CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

TI HUNINGUE, 31 août 2007

Nature : Décision
Titre : TI HUNINGUE, 31 août 2007
Pays : France
Juridiction : Huningue (TI)
Demande : 11-07-000069
Décision : 2007/240
Date : 31/08/2007
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 2/03/2007
Décision antérieure : CA COLMAR (3e ch. civ. A), 26 janvier 2009
Numéro de la décision : 240
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 2769

TI HUNINGUE, 31 août 2007 : RG n° 11-07-000069 ; jugement n° 2007/240 

(sur appel CA Colmar (3e ch. civ. A), 26 janvier 2009 : RG n° 07/04426 : arrêt n° 09/0039)

 

Extraits : 1/ « L'article L. 311-17 du code de la consommation dispose que l'action en paiement née d'un contrat de crédit à la consommation doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit le premier impayé non régularisé, la conclusion d'un plan de surendettement ayant pour effet d'interrompre ce délai qui court à nouveau à compter du premier impayé non régularisé. Conformément à l'article 125 du nouveau code de procédure civile, le juge est tenu de soulever ce moyen d'office en ce qu'il constitue une fin de non recevoir. »

2/ « Il en résulte que du point de vue du droit communautaire, la législation sur le crédit à la consommation n'a pas pour seul objectif la défense du consommateur, auquel cas elle relèverait uniquement de l'ordre public de protection, mais qu'elle a aussi pour objectif d'assurer le bon fonctionnement du marché du crédit : à ce titre la législation sur le crédit à la consommation relève tout autant de l'ordre public de direction. Le juge peut donc parfaitement invoquer d'office l'application des règles du crédit à la consommation.

En tout état de cause, dans ses avis n° 04-02 et n° 04-03, la commission des clauses abusives a considéré que les clauses d'un contrat de prêt prévoyant l'augmentation du crédit dans la limite du montant maximum du découvert autorisé sans souscription d'une nouvelle offre préalable de crédit étaient abusives. Or, un arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 27 juin 2000 a reconnu au juge national le pouvoir de relever d'office le caractère abusif d'une clause. En l'espèce, le contrat de crédit prévoyait une fraction disponible à l'ouverture du crédit de 800 €. Il était prévu que cette fraction disponible pouvait être augmentée dans la limite du découvert maximum autorisé sans souscription d'une nouvelle offre préalable de crédit. La clause relative à l'augmentation du crédit doit donc être déclarée abusive. En conséquence, elle est non écrite et il convient d'appliquer la législation applicable à l'augmentation du crédit consenti dans le cadre d'une ouverture de compte.

Or, l'article L. 311-9 qui prévoit la souscription d'une nouvelle offre préalable de crédit lors de toute augmentation du crédit est applicable au dépassement de la fraction disponible dans la limite du découvert maximum autorisé. Un arrêt récent de la Cour de Cassation a en outre cassé un arrêt de Cour d'Appel qui avait considéré que la souscription d'une nouvelle offre préalable de crédit n'était pas nécessaire dans la mesure où le montant total des sommes perçues étaient inférieures au montant maximum du crédit autorisé (Civ. 1re, 27 juin 2006). En l'espèce, il est constant que la fraction initialement disponible de 800 € a été dépassée sans qu'une nouvelle offre préalable de crédit soit faite à Madame X. La déchéance du droit aux intérêts est donc encourue. »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE D’HUNINGUE

JUGEMENT DU 31 AOÛT 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-07-000069. Jugement n° 2007/240.

Le 31 août 2007 a été prononcé publiquement par mise à disposition au greffe du Tribunal d'Instance, le jugement suivant, signé par A. FLESCH, Président, et V. CLOEZ, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le dit magistrat

Après débats à l'audience du 13 juillet 2007, sous la Présidence de A. FLESCH, Juge d'Instance, assistée de V. CLOEZ, Greffier ;

 

ENTRE :

DEMANDEUR(S) :

Banque du groupe Casino SA

[adresse], représenté(e) par Maîtres BURNER & FAUROUX, avocat du barreau de MULHOUSE

 

ET :

DÉFENDEUR(S) :

Madame X.

[adresse], non comparant

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre préalable acceptée le 18 juin 2003, la Banque du Groupe Casino a consenti à Madame X. un crédit utilisable par fractions, le montant des échéances et le taux du crédit variant en fonction des sommes réellement empruntées. La fraction disponible choisie à l'origine était de 800 €. Le montant maximum du crédit autorisé était de 15.000 €.

Par requête adressée au greffe par lettre recommandée et enregistrée le 2 mars 2007, la Banque du Groupe Casino demande au Tribunal d'Instance de condamner Madame X. à lui payer :

- la somme de 9.340,26 € en principal avec intérêts au taux de 16,98 % sur la somme de 8.728,42 € à compter du 24 octobre 2006 et avec intérêts au taux légal pour le surplus,

- la somme de 950 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

et demande en outre au Tribunal :

- d'ordonner l'exécution provisoire,

- de condamner Madame X. aux dépens.

Régulièrement convoquée par lettre recommandée dont l'accusé de réception a été signé par son destinataire, Madame X. n'a pas comparu à l'audience du 13 avril 2007, ni personne pour la représenter.

Un jugement du 15 juin 2007 a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à s'expliquer contradictoirement au sujet de la déchéance du droit aux intérêts encourue du fait du dépassement de la fraction initialement choisie sans qu'une nouvelle offre préalable de crédit ait été établie.

Ce jugement a été notifiée à Madame X. par lettre recommandée dont l'accusé de réception a été signé.

Dans des conclusions reprises à l'audience du 13 juillet 2007, la S.A. Banque du Groupe Casino a fait valoir que la déchéance du droit aux intérêts n'était pas encourue au motif que le montant du crédit maximum autorisé n'avait jamais été dépassé et que ce moyen relevant de l'ordre public de protection, seul l'emprunteur a le droit de l'invoquer.

A l'audience du 13 juillet 2007, Madame X. n'a pas comparu, ni personne pour la représenter.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de la demande en paiement :

[minute page 3] L'article L. 311-17 du code de la consommation dispose que l'action en paiement née d'un contrat de crédit à la consommation doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit le premier impayé non régularisé, la conclusion d'un plan de surendettement ayant pour effet d'interrompre ce délai qui court à nouveau à compter du premier impayé non régularisé.

Conformément à l'article 125 du nouveau code de procédure civile, le juge est tenu de soulever ce moyen d'office en ce qu'il constitue une fin de non recevoir.

Le montant maximum du découvert autorisé était de 15.000 €. Or, ce montant n'a pas été dépassé.

L'action en paiement de la Banque du Groupe Casino n'est pas forclose.

 

Sur le droit aux intérêts :

Aux termes de l'article L. 311-33 du code de la consommation, le prêteur est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital lorsque :

* pour les ouvertures de crédit :

- en cas d'augmentation du crédit consenti, une offre préalable n'est pas établie conformément à l'article L. 311-9 du code de la consommation.

Il doit à titre liminaire être rappelé que selon l'article 472 du nouveau code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière recevable et bien fondée.

En application de cet article, le juge est fondé, en cas de défaut de comparution du défendeur, de demander au demandeur les explications de fait et de droit qu'il estime utile à la solution du litige et de les soumettre à la contradiction des parties.

Au fond, la législation du crédit à la consommation dérive du droit communautaire, les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation transposant en droit interne les dispositions de la directive n° 87/102 du 22 décembre 1986 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation.

Dans son exposé des motifs, la directive souligne que les disparités de réglementation sont susceptibles « d'entraîner des distorsions de concurrence entre les prêteurs dans le marché commun », « influent sur la libre circulation des biens et services susceptibles d'être affectés d'un crédit et ont ainsi un impact direct sur le fonctionnement du marché commun ».

Pour ce faire, la législation sur le crédit à la consommation oblige les prêteurs à harmoniser leurs offres de crédits et à informer les emprunteurs des éléments caractéristiques de leurs emprunts.

[minute page 4] Ce faisant, la législation sur le crédit à la consommation favorise une véritable mise en concurrence des prêteurs en éclairant le choix des emprunteurs.

Il en résulte que du point de vue du droit communautaire, la législation sur le crédit à la consommation n'a pas pour seul objectif la défense du consommateur, auquel cas elle relèverait uniquement de l'ordre public de protection, mais qu'elle a aussi pour objectif d'assurer le bon fonctionnement du marché du crédit : à ce titre la législation sur le crédit à la consommation relève tout autant de l'ordre public de direction.

Le juge peut donc parfaitement invoquer d'office l'application des règles du crédit à la consommation.

En tout état de cause, dans ses avis n° 04-02 et n°04-03, la commission des clauses abusives a considéré que les clauses d'un contrat de prêt prévoyant l'augmentation du crédit dans la limite du montant maximum du découvert autorisé sans souscription d'une nouvelle offre préalable de crédit étaient abusives.

Or, un arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 27 juin 2000 a reconnu au juge national le pouvoir de relever d'office le caractère abusif d'une clause.

En l'espèce, le contrat de crédit prévoyait une fraction disponible à l'ouverture du crédit de 800 €. Il était prévu que cette fraction disponible pouvait être augmentée dans la limite du découvert maximum autorisé sans souscription d'une nouvelle offre préalable de crédit.

La clause relative à l'augmentation du crédit doit donc être déclarée abusive.

En conséquence, elle est non écrite et il convient d'appliquer la législation applicable à l'augmentation du crédit consenti dans le cadre d'une ouverture de compte.

Or, l'article L. 311-9 qui prévoit la souscription d'une nouvelle offre préalable de crédit lors de toute augmentation du crédit est applicable au dépassement de la fraction disponible dans la limite du découvert maximum autorisé.

Un arrêt récent de la Cour de Cassation a en outre cassé un arrêt de Cour d'Appel qui avait considéré que la souscription d'une nouvelle offre préalable de crédit n'était pas nécessaire dans la mesure où le montant total des sommes perçues étaient inférieures au montant maximum du crédit autorisé (Civ. 1re, 27 juin 2006).

En l'espèce, il est constant que la fraction initialement disponible de 800 € a été dépassée sans qu'une nouvelle offre préalable de crédit soit faite à Madame X.

La déchéance du droit aux intérêts est donc encourue.

 

Sur le montant de la créance :

[minute page 5] Conformément à l'article L. 311-33 du code de la consommation, le débiteur n'est ainsi tenu qu'au seul remboursement du capital, les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, devant être restituées ou imputées sur le capital restant dû.

La créance de la SA Banque du Groupe Casino s'établit donc comme suit :

- capital emprunté : 10.174 € (montant total des achats)

sous déduction des remboursements : 5.440,84 € (montant total des crédits plus montant pris en charge par l'assurance moins montant total des impayés moins montant de la clôture de l'assurance)

total : 4.733,16 €.

Madame X. doit être condamnée à payer à la SA Banque du Groupe Casino la somme de 4.733,16 € avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement.

 

Sur les dépens, les frais irrépétibles et l'exécution provisoire :

Conformément aux dispositions de l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile, il y a lieu de condamner Madame X. aux entiers dépens.

Conformément à l'article 700 du nouveau code de procédure civile, compte tenu de l'équité et de la situation économique de Madame X., il n'y a pas lieu de condamner Madame X. au paiement des frais irrépétibles exposés par la S.A. Banque du Groupe Casino.

L'exécution provisoire est nécessaire et compatible avec la nature du litige et il convient de l'ordonner.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe

CONDAMNE Madame X. à payer à la SA Banque du Groupe Casino la somme de 4.733,16 € (quatre mille sept cent trente trois euros et seize centimes) avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement,

DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

CONDAMNE Madame X. aux dépens,

ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement.

Le greffier      Le Président,