CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 12 mars 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 2346
CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 12 mars 2009 : RG n° 08/05374
Publication : Jurica
Extrait : 1 « En raison des risques liés à l'ignorance de ses droits ou aux difficultés à les exercer dans laquelle le consommateur peut se trouver et afin de permettre l'émergence de ce marché unique et concurrentiel, la Cour a été amenée à préciser que pour que ce double objectif soit effectivement atteint il convient de permettre au juge national d'appliquer d'office les dispositions transposant en droit interne les directives précitées. De ce double objectif, la protection du consommateur et le marché commun et concurrentiel étant d'égale importance, il se déduit également qu'il n'y a plus lieu en droit interne de distinguer selon que ces dispositions relèvent d'un ordre public de direction ou de protection ».
2/ « Cette clause a exactement été analysée par le premier juge comme ne déterminant pas des fractions utilisables selon une périodicité définie, mais comme permettant une augmentation ou une variation du montant du capital prêté, ce qui n'est pas conforme au modèle type réglementaire. Cette clause permet que le montant de l'ouverture initialement fixé et consenti puisse être dépassé avec l'accord du prêteur mais sans que celui-ci soit tenu de le formaliser dans les termes d'une nouvelle offre préalable ; dès lors, non seulement l'emprunteur n'est pas en mesure d'exprimer un consentement éclairé sur le montant et le coût du crédit mais surtout il ne peut exercer la faculté de se rétracter qui est d'ordre public ; cette stipulation crée donc au profit du prêteur et au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. C'est donc exactement que, par application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, le premier juge a déclaré cette clause abusive. »
COUR D’APPEL DE DOUAI
HUITIÈME CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 12 MARS 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/05374. Jugement (N° 06-004092) rendu le 18 décembre 2006 par le Tribunal d'Instance de LILLE.
APPELANTE :
SA FINAREF
agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ayant son siège social [adresse], Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour, Assistée de Maître Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉS :
Monsieur X.
demeurant [adresse], N'a pas constitué avoué.
Madame Y. épouse X.
demeurant [adresse], N'a pas constitué avoué.
DÉBATS : A l'audience publique du 13 janvier 2009, tenue par Madame PAOLI magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe. [minute Jurica page 2]
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame DESBUISSONS
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. CHARBONNIER, Président de chambre, Madame PAOLI, Conseiller, Madame VEJUX, Conseiller
ARRÊT : PAR DEFAUT, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 mars 2009 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par M. CHARBONNIER, Président et Madame DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement contradictoire du tribunal d'instance de Lille en date du 18 décembre 2006 ;
Vu l'appel formalisé par la SA Finaref le 14 août 2007 ;
Vu les conclusions déposées au greffe de la 8ème chambre de la cour d'appel par la SA FINAREF le 13 décembre 2007 ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte d'huissier en date du 3 novembre 2006 la SA FINAREF a fait assigner M. X. et Madame Y. épouse X. en paiement de la somme de 6.980,66 € au titre d'une offre de crédit utilisable par fractions consentie le 15 juillet 2003, devant le tribunal d'instance de Lille lequel a constaté la forclusion de l'action de la société de crédit et rejeté l'ensemble de ses demandes.
La société FINAREF soutient non seulement que le mécanisme du montant maximum autorisé et de la fraction disponible est parfaitement régulier au regard des dispositions de l'article L. 311-9 du Code de la consommation mais qu'il n'y a en outre aucune forclusion d'acquise en l'espèce et qu'en tout état de cause la sanction peut tout au plus être la déchéance du droit aux intérêts. La société conclut donc à l'infirmation du jugement et demande à la cour à titre principal de condamner M. X. et Masame Y. épouse X. au paiement de la somme de 6 981,66 € avec intérêts au taux de 16,83 % à compter du 15 août 2006 et à titre subsidiaire de prononcer à titre de sanction la déchéance du droit du préteur aux intérêts contractuels.
M. X. et Madame Y. épouse X. ont été assignés puis réassignés les 28 février et 21 décembre 2008 en l'étude de l'huissier après vérification par ce dernier du domicile. M X. et Madame Y. épouse X. n'ont pas constitué avoué, il sera statué par arrêt de défaut par application de l'article 474 du Code de procédure civile. Les conclusions précitées et le bordereau de communication de pièces y annexé ont été signifié le 21 décembre 2008.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 juin 2008, l'affaire a fait l'objet d'un arrêt de retrait de rôle en date du 1er juillet 2008 à la demande des parties puis elle a été remise au rôle de la cour et est venue à l'audience de plaidoirie du 13 janvier 2009 à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré au 12 mars 2009.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
1. En la forme, sur les pouvoirs et l'office du juge, il sera rappelé qu'aux termes de l'article 12 du Code de procédure civile, il est fait obligation à ce dernier de trancher le litige non seulement conformément aux règles de droit qui lui sont applicables mais également, au besoin, après avoir donné ou restitué leur exacte qualification juridique aux faits ou aux actes litigieux sans s'arrêter aux [minute Jurica page 3] dénominations que les parties en auraient proposer ; de plus, cette obligation pour le juge d'asseoir sa décision sur un raisonnement juridique adéquat doit également se lire à la lumière de l'article 125 du Code de procédure civile qui fait obligation au juge de relever d'office les fins de non recevoir lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public ; cette obligation s'impose au juge sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que le moyen d'irrecevabilité résulte d'un ordre public de direction ou de protection. Enfin, lorsque le défendeur ne comparait pas comme en l'espèce, il est néanmoins statué sur le fond mais, par application de l'article 472 du nouveau Code de procédure civile, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
2.1. Le Code de la consommation français intègre dans le droit national [diverses] directives européennes : les directives n° 87/102 le 22 décembre 1986 (modifiée par les directives n° 90/88 du 22 février 1990 et n° 98/7 du 16 février 1998) et 93/13 du 5 avril 1993 relatives respectivement aux crédits à la consommation et aux clauses abusives. La Cour de Justice des Communautés Européenne a par ailleurs été amenée à préciser à plusieurs reprises dans l'un et l'autre de ces domaines, notamment dans les arrêts des 4 octobre 2007 (Franfinance, KparK/épx Rampion) et 4 mars 2004 (Cofinoga/Sachithanathan) en matière de crédit à la consommation ou les arrêts du 27 juin 2000 (Oceano Grupo) ou du 21 novembre 2002 (Cofidis/Fredout) que le but recherché par ces directives est une meilleure protection des consommateurs par l'imposition de certaines conditions valables pour toutes les formes de crédits ; cet objectif, double, doit donc tendre non seulement à la création d'un marché commun du crédit mais aussi à assurer la protection du consommateur. En raison des risques liés à l'ignorance de ses droits ou aux difficultés à les exercer dans laquelle le consommateur peut se trouver et afin de permettre l'émergence de ce marché unique et concurrentiel, la Cour a été amenée à préciser que pour que ce double objectif soit effectivement atteint il convient de permettre au juge national d'appliquer d'office les dispositions transposant en droit interne les directives précitées. De ce double objectif, la protection du consommateur et le marché commun et concurrentiel étant d'égale importance, il se déduit également qu'il n'y a plus lieu en droit interne de distinguer selon que ces dispositions relèvent d'un ordre public de direction ou de protection.
En matière de crédits utilisables par fractions, l'article L. 311-9 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au contrat, pose l'obligation d'une offre préalable pour le contrat initial. Si lors d'un renouvellement du contrat initial cet article dispense le prêteur de soumettre à l'acceptation de l'emprunteur une nouvelle offre préalable, cette dispense ne s'étend toutefois pas aux nouvelles ouvertures de crédit auxquelles doivent être assimilées toute modification du montant du crédit ou du taux du crédit précédemment consenti, lesquelles constituent un nouveau contrat qui doit donc être conclu dans les termes d'une offre préalable répondant aux exigences des dispositions des articles L. 311-9-1 et L. 311-10 du même Code afin de permettre au consommateur de s'exprimer en connaissance de cause sur l'offre et, en tant que de besoin, se rétracter ; l'acceptation ne peut donc être tacite mais doit résulter d'un acte univoque de l'emprunteur.
Par ailleurs, aux termes de l'article L. 311-37 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable lors de la conclusion du contrat, les actions nées d'un contrat de crédit à la consommation doivent être engagées, à peine de forclusion, dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance ; s'agissant d'une action en paiement, le point de départ du délai de forclusion est fixé à la date de l'exigibilité des sommes dont le recouvrement est poursuivi. Plus précisément, dans le cas d'une ouverture de crédit, d'un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, le point de départ de ce délai se situe au moment où le montant du dépassement maximum initialement convenu n'est pas régularisé, cette situation constituant un incident de paiement caractérisant la défaillance de l'emprunteur.
Enfin, il convient de rappeler qu'aux termes des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, est réputé non écrite comme étant abusive une clause qui a pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat. À cet égard une clause contractuelle qui dispense le prêteur d'une nouvelle offre préalable lors d'augmentations du crédit initial, qui interviendront donc [minute Jurica page 4] sans acceptation préalable de l'emprunteur mais également sans possibilité pour celui-ci de se rétracter, crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat et doivent être réputés non écrites.
2.2. Le contrat du 15 juillet 1993 a fait l'objet d'un avenant en date du 25 septembre 2000 ; l'article 2-2 des conditions générales de cette offre préalable stipule que : « à l'issue d'un délai de six mois suivant la date d'ouverture de votre contrat, le montant du crédit utilisable pourra évoluer par fractions successives, à votre demande ou sur proposition du prêteur, dans la limite du montant maximum de crédit autorisé, et sous réserve que vous ne vous trouviez pas dans l'une des conditions de suspension ou de résiliation prévue à l'article huit ci-après. Toute utilisation de votre compte au-delà du montant du crédit utilisable sera considérée comme une demande de mise à disposition d'une fraction supplémentaire de votre crédit autorisé. ».
Cette clause a exactement été analysée par le premier juge comme ne déterminant pas des fractions utilisables selon une périodicité définie, mais comme permettant une augmentation ou une variation du montant du capital prêté, ce qui n'est pas conforme au modèle type réglementaire. Cette clause permet que le montant de l'ouverture initialement fixé et consenti puisse être dépassé avec l'accord du prêteur mais sans que celui-ci soit tenu de le formaliser dans les termes d'une nouvelle offre préalable ; dès lors, non seulement l'emprunteur n'est pas en mesure d'exprimer un consentement éclairé sur le montant et le coût du crédit mais surtout il ne peut exercer la faculté de se rétracter qui est d'ordre public ; cette stipulation crée donc au profit du prêteur et au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. C'est donc exactement que, par application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, le premier juge a déclaré cette clause abusive.
Le jugement doit sur ce point être confirmé.
Le montant initialement prêté aux termes de l'avenant du 25 septembre 2000 était de 25.000 Francs ou 3.811,23 € ; or, l'historique du compte permet de constater que ce seuil a été atteint et dépassé le 16 novembre 2001 par l'effet de trois utilisations d'un montant 500, 300 et 500 Francs entre le 23 octobre et le 8 novembre 2001 et il n'est plus repassé en deçà du seuil initialement convenu par l'effet de versements de l'emprunteur ou d'une demande express de sa part ou encore d'une nouvelle offre préalable dans les termes des articles L. 311-9 et suivants du Code de la consommation, au contraire, il n'a cessé d'augmenter. Les lettres dénommées lettres de reconduction annuelle sont en fait des relevés de compte sur lesquels apparaissent des indications relatives au taux des intérêts, elles ne sauraient cependant satisfaire aux exigences des dispositions législatives sus-rappelées.
Ce dépassement du plafond autorisé constitue un incident de paiement manifestant la défaillance de l'emprunteur, point de départ du délai de forclusion au sens des dispositions précitées de l'article L. 311-37 du Code de la consommation ; or, l'assignation étant intervenue le 3 novembre 2006, c'est exactement que le premier juge a constaté la forclusion de l'action de la société FINAREF et déclaré ses demandes irrecevables.
Le jugement sera confirmé.
3. La SA FINAREF succombe dans ses prétentions, elle supportera la charge des dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et par défaut ;
Confirme le jugement ;
Rejette les demandes de la SA FINAREF ;
[minute Jurica page 5] Laisse les dépens d'appel à la charge de la SA FINAREF.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
A. DESBUISSONS P. CHARBONNIER
- 5706 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Délai pour agir - Forclusion - Clauses abusives
- 5716 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Loi du 3 janvier 2008
- 5719 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Jurisprudence antérieure - Crédit à la consommation
- 5722 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Obligation - Jurisprudence antérieure à la loi du 17 mars 2014
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 6631 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 2 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Obligation de faire une offre
- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives
- 6636 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 7 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Conformité aux modèles-type