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CA CAEN (1re ch. civ.), 13 décembre 2011

Nature : Décision
Titre : CA CAEN (1re ch. civ.), 13 décembre 2011
Pays : France
Juridiction : Caen (CA), 1re ch.
Demande : 09/02984
Date : 13/12/2011
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 30/10/2009
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3516

CA CAEN (1re ch. civ.), 13 décembre 2011 : RG n° 09/02984 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Le contrat d'entretien des générateurs à gaz a été conclu entre la société Les Combustibles de Normandie et le syndicat des copropriétaires de la résidence X. et non entre la société et le syndic de copropriété pour son propre compte. L'article L. 132-1 du code de la consommation dispose que […]. La notion de non professionnel, utilisée par le législateur français, n'exclut pas les personnes morales. Le syndicat de copropriété qui, en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, a pour objet la conservation de l'immeuble bâti en copropriété et l'administration des parties communes, n'a pas d'activité professionnelle. Il a agi, dans le cadre du présent contrat d'entretien, comme un consommateur ordinaire. La disposition précitée du code de la consommation lui est par conséquent applicable. »

2/ « La commission des clauses abusives, a suivant recommandation numéro 01-02, adoptée le 22 février 2001, recommandé que soient éliminées des contrats conclus entre professionnels et consommateurs les clauses ayant pour objet ou pour effet de prévoir la prorogation ou la reconduction tacite d'un contrat à durée déterminée pour une période excessivement longue. Le caractère excessif de la durée de reconduction doit s'apprécier par rapport aux prestations réciproquement convenues et à l'équilibre contractuel.

En l'espèce, la société Les Combustibles de Normandie s'est engagée à : - mettre à disposition le personnel spécialisé afin d'assurer la surveillance, la conduite et le réglage des appareils en chaufferie, les dépannages dans les plus brefs délais, jour et nuit, y compris le dimanche et les jours fériés, l'entretien courant du matériel installé en chaufferie, - fournir et poser toutes pièces de rechange en chaufferie faisant partie de la garantie totale. Elle s'est en outre engagée, en application d'une clause intitulée « garantie totale de l'installation et renouvellement de matériel » à fournir le personnel et le matériel nécessaire à tous remplacements ou réparations quels qu'ils soient et que la cause de la détérioration soit accidentelle ou due à l'usure normale des appareils, afin que l'installation soit toujours en parfait état de conservation et de bon fonctionnement. [...]. L'exploitant s'est engagé à laisser, en fin de contrat, les installations en parfait état de propreté et d'entretien et prêtes à affronter, sans incidents prévisibles, une nouvelle saison de chauffage. [...].

La durée de 10 années, contractuellement convenue pour la reconduction du contrat, tient compte de l'obligation mise à la charge de l'exploitant de remplacer non seulement les pièces défectueuses ou usagées mais également les chaudières ou appareils de production d'eau chaude, même en cas d'usure normale. La société doit pouvoir amortir sur plusieurs années le coût élevé du remplacement des matériels auquel elle est tenue. Une durée plus courte de contrat soumettrait les parties à l'aléa lié à la fréquence et à l'importance des interventions nécessaires alors que la durée prévue permet d'équilibrer les prestations de chacun. Au regard de ces éléments, il n'apparaît pas que la durée de 10 ans, contractuellement prévue pour la reconduction du contrat, soit excessivement longue et crée un déséquilibre significatif au détriment du non professionnel. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 09/02984.

ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de CAEN en date du 10 septembre 2009 : R.G. n° 07/01925.

 

APPELANTE :

LA SAS VIRIA venant aux droits de la SA LES COMBUSTIBLES DE NORMANDIE (LCN)

[...] - [...], prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP PARROT LECHEVALLIER ROUSSEAU, avoués, assistée de la SCP WEBEN-NICOLE-HORS MARGERIE-ANDRIES LAUDAT, avocats au barreau de CAEN

 

INTIMÉ :

LE SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE LA RÉSIDENCE X., représenté par son syndic, la SAS AGENCE GUERNET

pris en la personne de son représentant légal, représenté par la SCP GRAMMAGNAC - YGOUF BALAVOINE ET LEVASSEUR, avoués, assisté de Maître LEMAIRE substituant la SELARL THILL-LANGEARD ET ASSOCIES, avocats au barreau de CAEN

 

DÉBATS : A l'audience publique du 3 novembre 2011, sans opposition du ou des avocats, Mme MAUSSION, Président, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Madame GALAND

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme MAUSSION, Président, Mme CHERBONNEL, Conseiller, Mme ODY, Conseiller, rédacteur,

ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2011 et signé par Mme MAUSSION, Président, et Madame GALAND, Greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le syndicat des copropriétaires de la Résidence X. a conclu, le 4 mars 1982, avec la société Les Combustibles de Normandie, aux droits de laquelle se trouve actuellement la SAS Viria, un contrat d'entretien des générateurs gaz équipant la copropriété, de surveillance de la chaufferie et de garantie totale du matériel.

Le contrat était conclu pour une durée de 10 ans, renouvelable par tacite reconduction, par périodes successives de même durée, sauf dénonciation signifiée par lettre recommandée avec accusé de réception, six mois avant la date d'expiration.

Suivant avenant du 5 septembre 1991, le contrat était conclu pour une nouvelle période de 10 ans à compter du 24 mars 1992 et le préavis de résiliation était réduit à deux mois.

Par lettre recommandée du 18 janvier 2007, la SAS Agence Guernet, syndic de la copropriété, a informé la société Les Combustibles de Normandie de sa volonté de ne pas renouveler le contrat d'entretien pour une nouvelle période de 10 ans à compter du 24 mars 2007.

Par lettre du 24 janvier 2007, la société Les Combustibles de Normandie a rappelé que le contrat s'était renouvelé le 24 mars 2002 pour une période de 10 ans, soit jusqu'au 23 mars 2012.

 

Par acte d'huissier du 25 avril 2007, le syndicat des copropriétaires de la résidence X. a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Caen la société Les Combustibles de Normandie afin d'entendre :

- dire la clause de reconduction tacite stipulée dans le contrat d'entretien abusive et réputée non écrite,

- prononcer la résiliation du contrat d'entretien, sans indemnité, à effet du 18 mars 2007,

- condamner la société Les Combustibles de Normandie au paiement de la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

 

Par jugement du 10 septembre 2009 le tribunal a :

- prononcé la résiliation du contrat à la date du 18 mars 2007,

- condamné le syndicat des copropriétaires à payer à la société Les Combustibles de Normandie la somme de 1.800 euros au titre des interventions effectuées depuis la résiliation du contrat,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- partagé les dépens par moitié.

 

La SA Les Combustibles de Normandie a interjeté appel par déclaration au greffe de la cour le 30 octobre 2009.

L'exposé des prétentions et moyens des parties revêt la forme, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, du visa des conclusions déposées pour :

- la SAS Viria le 22 mars 2011,

- le syndicat des copropriétaires de la résidence X. le 1er février 2011.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Le contrat d'entretien des générateurs à gaz a été conclu entre la société Les Combustibles de Normandie et le syndicat des copropriétaires de la résidence X. et non entre la société et le syndic de copropriété pour son propre compte.

L'article L. 132-1 du code de la consommation dispose que « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

La notion de non professionnel, utilisée par le législateur français, n'exclut pas les personnes morales.

Le syndicat de copropriété qui, en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, a pour objet la conservation de l'immeuble bâti en copropriété et l'administration des parties communes, n'a pas d'activité professionnelle. Il a agi, dans le cadre du présent contrat d'entretien, comme un consommateur ordinaire.

La disposition précitée du code de la consommation lui est par conséquent applicable.

La commission des clauses abusives, a suivant recommandation numéro 01-02, adoptée le 22 février 2001, recommandé que soient éliminées des contrats conclus entre professionnels et consommateurs les clauses ayant pour objet ou pour effet de prévoir la prorogation ou la reconduction tacite d'un contrat à durée déterminée pour une période excessivement longue.

Le caractère excessif de la durée de reconduction doit s'apprécier par rapport aux prestations réciproquement convenues et à l'équilibre contractuel.

En l'espèce, la société Les Combustibles de Normandie s'est engagée à :

- mettre à disposition le personnel spécialisé afin d'assurer la surveillance, la conduite et le réglage des appareils en chaufferie, les dépannages dans les plus brefs délais, jour et nuit, y compris le dimanche et les jours fériés, l'entretien courant du matériel installé en chaufferie,

- fournir et poser toutes pièces de rechange en chaufferie faisant partie de la garantie totale.

Elle s'est en outre engagée, en application d'une clause intitulée « garantie totale de l'installation et renouvellement de matériel » à fournir le personnel et le matériel nécessaire à tous remplacements ou réparations quels qu'ils soient et que la cause de la détérioration soit accidentelle ou due à l'usure normale des appareils, afin que l'installation soit toujours en parfait état de conservation et de bon fonctionnement.

Le contrat stipule que cette garantie s'applique à l'ensemble des appareils thermiques installés en chaufferie : chaudières, brûleurs, pompes, régulations électroniques, appareils de production d'eau chaude sanitaire, vase d'expansion ainsi que les robinetteries et tuyauteries de chauffage et eau chaude, installées en chaufferie, l'exploitant étant tenu de procéder à ces remplacements ou réparations, ainsi qu'à la remise en route de l'installation dans les plus brefs délais.

L'exploitant s'est engagé à laisser, en fin de contrat, les installations en parfait état de propreté et d'entretien et prêtes à affronter, sans incidents prévisibles, une nouvelle saison de chauffage.

Le contrat prévoyait, en contrepartie des fournitures et prestations de services, une redevance annuelle de 16.000 F hors-taxes et en contrepartie de la garantie totale une redevance annuelle de 12.000 F hors-taxes.

La durée de 10 années, contractuellement convenue pour la reconduction du contrat, tient compte de l'obligation mise à la charge de l'exploitant de remplacer non seulement les pièces défectueuses ou usagées mais également les chaudières ou appareils de production d'eau chaude, même en cas d'usure normale.

La société doit pouvoir amortir sur plusieurs années le coût élevé du remplacement des matériels auquel elle est tenue.

Une durée plus courte de contrat soumettrait les parties à l'aléa lié à la fréquence et à l'importance des interventions nécessaires alors que la durée prévue permet d'équilibrer les prestations de chacun.

Au regard de ces éléments, il n'apparaît pas que la durée de 10 ans, contractuellement prévue pour la reconduction du contrat, soit excessivement longue et crée un déséquilibre significatif au détriment du non professionnel.

Le syndicat des copropriétaires de la résidence X. sera débouté de sa demande tendant au prononcé de la résiliation du contrat à la date du 18 mars 2007.

Le contrat s'étant poursuivi, le syndicat des copropriétaires sera condamné au paiement des redevances échues, soit la somme de 29.740,08 euros, déduction faite du paiement de la redevance d'octobre 2010 dont il est justifié. Il résulte au demeurant des pièces justificatives produites aux débats que la société Viria a continué à assurer l'entretien et le remplacement des pièces nécessaires au fonctionnement de l'installation de chauffage et à la production d'eau chaude en 2008, 2009, 2010 et 2011.

Le syndicat des copropriétaires a pu, sans mauvaise foi, se méprendre sur la portée de ses droits. Son action ne procède ni de la mauvaise foi ni de l'abus de droit ni l'intention de nuire. La SAS Viria doit être déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour action abusive.

Le syndicat des copropriétaires qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SAS Viria les frais par elle exposés et non inclus dans les dépens. Le syndicat des copropriétaires sera condamné à lui payer la somme de 1500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement,

Réforme le jugement frappé d'appel en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Déboute le syndicat des copropriétaires de la résidence X. de sa demande de résiliation du contrat à la date du 18 mars 2007.

Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence X. à payer à la SAS Viria la somme de 29'740,08 euros.

Déboute la SAS Viria de sa demande en dommages et intérêts.

Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence X. à payer à la SAS Viria la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence X. aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT

C. GALAND              E. MAUSSION