TGI PARIS (1re ch. sect. soc.), 6 décembre 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 3085
TGI PARIS (1re ch. sect. soc.), 6 décembre 2005 : RG n° 05/10504
(sur appel CA Paris (1e ch. A), 17 octobre 2006 : RG n° 05/23835)
Publication : Site CCAB
Extrait : « Déclare abusives et illicites les clauses de l’article 8 de l’offre de Services (versions publiées les 25 avril 2005 et 22 juin 2005) des conditions générales ci-après reproduites :
« Les participants acceptent que l’avocat intervenant soit seul juge du choix de la juridiction, du fondement de l’action, du montant des demandes, de l’opportunité de la poursuite des actions, de l’initiation et de la tenue de pourparlers ainsi que l’exercice des voies de recours. »
« Les participants ne pourront se désister en cours d’instance tant qu’ils sont représentés par l’avocat intervenant... »
Déclare abusives les clauses des articles 8 et 9 de l’offre de Services des conditions générales (versions publiées les 25 avril 2005 et 22 juin 2005) ci-après reproduites :
« Les participants ne pourront élever une contestation en raison du caractère insuffisant de l’indemnité qu’ils reconnaissent devoir partager entre eux sur une base égalitaire quand bien même les préjudices seraient de montants différents » « Ils autorisent l’avocat intervenant à transiger en leur nom et pour leur compte pour un montant dont le caractère suffisant est laissé à la seule appréciation de l’avocat intervenant »
« L’avocat intervenant pourra décider, s’il le juge opportun, pour les actions de la catégorie « 1 » de consulter les participants sans que celui-ci ne soit lié par leur avis dès lors que les trois quart des participants ne se seront pas prononcés dans le même sens dans les quinze jours du début de la consultation. Aucune consultation n’aura lieu pour les actions des autres classes » ;
Déclare abusive la clause de l’article 10 de l’offre de Services (versions publiées les 25 avril 2005 et 22 juin 2005) des conditions générales ci- après reproduite :
« Le retrait ne donnera toutefois lieu à aucun paiement complémentaire s’il est effectué dans les six mois de l’inscription. Passé ce délai, le retrait donnera lieu à un paiement d’honoraires fixé forfaitairement à 100 euros hors taxes. Par dérogation à ce qui précède, si le retrait intervient dans les trois mois qui précèdent la fin de l’action, par une décision de justice définitive ou une transaction, l’honoraire dû lors du retrait sera celui qui aurait été dû en l’absence de retrait » ;
Déclare illicite à l’égard des personnes non commerçantes, la clause de l’article 16 de l’offre de Services (version publiée le 25 avril 2005) des conditions générales ci-après reproduite :
« Les litiges entre les participants et Class action.fr sont soumis à la compétence du tribunal de grande instance de Paris » ;
Déclare réputées non écrites les clauses abusives et/ou illicites ci-dessus reproduites ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION SOCIALE
JUGEMENT DU 6 DÉCEMBRE 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R. G. n° 05/10504. Assignation du : 13 juillet 2005.
DEMANDERESSES :
ASSOCIATION DE DÉFENSE D’ÉDUCATION ET D’INFORMATION DU CONSOMMATEUR
[adresse]
ASSOCIATION CONFÉDÉRATION CONSOMMATION, LOGEMENT ET CADRE DE VIE
[adresse]
ASSOCIATION POUR L’INFORMATION ET LA DÉFENSE DES CONSOMMATEURS SALARIÉS
[adresse]
ASSOCIATION UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS - QUE CHOISIR
[adresse]
ASSOCIATION UNION FÉMININE CIVIQUE ET SOCIALE
[adresse]
représentées par Maître Jérôme FRANCK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire M1815
DÉFENDERESSE :
SARL CLASS ACTION.FR
[adresse]
représentée par Maître Philippe PETILLAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E0774
[minute page 2]
INTERVENANTS VOLONTAIRES :
Maître A.
[adresse]
Maître B.
[adresse]
Maître C.
[adresse]
Maître D.
[adresse]
Maître E.
[adresse]
Maître F.
[adresse]
Maître G.
[adresse]
représentés par Maître Philippe PETILLAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E0774
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Monsieur Bernard VALETTE, Premier Vice-Président, Madame Marie-France LECLERCQ-CARNOY, Vice-Présidente, Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, Vice-Présidente
Assistés de Karine NIVERT, Greffière
DÉBATS : À l’audience du 20 septembre 2005 tenue en audience publique
JUGEMENT : Prononcé en audience publique Contradictoire En premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] Vu l’assignation à jour fixe délivrée le 13 juillet 2005 à la requête de L’ASSOCIATION DE DÉFENSE ET D’INFORMATION DU CONSOMMATEUR (ADEIC), de la CONFÉDÉRATION CONSOMMATION, LOGEMENT ET CADRE DE VIE, de L’ASSOCIATION POUR L’INFORMATION ET LA DÉFENSE DES CONSOMMATEURS, de L’UNION LOCALE DES CONSOMMATEURS (UFC - QUE CHOISIR), et de L’ASSOCIATION UNION FÉMININE CIVIQUE ET SOCIALE (UFCS) à l’encontre de la SARL Class action.fr ;
Vu les dernières conclusions du 20 septembre 2005 aux termes desquelles les associations de consommateurs susnommées demandent au tribunal de :
- déclarer leur action recevable ;
- dire et juger que l’offre de services proposée par la société Class action.fr est constitutive d’un acte de démarchage illicite ;
- dire et juger que les allégations suivantes :
« Pour 12 euros demandez réparation de votre préjudice à hauteur de 1.000 euros par demandeur.
* Voir conditions générales »,
« Nous devons faire respecter notre droit à la copie privée ! »
« L’avocat intervenant réclame 1.000 euros de réparation pour chacun des demandeurs. »
« Une action judiciaire est en cours à laquelle il est possible de se joindre pour réclamer une somme forfaitaire de 1.000 euros par demandeur », constituent des allégations de nature à induire en erreur ;
- dire et juger abusives ou illicites les clauses suivantes :
« Les participants acceptent que l’avocat intervenant soit seul juge du choix de la juridiction, du fondement juridique de l’action, du montant des demandes, de l’opportunité de la poursuite des actions, de l’initiation et de la tenue de pourparlers ainsi que de l’exercice des voies de recours ... »,
« Les parties ne pourront se désister en cours d’instance tant qu’elles sont représentées par l’avocat intervenant » (article 8 versions 25 avril 2005 et 22 juin 2005),
« Les participants ne pourront élever une contestation, en raison du caractère insuffisant de l’indemnité qu’ils reconnaissent devoir partager entre eux sur une base égalitaire quand bien même les préjudices individuels seraient de montants différents » (article 8 versions 25 avril 2005 et 22 juin 2005),
« Ils autorisent l’avocat intervenant à transiger en leur nom et pour leur compte pour un montant dont le caractère suffisant est laissé à la seule appréciation de l’avocat intervenant » (article 9 version 25 avril 2005),
« Les participants ne peuvent tenir l’avocat intervenant pour responsable de la conclusion d’une transaction dont le montant ne leur paraîtrait pas suffisant » (article 9 versions 25 avril 2005 et 22 juin 2005),
« L’avocat intervenant pourra décider, s’il le juge opportun, pour les actions de catégorie « 1 » de consulter les participants sans que celui-ci ne soit lié par leur avis dès lors que les trois quart des participants ne se seront pas prononcés dans le même sens dans les quinze jours du début de la consultation. Aucune consultation n’aura lieu pour les actions des autres classes » (article 9 version 25 avril 2005),
« Le retrait ne donnera toutefois lieu à aucun paiement complémentaire s’il est effectué dans les six mois de l’inscription. Passé ce délai, le retrait donnera lieu à un paiement d’honoraires fixé forfaitairement à 100 euros hors taxes. Par dérogation à ce qui précède, si le retrait intervient dans les trois mois qui précèdent la fin de l’action, par une décision de justice définitive ou une transaction, l’honoraire dû lors du retrait sera celui qui aurait été dû en l’absence de retrait » (article 10 versions 25 avril 2005 et 22 juin 2005),
[minute page 4] « L’honoraire de résultat est prélevé sur le montant de l’indemnité versée au participant ainsi que sur le montant versé au titre des frais de justice et des dépens. À cette fin, le participant autorise expressément l’avocat intervenant à prélever le montant de l’honoraire de résultat sur le compte CARPA. L’honoraire de résultat pourra être également déduit du montant des condamnations et versé directement à l’avocat intervenant par le défendeur à l’action. Le client s’interdit de percevoir directement le montant des condamnations comprenant l’honoraire de résultat acquis à l’avocat intervenant » (article 11 versions 25 avril 2005 et 22 juin 2005),
« Les participants autorisent expressément par les présentes l’avocat intervenant à prélever le montant de l’honoraire de résultat qui sera, en principe, versé sur le compte CARPA, mais pourra être déduit du montant obtenu et versé directement par le défendeur à l’avocat intervenant » (article 12 version 25 avril 2005) ;
- déclarer ces clauses inopposables aux consommateurs contractants ;
- constater l’absence des mentions suivantes : raison sociale, numéro de téléphone, numéro d’inscription au RCS, capital social, numéro individuel d’identification de TVA ;
- prononcer la cessation de ces agissements dans un délai de 24 heures à compter de la signification de la décision, et ce, à peine d’une astreinte de 15.000 euros par jour de retard ;
- faire interdiction à la société Class action.fr, Maître A., Maître B., Maître C., Maître D., Maître E., Maître F., et, Maître G., avocats au barreau de Paris de proposer en ligne la collecte de mandats de représentation en justice ;
- interdire aux mêmes de faire usage des allégations publicitaires visées dans la présente assignation ;
- ordonner la suppression des clauses déclarées abusives ;
- ordonner la diffusion d’un communiqué judiciaire à publier, dans le délai de 48 heures à compter de la signification de la décision, sur la page d’accueil du site internet htpp://www.classaction.fr/, et ce, sous astreinte de 20.000 euros par jour de retard, dans les termes et modalités indiqués au dispositif de leurs écritures ;
- dire que cette publication devra être maintenue pendant une période de six mois à peine de la même astreinte ;
- débouter en tout état de cause la défenderesse et les intervenants volontaires de l’ensemble de leurs demandes ;
- ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;
- condamner la société Class action.fr, Maître A., Maître B., Maître C., Maître D., Maître E., Maître F., et, Maître G. à payer à chacune des demanderesses la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du NCPC et aux entiers dépens ;
Vu les conclusions déposées le 15 septembre 2005 par la SARL Class action.fr, et par, Maître A., Maître B., Maître C., Maître D., Maître E., Maître F., Maître G., intervenants volontaires, tendant à voir :
- déclarer recevable l’intervention volontaire des avocats susnommés ;
- débouter les associations de consommateurs requérantes de l’ensemble de leurs prétentions ;
- condamner chacune à payer à la SARL Class action.fr, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et intention de nuire les sommes suivantes
- l’ADEIC = 50.000 euros,
- la CLCV = 100.000 euros,
- [minute page 5] l’Association pour l’information et la défense des consommateurs salariés = 50.000 euros,
- l’UFC - QUE CHOISIR = 200.000 euros,
- l’UFCS = 50.000 euros ;
- condamner les associations demanderesses in solidum à verser à chacun des intervenants volontaires la somme de 1.000 euros.
- mettre hors de cause la SARL Class action.fr ;
- ordonner la diffusion aux frais des associations de consommateurs demanderesses à compter de la signification du jugement et pendant une durée de 6 mois d’un communiqué rédigé dans les termes du dispositif de leurs conclusions, sur les pages d’accueil de leurs sites, sur les pages de couverture des trois publications à venir de chacune des associations demanderesses, et, dans les journaux Le Monde, Libération, Le Figaro, Le Parisien, L’Humanité, La Voix du Nord, Nice Matin, Ouest France, Le Télégramme de Brest, et ce sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard ;
- condamner in solidum chaque association de consommateurs demanderesse à verser à la société Class action.fr et à chaque avocat intervenant volontaire la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Sur la demande de mise hors de cause de la SARL Class action.fr et sur les interventions volontaires :
Attendu qu’il ressort de l’extrait Kbis au 30 mai 2005 produit par les requérantes qu’il a été constitué le 27 janvier 2005 une société à responsabilité limitée ayant pour dénomination Class action.fr et pour gérant Monsieur X. qui a été immatriculée sous le numéro RCS 2005 B XX ; que cette société, dont le siège est établi [adresse], a pour activité la fourniture de services en matière d’organisation et d’administration de gestion de communication au moyen de l’exploitation d’un site Internet et plus spécifiquement la fourniture d’aide et d’assistance technique aux avocats en matière d’organisation procédurale et de gestion des class action ;
Attendu qu’il ressort également des pièces versées aux débats que sur la page de présentation du site Class action.fr, il est mentionné qu’il est le site Français des actions collectives et qu’il a été créé par des professionnels du Droit et de l’Informatique rassemblés à l’initiative de A. avocat à la Cour d’appel de Paris et membre de l’International Bar Association ; qu’il indique également la composition de l’équipe opérationnelle ; qu’il précise enfin que ledit site a été créé pour permettre aux consommateurs de faire valoir judiciairement leurs droits ;
Attendu que pour demander la mise hors de cause de la SARL Class action.fr, les avocats intervenants volontaires à l’instance avancent qu’ils sont les initiateurs et les promoteurs du site Internet et que depuis l’avis rendu le 14 juin 2005 par le Conseil de l’Ordre des avocats le mode d’exploitation du site Class action.fr a été modifié et se trouve désormais sous leur entière responsabilité ;
Attendu que cette demande ne saurait être accueillie dès lors qu’à l’égard des tiers, il n’est en aucune façon justifié du changement qui serait intervenu dans le mode d’exploitation du site Internet litigieux lequel relève en conséquence vis à vis des consommateurs potentiels de la seule responsabilité de la SARL Class action.fr ; que c’est de manière inopérante qu’ils invoquent qu’il est mentionné sur la page de présentation que le site est de l’entière responsabilité des avocats susvisés conformément à l’avis du Conseil de l’Ordre, alors que ledit avis, qui est dépourvu de toute portée juridique à l’égard des tiers, [minute page 6] préconisait de surcroît que les avocats promoteurs et animateurs d’un tel site ne devaient pas interposer une société commerciale entre eux mêmes et le public, ce qui n’a pas été fait ;
Attendu en revanche que l’intervention volontaire à l’instance des avocats susnommés, dont il n’est pas contesté qu’ils sont les animateurs de Class action.fr et justifient à ce titre d’un intérêt à agir, doit être déclarée recevable ;
Sur le démarchage en matière juridique :
Attendu que selon la défenderesse et les intervenants volontaires, le site Class action.fr offre tout d’abord une plate-forme destinée aux avocats en leur permettant de gérer pour le compte d’un très grand nombre de personnes ainsi que d’exposer au public le thème d’une action judiciaire et les conditions exigées pour s’y joindre ; que s’agissant du public, le site lui permet de s’inscrire en ligne à une action judiciaire déjà entamée dont il peut connaître les termes de l’assignation, les fondements juridiques, les montants des demandes, qui sont directement accessibles sur le site ;
Attendu qu’en application des dispositions générales de l’article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, le démarchage en matière juridique est interdit ;
Attendu en l’espèce qu’il est établi par le procès- verbal de constat dressé le 29 juin 2005 par Maître Y. huissier de justice que la consultation du site Class action.fr permet de « s’inscrire » à la première action collective qui concerne le respect du droit à la copie des « DVD vidéo »; qu’il y est reproduit le texte complet de l’assignation ; qu’il est mentionné ensuite qu’une action judiciaire est en cours à laquelle il est possible de se joindre pour réclamer une somme forfaitaire de 1.000 euros par demandeur et que ladite action est exercée par Maître Z. avocat au barreau de Paris ;
Attendu qu’il apparaît que l’adhésion à la proposition d’inscription à cette action collective a nécessairement pour effet de donner un mandat de représentation à l’avocat susvisé soumis aux conditions générales stipulées sur le site et d’acquitter l’honoraire convenu ; qu’en vertu de ce mandat l’avocat désigné rédige des actes en matière juridique pour le compte des personnes représentées ;
Attendu qu’il découle de ces constatations que l’offre faite à un internaute de s’inscrire à une action collective sur le site Class action.fr constitue un acte de démarchage juridique prohibé par les dispositions de l’article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 ;
Attendu que c’est de manière inopérante que la défenderesse et les intervenants volontaires invoquent les dispositions de la loi du 21 juin 2004 alors que l’article 16 de ladite loi précise que les activités de représentation et d’assistance en justice sont exclues du champ d’activité défini par l’article 14 ;
Attendu qu’afin de faire cesser l’infraction à l’article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971, il convient de faire interdiction à la société Class action.fr de proposer en ligne la collecte de mandats de représentation en justice ainsi que le demandent avec raison les associations de consommateurs requérantes ; qu’il y a lieu afin d’assurer l’exécution de cette décision de l’assortir d’une astreinte dans les termes du dispositif ;
[minute page 7]
Sur le caractère trompeur des allégations publicitaires :
Attendu qu’il est constant que jusqu’à la date du 27 juin 2005, il a été édité sur le site Class action.fr le message publicitaire suivant :
« Pour 12 euros demandez réparation de votre préjudice à hauteur de 1.000 euros par demandeur.
*Voir conditions générales. »
Attendu que si ladite publicité ne saurait être interprétée comme garantissant au demandeur le montant de l’indemnité réclamé, il apparaît que l’information donnée sur les chances d’obtenir cette indemnisation est insuffisante et est de nature à tromper le consommateur moyen lorsqu’il s’inscrit à l’action collective en question ; qu’en effet il n’est nullement indiqué que l’arrêt de la Cour d’appel de Paris servant de base à l’action collective est frappé d’un pourvoi en cassation ; qu’il n’est pas davantage indiqué que l’indemnisation sollicitée, sur le montant de laquelle aucune explication n’est donnée, est susceptible d’être réduite par le tribunal saisi de l’action ; qu’enfin il n’est nullement attiré l’attention sur les risques encourus en cas d’échec de l’action pour les participants à celle-ci notamment sur les dépens ainsi que sur les dommages-intérêts et indemnité au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile susceptibles d’être alloués au défendeur à l’action ; qu’il convient donc d’interdire sous astreinte dans les termes du dispositif le message publicitaire litigieux ;
Attendu que depuis le 27 juin 2005, il est présenté sur le site un nouveau message rédigé comme suit :
« Nous devons faire respecter notre droit à la copie privée !
L’avocat intervenant réclame 1.000 euros de réparation pour chacun des demandeurs » ;
- qu’il est ensuite indiqué que :
« Une action judiciaire est en cours à laquelle il est possible de se joindre pour réclamer une somme forfaitaire de 1.000 euros par demandeur » ;
- qu’il est enfin mentionné la phrase suivante :
« Les demandeurs sont liés par une convention par laquelle ils acceptent de solliciter la réparation de leur préjudice sur une double base forfaitaire et égalitaire » ;
Attendu que cette publicité est de nature à induire en erreur le consommateur en lui faisant croire que l’indemnisation de son préjudice personnel peut être chiffré forfaitairement alors qu’il est de principe que la Cour de cassation a censuré de manière constante les juges du fond lorsqu’ils procédaient à une évaluation forfaitaire du préjudice de la victime ; qu’il y a lieu en conséquence d’interdire à la société Class action.fr et aux intervenants volontaires d’employer la présentation publicitaire incriminée et d’assortir cette interdiction d’une astreinte ;
Sur le caractère abusif et illicite des clauses contenues dans les conditions générales :
Attendu que l’article 8 des conditions générales prévoit que :
« Les participants acceptent que l’avocat intervenant soit seul juge du choix de la juridiction, du fondement juridique de l’action, du montant des demandes, de l’opportunité de la poursuite des actions, de l’initiation et de la tenue de pourparlers ainsi que de l’exercice des voies de recours.
Les participants ne pourront se désister en cours d’instance tant qu’ils sont représentés par l’avocat intervenant… » (versions des 25 avril 2005 et 22 juin 2005 publiées sur le site) ;
[minute page 8] Attendu qu’il apparaît que ledit article limite les droits du consommateur de manière illicite en le privant de sa liberté d’exercer ou non les voies de recours qui sont à sa disposition et de mettre un terme à l’instance s’il juge devoir le faire ; que par ailleurs, il crée un déséquilibre manifeste en donnant toute liberté à l’avocat pour conduire à sa guise le procès sans recueillir au préalable l’accord de son client et en l’exonérant implicitement de toute responsabilité professionnelle ; que cette clause doit être déclarée illicite et abusive et par voie de conséquence inopposable aux consommateurs, comme réputée non écrite ;
Attendu par ailleurs que les articles 8 et 9 des conditions générales énoncent que :
« Les participants ne pourront élever une contestation en raison du caractère insuffisant de l’indemnité qu’ils reconnaissent devoir partager entre eux sur une base égalitaire quand bien même les préjudices individuels seraient de montants différents » (article 8 versions 25 avril 2005 et 22 juin 2005 publiées sur le site).
« Les participants ne peuvent tenir l’avocat intervenant pour responsable de la conclusion d’une transaction dont le montant ne leur paraîtrait pas suffisant » (article 9 versions 25 avril 2005 et 22 juin 2005).
« L’avocat intervenant pourra décider, s’il le juge opportun, pour les actions de catégorie « 1 » de consulter les participants sans que celui-ci ne soit lié par leur avis dès lors que les trois quart des participants ne se seront pas prononcés dans le même sens dans les quinze jours du début de la consultation. Aucune consultation n’aura lieu pour les actions des autres classes » (article 9 version 25 avril 2005) ;
Attendu tout d’abord qu’il doit être constaté que ces clauses ont pour effet également de créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur en l’obligeant à renoncer par avance à tout recours contre l’avocat ; que l’article 9 dernier alinéa a pour effet de dispenser l’avocat de rendre compte de l’exécution du mandat de représentation en justice qui lui a été confié par ses clients ; que ces clauses sont manifestement abusives et doivent être déclarées réputées non écrites ;
Attendu ensuite que l’article 10 prévoit que :
« Le retrait ne donnera toutefois lieu à aucun paiement complémentaire s’il est effectué dans les six mois de l’inscription. Passé ce délai, le retrait donnera lieu à un paiement d’honoraires fixé forfaitairement à 100 euros hors taxes Par dérogation à ce qui précède, si le retrait intervient dans les trois mois qui précèdent la fin de l’action, par une décision de justice définitive ou une transaction, l’honoraire dû lors du retrait sera celui qui aurait été dû en l’absence de retrait » (versions des 25 avril 2005 et 22 juin 2005) ;
Attendu qu’il doit être constaté que ladite clause a pour conséquence d’imposer au consommateur en cas de retrait après six mois un honoraire de diligence supérieur à celui initialement convenu ; que le consommateur qui entend se désister de son action est ainsi pénalisé de manière abusive ; que par ailleurs elle oblige dans son dernier alinéa au paiement d’un honoraire de résultat alors que le service n’est pas rendu ; que cette clause étant abusive sera également déclarée réputée non écrite ;
Attendu en outre que les articles 11 et 12 relatifs aux modalités de règlement des honoraires et au prélèvement sur le compte CARPA stipulent que : « L’honoraire de résultat est prélevé sur le montant de l’indemnité versée au participant ainsi que sur le montant versé au titre des frais de justice et des dépens. À cette fin, le participant autorise expressément l’avocat intervenant à prélever le montant de l’honoraire de résultat sur le compte CARPA.
[minute page 9] L’honoraire de résultat pourra également être déduit du montant des condamnations et versé directement à l’avocat intervenant par le défendeur à l’action. Le client s’interdit de percevoir directement le montant des condamnations comprenant l’honoraire de résultat acquis à l’avocat intervenant » (article versions des 25 avril 2005 et 22 juin 2005).
« Les participants autorisent expressément par les présentes l’avocat intervenant à prélever le montant de l’honoraire de résultat qui sera, en principe, versé sur le compte CARPA, mais pourra être déduit du montant obtenu et versé directement par le défendeur à l’avocat intervenant » (article 12 version du 25 avril 2005 publiée sur le site) ;
Attendu qu’il n’apparaît pas que cette clause crée un déséquilibre significatif entre les parties et ne rend en aucune façon difficile l’exercice d’un recours en cas de contestation des honoraires de l’avocat intervenant ; que la demande formée par les associations requérantes contre, cette clause sera donc rejetée ;
Attendu enfin qu’il est mentionné à l’article 16 que :
« Les litiges entre les participants et Class action.fr sont soumis à la compétence du tribunal de grande instance de Paris » (version du 25 avril 2005 publiée sur le site) ;
Attendu qu’une telle clause attributive de compétence territoriale qui déroge directement aux règles de compétence territoriale à l’égard des personnes ayant contracté sans avoir la qualité de commerçant doit être réputée non écrite par application des dispositions de l’article 48 du nouveau Code de procédure civile ;
Sur l’omission des informations prévues par la loi du 21 juin 2004 :
Attendu qu’il ne saurait être sérieusement discuté que la société Class action.fr, dont l’activité principale a pour objet l’édition d’un service de communication au public en ligne sur les actions collectives en cours, est soumise aux dispositions de la loi du 21 juin 2004 ; qu’il est établi qu’il n’est pas mentionné sur le site de la société Class action.fr les informations la concernant prévues par l’article 6 de ladite loi, à savoir : la raison sociale, le numéro de téléphone, le numéro d’inscription au RCS, le capital social ; que c’est vainement que pour faire échec à cette obligation légale que les intervenants volontaires objectent que les informations relatives aux avocats responsables des actions collectives sont mentionnées ; qu’il y a lieu seulement d’enjoindre à la société Class action.fr de mentionner sur le site litigieux lesdites informations à compter de la signification du jugement ;
Sur la réparation du préjudice causé aux associations de consommateurs et sur leurs demandes accessoires :
Attendu que les agissements retenus à l’encontre de la SARL Class action et des intervenants volontaires qui reconnaissent dans leurs écritures faire partie de l’équipe rédactionnelle ont causé un préjudice à l’intérêt collectif des consommateurs ; qu’il y a lieu en conséquence d’accueillir la demande de réparation en nature formée par les associations de consommateurs requérantes en ordonnant la publication d’un communiqué judiciaire selon les modalités décrites au dispositif du jugement ;
[minute page 10] Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge des associations de consommateurs requérantes les frais non compris dans les dépens qu’elles ont du exposer ; qu’il leur sera alloué à chacune la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Sur les demandes reconventionnelles de la société Class action.fr et des intervenants volontaires :
Attendu que la solution du litige conduit au rejet de l’ensemble des demandes reconventionnelles formées par la société Class action.fr et les intervenants volontaires ;
Sur l’exécution provisoire :
Attendu que l’exécution provisoire du jugement, qui apparaît nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, sera ordonnée ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL :
Statuant en audience publique, contradictoirement, en premier ressort,
Rejette la demande de mise hors de cause de la SARL Class action.fr ;
Déclare recevable l’intervention volontaire à l’instance de Maîtres A., B., C., D., E., F., G. avocats ;
Dit que l’offre de services proposée par la SARL Class action.fr sur son site internet constitue un acte de démarchage juridique illicite ;
Interdit à la SARL Class action.fr et à Maîtres A., B., C., D., E., F., G., à compter de la signification du jugement, de proposer en ligne la collecte de mandats de représentation en justice, et ce sous astreinte de 15.000 euros par infraction constatée ;
Dit que les présentations publicitaires ci-après reproduites sont de nature à induire en erreur le consommateur :
« Pour 12 euros demandez réparation de votre préjudice à hauteur de 1.000 euros par demandeur.
* voir conditions générales »,
« Nous devons faire respecter notre droit à la copie privée »,
« L’avocat intervenant réclame 1.000 euros de réparation pour chacun des demandeurs »,
« Une action judiciaire est en cours à laquelle il est possible de se joindre pour réclamer une somme forfaitaire de 1.000 euros par demandeur »,
Interdit en conséquence à la SARL Class action.fr et à Maîtres A., B., C., D., E., F., G. d’utiliser à compter de la signification du jugement lesdites présentations publicitaires, et ce sous astreinte de 15.000 euros par infraction constatée ;
[minute page 11] Déclare abusives et illicites les clauses de l’article 8 de l’offre de Services (versions publiées les 25 avril 2005 et 22 juin 2005) des conditions générales ci-après reproduites :
« Les participants acceptent que l’avocat intervenant soit seul juge du choix de la juridiction, du fondement de l’action, du montant des demandes, de l’opportunité de la poursuite des actions, de l’initiation et de la tenue de pourparlers ainsi que l’exercice des voies de recours. »
« Les participants ne pourront se désister en cours d’instance tant qu’ils sont représentés par l’avocat intervenant... »
Déclare abusives les clauses des articles 8 et 9 de l’offre de Services des conditions générales (versions publiées les 25 avril 2005 et 22 juin 2005) ci-après reproduites :
« Les participants ne pourront élever une contestation en raison du caractère insuffisant de l’indemnité qu’ils reconnaissent devoir partager entre eux sur une base égalitaire quand bien même les préjudices seraient de montants différents » « Ils autorisent l’avocat intervenant à transiger en leur nom et pour leur compte pour un montant dont le caractère suffisant est laissé à la seule appréciation de l’avocat intervenant »
« L’avocat intervenant pourra décider, s’il le juge opportun, pour les actions de la catégorie « 1 » de consulter les participants sans que celui-ci ne soit lié par leur avis dès lors que les trois quart des participants ne se seront pas prononcés dans le même sens dans les quinze jours du début de la consultation. Aucune consultation n’aura lieu pour les actions des autres classes » ;
Déclare abusive la clause de l’article 10 de l’offre de Services (versions publiées les 25 avril 2005 et 22 juin 2005) des conditions générales ci- après reproduite :
« Le retrait ne donnera toutefois lieu à aucun paiement complémentaire s’il est effectué dans les six mois de l’inscription. Passé ce délai, le retrait donnera lieu à un paiement d’honoraires fixé forfaitairement à 100 euros hors taxes. Par dérogation à ce qui précède, si le retrait intervient dans les trois mois qui précèdent la fin de l’action, par une décision de justice définitive ou une transaction, l’honoraire dû lors du retrait sera celui qui aurait été dû en l’absence de retrait » ;
Déclare illicite à l’égard des personnes non commerçantes, la clause de l’article 16 de l’offre de Services (version publiée le 25 avril 2005) des conditions générales ci-après reproduite :
« Les litiges entre les participants et Class action.fr sont soumis à la compétence du tribunal de grande instance de Paris » ;
Déclare réputées non écrites les clauses abusives et/ou illicites ci-dessus reproduites ;
Enjoint à la SARL Class action.fr, à compter de la signification du jugement, d’indiquer sur son site les mentions relatives à la raison sociale, au numéro de téléphone, au numéro d’inscription au RCS, et, au capital social ;
Ordonne, sous un délai de trois jours à compter de la signification du jugement et sous astreinte de 15.000 euros par jour de retard, la publication sur la page d’accueil du site internet dénommé http://www.classaction.fr/ du communiqué rédigé comme suit :
[minute page 12] « COMMUNIQUÉ JUDICIAIRE »
À la requête des Associations de consommateurs agrées ADEIC-FEN, CLCV, INDECOSA- CGT, UFC-QUE CHOISIR, UFCS, le tribunal de grande instance de Paris, dans le litige avec la SARL Class action.fr, a rendu le 6 décembre 2005 un jugement dont le dispositif est intégralement reproduit ci-après ;
Dit que le titre « COMMUNIQUÉ JUDICIAIRE » sera présenté en lettres de couleur rouge d’un centimètre de hauteur, et que, le texte sera présenté sur un fond blanc en caractères noirs, la taille de ces caractères ne pouvant être inférieure à un centimètre ;
Dit que la durée de la publication est fixée sous la même astreinte à 4 mois ;
Réserve au tribunal le pouvoir de liquider les astreintes ainsi prononcées ;
Rejette les demandes reconventionnelles de la SARL Class action.fr et des intervenants volontaires ;
Condamne in solidum la SARL Class action.fr et Maîtres A., B., C., D., E., F., G., à payer à chacune des associations de consommateurs demanderesse la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Ordonne l’exécution provisoire du jugement, nonobstant appel et sans constitution de garantie ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne in solidum la SARL Class action.fr et Maîtres A., B., C., D., E., F., G. aux entiers dépens.
Fait et jugé à Paris le 6 décembre 2005
La Greffière Le Président
K. NIVERT B. VALETTE
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