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TI SENS, 6 juin 2007

Nature : Décision
Titre : TI SENS, 6 juin 2007
Pays : France
Juridiction : Sens (TI)
Demande : 07-000142
Décision : 07/127
Date : 6/06/2007
Nature de la décision : Irrecevabilité
Date de la demande : 17/04/2007
Décision antérieure : CA PARIS (Pôle 4 - 9e ch.), 28 janvier 2010
Numéro de la décision : 127
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2789

TI SENS, 6 juin 2007 : RG n° 07-000142 ; jugement n° 07/127

(sur appel CA Paris (Pôle 4 ch. 9), 28 janvier 2010 : RG n° 07/16156)

 

Extrait : « L'article 125 du nouveau Code de procédure civile fait obligation au juge de relever d'office les fins de non-recevoir lorsqu'elles revêtent un caractère d'ordre public. Dans son arrêt du 21 novembre 2002 (Cofidis/Fredout), la Cour de Justice des communautés européennes a reconnu la possibilité pour le juge de soulever d'office le caractère abusif d'une clause insérée dans un contrat de crédit et que la forclusion biennale n'était pas opposable à un tel moyen.

En l'espèce, l'offre de crédit a été autorisée à hauteur de 1.500 Euros, avec la possibilité d'une augmentation jusqu'au seuil de 3.000 Euros, selon les utilisations réalisées par l'emprunteur, dans la limite de 12.500 Euros, ainsi qu'il résulte des stipulations contractuelles.

Cependant, la clause aux termes de laquelle le montant de l'ouverture de crédit fixé initialement peut être dépassé avec l'accord du prêteur en fonction des tirages de l'emprunteur ne prévoit pas que l'augmentation du montant du découvert doit être réalisé dans les termes d'une nouvelle offre préalable, qui doit être acceptée par l'emprunteur et qui ouvre une faculté de rétractation. Ainsi cette clause laisse penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une nouvelle offre préalable, que ce dernier doit formellement accepter, et que donc l'emprunteur ne dispose pas, à cette occasion, de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation.

Dès lors, cette clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment du consommateur et, de ce fait, se trouve réputée non écrite par application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation (Commission des clauses abusives, Avis 04-02 et 04-03 du 24 juin 2004 ; Avis Cass. 10 juillet 2006). En effet l'augmentation du plafond d'une ouverture de crédit ne peut être réalisée que dans les termes d'une offre préalable. Aussi, la stipulation permettant l'augmentation tacite de l'ouverture de crédit n'a donc aucune incidence sur la détermination du point de départ du délai de forclusion. En toute hypothèse, un crédit dont le plafond est stipulé révisable ne peut néanmoins être augmenté sans que l'emprunteur ait été saisi d'une nouvelle offre préalable (Civ. 1re, 26 octobre 2004, pourvoi n° 02-20564) ce dernier ne pouvant renoncer au dispositif protecteur des articles L. 311-8 et suivants du Code de la consommation.

Dès lors, la stipulation permettant l'augmentation du plafond initial est illicite et réputée non écrite. »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE SENS

JUGEMENT DU 6 JUIN 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 07-000142. Jugement n° 07/127.

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Laure COMTE

Greffier : Béatrice ARGAST, Adjoint administratif faisant fonction de Greffier

 

DEMANDEUR :

Société Anonyme SOFICARTE

[adresse], représentée par Maître DUMONT, avocat au barreau de Sens

 

DÉFENDEUR :

Monsieur X.

[adresse], non comparant

 

DÉBATS : Audience Publique du 2 mai 2007

JUGEMENT : Par mise à disposition au greffe le 6 juin 2007.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES : 

Selon offre préalable acceptée le 16 juillet 2002, la SA SOFICARTE a consenti à Monsieur X., une ouverture de crédit utilisable par fractions avec 3.000 Euros au titre de la fraction disponible du découvert et de 12.500 Euros au titre du montant maximum du découvert autorisé, ouvrant pour la société de crédit à la perception d'intérêts au taux effectif global variant entre 18,57 % et 18,01 % calculés sur les sommes réellement empruntées.

Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société de crédit a provoqué la déchéance du terme le 23 janvier 2006.

Par acte d'huissier de justice en date du 17 avril 2007, la SA SOFICARTE a fait assigner Monsieur X. afin d'obtenir, avec exécution provisoire, sa condamnation au paiement des sommes suivantes

- 5.446,56 Euros en principal avec intérêts au taux conventionnel de 16 %, sur la somme de 4.539,82 Euros, jusqu'à apurement de la dette,

- 800 Euros, en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

A l'audience du 2 mai 2007, le tribunal a invité les parties à s'expliquer sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion prévue à l'article L. 311-37 du Code de la consommation.

La SA SOFICARTE, représentée par Maître DUMONT, a réitéré les termes de son assignation, en soulignant que le juge ne pouvait pas soulever d'office un tel moyen, s'agissant d'un ordre public de protection, que seule l'offre préalable est nécessaire pour le contrat initial en application de l'article L. 311-3 du Code de la consommation. Par ailleurs, elle a rappelé les termes du contrat précisant que le montant maximum du découvert autorisé était de 12.500 Euros et qu'il n'avait jamais été dépassé en l'espèce. Elle a précisé que les dispositions contractuelles ouvraient le droit à un crédit d'un montant pouvant atteindre le montant maximum du découvert autorisé, et qu'il y avait eu accord entre les parties sur le montant emprunté dans le cadre contractuel, dépassant la fraction disponible.

Elle en conclu que le point de départ du délai de forclusion est le premier impayé non régularisé à savoir le mois de juin 2005.

Enfin, elle a rejeté la qualification d'abusive la clause de variabilité du découvert autorisé.

Assigné sur la base d'un procès-verbal dressé en application de l'article 659 du nouveau Code de procédure civile, Monsieur X. n'a pas comparu, ni personne pour le représenter.

L'affaire a été mise en délibéré au 6 juin 2007.

Le montant de la demande est supérieur à la somme de 4.000 Euros, et relève d'un domaine de compétence exclusif du tribunal d'instance. Le jugement sera ainsi rendu en premier ressort, en vertu de l'article L. 311-37 du Code de la consommation.

Un procès-verbal de recherches infructueuses a été établi conformément à l'article 659 du nouveau Code de procédure civile, la décision étant rendue en premier ressort, le jugement rendu sera réputé contradictoire en vertu de l'article 473 alinéa 1 du nouveau Code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu que selon l'article 472 du nouveau Code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

 

Sur la recevabilité de la demande :

* Sur le caractère abusif de la clause de variabilité du montant maximum emprunté :

L'article 125 du nouveau Code de procédure civile fait obligation au juge de relever d'office les fins de non-recevoir lorsqu'elles revêtent un caractère d'ordre public.

Dans son arrêt du 21 novembre 2002 (Cofidis/Fredout), la Cour de Justice des communautés européennes a reconnu la possibilité pour le juge de soulever d'office le caractère abusif d'une clause insérée dans un contrat de crédit et que la forclusion biennale n'était pas opposable à un tel moyen.

En l'espèce, l'offre de crédit a été autorisée à hauteur de 1.500 Euros, avec la possibilité d'une augmentation jusqu'au seuil de 3.000 Euros, selon les utilisations réalisées par l'emprunteur, dans la limite de 12.500 Euros, ainsi qu'il résulte des stipulations contractuelles.

Cependant, la clause aux termes de laquelle le montant de l'ouverture de crédit fixé initialement peut être dépassé avec l'accord du prêteur en fonction des tirages de l'emprunteur ne prévoit pas que l'augmentation du montant du découvert doit être réalisé dans les termes d'une nouvelle offre préalable, qui doit être acceptée par l'emprunteur et qui ouvre une faculté de rétractation.

Ainsi cette clause laisse penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une nouvelle offre préalable, que ce dernier doit formellement accepter, et que donc l'emprunteur ne dispose pas, à cette occasion, de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation.

Dès lors, cette clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment du consommateur et, de ce fait, se trouve réputée non écrite par application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation (Commission des clauses abusives, Avis 04-02 et 04-03 du 24 juin 2004 ; Avis Cass. 10 juillet 2006).

En effet l'augmentation du plafond d'une ouverture de crédit ne peut être réalisée que dans les termes d'une offre préalable.

Aussi, la stipulation permettant l'augmentation tacite de l'ouverture de crédit n'a donc aucune incidence sur la détermination du point de départ du délai de forclusion.

En toute hypothèse, un crédit dont le plafond est stipulé révisable ne peut néanmoins être augmenté sans que l'emprunteur ait été saisi d'une nouvelle offre préalable (Civ. 1re, 26 octobre 2004, pourvoi n° 02-20564) ce dernier ne pouvant renoncer au dispositif protecteur des articles L. 311-8 et suivants du Code de la consommation.

[minute page 4] Dès lors, la stipulation permettant l'augmentation du plafond initial est illicite et réputée non écrite.

 

* Sur la forclusion :

Aux termes de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, l'action en paiement née d'un contrat de crédit à la consommation doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit l'événement qui lui a donné naissance.

Conformément à la règle selon laquelle le point de départ, à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée, se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal de forclusion prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation court, dans le cas d'une ouverture de crédit, d'un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, à compter  du moment où le montant du dépassement maximum convenu n'est pas régularisé, cette  situation constituant un incident qui caractérise la défaillance de l'emprunteur.

En l'espèce, le montant initial du crédit de 3.000 Euros autorisé a été dépassé au mois de mai 2004 et l'historique de compte montre que le dépassement n'a jamais été régularisé.

Au contraire la situation n'a cessé de s'aggraver. Ce dépassement de plafond constitue un incident de paiement manifestant la défaillance de l'emprunteur, laquelle ne peut être regardée comme utilement effacée par l'octroi de crédit complémentaire dans des conditions irrégulières au regard de la législation en la matière (Civ. 1re, 30 mars 2005, Bull. I, n° 159).

L'assignation a été délivrée le 17 avril 2007, et après l'expiration du délai biennal, l'action est donc atteinte par la forclusion et les demandes doivent être déclarées irrecevables.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

La SA SOFICARTE sera condamnée aux entiers dépens.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant, par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort, par mise à disposition,

Constate que l'action engagée par la SA SOFICARTE est atteinte par la forclusion,

Déclare irrecevables les demandes de la SA SOFICARTE

Condamne la SA SOFICARTE aux dépens de l'instance,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le présent jugement a été signé par Laure COMTE, Juge et par Béatrice ARGAST, agent administratif faisant fonction de Greffier, présent lors du prononcé les jour, mois et an [minute page 5] indiqués en première page.

Le Greffier        Le Juge