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CA COLMAR (3e ch. civ. A), 26 janvier 2009

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (3e ch. civ. A), 26 janvier 2009
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 3 ch. civ. sect. A
Demande : 07/04426
Décision : 09/0039
Date : 25/01/2009
Nature de la décision : Confirmation
Date de la demande : 18/10/2007
Décision antérieure : TI HUNINGUE, 31 août 2007
Numéro de la décision : 39
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1384

CA COLMAR (3e ch. civ. A), 26 janvier 2009 : RG n° 07/04426 : arrêt n° 09/0039

 

Extraits : 1/ « Mais attendu que par un arrêt du 27 juin 2000, confirmé par une décision du 21 novembre 2002, la cour de justice des communautés européennes a admis le pouvoir pour le juge national de soulever d'office le caractère abusif d'une clause aux fins d'assurer l'effectivité de la directive communautaire relative aux clauses abusives, y compris après l'échéance d'un délai d'action ; Attendu qu'il s'ensuit que le tribunal pouvait à bon droit soulever d'office la question de la régularité de l'offre au regard des dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code de la consommation ; Attendu, au demeurant, que l'article L. 141-4 nouveau du code de la consommation, applicable devant la juridiction d'appel, permet au juge de soulever d'office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application ».

2/ « Attendu, dès l'abord, que la cour observe que la clause litigieuse n'autorise nullement le prêteur a accepter l'augmentation de la fraction disponible par convention tacite, résultant par exemple d'un défaut d'opposition à un emploi du crédit devenu supérieur à la fraction autorisée, mais exige au minimum « une demande spécifique », dont le prêteur n'a jamais justifié ; Attendu que cette seule constatation justifie à elle seule la sanction de la déchéance du droit aux intérêts pour la période considérée, par application de l'article 472 du code de procédure civile, le prêteur ne justifiant pas du bien fondé des augmentations pratiquées ;

Attendu, par ailleurs, qu'en tout état de cause, il sera considéré, au vu de l'esprit et de la lettre des textes législatifs régissant la matière, spécifiquement les articles L. 311-8 et L. 311-9 du code de la consommation, ce dernier dans sa rédaction applicable à l'époque, qu'en autorisant une augmentation de la fraction effectivement disponible du crédit sans présentation d'une nouvelle offre par simple « demande spécifique », la clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l'emprunteur, en ce qu'elle dispense le prêteur de délivrer au consommateur une offre préalable que celui-ci doit formellement accepter et omet de rappeler à celui-ci qu'il dispose de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation ;

Attendu, il est vrai, que la société CASINO souligne que son offre est conforme aux termes du modèle n° 4 annexé aux dispositions réglementaires du code de la consommation ; Attendu qu'en réalité ce moyen est inopérant, […]

Attendu qu'il s'ensuit que le caractère abusif de la clause sera confirmé, qu'elle doit être réputée non écrite et qu'en conséquence, le prêteur encourt la déchéance du droit aux intérêts par application de l'article L. 311-33 du code de la consommation, faute de présentation d'offres de crédit régulières ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRÊT DU 26 JANVIER 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A 07/04426. MINUTE N° 09/0039. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 31 août 2007 par le tribunal d'instance de HUNINGUE.

 

APPELANTE :

SA CASINO

ayant son siège [adresse], représentée par Maître Bernard BURNER (avocat au barreau de MULHOUSE)

 

INTIMÉE :

Madame X.

demeurant [adresse ], non représentée

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er décembre 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme RASTEGAR, président de chambre, et M. DAESCHLER, conseiller, chargés du rapport.

[minute page 2] Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Mme RASTEGAR, Président de Chambre, Mme MAZARIN-GEORGIN, Conseiller, M. DAESCHLER, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. UTTARD

ARRÊT : par défaut - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme F. RASTEGAR, président et M. Christian UTTARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu le rapport ;

Selon offre préalable acceptée le 18 juin 2003, la BANQUE DU GROUPE CASINO a consenti à Mme X. un crédit utilisable par fractions, le montant des échéances et le taux du crédit variant en fonction des sommes réellement empruntées. La fraction disponible choisie à l'origine était de 800 €. Le montant maximum du crédit utilisé était de 15.000 €. Diverses mensualités n'ayant pas été régulièrement payées, le prêteur a prononcé la déchéance du terme.

Sur saisine de la SA BANQUE DU GROUPE CASINO en date du 2 mars 2007, et après avoir constaté la recevabilité de l'action et soulevé d'office la déchéance du droit aux intérêts du fait du dépassement de la fraction disponible initialement choisie sans nouvelle offre préalable, le tribunal d'instance de Huningue, statuant par jugement réputé contradictoire le 31 août 2007, a condamné Mme X. à payer à la SA CASINO la somme de 4.733.16 €, avec les intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, condamné Mme X. aux dépens et ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration reçue au greffe le 18 octobre 2007, la banque du groupe CASINO SA a interjeté appel général.

Vu l'article 455 du code de procédure civile

Vu les dernières conclusions de la SA BANQUE DU GROUPE CASINO, reçues le 3 janvier 2008, tendant, au vu des dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, à infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts sur le fondement de l'article L. 311-9 du code de la consommation, statuant à nouveau, de condamner Mme X. à payer à la SA BANQUE DU GROUPE CASINO la somme de 9.340.26 €, avec les intérêts de retard au taux de 16,98 % par an sur la somme de 8.728,42 € à compter du 24 octobre 2006 et au taux légal sur le surplus à compter de l'arrêt, à condamner l'intimée à lui payer une indemnité de 1.500 € au titre de l'article 700 [minute page 3] du code de procédure civile, ainsi que qu'à payer les entiers dépens de première instance comme d'appel ;

Vu le courrier de Mme X. reçu au greffe le 20 novembre 2007 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 1er avril 2008.

Mme X., régulièrement citée par dépôt en l'étude le 23 janvier 2008, ne s'est pas fait représenter par avocat. L'arrêt sera rendu par défaut.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur ce :

Vu les pièces de la procédure et les documents joints

 

Sur l'office du juge :

Attendu que l'appelante considère que le premier juge n'avait pas à agir d'office, dès lors que la disposition évoquée, portant sur la nécessité ou non de soumettre à l'emprunteur une nouvelle offre de crédit en cas d'augmentation de la fraction disponible d'un découvert en compte, relève de l'ordre public de protection (Civ. 1ère, 16 mars 2004) et que la réforme de l'article L. 311-9 l'imposant ne date que du 28 janvier 2005 et n'est pas applicable au contrat liant les parties ;

Mais attendu que par un arrêt du 27 juin 2000, confirmé par une décision du 21 novembre 2002, la cour de justice des communautés européennes a admis le pouvoir pour le juge national de soulever d'office le caractère abusif d'une clause aux fins d'assurer l'effectivité de la directive communautaire relative aux clauses abusives, y compris après l'échéance d'un délai d'action ;

Attendu qu'il s'ensuit que le tribunal pouvait à bon droit soulever d'office la question de la régularité de l'offre au regard des dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code de la consommation ;

Attendu, au demeurant, que l'article L. 141-4 nouveau du code de la consommation, applicable devant la juridiction d'appel, permet au juge de soulever d'office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application ;

Attendu qu'il s'ensuit que le moyen soulevé devra être tranché.

 

Sur la déchéance du droit aux intérêts :

Attendu que le premier juge l'a relevé d'office sur le fondement de L. 311-9 du code de la consommation (transposition de la directive du 22 décembre 1986) en considérant que la clause, permettant d'augmenter un crédit dans la limite du maximum autorisé, est abusive au regard des dispositions de deux avis de la commission ad hoc n° 04-02 et 04-03, et s'est appuyé également sur un arrêt de la cour de cassation. (Civ 1ère, 27 juin 2006) ;

Attendu que l'appelante fait valoir que l'offre est conforme aux termes de l'article L. 311-9 et que l'augmentation du crédit consenti correspondait à celle du découvert maximal autorisé que le modèle n° 4 a été respecté (R. 311-6), le découvert utile ne correspondant qu'a la première fraction du crédit consenti et ne peut correspondre à une clause abusive compte-tenu de sa nature réglementaire ;

Attendu qu'aux termes du contrat de crédit, il est stipulé que le montant du maximum [minute page 4] autorisé fixé par le prêteur est fixé à 15.000 €, l'emprunteur choisissant dans cette limite une fraction disponible de découvert, en l'occurrence 800 € (conditions particulières), cette fraction pouvant évoluer sur demande spécifique de sa part dans la limite du montant maximum du découvert autorisé (article 4 des conditions générales in fine) ;

Attendu, dès l'abord, que la cour observe que la clause litigieuse n'autorise nullement le prêteur a accepter l'augmentation de la fraction disponible par convention tacite, résultant par exemple d'un défaut d'opposition à un emploi du crédit devenu supérieur à la fraction autorisée, mais exige au minimum « une demande spécifique », dont le prêteur n'a jamais justifié ;

Attendu que cette seule constatation justifie à elle seule la sanction de la déchéance du droit aux intérêts pour la période considérée, par application de l'article 472 du code de procédure civile, le prêteur ne justifiant pas du bien fondé des augmentations pratiquées ;

Attendu, par ailleurs, qu'en tout état de cause, il sera considéré, au vu de l'esprit et de la lettre des textes législatifs régissant la matière, spécifiquement les articles L. 311-8 et L. 311-9 du code de la consommation, ce dernier dans sa rédaction applicable à l'époque, qu'en autorisant une augmentation de la fraction effectivement disponible du crédit sans présentation d'une nouvelle offre par simple « demande spécifique », la clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l'emprunteur, en ce qu'elle dispense le prêteur de délivrer au consommateur une offre préalable que celui-ci doit formellement accepter et omet de rappeler à celui-ci qu'il dispose de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation ;

Attendu, il est vrai, que la société CASINO souligne que son offre est conforme aux termes du modèle n° 4 annexé aux dispositions réglementaires du code de la consommation ;

Attendu qu'en réalité ce moyen est inopérant, dès lors que le modèle en question, qui vise le déblocage de « fractions périodiquement disponibles » - au pluriel -, ne prévoit que l'hypothèse d'utilisations fractionnées et périodiques du capital emprunté, et non, comme dans le cas présent le déblocage et l'augmentation à termes irréguliers d'une « fraction disponible », qualifié comme telle par abus de langage, mais qui s'analyse en réalité en une augmentation du crédit effectivement consenti sous forme de découvert autorisé ;

Attendu, au demeurant, que les procédés de l'organisme de crédit sont d'autant plus critiquables qu'il ressort de l'historique du compte (annexe n° 2 de Maître Burner), que nonobstant le montant contractuellement disponible (800 €), le montant immédiatement consenti suit à des achats a été plus de cinq fois supérieur (4.600 €) ;

Attendu qu'il s'ensuit que le caractère abusif de la clause sera confirmé, qu'elle doit être réputée non écrite et qu'en conséquence, le prêteur encourt la déchéance du droit aux intérêts par application de l'article L. 311-33 du code de la consommation, faute de présentation d'offres de crédit régulières ;

Attendu, concernant le montant de la créance, que le premier juge a fait une juste application des dispositions précitées par des motifs appropriés que la cour adopte, sauf en ce qui concerne le point de départ des intérêts moratoires, ceux-ci devant courir non à compter de la signification de la décision mais à compter de la mise en demeure notifiée le 3 novembre 2006, en vertu des dispositions de l'article 1153 du code civil.

 

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Attendu que la demande de la société CASINO reste pour partie fondée, il convient de lui [minute page 5] allouer une somme de 800 € au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés pour présenter sa défense.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE l'appel de la SA BANQUE DU GROUPE CASINO, agissant en la personne de son représentant légal, partiellement bien fondé ;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts moratoires au jour de sa signification ;

Statuant de nouveau de ce chef :

CONDAMNE Mme X. à payer à la SA BANQUE DU GROUPE CASINO les intérêts au taux légal sur la somme de 4.733.16 € (quatre mille sept cent trente trois euros et seize centimes) à compter du 3 novembre 2006 ;

REJETTE toutes conclusions plus amples ou contraires ;

CONDAMNE Mme X. à payer à la SA BANQUE DU GROUPE CASINO une somme de 800 (huit cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme X. aux dépens.

Le greffier      Le président

 

Est cité par :