TI LILLE, 23 juillet 2007
CERCLAB - DOCUMENT N° 4128
TI LILLE, 23 juillet 2007 : RG n° 07-02286 ; jugt n° 2286/07
(sur appel CA Douai (8e ch. sect. 1), 12 février 2009 : RG n° 07/07473)
Extrait : « L'article 125 du nouveau code de procédure civile fait obligation au juge de relever d'office les fins de non-recevoir lorsqu'elles revêtent un caractère d'ordre public. Aux termes de l'article L. 311-37 du code de la consommation, l'action en paiement née d'un contrat de crédit à la consommation doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit l'événement qui lui a donné naissance. […]
Dans son arrêt du 21 novembre 2002 (Cofidis c/ Fredout), la Cour de Justice des communautés européennes a reconnu la possibilité pour le juge de soulever d'office le caractère abusif d'une clause insérée dans un contrat de crédit et que la forclusion biennale n'était pas opposable à un tel moyen.
En l'espèce l'article II-3 de l'offre préalable stipule que l'emprunteur peut faire évoluer le découvert utile dans la limite du découvert maximum autorisé à condition que depuis l'ouverture du crédit ou la précédente augmentation du découvert utile, un certain nombre d'événement ne se soit pas produit. Contrairement aux affirmations de SA CETELEM, cette clause ne détermine pas des fractions utilisables selon une périodicité définie, mais permet une augmentation ou une variation du montant du capital prêté, ce qui n'est pas conforme aux modèles types réglementaires. Cette clause, aux termes de laquelle le montant de l'ouverture de crédit fixé initialement peut être dépassé avec l'accord du prêteur en fonction des tirages de l'emprunteur, ne prévoit pas que l'augmentation du montant du découvert doit être réalisé dans les termes d'une nouvelle offre préalable, qui doit être acceptée par l'emprunteur et qui ouvre une faculté de rétractation. Ainsi, elle permet au prêteur, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, de ne pas délivrer à l'emprunteur une nouvelle offre préalable, que ce dernier doit formellement accepter et prive celui-ci de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, ce qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment du consommateur.
En conséquence, elle doit être déclarée abusive et, de ce fait, se trouve réputée non écrite par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation (Commission des clauses abusives, Avis 04-02 et 04-03 du 27 mai 2004, avis de la Cour de cassation du 10 juillet 2006). […] L'assignation ayant été délivrée le 23 mai 2007, soit plus de 2 ans après le premier incident de paiement non régularisé, l'action de la SA CETELEM doit être déclarée forclose. »
TRIBUNAL D’INSTANCE DE LILLE
JUGEMENT DU 23 JUILLET 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07-002286. Jugement n° 2286/07.
DEMANDEUR(S) :
SA CETELEM
[adresse], représenté(e) par Maître DEFFRENNES Francis, avocat du barreau de LILLE
DÉFENDEUR(S) :
Monsieur X.
[adresse], comparant en personne
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : Emilie PECQUEUR
Greffier : Dominique DEBRUYNE
DÉBATS : Audience publique du 11 juin 2007
JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, rendu le 23 juillet 2007, par Émilie PECQUEUR, Président, assisté de Dominique DEBRUYNE, Greffier, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] OBJET DU LITIGE :
Suivant offre préalable en date du 24 avril 2001, la SA CETELEM a consenti à Monsieur X. une ouverture de crédit utilisable par fractions et remboursable par échéances mensuelles fixées en fonction du solde dû, le taux effectif global de 16,56 % lors de la souscription du contrat étant révisable suivant les variations en plus ou en moins du taux de base que le prêteur applique aux opérations de même nature.
Alléguant le défaut de paiement des échéances mensuelles, la SA CETELEM a fait citer Monsieur X. devant ce tribunal par acte d'huissier en date du 23 mai 2007, en paiement des sommes suivantes
- 4.903,65 €, outre les intérêts au taux du contrat jusqu'à parfait paiement à compter du 15 juin 2006, au titre du prêt impayé,
- 458 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SA CETELEM sollicite en outre l'exécution provisoire de la présente décision.
Monsieur X. a comparu à l'audience et, tout en reconnaissant le principe de la dette, a sollicité des délais de paiement compte tenu d'une situation financière difficile. Il propose de régler la somme de 50 € par mois.
A l'audience, le tribunal soulève le caractère abusif de la clause de variation du capital et la forclusion de l'action en découlant.
En réponse, la SA CETELEM conclut à l'entier bénéfice de son acte introductif d'instance. Elle fait valoir que l'avis ne lie pas le juge, que cette clause correspond à la possibilité offerte par les modèles types réglementaires qui prévoient la possibilité de stipuler des fractions périodiquement disponibles et que dès lors que l'offre est conforme aux modèles types, le tribunal ne peut soulever le caractère abusif de la clause sans violer le principe constitutionnel de séparation des pouvoir. Elle ajoute que la qualification de clause abusive ne convient pas et que l'abus est inexistant, qu'en réalité, le tribunal tente de relever une irrégularité formelle sous le qualificatif de clause abusif, ce qui lui est interdit en présence d'un ordre public de protection.
Monsieur X. s'en rapporte.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le caractère abusif de la clause de variation du capital et la forclusion de l'action :
L'article 125 du nouveau code de procédure civile fait obligation au juge de relever d'office les fins de non-recevoir lorsqu'elles revêtent un caractère d'ordre public.
Aux termes de l'article L. 311-37 du code de la consommation, l'action en paiement née d'un contrat de crédit à la consommation doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit l'événement qui lui a donné naissance.
Conformément à la règle selon laquelle le point de départ à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée, se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal de forclusion prévu par l'article L. 311-37 du code de la consommation court, dans le cas d'une ouverture de crédit, d'un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, à compter du moment où le montant du dépassement maximum convenu n'est pas régularisé, cette situation [minute page 3] constituant un incident qui caractérise la défaillance de l'emprunteur.
Dans son arrêt du 21 novembre 2002 (Cofidis c/ Fredout), la Cour de Justice des communautés européennes a reconnu la possibilité pour le juge de soulever d'office le caractère abusif d'une clause insérée dans un contrat de crédit et que la forclusion biennale n'était pas opposable à un tel moyen.
En l'espèce l'article II-3 de l'offre préalable stipule que l'emprunteur peut faire évoluer le découvert utile dans la limite du découvert maximum autorisé à condition que depuis l'ouverture du crédit ou la précédente augmentation du découvert utile, un certain nombre d'événement ne se soit pas produit.
Contrairement aux affirmations de SA CETELEM, cette clause ne détermine pas des fractions utilisables selon une périodicité définie, mais permet une augmentation ou une variation du montant du capital prêté, ce qui n'est pas conforme aux modèles types réglementaires.
Cette clause, aux termes de laquelle le montant de l'ouverture de crédit fixé initialement peut être dépassé avec l'accord du prêteur en fonction des tirages de l'emprunteur, ne prévoit pas que l'augmentation du montant du découvert doit être réalisé dans les termes d'une nouvelle offre préalable, qui doit être acceptée par l'emprunteur et qui ouvre une faculté de rétractation. Ainsi, elle permet au prêteur, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, de ne pas délivrer à l'emprunteur une nouvelle offre préalable, que ce dernier doit formellement accepter et prive celui-ci de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, ce qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment du consommateur.
En conséquence, elle doit être déclarée abusive et, de ce fait, se trouve réputée non écrite par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation (Commission des clauses abusives, Avis 04-02 et 04-03 du 27 mai 2004, avis de la Cour de cassation du 10 juillet 2006).
Le montant initial du crédit autorisé, de 5.000 F, a été dépassé au mois de janvier 2002 l'historique de compte montre que le dépassement n'a jamais été régularisé et qu'au contraire la situation n'a cessé de s'aggraver. Ce dépassement du plafond constitue un incident de paiement manifestant la défaillance de l'emprunteur, laquelle ne peut être regardée comme utilement effacée par l'octroi de crédit complémentaire dans des conditions irrégulières au regard de la législation en la matière (Civ. 1ère, 30 mars 2005 : Bull. civ. I, n° 159)
L'assignation ayant été délivrée le 23 mai 2007, soit plus de 2 ans après le premier incident de paiement non régularisé, l'action de la SA CETELEM doit être déclarée forclose.
Sur les dépens et l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Partie perdante, la SA CETELEM sera condamnée aux dépens, et déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort :
DÉCLARE l'action de la SA CETELEM irrecevable comme forclose ;
RAPPELLE qu'aucun paiement forcé ne peut être obtenu sur le fondement du présent jugement ;
[minute page 4] CONDAMNE la SA CETELEM aux entiers dépens.
Ainsi jugé et prononcé aux lieu, jour, mois et an ci-dessus.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5706 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Délai pour agir - Forclusion - Clauses abusives
- 5716 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Loi du 3 janvier 2008
- 5719 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Jurisprudence antérieure - Crédit à la consommation
- 5722 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Obligation - Jurisprudence antérieure à la loi du 17 mars 2014
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 5998 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Influence effective
- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives
- 6636 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 7 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Conformité aux modèles-type