CA DOUAI (2e ch. sect. 2), 23 mai 2006
CERCLAB - DOCUMENT N° 3390
CA DOUAI (2e ch. sect. 2), 23 mai 2006 : RG n° 04/06906
Publication : Juris-Data n° 2006-317939
Extrait : « Attendu que M. X. soutient l'illégalité de toute clause pénale, les polices de caractère qui la prévoient étant illisibles ; Que cet argument manque en fait ;
Attendu que l'intimé réclame en outre l'application du Code de la consommation parce qu'il était non professionnel en matière de téléphonie, et par suite l'interdiction pour Locam de réclamer tous les loyers restant dus ;
Mais attendu qu'au contraire, M. X. doit être considéré comme un professionnel au sens de l'article 311-3, 3° du code de la consommation, qui exclut du bénéfice de ce code les commerçants et professionnels ;
Qu'en effet, l'application de ces dispositions exige que soit recherché si le contrat litigieux avait un rapport direct avec l'activité du client ; qu'il apparaît en l'espèce que le publiphone était installé dans les locaux commerciaux de celui-ci et destiné à sa propre clientèle ; que même si le contrat litigieux comporte la reproduction d'extraits de la loi 72-1337 du 22 décembre 1972, ces clauses étant préétablies sur un formulaire type, tant la fourniture que la location de l'appareil avaient un rapport direct avec l'activité de l'intéressé ; que ce dernier ne peut donc pertinemment invoquer les dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation ».
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 23 MAI 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 04/06906. Tribunal de Commerce de DUNKERQUE du 4 octobre 2004.
APPELANTE :
SAS LOCAM
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social [adresse], Représentée par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués à la Cour, Assistée de Maître Francine BEGHIN, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉS :
Monsieur X.
Demeurant [adresse], Représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour, Assisté de Maître Marc DEBEUGNY, avocat au barreau de DUNKERQUE, ; Bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI
INTERVENANT VOLONTAIRE :
Maître DELEZENNE ès qualités de représentant des créanciers de M. X.
Demeurant [adresse], Représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour, Assisté de Maître Marc DEBEUGNY, avocat au barreau de DUNKERQUE
DÉBATS à l'audience publique du 11 avril 2006, tenue par Monsieur FOSSIER magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme NOLIN
[minute page 2] COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. FOSSIER, Président de chambre M. ZANATTA, Conseiller, M. REBOUL, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 mai 2006 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur FOSSIER, Président et Mme NOLIN, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 avril 2006
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte sous seing privé du 5 juin 2002, M. X., commerçant, a pris en crédit-bail auprès de la société LOCAM un matériel téléphonique accessible au public, choisi par lui et vendu à LOCAM par la société PAYPHONE. Outre les loyers, M. X. s'est engagé à payer une maintenance par PAYPHONE, la somme totale due chaque mois s'établissant à 85,52 euros TTC, à régler directement à LOCAM.
Après réception sans réserves du matériel en question, selon procès-verbal baptisé « de réception et satisfaction » du 14 juin 2002, M. X. a dénoncé des dysfonctionnements dès octobre 2002 et a suspendu tout paiement au profit de LOCAM.
PAYPHONE a été liquidée judiciairement entre temps, précisément le 26 août 2002. Monsieur X. a lui aussi été admis au bénéfice d'un redressement judiciaire selon jugement du Tribunal de commerce de Dunkerque en date du 28 février 2006.
Par jugement contradictoire en date du 4 octobre 2004, le Tribunal de commerce de Dunkerque a débouté la SA LOCAM de sa demande de paiement des redevances non réglées ou à échoir, soit 4.270,78 euros (clause pénale de 10 p. 100 incluse), outre 1.600 euros d'accessoires.
Par acte de son avoué en date du 9 novembre 2004, la SA LOCAM a interjeté appel principal et général de la décision intervenue.
A l'attention du second degré de juridiction, la partie appelante a déposé des conclusions conformes aux articles 915 et 954 du nouveau code de procédure civile, dont les dernières en date sont du 7 avril 2006,
et dans lesquelles il est demandé à la Cour de prononcer la condamnation à paiement vainement sollicitée en première instance et d'y ajouter 800 euros de dommages et intérêts et 1.000 euros pour frais de procédure.
La partie intimée, Monsieur X., en la personne du représentant de ses créanciers, Maître DELEZENNE, a conclu le 4 avril 2006 à la confirmation pure et simple du jugement critiqué. Il chiffre à 3.000 euros son préjudice pour procédure abusive et à 2.000 euros ses frais irrépétibles de procédure.
L'intimé fait conclure et plaider :
- la résolution du contrat le liant à Payphone dès l'installation du matériel qui n'a jamais fonctionné, en tout cas dès la liquidation judiciaire de Payphone intervenue de manière surprenante quelques jours après la livraison du matériel litigieux ;
- [minute page 3] par là même, la résiliation du contrat de financement à la même date, les deux contrats étant la cause l'un de l'autre ;
- l'inefficacité de la clause (art.6) imposée par Locam, selon laquelle cette dernière a résilié unilatéralement aux torts du locataire, alors que la résiliation de plein droit était déjà intervenue ;
- l'irrégularité de la demande de Locam, qui ne distingue pas dans sa réclamation ce qui procède de la maintenance et ce qui procède du financement ;
- l'illégalité de toute clause pénale, les polices de caractère qui la prévoient étant illisibles l'application du Code de la consommation au bénéfice de M. X., non professionnel en matière de téléphonie, et par suite l'interdiction pour Locam de réclamer tous les loyers restant dûs.
Selon ce qu'autorise l'article 455 du nouveau code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI, LA COUR :
I ° - Au principal :
Sur le contrat Locam et la rupture du contrat Payphone :
Attendu que le contrat établi entre les parties, précise que :
- (Articles 1-6°, 2-2°, 3 bis) : le bailleur (société LOCAM) donne mandat au locataire (Monsieur X.) pour désigner le type de matériel et le fournisseur de son choix lequel s'effectue sous sa seule responsabilité... En cas de vices du matériel, le locataire ne peut exercer aucun recours contre le bailleur... Le locataire, après signature du PV de réception du matériel apporté par le fournisseur, n'a pas de recours contre le bailleur en cas de fonctionnement défectueux du matériel... Aucun règlement de loyer ne pourra être différé sur le motif d'une contestation entre le locataire et le fournisseur.
- (Article 4-bis) : si - comme en l'espèce - le matériel loué bénéficie d'un contrat séparé de maintenance entretien souscrit auprès du fournisseur, le bailleur est chargé de l'encaissement des sommes dues au titre de ce contrat de prestation de maintenance... Le locataire est rendu attentif à l'indépendance juridique entre les contrats de location et de prestation maintenance entretien et qu'il ne saurait suspendre le paiement de ses loyers au motif des problèmes liés à l'exécution du contrat de maintenance.
- (Articles 6 et 6-bis) : le contrat peut être résilié par le bailleur en cas d'inobservation de ses obligations par le locataire ; celui-ci doit alors restituer le matériel à ses frais et régler les loyers échus impayés et tous les loyers restant à échoir, le tout augmenté d'une clause pénale de 10 p.100 ... Le contrat est aussi résiliable par la résolution du contrat principal pour non conformité ou vice caché du matériel fourni ; la fourniture constitue la cause exclusive de l'engagement de Locam ; si cette résolution intervient pour vice décelable à la réception ou inadéquation du matériel, le locataire paye au bailleur la totalité des loyers restant à échoir ; si la résolution intervient pour vice caché, le locataire paye au bailleur le prix du matériel, sans déduction au titre des loyers échus et réglés.
- (Précédent le « bon pour ») : dans l'hypothèse où le contrat de prestation maintenance serait suspendu ou résilié, le locataire reconnaît qu'il peut toujours utiliser le matériel loué et contracter avec un autre prestataire, le sort du contrat de location n'en étant nullement affecté.
Attendu que M. X. fait plaider la résolution du contrat le liant à Payphone dès l'installation du matériel qui n'a jamais fonctionné ;
[minute page 4] Que cependant, la fourniture a bien eu lieu selon PV de réception, et n'a donné lieu à aucune réserve ;
Attendu qu'en revanche, la liquidation judiciaire de Payphone intervenue non pas « de manière surprenante quelques jours après la livraison du matériel litigieux », comme l'énonce l'intimé sans précautions et d'ailleurs sans en tirer de conséquences de droit, mais très normalement selon jugement rendu à Evry le 26 août 2002, a incontestablement mis fin au contrat de fourniture maintenance, que M. X. baptise « contrat principal » ;
Sur le principe d'indépendance du contrat de location et de la fourniture principale :
Attendu que le contrat de la société LOCAM est complet et clair ;
Que, selon les clauses énoncées plus haut, le bailleur achète puis loue le matériel tandis qu'une autre société entretient, étant bien mentionné et répété dans celui-ci que les deux contrats sont distincts, l'un étant indépendant de l'autre, tout problème de fonctionnement du matériel devant être pris en compte par la société de maintenance et peu important que le contrat de maintenance ait cessé du fait de la liquidation judiciaire, l'utilisateur du matériel ayant la faculté de remplacer la société de maintenance en cas de résiliation ;
Que les articles 1-6, 2-2, 3 bis, 4 bis et la mention de « bon pour » sont toutes en ce sens et n'ont pas pu tromper M. X. sur les risques qu'il prenait en cas de difficultés avec Payphone ;
Que par a contrario, il faut encore préciser que l'article 6-bis de la convention restreint le mécanisme d'interdépendance des deux contrats à l'hypothèse d'une non-conformité ou d'un vice de la chose fournie, situation dont, comme énoncé précédemment, rien ne démontre dans le dossier de l'intimé qu'elle soit celle de l’espèce ;
Que la causalité n'est évoquée dans ce contrat, à juste titre, que pour rappeler que Locam n'a aucun intérêt personnel à la fourniture du matériel, ne l'aurait pas acquis sans la volonté propre du commerçant, et n'intervient que comme financeur de l'opération puis percepteur de la redevance de maintenance ;
Attendu que M. X. ne peut donc tirer aucun argument de la prétendue dépendance des deux conventions ;
Sur la validité de la résiliation du contrat de financement par Locam :
Attendu que M. X. et son représentant actuel font plaider l'inefficacité de la clause (art. 6) imposée par Locam, selon laquelle cette dernière a résilié unilatéralement aux torts du locataire, alors que la résiliation de plein droit était déjà intervenue ;
Mais attendu que, comme la Cour vient de l'énoncer, la résiliation du contrat Payphone du fait de la liquidation de cette entreprise, n'a pas eu d'effet de plein droit sur le contrat de financement Locam ;
Que dès lors cette dernière était en droit de poursuivre la résiliation de la convention de financement, aux torts de l'emprunteur, qui ne réglait plus la somme mensuelle composée du financement et de la maintenance ;
[minute page 5]
Sur l'application des règles de protection du consommateur :
Attendu que M. X. soutient l'illégalité de toute clause pénale, les polices de caractère qui la prévoient étant illisibles ;
Que cet argument manque en fait ;
Attendu que l'intimé réclame en outre l'application du Code de la consommation parce qu'il était non professionnel en matière de téléphonie, et par suite l'interdiction pour Locam de réclamer tous les loyers restant dus ;
Mais attendu qu'au contraire, M. X. doit être considéré comme un professionnel au sens de l'article 311-3, 3° du code de la consommation, qui exclut du bénéfice de ce code les commerçants et professionnels ;
Qu'en effet, l'application de ces dispositions exige que soit recherché si le contrat litigieux avait un rapport direct avec l'activité du client ; qu'il apparaît en l'espèce que le publiphone était installé dans les locaux commerciaux de celui-ci et destiné à sa propre clientèle ; que même si le contrat litigieux comporte la reproduction d'extraits de la loi 72-1337 du 22 décembre 1972, ces clauses étant préétablies sur un formulaire type, tant la fourniture que la location de l'appareil avaient un rapport direct avec l'activité de l'intéressé ; que ce dernier ne peut donc pertinemment invoquer les dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation ;
Attendu que la clause pénale prévue par les parties, et composée des loyers restant à échoir et d'une pénalité supplémentaire de 10 p.100, est donc licite ; que son caractère manifestement excessif n'a pas été soutenu par l'intimé et ne peut être soulevé d'office par le juge commercial ; qu'elle est donc due ;
Sur les insuffisances du décompte ne tirant pas les conséquences de l'indépendance des contrats :
Attendu que l'intimé invoque encore l'irrégularité de la demande de Locam, qui ne distingue pas dans sa réclamation ce qui procède de la maintenance et ce qui procède du financement ;
Mais attendu que cet argument manque en fait, le décompte du 5 avril 2006 (non numéroté à son dossier) fourni par Locam distinguant au contraire de manière satisfaisante :
- la dette au titre du financement (3.444,96 euros TTC, soit tous les loyers à échoir), augmentée de 10 p.100 (344,49 euros) ;
- la prestation de maintenance (3 mois à 10,75 euros, soit jusqu'à la liquidation judiciaire de Payphone ayant entraîné la résiliation de ce contrat) ;
Attendu par conséquent que Locam apparaît bien fondée en son appel, sauf à limiter ses prétentions au total (3.821,70 euros) détaillé à l'instant ;
II° - Accessoires :
Attendu qu'il n'apparaît pas que M. X. ait abusé de son droit de se défendre en première instance comme en appel ; que la demande de dommages et intérêts formulée par l'appelant est mal fondée ;
Attendu que l'intimé supportera les dépens de première instance et d'appel ;
[minute page 6] Qu'au titre des frais exposés pour le présent appel et non compris dans les dépens, la partie condamnée aux dépens paiera à l'autre par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile la somme de mille euros ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu au Tribunal de commerce de Dunkerque le 4 octobre 2004,
Statuant à nouveau, condamne M. X. et Maître Delezenne, en qualité de représentant des créanciers du précédent, à payer à la SAS Locam la somme de 3.1121,70 euros (trois mille huit cent vingt et un euros soixante dix centimes) avec intérêt légaux à compter du 15 octobre 2002, outre la somme de 1.000 (mille) euros pour frais irrépétibles de procédure, et les entiers dépens de première instance et d'appel,
Accorde aux avoués constitués, le bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C. Nolin T. Fossier
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