de service sont « extravagantes », que les prestations n'aient pas été « honorées », que « le pack office » ne soit pas conforme ou encore que le contrat comporte des clauses qu'elle estime abusives ne caractérisent pas l'existence de manœuvres au sens des dispositions de l'article 1116 du Code civil.
Pas davantage la production par la société ELPHICOM de pièces, qu'elle estime fausses ou modifiées, alors que ces pièces sont postérieures à la signature du contrat.
La société BAR RESTAURANT DES R. sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre.
C'est par ailleurs à juste titre que la société ELPHICOM oppose à l'action en garantie des vices cachés la prescription résultant des dispositions de l'article 1648, dans sa rédaction antérieure au 17 février 2005 applicable à l'espèce, alors que la société BAR RESTAURANT DES R. n'a engagé son action que le 7 juillet 2006 et qu'elle a exprimé ses doléances dès le 27 mai 2004.
En laissant s'écouler plus de deux années, la société BAR RESTAURANT DES R., qui au [minute Jurica page 5] surplus ne démontre pas en quoi d'éventuels défauts antérieurs à la vente compromettraient l'usage de la chose, n'a pas respecté le bref délai.
L'action en résolution fondée sur la non-conformité de la marchandise livrée, également invoquée par la société BAR RESTAURANT DES R., n'est soumise à aucune condition de délai.
La société BAR RESTAURANT DES R. fait valoir que le matériel et les accessoires étaient impropres à l'usage auquel ils étaient destinés (absence d'internet, de page Web) et que le matériel livré n'était pas conforme à sa destination normale (XP familial au lieu de XPRO).
Les pièces produites ne permettent pas d'établir nettement les raisons pour lesquelles internet n'est pas installé.
Tout au plus peut-on observer que la société BAR RESTAURANT DES R. devait, selon le bon de livraison, installer le « câblage téléphonique », ce dont elle ne justifie pas.
Il n'est cependant pas contestable que la société ELPHICOM a livré un logiciel destiné au grand public, XP Family, alors qu'elle devait livrer un « pack » logiciel professionnel comprenant une « suite bureautique, antivirus, gestion de compte ».
Elle ne démontre pas que la société BAR RESTAURANT DES R. ait reçu l'offre du 5 juin 2004, ce que conteste cette dernière, comprenant le remplacement du système d'exploitation XP Family par XPRO, l'équipement par le pack office PME et l'évolution de la capacité mémoire.
En tout état de cause, le seul énoncé de ces propositions, qu'elles soient ou non réelles, montre que le système d'exploitation mis en place ne correspondait pas à des « services à usage professionnels », ce qui était pourtant l'objet même du contrat, même si le matériel informatique a pu être utilisé a minima avec les fonctionnalités grand public du logiciel livré.
La société BAR RESTAURANT DES R. justifie d'un manquement grave permettant la résolution du contrat, alors que le matériel livré ne peut, en raison de l'inadéquation du logiciel d'exploitation, être utilisé conformément aux prévisions du contrat.
Il convient, réformant le jugement entrepris, de prononcer la résolution du contrat de prestation de services sur le fondement des dispositions de l'article 1184 du code civil, ainsi que la résolution du contrat de vente du 7 avril 2004, intervenu entre la société ELPHICOM et la société GE FINANCEMENT, la société BAR RESTAURANT DES R. ayant expressément reçu mandat à cette fin en vertu des dispositions de l'article 6.3 du contrat de location de longue durée signé entre elle et la société GE FINANCEMENT, étant observé que la société BAR RESTAURANT DES R. a, conformément à ces dispositions, avisé la société GE FINANCEMENT de ses intentions par LRAR du 29 juin 2006.
La société BAR RESTAURANT DES R. ne saurait cependant, en l'absence de la société GE FINANCEMENT, solliciter la résolution « corrélative » du contrat de location de longue durée, le mandat susvisé ne lui permettant à l'évidence pas de se substituer à cette dernière pour agir contre elle et en son absence.
La société BAR RESTAURANT DES R. sollicite la restitution par la société ELPHICOM de la somme de 7.846,05 € correspondant à l'ensemble des mensualités du contrat de location, partiellement réglées par elle, et le versement de l'indemnité de 10 % HT sur le montant total des loyers.
Ces demandes correspondent pour partie aux sommes auxquelles elle est en l'état tenue envers la société GE FINANCEMENT.
[minute Jurica page 6] La société BAR RESTAURANT DES R. a en effet été condamnée par jugement du 12 février 2008 au paiement des sommes restant dues au titre des loyers impayés au crédit-bailleur.
Ce jugement a fait l'objet d'un appel interjeté par la société BAR RESTAURANT DES R.
La demande formée par le BAR RESTAURANT DES R. doit en réalité s'analyser en une demande tendant à voir condamner la société ELPHICOM à relever et garantir la société BAR RESTAURANT DES R. des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la société GE FINANCEMENT.
Il convient d'ordonner la réouverture des débats et d'inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point.
La société BAR RESTAURANT DES R. fera par ailleurs connaître à la cour le montant des sommes qu'elle a déjà versé à la société GE FINANCEMENT.
Il convient enfin, de condamner la société ELPHICOM, au titre des restitutions consécutives à la résolution, au paiement de la somme de 374,90 € correspondant aux frais de constat et de la somme de 220,06 € réglée au titre des frais administratifs par la société BAR RESTAURANT DES R. à la société ELPHICOM.
Il sera sursis à statuer à la demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sur la charge des dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Prononce, en application des dispositions de l'article 1184 du code civil, la résolution du contrat de prestations de services à usage professionnel intervenu entre la société BAR RESTAURANT DES R. et la société ELPHICOM, aux torts exclusifs de cette dernière,
Prononce la résolution du contrat de vente intervenu le 7 avril 2004 entre la société ELPHICOM et la société GE FINANCEMENT,
Dit n'y avoir lieu à prononcer la résolution du contrat de location de longue durée consenti le 12 mai 2004 par la société GE FINANCEMENT à la société BAR RESTAURANT DES R.,
Déboute la société BAR RESTAURANT DES R. de sa demande de dommages et intérêts formée au titre des dispositions de l'article 1116 du Code civil,
Condamne la société ELPHICOM à payer à la société BAR RESTAURANT DES R. les sommes de 374,90 € au titre des frais de constat et de 220,06 € au titre des frais administratifs,
Avant dire droit sur la demande en restitution,
[minute Jurica page 7] Renvoie l'affaire à l'audience de la mise en état du 9 septembre 2009,
Invite les parties à présenter leurs observations sur la requalification de la demande en restitution de la somme de 7.846,05 € et de l'indemnité de 10 % formée par la société BAR RESTAURANT DES R. en une demande de relevé et garantie des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre au bénéfice de la société GE FINANCEMENT,
Invite la société BAR RESTAURANT DES R. à justifier du montant des sommes versées à ce jour à la société GE FINANCEMENT,
Sursoit à statuer sur les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens.
SIGNÉ par Monsieur MULLER, Président et par Madame LEICKNER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
- 5829 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : reconnaissance du caractère professionnel du contrat
- 5858 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Exclusion explicite
- 5861 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Démarchage à domicile
- 5877 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : conclusion entre professionnels ou commerçants
- 5888 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères – Démarchage - Identité temporaire de critère avec les clauses abusives (rapport direct)
- 5910 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Intensité du lien avec l’activité - Contrat nécessaire
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet
- 5946 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Informatique