CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. A), 27 janvier 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 2878
CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. A), 27 janvier 2011 : RG n° 10/05679 ; arrêt n° 2011/67
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que si, par arrêt du 22 novembre 2001, la Cour de Justice des communautés européennes a dit que « la notion de consommateur telle que définie à l'article 2, sous b), de la directive n° 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit être interprétée en ce sens qu'elle vise exclusivement des personnes physiques », la Cour de Cassation a toutefois admis que la notion distincte de non professionnel, utilisée par le législateur français, n'exclut pas les personnes morales de la protection contre les clauses abusives, mais a jugé que les articles L. 132-1 et L. 133-1 du Code de la Consommation ne s'appliquaient pas aux contrats de fourniture de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant ;
Attendu en l'espèce, que le CE STERIA qui a pris à sa charge les activités sociales et culturelles instituées au profit des salariés par l'employeur, au nombre desquelles l'organisation de voyages, a conclu le 4 mars 2009 un contrat de réservation d'une croisière sur le navire MSC FANTASIA avec la SA HELIADES, prévoyant le paiement de frais d'annulation en cas de résiliation du contrat par le CE STERIA ;
Que la question de savoir si le fait d'organiser un voyage au profit des salariés, confère ou pas au CE STERIA la qualité de professionnel, se heurte à une contestation sérieuse qui relève de l'appréciation du juge du fond, dans la mesure où, même si le contrat de réservation qu'il a souscrit est en lien direct avec son activité consistant, entre autres, à organiser des voyages pour le personnel de l'entreprise, cette activité est comprise dans les attributions qui lui sont dévolues et qui concernent d'une façon générale le domaine social et culturel ;
Attendu que l'éventuelle manquement de la SA HELIADES à son obligation de conseil relève également de la compétence du juge du fond ; »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
HUITIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 27 JANVIER 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/05676. Arrêt n° 2011/67. Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 1er mars 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 2010/480.
APPELANTE :
Comité d'Entreprise STERIA, prise en la personne de son représentant statutaire en exercice domicilié en cette qualtié audit siège, demeurant [adresse], représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour, assisté par Maître Emery CROISE, avocat au barreau de GRASSE
INTIMÉE :
SA VACANCES HELIADES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, demeurant [adresse], représentée par la SCP GIACOMETTI - DESOMBRE, avoués à la Cour, assistée par Maître Axel ENGELSEN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 8 décembre 2010 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de : Monsieur Guy SCHMITT, Président, Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Conseiller, Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller, qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 janvier 2011.
ARRÊT : Contradictoire. Prononcé(e) par mise à disposition au greffe le 27 janvier 2011. Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le comité d'entreprise STERIA (CE STERIA), a conclu le 4 mars 2009 un contrat de réservation prévoyant des frais d'annulation, d'une croisière sur le MSC FANTASIA au prix de 54.700 euros TTC avec la société VACANCES HELIADES, et a versé un acompte de 5.670 euros.
Le 9 mars 2009, la société VACANCES HELIADES a conclu un contrat de réservation avec MSC CROCIERE SA, opérateur commercial du navire MSC FANTASIA pour le prix de 45.340 euros net et a versé un acompte de 2.270 euros.
Le 3 avril 2009, soit 85 jours avant le début de la croisière, le CE STERIA a informé la société VACANCES HELIADES de l'annulation de la croisière, faute de participants.
Par ordonnance de référé en date du 1er mars 2010, le Président du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE a condamné le CE STERIA à payer à la société VACANCES HELIADES la somme provisionnelle de 39.670 euros avec intérêts au taux légal au titre des frais d'annulation outre 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le 23 mars 2010 le CE STERIA a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées et notifiées le 7 décembre 2010, il conclut à la nullité de l'acte introductif d'instance du 8 janvier 2010 et subsidiairement de l'ordonnance déférée, faisant valoir que le comité d'entreprise STERIA, n'avait plus de représentants légaux au jour de l'assignation, leurs mandats ayant expiré le 22 décembre 2009.
A titre subsidiaire, le CE STERIA sollicite la réformation de l'ordonnance entreprise, soutenant principalement que :
- le CE STERIA qui ne peut être considéré que comme un simple consommateur ou un non professionnel, est en droit de prétendre au bénéfice des règles protectrices contre les clauses abusives prévues par le Code de la Consommation, même s'il n'est pas une personne physique, en application du principe communautaire de subsidiarité dès lors que la législation européenne se montre nettement moins protectrice que la législation nationale dans le domaine des règles applicables à la juridiction du consommateur,
- le CE STERIA ne peut être assimilé à un professionnel du voyage,
- il existe dans le contrat de réservation du 3 mars 2009, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties dans le mesure où aucune indemnisation n'est prévue au profit du CE STERIA en cas d'inexécution par la société HELIADES de ses obligations ; la clause relative aux frais d'annulation contenue dans le contrat de réservation conclu entre les parties et identique à celle contenu dans le contrat de réservation conclu entre la société HELIADES et la société MSC CROCIERE en date du 9 mars 2009 est constitutive d'un abus sanctionné par les articles L. 132-1 et R. 132-2 du Code de la Consommation
- la société HELIADES a manqué à son obligation de conseil en s'abstenant d'informer le CE STERIA de l'importance des frais éventuels qui pourraient être mis à sa charge, si pour une raison quelconque, il décidait de résilier le contrat de réservation du 3 mars 2009.
Par conclusions déposées et notifiées le 7 décembre 2010, la société VACANCES HELIADES sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise et la condamnation du CE STERIA à la relever et garantir du paiement de toutes sommes mises à sa charge au profit de MSC CROCIERE.
Elle fait valoir principalement qu'elle a assigné le CE STERIA pris en la personne de son représentant légal dont elle ne pouvait connaître l'identité précise, que le CE STERIA a conclu dans la présente instance en précisant qu'il était « pris en la personne de son représentant légal » ce qui signifie qu'à ce jour il a désigné un représentant légal et que le CE STERIA ne peut valablement invoquer l'absence de représentant en justice pour soulever l'irrecevabilité ou la nullité de l'assignation délivrée à son encontre, alors qu'il a l'obligation d'avoir un représentant légal.
La société VACANCES HELIADES soutient que :
- le CE STERIA est une personne morale et ne peut donc se prévaloir de la qualité de consommateur pour bénéficier des règles de protection prévues par l’article L. 132-1 du Code de la Consommation, l'arrêt de la CICE du 22 novembre 2001 ayant considérée que le consommateur est nécessairement une personne physique,
- le CE STERIA a agi dans un but exclusivement professionnel, en lien direct avec son activité et ne peut donc revendiquer le statut de non professionnel et l'application de l’article L. 132-1 du Code de la Consommation,
- le CE STERIA ne peut invoquer aucun contractuel à son détriment.
Vu les conclusions récapitulatives du CE STERIA en date du 6 décembre 2010 et les conclusions récapitulatives de la SA VACANCES HELIADES en date du 7 décembre 2010 auxquelles il est référé en application de l'article 455 du Code de procédure civile.
Vu l’ordonnance du 2 septembre 2010 fixant la clôture au 8 décembre 2010.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la nullité de l'assignation du 8 janvier 2010 :
Attendu que le CE STERIA soutient que l'assignation délivrée par la SA VACANCES HELIADES le 8 janvier 2010 est nulle en application de l'article 117 du Code de procédure civile au motif que, à compter du 22 décembre 2009, le CE était dépourvu de représentant légal, faute pour l'ensemble des organisations syndicales représentatives d'avoir signé l'accord prolongeant les mandats dans l'attente des futures élections prévues du 3 au 11 mai 2010 ;
Attendu que l'article 121 du Code de procédure civile dispose que dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si la cause a disparu au moment où le juge statue ;
Attendu que l'irrégularité alléguée de l'assignation est soulevée pour la première fois en cause d'appel, alors qu'elle existait déjà avant l'introduction de l'instance, s'agissant de l'achèvement des mandats sociaux des représentants du comité d'entreprise à la date du 22 septembre 2009 ; que cette irrégularité n'ayant pas été invoquée devant le premier juge, la régularisation est possible ;
Attendu en conséquence, que le dépôt devant la Cour, avant que celle-ci ne statue, des conclusions par le CE STERIA « pris en la personne de son représentant légal », habilité à le représenter, régularise la procédure introduite à son encontre ; que la recevabilité de l'action de la SA VACANCES HELIADES, dont l'intérêt à agir en justice n'est pas discuté, ne peut être subordonnée à la désignation par le CE STERIA de la personne qui doit le représenter en justice ;
Qu'il y a lieu de débouter le CE STERIA de son exception de nullité ;
Sur l'application du contrat de réservation :
Attendu que le CE STERIA se présente comme un simple consommateur ou « un non professionnel » et, à ce titre, prétend bénéficier des règles de protection prévues par le Code de la Consommation et notamment par l'article L. 132-1 relatif aux clauses abusives ayant pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;
Attendu que si, par arrêt du 22 novembre 2001, la Cour de Justice des communautés européennes a dit que « la notion de consommateur telle que définie à l'article 2, sous b), de la directive n° 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit être interprétée en ce sens qu'elle vise exclusivement des personnes physiques », la Cour de Cassation a toutefois admis que la notion distincte de non professionnel, utilisée par le législateur français, n'exclut pas les personnes morales de la protection contre les clauses abusives, mais a jugé que les articles L. 132-1 et L. 133-1 du Code de la Consommation ne s'appliquaient pas aux contrats de fourniture de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant ;
Attendu en l'espèce, que le CE STERIA qui a pris à sa charge les activités sociales et culturelles instituées au profit des salariés par l'employeur, au nombre desquelles l'organisation de voyages, a conclu le 4 mars 2009 un contrat de réservation d'une croisière sur le navire MSC FANTASIA avec la SA HELIADES, prévoyant le paiement de frais d'annulation en cas de résiliation du contrat par le CE STERIA ;
Que la question de savoir si le fait d'organiser un voyage au profit des salariés , confère ou pas au CE STERIA la qualité de professionnel, se heurte à une contestation sérieuse qui relève de l'appréciation du juge du fond, dans la mesure où, même si le contrat de réservation qu'il a souscrit est en lien direct avec son activité consistant, entre autres, à organiser des voyages pour le personnel de l'entreprise, cette activité est comprise dans les attributions qui lui sont dévolues et qui concernent d'une façon générale le domaine social et culturel ;
Attendu que l'éventuelle manquement de la SA HELIADES à son obligation de conseil relève également de la compétence du juge du fond ;
Qu'il convient en conséquence, d'infirmer l'ordonnance entreprise et de dire n'y avoir lieu à référé ;
Attendu que l'équité commande d'allouer au CE STERIA la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande formée au même titre par la SA VACANCES HELIADES ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La Cour, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en matière commerciale et en dernier ressort.
- Déboute le Comité d'Entreprise STERIA de son exception de nullité.
- Infirme l'ordonnance entreprise.
- Dit n'y avoir lieu à référé.
- Condamne la SA HELIADES à payer au Comité d'Entreprise STERIA la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Déboute les parties de toutes autres ou plus amples demandes.
- Condamne la SA VACANCES HELIADES aux dépens de première instance et d'appel, et autorise la SCP ERMENEUX-CHAMPLY et LEVAIQUE, titulaire d'un office d'avoués, à procéder à leur recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 3529 - Définition des clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Juge des référés : principe
- 3530 - Définition des clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Juge des référés : conséquences
- 5852 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Consommateur partie au contrat
- 5859 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection explicite
- 5934 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Transport et courrier
- 5956 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Autres contrats
- 6979 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Droit postérieur à la loi n° 2017-203 du 21 février 2017