TGI PERPIGNAN (1re ch. sect. 1), 20 novembre 2002
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 393
TGI PERPIGNAN (1re ch. sect. 1), 20 novembre 2002 : RG n° 02/01081 ; jugement n° 541
(sur appel CA Montpellier (1re ch. D), 7 janvier 2004 : RG n° 03/00324 ; arrêt n° 113)
Extrait : « ATTENDU que les dispositions de l’article 4 des Conditions Générales du contrat de crédit-bail, qui donnent au preneur mandat d’exercer contre le vendeur du véhicule, qu’il a lui-même choisi, les droits et actions de la bailleresse, en cas de vice du bien loué, ne peuvent dispenser la bailleresse de son obligation légale de garantie ; qu’en effet, d’une part, une dérogation conventionnelle à l’article 1721 du Code Civil n’est admissible qu’à la condition d’être expresse et non équivoque : or, en raison même de la règle de la révocabilité ad nutum du mandat posée par l’article 2004 du Code Civil, l’article 4 du contrat n’exclut nullement le propre droit d’agir de la bailleresse dont la garantie est sollicitée, en cas de vice de la chose ; que d’autre part, l’exonération au profit de la bailleresse de son obligation de garantie avec obligation pour le preneur de poursuivre le paiement des loyers, serait constitutive par le déséquilibre radical ainsi créé entre les droits et obligations de chaque partie, d’une clause abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la Consommation, plus précisément en référence aux paragraphes l b) et l) de la liste indicative annexée au Code, dès lors que la bailleresse seule conserverait ses droits dans le contrat sans plus d’obligation en contrepartie, étant observé que l’investissement initial qu’elle a dû supporter doit être placé hors du bail puisque le droit commun, auquel est soumis le contrat de crédit-bail professionnel, n’inclut pas ce financement dans les obligations du bailleur ; qu’il en résulte ainsi que l’obligation absolue au paiement des loyers en cas d’exercice par le preneur de son mandat, est abusive et donc réputée non écrite ».
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION 1
JUGEMENT DU 20 NOVEMBRE 2002
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R. G. n° 02/01081. Minute n° 541.
ENTRE :
[SA MACSF FINANCEMENT] anciennement dénommée [MEDIBAIL SA]
SA, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, dont le siège social est sis [adresse] représentée par Maître [avocat] au barreau de PERPIGNAN, Maître [avocat] au barreau de PARIS
ET :
Monsieur Y.
[adresse] représenté par la SCP [avocat], avocats au barreau de PERPIGNAN
COMPOSITION DU TRIBUNAL : M. […] statuant à Juge Unique, conformément aux dispositions des articles 801 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile. Faisant fonctions de Greffier : Mme […]
[minute page 2] DÉBATS : Vu l’ordonnance de clôture en date du 30 septembre 2002 ayant fixé l’audience de plaidoiries au 16 octobre 2002 où l’affaire a été plaidée et mise en délibéré au 20 novembre 2002.
JUGEMENT : Prononcé en audience publique, Contradictoire. Premier ressort.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] Le 20 février 2002, la Société [MACSF FINANCEMENT] assigne Monsieur Y.
Elle expose lui avoir consenti, suivant contrat du 17 juin 1999, la location avec option d’achat d’un véhicule automobile de marque RENAULT, type [modèle], pour les besoins de l’activité professionnelle de médecin de Monsieur Y.
Elle explique que M. Y. a cessé en juillet 2001 de payer les loyers, au motif de vices affectant le véhicule. Or, aux termes des dispositions contractuelles, le locataire qui choisit le véhicule, assume la carence du vendeur, le risque locatif et reçoit, suivant l’article 4, mandat d’agir contre lui, ne peut se prévaloir d’un défaut du véhicule pour suspendre le paiement des loyers.
La Société [MACSF FINANCEMENT] fait donc valoir que c’est à bon droit qu’elle a prononcé, par courrier du 25 septembre 2001, la résiliation du contrat, en application de la clause de l’article 12.
Elle demande au Tribunal de condamner Monsieur Y. à lui payer, avec exécution provisoire, une somme de 6.947,97 euros, outre intérêts au taux mensuel de 1,60 % à compter du 25 septembre 2001, en remboursement du crédit-bail, conformément aux dispositions de l’article 12 du contrat du 17 juin 1999, outre une indemnité de 1.067 euros par application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
[minute page 4] Monsieur Y. répond que si la résiliation est intervenue, avec restitution du véhicule le 11 octobre 2001, c’est en raison de l’inexécution par la Société [MACSF FINANCEMENT] de son obligation légale de mettre à sa disposition un véhicule conforme à sa destination puisqu’il a dû cesser de l’utiliser en raison de pannes répétées, en janvier 2001, et que les dispositions contractuelles ne sauraient avoir pour effet de faire supporter au seul locataire la charge de la défaillance du bien qu’il loue.
Monsieur Y. conclut donc au débouté de la demande et sollicite reconventionnellement la condamnation de la Société [MACSF FINANCEMENT] à lui payer les sommes de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices et de 1.000 euros par application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DU JUGEMENT :
ATTENDU que les pièces du dossier, notamment le rapport d’expertise effectué le 27 février 2001 par Monsieur W. expert, établissent avec suffisamment de précision que le moteur du véhicule est affecté d’un vice de conception entraînant une usure anormale de courroies essentielles du moteur, en sorte d’empêcher son fonctionnement à moyen terme ;
que la propre expertise de Monsieur A. effectuée le 31 décembre 2001, à la demande de la Société [MACSF FINANCEMENT] ne dément nullement les résultats de l’expertise Z. [minute page 5] antérieure qui constatait aussi un bon état actuel du véhicule après réparation mais révélait en revanche sa fragilité à moyen terme ;
que ce vice du véhicule relève des dispositions de l’article 1721 du Code civil prévoyant que le bailleur d’une chose doit garantie au preneur pour les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l’usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus ;
ATTENDU que les dispositions de l’article 4 des Conditions Générales du contrat de crédit-bail, qui donnent au preneur mandat d’exercer contre le vendeur du véhicule, qu’il a lui-même choisi, les droits et actions de la bailleresse, en cas de vice du bien loué, ne peuvent dispenser la bailleresse de son obligation légale de garantie ;
qu’en effet, d’une part, une dérogation conventionnelle à l’article 1721 du Code Civil n’est admissible qu’à la condition d’être expresse et non équivoque : or, en raison même de la règle de la révocabilité ad nutum du mandat posée par l’article 2004 du Code Civil, l’article 4 du contrat n’exclut nullement le propre droit d’agir de la bailleresse dont la garantie est sollicitée, en cas de vice de la chose ;
que d’autre part, l’exonération au profit de la bailleresse de son obligation de garantie avec obligation pour le preneur de poursuivre le paiement des loyers, serait constitutive par le déséquilibre radical ainsi créé entre les droits et obligations de chaque partie, d’une clause abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la Consommation, plus précisément en référence aux paragraphes l b) et 1) de la liste indicative annexée au Code, dès lors que la bailleresse seule conserverait ses droits dans le contrat sans plus d’obligation en contrepartie, étant observé que l’investissement initial qu’elle a dû supporter doit être placé hors du bail puisque le droit commun, auquel est soumis le contrat de crédit-bail professionnel, n’inclut pas ce financement dans les obligations du [minute page 6] bailleur ; qu’il en résulte ainsi que l’obligation absolue au paiement des loyers en cas d’exercice par le preneur de son mandat, est abusive et donc réputée non écrite ;
qu’en définitive, le mandat donné par l’article 4 du contrat ne peut être regardé que comme une faculté accordée au preneur pour lui faciliter l’exercice de son droit à garantie et non comme une restriction de celui-ci ;
ATTENDU donc que Monsieur Y. était fondé à solliciter de la Société [MACSF FINANCEMENT] la garantie due en application de l’article 1721 du Code Civil, puis la résiliation du contrat pour inexécution par la bailleresse de son obligation de garantie puisqu’en effet celle-ci ne justifie nullement d’une cause exonératoire, totalement imprévisible et irrésistible ;
que la Société [MACSF FINANCEMENT] doit aussi réparation de tous préjudices consécutifs à l’inexécution de son obligation ; qu’eu égard, suivant les renseignements du dossier, aux frais engagés, aux quatre loyers payés de février à juin 2001 sans l’usage du véhicule et aux troubles apportés, il apparaît raisonnable d’évaluer à la somme totale de 3.000 euros, le montant de la réparation des préjudices subis.
ATTENDU que l’application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile est insuffisamment justifiée au regard du fait issu du dossier que le défendeur bénéficie d’une prise en charge par son assureur des frais occasionnés par l’instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 7]PAR CES MOTIFS :
LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort :
DÉBOUTE la Société [MACSF FINANCEMENT] de sa demande ;
CONDAMNE la Société [MACSF FINANCEMENT] à payer à Monsieur Y. la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE la Société [MACSF FINANCEMENT] aux entiers dépens.
- 5933 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Véhicules et engins
- 5959 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats mixtes - Usage mixte professionnel et privé
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- 5991 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Lois et règlements - Conformité au régime légal : illustrations - Code civil
- 5995 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Annexe à la Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 et à l’ancien art. L. 132-1 C. consom.
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