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CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 20 septembre 2012

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 20 septembre 2012
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 11/00482
Date : 20/09/2012
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 11/01/2011
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2012-022625
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3956

CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 20 septembre 2012 : RG n° 11/00482 

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2012-022625

 

Extrait : « Considérant que ces dispositions qui permettent au professionnel de ne pas exécuter la convention de façon quasi discrétionnaire alors que le consommateur ne peut résilier la convention même en cas de motif sérieux et légitime et ne prévoient aucune indemnisation au profit du consommateur mais au seul profit du professionnel sont abusives ; qu'elles contreviennent également à la recommandation de la Commission des clauses abusives n° 91-01 du 7 juillet 1989, qui stigmatise les clauses prévoyant que le prix est dû, même si l'élève ne peut suivre l'enseignement pour quelque cause que ce soit ;

Considérant que ces dispositions créent, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et qu'il n'existe pas, dans les circonstances de la conclusion du contrat ou dans ses autres dispositions, des avantages consentis au consommateur qui rétabliraient ce déséquilibre étant relevé que l'affirmation selon laquelle elle engagerait son personnel enseignant, pour l'année scolaire et se trouverait ainsi exposée à des frais fixes incompressibles, quel que soit le nombre d'étudiants, ne repose sur aucune pièce et la nécessité par elle alléguée de prévoir à l'avance les modalités de l'enseignement, ne peut la dispenser d'indemniser le consommateur en cas d'inexécution ou de cessation de scolarité, quelle qu'en soit la cause ; qu'en effet, ainsi qu'il est dit ci-dessus, à compter du huitième jour de la signature de la convention tout désistement entraîne le paiement immédiat d'une indemnité, voire s'il intervient après la rentrée scolaire, le paiement immédiat du solde de la scolarité annuelle intégrale alors qu'à l'inverse en cas d'effectif d'élèves insuffisant, l'établissement peut être conduit à proposer une prestation de remplacement ou à annuler l'inscription définitive ; que la nécessité d'éviter des départs anticipés ne peut la conduire à pénaliser sans distinction ceux qui justifieraient d'un motif sérieux et légitime, que la clause prévue à son profit exclusif n'a pas d’équivalent dans le contrat puisque si le consommateur peut résilier la convention avant la rentrée scolaire sans supporter la pénalité, la rupture en cours d'année, alors qu'elle peut reposer pour le consommateur sur un motif sérieux et légitime, ne donne lieu à des dispositions favorables que pour le professionnel ; que dès lors, le refus de l'ENGDE repose sur des dispositions contractuelles abusives ;

Considérant que la clause précitée doit donc être réputée non écrite et dès lors, l'économie du contrat doit être analysée au vu de l'ensemble des clauses qui subsistent et des dispositions de droit commun applicable en la matière ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9

ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11/00482 (6 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 février 2010 - Tribunal d'Instance de PARIS 11e arrdt - R.G. n° 11-09-001423.

 

APPELANT :

Monsieur X.

Représenté par Maître Bruno N. (avocat au barreau de PARIS, toque : C0351), Assisté de Maître Mathilde R.-M. (avocat au barreau de PARIS, toque : C1407), bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2010/XX du 7 janvier 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS

 

INTIMÉE :

SOCIETE FORMATION GESTION FINANCE AUDIT exerçant sous l'enseigne ÉCOLE NATIONALE DE GESTION DES ENTREPRISES

[adresse], Représentée par Maître Chantal-Rodene B. C., plaidé par Maître Audrey H. (avocat au barreau de PARIS, toque : L0066)

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 27 juin 2012, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Alain SADOT, Président, Mme Patricia LEFEVRE, Conseillère, Madame Sabine LEBLANC, Conseillère, qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Léna ETIENNE

ARRÊT : CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Alain SADOT, président et par Mme Léna ETIENNE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 9 juin 2008, M. X. s'est inscrit à une formation DGC L1 proposée par la société FORMATION GESTION FINANCE AUDIT exerçant sous l'enseigne l'école nationale de gestion des entreprises (ci-après l'ENGDE), les frais de scolarité s'élevant à 4.200 euros. Par courrier du 6 février 2009, il informait l'établissement scolaire de son intention d'arrêter sa scolarité, expliquant que des « premiers résultats très faibles renforcés par un rythme trop soutenu pour (une) santé encore fragile » ont eu raison de sa motivation et qu'il souhaitait se réorienter vers une formation dispensée plus près de chez lui et plus adaptée à sa situation. Il réclamait le remboursement de la moitié des frais de scolarité. A la demande de l'ENGDE, il communiquait un certificat de son médecin traitant, en date du 18 mars 2009.

N'ayant pas obtenu de remboursement partiel des frais de scolarité, M. X. a saisi le tribunal d'instance de Paris (11ème arrondissement), qui par jugement du 16 février 2010, le déboutait de l'intégralité de ses demandes et le condamnait aux dépens.

M. X. a relevé appel de cette décision, le 11 janvier 2011. Dans le dernier état de ses écritures du 20 avril 2011, il prie la cour, infirmant le jugement de première instance, de condamner l'ENGDE à lui payer la somme de 2.336 euros représentant les frais de scolarité outre une somme de 600 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et les dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Il fait valoir, que la directrice de l'établissement d'enseignement avisée dès le dépôt de son dossier de ses problèmes de santé et du fait qu'il venait de subir une lourde opération, lui avait assuré qu'en cas de difficultés, l'établissement procéderait à un remboursement « proratisé » des frais de scolarité ; que son état de santé s'est révélé incompatible avec la poursuite de sa scolarité et malgré les engagements pris, l'ENGDE n'a pas remboursé les frais de scolarité, lui opposant l'article 4 du contrat.

Il soutient que la clause litigieuse, qui écarte tout remboursement des sommes payées à l'avance en cas de rupture du contrat en cours d'année, est abusive et est reconnue comme telle par la recommandation de la commission des clauses abusives 91-01. Il en déduit le bien fondé de sa demande. Il ajoute que le refus de l'établissement lui a causé un préjudice moral, n'ayant pas les moyens financiers de reprendre une scolarité dans un autre établissement.

Dans ses conclusions du 16 juin 2011, l'ENGDE demande à la cour de confirmer la décision rendue, sollicitant en sus, la condamnation de M. X. au paiement d'une indemnité de procédure de 1.200 euros et aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle fonde son opposition à tout remboursement des frais de scolarité, sur les dispositions des conditions générales d'inscription, qui font la loi des parties, relevant que M. X. n'a quitté l'établissement que du fait de ses médiocres résultats et d'un manque de motivation. A l'argumentation de M. X., elle oppose la force obligatoire du contrat, relevant que dans un litige similaire la juridiction d'instance a écarté le caractère abusif de la clause dénoncée, au motif notamment qu'elle recrutait des enseignants pour la durée de l'année scolaire et donc exposait des frais fixes pour cette même durée.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR

Considérant que l'article L. 132-1 du code de la consommation dispose que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat... Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat... Les clauses abusives sont réputées non écrites » ;

Considérant que l'article IV des conditions générales d'inscription sous le titre désistement ou résiliation rappelle que le caractère définitif de l'engagement peut être subordonné à l'obtention d'un diplôme ou d'une qualification, et que, conformément à la loi, les sommes versées sont intégralement remboursées dans les 7 jours de la signature du contrat, en cas de paiement échelonné ;

- qu'il stipule ensuite, que lorsque la résiliation intervient à l'initiative :

- du consommateur, « en cas d'annulation survenant plus de sept jours après l'inscription et avant la rentrée scolaire, les sommes versées resteront intégralement acquises à l'ENGDE sans toutefois excéder une fois et demi les frais d'inscription. En cas d'annulation survenant le jour de la rentrée scolaire ou postérieurement, les frais sont dus en totalité » ;

- de l'établissement « lorsque l'effectif minimum de 10 étudiants n'est pas atteint au plus tard 8 jours avant la rentrée scolaire, pour la section dans laquelle l'étudiant est inscrit, l'ENGDE peut être conduit à ne pas ouvrir la section et proposer au signataire une prestation de remplacement au moins équivalente, ou à défaut une autre orientation. En cas de refus dûment signifié à l'ENGDE, les frais versés seront intégralement remboursés, sans ouvrir droit à une indemnité supplémentaire ou complémentaire quelconque » ;

Qu'il en résulte que d'une part, le professionnel peut renoncer à exécuter le contrat ou le résilier de manière quasi discrétionnaire, l'ouverture ou non d'une section dès lors que le nombre d'élèves inscrit n'atteint pas un certain seuil est de sa seule appréciation alors que le consommateur ne peut renoncer à exécuter le contrat et ce quel que soit le motif par lui invoqué, fut-il sérieux et légitime et même s'il présente les caractéristiques de la force majeure ou du cas fortuit ; que d'autre part, le professionnel peut ne pas remplir le contrat tout en voyant ses obligations limitées au remboursement du montant de la scolarité annuelle ce qui n'est que le simple remboursement sans pénalité tandis que le consommateur qui n'exécute pas la convention est tenu d'une pénalité égale au montant de la prestation exécutée ; qu'en d'autres termes, le consommateur ne perçoit aucune indemnité d'un montant équivalent à celle qui lui est imposée ;

Considérant que ces dispositions qui permettent au professionnel de ne pas exécuter la convention de façon quasi discrétionnaire alors que le consommateur ne peut résilier la convention même en cas de motif sérieux et légitime et ne prévoient aucune indemnisation au profit du consommateur mais au seul profit du professionnel sont abusives ; qu'elles contreviennent également à la recommandation de la Commission des clauses abusives n° 91-01 du 7 juillet 1989, qui stigmatise les clauses prévoyant que le prix est dû, même si l'élève ne peut suivre l'enseignement pour quelque cause que ce soit ;

Considérant que ces dispositions créent, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et qu'il n'existe pas, dans les circonstances de la conclusion du contrat ou dans ses autres dispositions, des avantages consentis au consommateur qui rétabliraient ce déséquilibre étant relevé que l'affirmation selon laquelle elle engagerait son personnel enseignant, pour l'année scolaire et se trouverait ainsi exposée à des frais fixes incompressibles, quel que soit le nombre d'étudiants, ne repose sur aucune pièce et la nécessité par elle alléguée de prévoir à l'avance les modalités de l'enseignement, ne peut la dispenser d'indemniser le consommateur en cas d'inexécution ou de cessation de scolarité, quelle qu'en soit la cause ; qu'en effet, ainsi qu'il est dit ci-dessus, à compter du huitième jour de la signature de la convention tout désistement entraîne le paiement immédiat d'une indemnité, voire s'il intervient après la rentrée scolaire, le paiement immédiat du solde de la scolarité annuelle intégrale alors qu'à l'inverse en cas d'effectif d'élèves insuffisant, l'établissement peut être conduit à proposer une prestation de remplacement ou à annuler l'inscription définitive ; que la nécessité d'éviter des départs anticipés ne peut la conduire à pénaliser sans distinction ceux qui justifieraient d'un motif sérieux et légitime, que la clause prévue à son profit exclusif n'a pas d’équivalent dans le contrat puisque si le consommateur peut résilier la convention avant la rentrée scolaire sans supporter la pénalité, la rupture en cours d'année, alors qu'elle peut reposer pour le consommateur sur un motif sérieux et légitime, ne donne lieu à des dispositions favorables que pour le professionnel ; que dès lors, le refus de l'ENGDE repose sur des dispositions contractuelles abusives ;

Considérant que la clause précitée doit donc être réputée non écrite et dès lors, l'économie du contrat doit être analysée au vu de l'ensemble des clauses qui subsistent et des dispositions de droit commun applicable en la matière ; qu'en effet, l'ENGDE résiste à la réclamation de M. X. invoquant les dispositions contractuelles écartées par la cour mais également, l'inanité du motif allégué devant la cour par M. X. alors qu'en réalité celui-ci n'était plus motivé pour suivre la formation qu'il avait choisie ;

Considérant que la santé déficiente de M. X. était connue de l'établissement scolaire dès son inscription, celui-ci ayant d'ailleurs indiqué dans sa lettre de motivation, qu'il allait être opéré au début du mois de juillet 2008 ; que certes dans son courrier du 9 février 2009, il évoque son peu de motivation et ses faibles résultats scolaires mais il précise que des « premiers résultats très faibles renforcés par un rythme trop soutenu pour (une) santé encore fragile » ont eu raison de sa motivation et qu'il souhaitait se réorienter vers une formation dispensée plus près de chez lui et plus adaptée à sa situation ; qu'il fait donc le lien entre son échec et sa santé défaillante, or l'ENGDE connaissait celle-ci et était à même, d'apprécier au regard de l'investissement qu'elle attendait de M. X. dans sa scolarité et du travail personnel qu'il devait fournir, ses chances de réussite ou tout simplement de persévérer dans la voie choisie dont elle seule connaissait les réelles contraintes ;

Que dès lors M. X. justifiant, par un certificat médical du 18 mars 2009 mais également par des prescriptions médicales, d'un état dépressif et d'une impossibilité qui s'était révélée dès la fin du mois de janvier 2009, de poursuivre une scolarité incompatible avec un état de santé déficient ;

Considérant que dès lors, M. X. peut prétendre au remboursement des frais de scolarité, au prorata de la durée d'enseignement suivie ; qu'eu égard à un planning de cours du 9 septembre 2008 au 7 mai 2009 et à une rupture au 6 février 2009 soit après 5 mois de présence dans l'établissement, M. X. peut réclamer le remboursement de la somme de 1.417,50 euros ;

Considérant que M. X. prétend également à une indemnité pour préjudice moral, mais n'apporte aucun élément sur la possibilité qui était la sienne de poursuivre une scolarité, dès son départ de l'ENGDE et surtout de ses démarches auprès d'établissements susceptibles de l'accueillir ; que cette demande sera donc rejetée ;

Considérant que la société FORMATION GESTION FINANCE AUDIT partie perdante sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

INFIRME le jugement du 16 février 2010 rendu par le tribunal d'instance de Paris (11ème arrondissement)

statuant à nouveau

DIT que dans les conventions des parties, constituent des clauses abusives celles qui permettent au professionnel de ne pas exécuter la convention alors que le consommateur ne peut résilier la convention même en cas de motif sérieux et légitime et celles qui ne prévoient aucune indemnisation au profit du consommateur en cas de résiliation mais seulement au profit du professionnel ;

En conséquence, dit que repose sur des clauses abusives réputées non écrites, le refus de la société FORMATION GESTION FINANCE AUDIT de rembourser les frais de scolarité pour la période postérieure au 9 février 2009 et constate que M. X. justifie d'un motif légitime à la résiliation de la convention du 9 juin 2008 ;

CONDAMNE la société FORMATION GESTION FINANCE AUDIT à payer à M. X. la somme de 1.417,50 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

CONDAMNE la société FORMATION GESTION FINANCE AUDIT aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT

 

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