CA LYON (1re ch. civ. A), 8 mars 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3672
CA LYON (1re ch. civ. A), 8 mars 2012 : RG n° 10/06325
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Il en résulte, supposer même que le préposé du fournisseur n'ait pas expressément indiqué à M. X. qu'il agissait en outre pour le placement d'un contrat de financement avec un tiers, qu'aucune erreur ne pouvait en découler eu égard aux termes clairs du contrat et compte tenu encore de l'acceptation donnée à l'endroit même où figuraient les informations essentielles sur ce point. En conséquence, peu important qu'il s'agisse là d'un contrat d'adhésion, le locataire était avisé de l'intervention d'un organisme financier. »
2/ « L'article 1135 du code civil ne confère pas au juge le pouvoir de contrôler l'équilibre de la convention.
L'article L. 132-1 du code de la consommation, dont il résulte que sont réputées non écrite les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif au détriment du non-professionnel ou du consommateur, ne saurait être appliqué en l'espèce, M. X. ayant conclu le contrat litigieux en qualité de professionnel, puisqu'il s'agissait de financer la location « d'une solution téléphonique pour professionnel », selon ses propres termes, afin d'équiper l'hôtel qu'il exploite. »
3/ « Quoi qu'il en soit, et peu important que la convention soit un contrat d'adhésion, les critiques qui lui sont adressées sont inopérantes :
- les stipulations ouvrant au seul bailleur la faculté de résilier le contrat en cas de survenance de divers événements (procédure collective du preneur, cession, destruction de l'équipement, etc.) ne concernent pas l'espèce,
- celle qui ouvre cette faculté en cas de « non-respect des engagements pris au présent contrat et notamment le défaut de paiement d'une échéance ou de toute somme due en vertu du contrat dans les huit jours qui suivent une mise en demeure restée infructueuse » stipule une clause résolutoire en cas de défaillance du preneur ; dans la mesure où elle autorise le bailleur à tirer les conséquences d'un manquement précis et persistant à une obligation essentielle du contrat, elle n'implique pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; elle est licite,
- l'absence de stipulation symétrique en faveur du locataire n'implique nulle renonciation à son droit d'agir en résiliation, voire de suspendre, à ses risques et périls, le service de ses prestations si le loueur manque gravement à ses obligations ; au demeurant, c'est bien ce que M. X. a fait, à ses risques et périls,
- la stipulation dégageant le loueur de toute responsabilité en cas de défectuosité du matériel reflète seulement la nature de son intervention, purement financière et exclusive de toute garantie quant à la qualité du bien dont le preneur lui-même a fait seul le choix de se fournir auprès d'un partenaire qu'il a également choisi.
- les circonstances qui ont entouré la conclusion du contrat ont été précédemment exposées et sont exclusives de toute erreur ; le rapprochement entre les diverses clauses du contrat ne met pas en évidence d'élément fondant une contestation pertinente.
Il en résulte qu'à le supposer même recevable à en débattre, M. X. a consenti, en connaissance de cause, à des conditions qui n'ont pas de caractère abusif. »
COUR D’APPEL DE LYON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE A
ARRÊT DU 8 MARS 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/06325. Décision du Tribunal de commerce de Saint-Étienne, 3ème Chambre, au fond, du 22 juillet 2010 : R.G. n° 2009/1503.
APPELANT :
Monsieur X.
représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, assisté de Maître Alain FAURE, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE
INTIMÉS :
SA FRANFINANCE LOCATION
représenté par la SCP BAUFUME - SOURBE, assistée de Maître André BOUCHET, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE
SARL JBV SERVICES exerçant sous le nom commercial « KALYS »
en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lyon rendu le 16 novembre 2010, assistée de Maître Annie GUILLAUME, représentée par Maître Bernard SABOURIN, mandataire judiciaire, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de SARL JBV SERVICES selon jugement du tribunal de commerce de Lyon du 16 novembre 2010, cité à personne habilitée par acte de la SCP A. DODET - A.C. JOO-BELDON - S. FAYSSE, huissiers de justice associés à Lyon, en date du 28 décembre 2010, non constitué
Date de clôture de l'instruction : 8 mars 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 décembre 2011
Date de mise à disposition : 8 mars 2012
Audience tenue par François MARTIN, conseiller, faisant fonction de président et Philippe SEMERIVA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, Philippe SEMERIVA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré : - Michel GAGET, président, - François MARTIN, conseiller, - Philippe SEMERIVA, conseiller
Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le jugement entrepris décide que la convention de location longue durée contractée par M. X. avec la société Arius, aux droits de laquelle est la société Franfinance Location, n'est pas entachée de nullité ; il constate l'absence de disproportion dans ses conditions générales, admet l'intérêt du loueur à agir et condamne en conséquence le preneur à lui payer la somme de 789,36 euros en loyers échus et celle de 6.600 euros en indemnité de résiliation, avec intérêts légaux à compter du 13 septembre 2009, date de mise en demeure, outre celle d'un euros à titre de clause pénale ; il ordonne la capitalisation des intérêts et autorise la société Franfinance à reprendre le matériel loué.
Ce jugement retient également que le fournisseur du bien financé, la société JBV Services, a parfaitement rempli ses obligations, rejette en conséquence l'appel en garantie formé à son encontre, déboute M. X. de ses demandes et condamne ce dernier à payer à chacune des parties adverses une somme de 650 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
* * *
M. X. a relevé appel le 25 août 2010.
Par jugement du 16 novembre 2010, le tribunal de commerce de Lyon a constaté que la société JBV était en cessation des paiements et qu'un redressement était impossible ; il a prononcé sa liquidation judiciaire.
M. Sabourin, assigné par acte remis à l'un de ses employés, n'a pas comparu.
* * *
M. X. expose que l'installation téléphonique fournie par la société JBV, exerçant sous l'enseigne Kalys, a présenté de graves dysfonctionnements qui l'ont amené à demander la résiliation du contrat passé avec elle.
Il soutient que la convention conclue avec la société Franfinance est nulle, pour dol, l'installateur ayant sciemment entretenu la confusion en lui donnant à signer plusieurs documents, sans lui indiquer que l'un d'entre eux était un contrat de location.
Il considère par ailleurs que les vices de l'installation sont démontrés par les nombreuses interventions dont il justifie.
A titre subsidiaire, il fait valoir que le contrat de location est abusif, dans la mesure notamment où le bailleur a seul la faculté de mettre fin à l'opération.
Il demande d'infirmer le jugement, le cas échéant, de condamner la société Kalys à le garantir, de débouter la société Franfinance de sa demande d'indemnité et de condamner les parties adverses à lui payer la somme de 1.950 euros pour ses frais irrépétibles.
* * *
La société Franfinance considère que le contrat de location n'est pas entaché de nullité et que les conditions générales n'en sont pas disproportionnées ; elle conclut à la condamnation de M. X. à lui payer la somme de 875,26 euros, correspondant aux échéances impayées, ainsi que l'indemnité contractuelle, outre intérêts au taux légal à compter du 29 février 2008, celle de 7.260 euros correspondant aux échéances restant à échoir à cette date et les intérêts légaux sur la somme principale de 8.135,26 euros à compter du 13 mars 2009.
Elle demande la capitalisation des intérêts, l'autorisation de reprendre les matériels et le paiement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le « contrat de location longue durée », selon son intitulé, est revêtu en caractères très apparents de la dénomination sociale « Arius Partenaires » ; le locataire l'a signé et revêtu de son cachet commercial à la rubrique « signature et du locataire et cachet sur les 6 exemplaires, le locataire reconnaît avoir pris connaissance des conditions générales et particulières du présent contrat ».
Il en résulte, supposer même que le préposé du fournisseur n'ait pas expressément indiqué à M. X. qu'il agissait en outre pour le placement d'un contrat de financement avec un tiers, qu'aucune erreur ne pouvait en découler eu égard aux termes clairs du contrat et compte tenu encore de l'acceptation donnée à l'endroit même où figuraient les informations essentielles sur ce point.
En conséquence, peu important qu'il s'agisse là d'un contrat d'adhésion, le locataire était avisé de l'intervention d'un organisme financier.
Il n'est pas soutenu, par ailleurs, que le montant, la périodicité et le nombre total des loyers, tels que mentionnés à l'acte, ne correspondraient pas à ce qui avait été convenu.
L'existence de manœuvres tendant à tromper le locataire n'est pas prouvée ; il ne peut en toute hypothèse être retenu que, sans elles, M. X. n'aurait pas contracté ; l'action en annulation pour dol n'est pas fondée.
L'article 1135 du code civil ne confère pas au juge le pouvoir de contrôler l'équilibre de la convention.
L'article L. 132-1 du code de la consommation, dont il résulte que sont réputées non écrite les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif au détriment du non-professionnel ou du consommateur, ne saurait être appliqué en l'espèce, M. X. ayant conclu le contrat litigieux en qualité de professionnel, puisqu'il s'agissait de financer la location « d'une solution téléphonique pour professionnel », selon ses propres termes, afin d'équiper l'hôtel qu'il exploite.
Quoi qu'il en soit, et peu important que la convention soit un contrat d'adhésion, les critiques qui lui sont adressées sont inopérantes :
- les stipulations ouvrant au seul bailleur la faculté de résilier le contrat en cas de survenance de divers événements (procédure collective du preneur, cession, destruction de l'équipement, etc.) ne concernent pas l'espèce,
- celle qui ouvre cette faculté en cas de « non-respect des engagements pris au présent contrat et notamment le défaut de paiement d'une échéance ou de toute somme due en vertu du contrat dans les huit jours qui suivent une mise en demeure restée infructueuse » stipule une clause résolutoire en cas de défaillance du preneur ; dans la mesure où elle autorise le bailleur à tirer les conséquences d'un manquement précis et persistant à une obligation essentielle du contrat, elle n'implique pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; elle est licite,
- l'absence de stipulation symétrique en faveur du locataire n'implique nulle renonciation à son droit d'agir en résiliation, voire de suspendre, à ses risques et périls, le service de ses prestations si le loueur manque gravement à ses obligations ; au demeurant, c'est bien ce que M. X. a fait, à ses risques et périls,
- la stipulation dégageant le loueur de toute responsabilité en cas de défectuosité du matériel reflète seulement la nature de son intervention, purement financière et exclusive de toute garantie quant à la qualité du bien dont le preneur lui-même a fait seul le choix de se fournir auprès d'un partenaire qu'il a également choisi.
- les circonstances qui ont entouré la conclusion du contrat ont été précédemment exposées et sont exclusives de toute erreur ; le rapprochement entre les diverses clauses du contrat ne met pas en évidence d'élément fondant une contestation pertinente.
Il en résulte qu'à le supposer même recevable à en débattre, M. X. a consenti, en connaissance de cause, à des conditions qui n'ont pas de caractère abusif.
La clause selon laquelle « la résiliation entraîne de plein droit le paiement, en réparation du préjudice subi, d'une indemnité égale aux loyers restant à échoir au jour de la résiliation » expose le preneur défaillant à payer immédiatement les entières sommes stipulées au contrat ; elle a ainsi pour objet de le dissuader de manquer à ses obligations et vise à assurer l'exécution de la convention ; la convention porte ainsi que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts.
Comme le fait valoir M. X., cette indemnité a la nature d'une clause pénale.
Elle peut être modérée si elle est manifestement excessive, mais tel n'est pas le cas en l'espèce.
La perception des sommes qui auraient dû lui être payées si le contrat était allé à son terme ne révèle pas de disproportion, moins encore de disproportion manifeste, entre l'importance du préjudice effectivement subi par le loueur et le montant conventionnellement fixé ; ce montant est au contraire proportionné à la perte des fruits attendus d'une opération d'achat du bien en vue de bénéfices à réaliser sur sa location.
Par ailleurs, la « somme forfaitaire égale à 10 % de ladite indemnité à titre de clause pénale » n'est pas manifestement excessive, en ce qu'elle tend à compenser les démarches nécessaires à la mise en œuvre de la peine stipulée.
Prises en elles-mêmes, ou même en leur combinaison, ces clauses pénales ne doivent pas donner lieu à réduction en l'espèce.
La créance de la société Franfinance est en conséquence arrêtée comme suit :
- quatre loyers impayés : 197,34 TTC x 4 = 789,36 euros,
(la société Franfinance ne précise pas de quelle stipulation du contrat elle déduit que cette somme devrait supporter une majoration de 10 % ; sa demande accessoire sur ce point ne peut être reçue),
- indemnité de résiliation, comme demandée : 165 x 40 = 6.600 euros,
- majoration de 10 % sur le montant de cette indemnité : 660 euros.
- les intérêts sont dus à compter de la mise en demeure ; s'il est question, dans les conclusions et dans le jugement, d'un courrier sur ce point, qui serait du 29 février 2008, ce dernier n'est pas produit et la seule mise en demeure connue de la Cour est celle du 29 février 2009,
- par ailleurs, la demande de capitalisation des intérêts n'a été formée que par l'assignation du 6 avril 2009, de sorte que l'anatocisme pratiqué par la société Franfinance dans son décompte pour une période antérieure est, faute de convention à ce propos, dénuée de fondement ; cette capitalisation est de droit dès lors qu'elle est demandée, mais seulement à partir de cette date.
La créance s'établit en conséquence à la somme de 8.049,36 euros, avec intérêts légaux à compter du 29 février 2009, capitalisés, pour ceux échus pour au moins une année entière, à compter du 6 avril 2009.
Etant propriétaire du matériel, la société Franfinance doit être autorisée à le reprendre.
Aucune circonstance ne conduit à écarter l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
S'agissant de l'action en garantie, il convient avant tout éventuel examen au fond, de vérifier que la créance a été déclarée dans les conditions et sous les sanctions prévues aux articles L. 622-24 et L. 622-26 du code de commerce.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
- Statuant dans les rapports entre la société Franfinance et M. X., confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, hors celle rejetant la demande de la société Franfinance Location en paiement de la somme de 660 euros,
- Réformant et précisant, condamne en conséquence M. X. à payer à la société Franfinance Location la somme de 8.049,36 euros, avec intérêts légaux à compter du 29 février 2009, capitalisés, pour ceux échus pour au moins une année entière, à compter du 6 avril 2009,
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X. à payer à la société Franfinance Location la somme de 650 euros au titre de l'instance d'appel,
- Avant dire droit sur l'action en garantie, invite M. X. à produire la déclaration de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société JBV Services,
- A cette fin, renvoie l'affaire à l'audience du mercredi 30 mai 2012 à 13 heures 30,
- Condamne M. X. aux dépens d'appel à l'égard de la société Franfinance Location ; dit que ceux-ci seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande ; réserve les dépens de l'action en garantie.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Joëlle POITOUX Michel GAGET
- 5829 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : reconnaissance du caractère professionnel du contrat
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- 6155 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 - Ancien art. 1135 C. civ.
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