TGI GRENOBLE (4e ch. civ.), 18 mars 2002
CERCLAB - DOCUMENT N° 4136
TGI GRENOBLE (4e ch. civ.), 18 mars 2002 : RG n° 2001/04752 ; jugt n° 69
(sur appel CA Grenoble (1re ch. civ.), 3 mars 2008 : RG n° 02/01629 ; arrêt n° 145)
Extrait : « 1 c - L'exemplaire destiné au vendeur comporte (dans les liasses établies en francs mais plus dans celles libellées en euros) une attestation de livraison détachable et non autocopiante. […]
2 - Or, en droit : - d'une part, la signature d'une attestation de livraison le jour de la conclusion du contrat de vente et, en tout état de cause, avant la livraison effective, est contraire aux dispositions protectrices, d'ordre public, du Code de la Consommation ; - d'autre part, en cas de démarchage à domicile la signature d'une autorisation de prélèvement bancaire en même temps que la conclusion du contrat, contrevient à l'article L. 121-26 dudit Code, une telle autorisation, bien que révocable à tout moment, devant être considérée comme un engagement ou une contrepartie prohibés avant l'expiration du délai de réflexion (Cf. Crim. 6 mars 1984 - Civ. 1re, 7 octobre 1998). […]
3 a - Toutefois, les attestations de livraison et les autorisations de prélèvement étant, ainsi qu'il a été dit plus haut, détachables des feuillets de la liasse litigieuse, l'existence de ladite liasse ainsi composée, ne constitue pas, en elle-même, une violation des dispositions protectrices sus-rappelées, du droit de la consommation. 3 b - En effet, si les liasses litigieuses sont utilisées par des vendeurs scrupuleux qui détachent avant la signature du contrat les attestations de livraison et les autorisations de prélèvement et s'interdisent, en tout cas, de faire signer ces documents le jour de la signature du contrat, toute infraction au droit de la consommation sera évitée. 3 c - En outre, même en présence d'un vendeur peu scrupuleux, si les consommateurs sont particulièrement vigilants et attentifs, la signature anticipée de bons de livraison et d'autorisations de prélèvement sera obviée. […]
4 a - Si donc, la présentation du contrat sous forme de la liasse litigieuse ne constitue pas en soi une violation du droit de la consommation, elle facilite en revanche une telle violation par des vendeurs indélicats, abusant en outre du défaut de vigilance suffisante de certains consommateurs. 4 b - Or, l'obligation générale d'information qui pèse sur tout professionnel, en application de l'article L. 111-1 du Code de la Consommation lui impose, notamment, d'utiliser des documents contractuels qui ne comportent pas d'ambiguïté ou d'équivoque de nature à induire en erreur le client, non seulement sur le bien vendu ou le service proposé mais également sur ses droits et l'exercice de ceux-ci. […]
5 a - Il convient donc en définitive de faire droit à la demande de l’UFC 38 tendant à interdire à la SA FRANFINANCE, sous astreinte, l'utilisation des liasses litigieuses, sans distinction selon que la vente a lieu avec ou sans démarchage, compte tenu du risque à éviter. »
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GRENOBLE
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 18 MARS 2002
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 200104752. Jugement n° 63.
ENTRE :
DEMANDERESSE
ASSOCIATION UFC 38 UFC QUE CHOISIR DE L'ISÈRE,
dont le siège social est situé [adresse], représentée par la SCP BRASSEUR CHAPUIS, avocats associés inscrits au Barreau de GRENOBLE et plaidant par Maître BRASSEUR avocat, D'UNE PART
ET :
DÉFENDERESSE
SA FRANFINANCE,
dont le siège social est situé [adresse], représentée par la SCP TRANCHAT DOLLET, avocats associés inscrits au Barreau de GRENOBLE et plaidant par Maître MARTINEAU avocat inscrit au Barreau de PARIS, D'AUTRE PART
[minute page 2]
LE TRIBUNAL
A l'audience publique du 18 février 2002, tenue par J.-C. LEGER, Vice-Président Juge Rapporteur, assisté de Mme AM CHAMBRON, Greffier, après avoir entendu les avocats en leur plaidoirie, l'affaire a été mise en délibéré, et le prononcé de la décision renvoyé au 18 mars 2002.
Sur le rapport du Juge Rapporteur, conformément aux dispositions de l'article 786 du nouveau Code de procédure civile, le Tribunal composé de J.C. LEGER, Vice-Président D. COMTE-BELLOT, Juge F. CARLE, Juge assistés lors des débats de Mme AM CHAMBRON, Greffier,
Après en avoir délibéré, a rendu la décision dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
1 - Par acte d'huissier de justice en date du 25 septembre 2001, l’UFC 38 a assigné la SA FRANFINANCE à comparaître devant le Tribunal de céans.
2 - Conformément à l'article 455 modifié du Code de Procédure Civile, il est renvoyé, pour les moyens et prétentions des parties :
- aux conclusions en date du 14 janvier 2002 en ce qui concerne l’UFC 38.
- et aux conclusions en date du 12 novembre 2001 en ce qui concerne la SA FRANFINANCE.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
I - SUR LA RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE :
1 - Dans le dispositif de ses conclusions, la SA FRANFINANCE demande au Tribunal de « statuer ce que de droit sur la recevabilité » des prétentions de l’UFC 38
2 - Or,
- d'une part, la SA FRANFINANCE n'invoque aucun moyen constitutif d'une fin de non-recevoir ;
- d'autre part, le Tribunal ne décèle dans la demande de l’UFC 38 aucune des fins de non-recevoir qu'il devrait ou pourrait relever d'office, [minute page 3] en application de l'article 125 du Code de Procédure Civile.
3 - Il convient en conséquence de recevoir l’UFC 38 en sa demande.
II - SUR LE BIEN-FONDÉ DE LA DEMANDE :
1 a - FRANFINANCE utilise et fait utiliser par ses mandataires des liasses partiellement autocopiantes comportant quatre exemplaires destinés respectivement au prêteur, au vendeur, à l'emprunteur et au coemprunteur.
1 b - L'exemplaire destiné au prêteur comporte une autorisation de prélèvement détachable et non autocopiante.
1 c - L'exemplaire destiné au vendeur comporte (dans les liasses établies en francs mais plus dans celles libellées en euros) une attestation de livraison détachable et non autocopiante.
* * *
2 - Or, en droit
- d'une part, la signature d'une attestation de livraison le jour de la conclusion du contrat de vente et, en tout état de cause, avant la livraison effective, est contraire aux dispositions protectrices, d'ordre public, du Code de la Consommation ;
- d'autre part, en cas de démarchage à domicile la signature d'une autorisation de prélèvement bancaire en même temps que la conclusion du contrat, contrevient à l'article L. 121-26 dudit Code, une telle autorisation, bien que révocable à tout moment, devant être considérée comme un engagement ou une contrepartie prohibés avant l'expiration du délai de réflexion (Cf. Crim. 6 mars 1984 - Civ. 1re, 7 octobre 1998).
* * *
3 a - Toutefois, les attestations de livraison et les autorisations de prélèvement étant, ainsi qu'il a été dit plus haut, détachables des feuillets de la liasse litigieuse, l'existence de ladite liasse ainsi composée, ne constitue pas, en elle-même, une violation des dispositions protectrices sus-rappelées, du droit de la consommation.
3 b - En effet, si les liasses litigieuses sont utilisées par des vendeurs scrupuleux qui détachent avant la signature du contrat les attestations de livraison et les autorisations de prélèvement et s'interdisent, en tout cas, de faire signer ces documents le jour de la signature du contrat, toute infraction au droit de la consommation sera évitée.
[minute page 4] 3 c - En outre, même en présence d'un vendeur peu scrupuleux, si les consommateurs sont particulièrement vigilants et attentifs, la signature anticipée de bons de livraison et d'autorisations de prélèvement sera obviée.
* * *
4 a - Si donc, la présentation du contrat sous forme de la liasse litigieuse ne constitue pas en soi une violation du droit de la consommation, elle facilite en revanche une telle violation par des vendeurs indélicats, abusant en outre du défaut de vigilance suffisante de certains consommateurs.
4 b - Or, l'obligation générale d'information qui pèse sur tout professionnel, en application de l'article L. 111-1 du Code de la Consommation lui impose, notamment, d'utiliser des documents contractuels qui ne comportent pas d'ambiguïté ou d'équivoque de nature à induire en erreur le client, non seulement sur le bien vendu ou le service proposé mais également sur ses droits et l'exercice de ceux-ci.
4 c - En l'espèce, d'une part, la SA FRANFINANCE ne pouvait pas ne pas être, ab initio, consciente de ce que la présentation de ses documents contractuels était de nature à faciliter les agissements indélicats de certains vendeurs et d'induire en erreur certains consommateurs (étant précisé que l'existence de vendeurs indélicats et de consommateurs peu vigilants ou avisés n'est pas normalement imprévisible) en permettant la signature du bon de livraison et de l'autorisation de prélèvement en même temps que celle du contrat. Elle a donc commis une faute dès la conception et la diffusion desdites liasses.
4 d - D'autre part, sa responsabilité est encore alourdie par le fait que son attention ayant nécessairement été attirée par la réalisation de ce risque (certains des procès Grenoblois dont les décisions ont été versées aux débats et qui caractérisent ces dérives, mêmes s'ils sont infinitésimaux par rapport au nombre de dossiers traités par la SA FRANFINANCE, ne pouvant statistiquement pas être isolés et endémiques à la seule région dauphinoise), elle s'est abstenue de modifier les liasses litigieuses, ne le faisant que partiellement (suppression du bon de livraison mais pas de l'autorisation de prélèvement) et seulement après l'ordonnance de référé l'ayant condamnée à le faire.
[minute page 5] 5 a - Il convient donc en définitive de faire droit à la demande de l’UFC 38 tendant à interdire à la SA FRANFINANCE, sous astreinte, l'utilisation des liasses litigieuses, sans distinction selon que la vente a lieu avec ou sans démarchage, compte tenu du risque à éviter.
5 b - Il n'y a pas lieu en revanche de condamner la défenderesse à éditer de nouveaux modèles de contrats, a fortiori sous astreinte, la confection de nouveaux imprimés étant la conséquence nécessaire de l'interdiction des anciennes liasses, si la SA FRANFINANCE entend poursuivre son activité dans le respect de la présente décision.
5 c - Eu égard aux éléments du dossier, le préjudice global (collectif et associatif) de l’UFC 38 doit être chiffré à 5.000 euros.
5 d - La publication par voie de presse ayant été réalisée en exécution provisoire de l'ordonnance de référé ultérieurement réformée, il y a lieu de constater que cette publicité est suffisante et de rejeter l'itérative demande de ce chef.
5 e - La publicité à la porte des établissements FRANFINANCE paraît en l'espèce sans efficacité eu égard à la finalité de l'action.
5 f - L'équité commande d'allouer à l’UFC 38 la somme de 1.500 euros, en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
5 g - Eu égard à la contrariété des décisions intervenues dans le cadre de la procédure de référé, il convient de rejeter la demande d'exécution provisoire de la présente décision.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal statuant, publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
REÇOIT l’UFC 38 en sa demande et la déclare bien fondée dans son principe.
[minute page 6] FAIT interdiction à la SA FRANFINANCE d'utiliser des contrats de crédit contenant, sur quelque feuillet que ce soit de la liasse desdits contrats, l'attestation de livraison et l'autorisation de prélèvement, même sous forme détachable, que la vente ait lieu avec ou sans démarchage, et ce, à compter du jour de la signification du présent jugement, sous peine d'une astreinte de 1.500 euros (mille cinq cents euros) par infraction constatée.
CONDAMNE la SA FRANFINANCE à payer à l’UFC 38
1°/ la somme de 5.000 euros (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts
2°/ et la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
REJETTE tous les autres chefs de demande.
CONDAMNE la SA FRANFINANCE aux entiers dépens, et ce, avec distraction au profit de la SCP BRASSEUR CHAPUIS.
La présente décision a été rédigée par Monsieur LEGER.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
AM CHAMBRON J.C. LEGER
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