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CA ANGERS (ch. A com.), 28 janvier 2014

Nature : Décision
Titre : CA ANGERS (ch. A com.), 28 janvier 2014
Pays : France
Juridiction : Angers (CA), ch. com. A
Demande : 13/00224
Date : 28/01/2014
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 23/01/2013
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4688

CA ANGERS (ch. A com.), 28 janvier 2014 : RG n° 13/00224 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Mais attendu que l'ouverture initiale de crédit utilisable par fractions et assortie d'une carte de crédit du 10 janvier 2004 (pièce n° 1 de l'appelante) ne portant que sur un découvert d'un montant de 900 euros, une augmentation de ce montant requérait, au moins depuis la loi du 28 janvier 2005, la présentation aux époux X. d'une nouvelle offre de crédit, en application des dispositions de l’article L. 311-9 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable antérieure à la loi du 1er juillet 2010 ; Que la société Norrsken, qui se réfère exclusivement à son offre préalable de crédit de départ, ne soutient pas avoir jamais proposé aux époux X. une nouvelle offre tenant compte des augmentations qu'ils sollicitaient ;

Qu'en particulier en 2008, elle n'a pas cru bon présenter une nouvelle offre de crédit conforme aux dispositions des articles L. 311-9 et L. 311-10 du code de la consommation dans leur rédaction alors applicable, alors que les époux X., dont il n'est pas contesté qu'ils étaient des emprunteurs non avertis, sollicitaient un nouveau découvert de 3.300 euros, entièrement reconstitué puisque le précédent avait été réglé dans son intégralité, ce qui lui aurait pourtant donné l'occasion de s'assurer qu'ils disposaient de capacités financières suffisantes pour y faire face ; Que ce contrôle était d'autant plus nécessaire que, ainsi que le font remarquer les époux X., son attention aurait dû être éveillée par le fait que le chèque ayant, quelques mois auparavant, soldé leur compte émanait non d'eux mais d'un organisme de crédit, ce qui impliquait nécessairement la persistance d'un endettement auprès d'une société tierce ; […] ;

Que faute de s'en être souciée, la société Norrsken a failli à son obligation de mise en garde ; Attendu, cependant, que le préjudice né de ce manquement s'analyse en une perte de chance, pour les époux X., de ne pas contracter ».

2/ « Qu'il résulte de ce qui précède que les époux X. ne peuvent utilement arguer de l'absence d'un bordereau de rétractation annexé à l'exemplaire du prêteur ; Que pour établir le défaut de conformité à la loi de l'offre du 10 janvier 2004, il leur appartenait de produire leur propre exemplaire du contrat, ce qu'ils ne font pas ».

3/ « Mais attendu que la sanction des clauses abusives étant d'abord qu'elles soient réputées non écrites, les clauses dénoncées ne pourront entraîner la déchéance du droit aux intérêts que si elles contrarient formellement des dispositions d'ordre public protectrices des intérêts du consommateur en matière de crédit ;

Or attendu que les époux X. ne démontrent pas en quoi la clause de révision du taux effectif global qu'ils dénoncent ne serait pas conforme aux dispositions du modèle-type n° IV annexé à l'ancien article R. 311-6 du code de la consommation et aggraveraient la situation de l'emprunteur ;

Que le seul fait qu'il soit prévu que l'information de la révision du taux puisse être donnée par la société Norrsken sur le relevé de compte mensuel de l'emprunteur ou par simple courrier un mois à l'avance et que la forme que doive prendre la contestation de l'emprunteur en cas désaccord soit celle de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception n'est pas interdit par la loi et ne suffit d'ailleurs pas à créer un déséquilibre tel que la clause visée puisse être qualifiée d'abusive ;

Et attendu que la clause II-4-c des conditions générales qui prévoit que « l'emprunteur pourra à tout moment, sauf en cas de période de prise en charge des remboursements par l'assurance, modifier le montant du remboursement à la hausse ou à la baisse sans pouvoir le réduire à une somme inférieure à son montant minimum » ne conditionne pas de manière discrétionnaire, comme croient pouvoir le soutenir les intimés, ce droit de modification de l'emprunteur à l'absence ou non de prise en charge de l'assureur mais exclut simplement une telle possibilité pendant cette prise en charge ;

Que la clause II-10.b. c et d qui donne la possibilité au prêteur de mettre fin au contrat pour « inexactitude des renseignements confidentiels fournis par l'emprunteur au prêteur » ou pour « usage abusif, frauduleux ou en infraction avec la réglementation de l'ouverture de crédit ou des moyens d'utilisation du compte » n'a pas la portée que lui prêtent les intimés qui y voient, à tort, la faculté donnée au prêteur de s'emparer de n'importe quel prétexte pour résilier le contrat ;

Attendu qu'aucune de ces clauses ne venant contrarier des dispositions d'ordre public protectrices des intérêts du consommateur en matière de crédit, le prononcé de la déchéance du droit aux intérêts n'est pas ici justifié ».

4/ « Que, surtout, comme il a été vu, elle n'a jamais saisi les époux X. d'une nouvelle offre préalable alors qu'il lui eût fallu le faire à chaque fois que le montant du découvert initialement consenti de 900 euros s'était trouvé rehaussé pour atteindre d'abord 1.700, puis 2.500 et enfin 3.300 euros ; Que pour ces motifs elle encourt la déchéance du droit aux intérêts à compter du 21 janvier 2005 ».

 

COUR D’APPEL D’ANGERS

CHAMBRE A COMMERCIALE

ARRÊT DU 28 JANVIER 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/00224. Jugement du 13 ,ovembre 2012, Tribunal d'Instance de LAVAL, n° d'inscription au R.G. de première instance 11-11-0009.

 

APPELANTE :

SA NORRSKEN FINANCE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, représentée par Maître MAGESCAS de la SCP CHANTEUX PIEDNOIR DELAHAIE ET ASSOCIÉS, avocat au Barreau d'Angers - N° du dossier 2013067

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

Madame Céline Y. épouse X.

représentés par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avocat postulant au Barreau d'Angers - N° du dossier 40795 et Maître NGUYEN, avocat plaidant au Barreau de Saint-Malo

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 2 décembre 2013 à 14 H 00, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame MONGE, Conseiller, qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame VAN GAMPELAERE, conseiller faisant fonction de président, Madame GRUA, Conseiller, Madame MONGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur BOIVINEAU

Greffier lors du prononcé : Madame LEVEUF

ARRÊT : contradictoire ; Prononcé publiquement le 28 janvier 2014 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ; Signé par Madame VAN GAMPELAERE, président et par Christine LEVEUF, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Suivant offre préalable acceptée le 10 janvier 2004, la société Norrsken finance (la société Norrsken) a consenti à M. et Mme X. (les époux X.) une ouverture de crédit renouvelable, utilisable par fractions, avec un taux effectif global compris entre 15,12 et 16,32 % l'an, le découvert maximum autorisé et le découvert utile étant respectivement fixés à 7.500 euros et 900 euros.

En mai 2008, les époux X. ont obtenu de la société Creatis un prêt de restructuration pour un montant total de 87.700 euros remboursable par mensualités de 933,04 euros sur une durée de 12 ans qui leur permettait d'apurer l'arriéré d'un certain nombre de crédits renouvelables et de prêts bancaires ainsi qu'un solde débiteur de compte. La société Norrsken a ainsi reçu, le 10 juin 2008, un règlement par chèque de 3.137,83 euros de la société Creatis.

Par acte des 22 et 24 décembre 2010, les époux X. ont assigné la société Norrsken devant le tribunal d'instance de Laval aux fins de faire constater qu'en les incitant à souscrire un nouveau prêt sans vérifier leur solvabilité, celle-ci avait manqué à ses obligations professionnelles et que la société Norrsken devait être déchue de son droit aux intérêts en raison des irrégularités de l'offre préalable et condamné au paiement d'une somme de 10.000 euros pour manquement à son devoir de mise en garde et d'une indemnité de procédure.

Par jugement du 13 novembre 2012, le tribunal d'instance de Laval a dit que la société Norrsken avait commis des manquements à son obligation de mise en garde, condamné la société Norrsken à payer aux époux X. la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts, dit que la société Norrsken était déchue de son droit aux intérêts, condamné la société Norrsken à payer aux époux X. la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, le tout sous exécution provisoire.

Selon déclaration enregistrée le 23 janvier 2013, la société Norrsken a interjeté appel de cette décision. Les époux X. en ont relevé appel incident.

Les parties ont toutes conclu.

Une ordonnance rendue le 27 novembre 2013 a clôturé la procédure.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Les dernières conclusions, respectivement déposées les 30 octobre 2013 pour la société Norrsken et 20 novembre 2013 pour les époux X., auxquelles il conviendra de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.

La société Norrsken demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions lui faisant grief, de débouter les époux X. de l'ensemble de leurs demandes, à titre principal de dire qu'ils sont irrecevables pour cause de prescription à invoquer un manquement au devoir de mise en garde au titre de l'offre du 10 janvier 2004 et de dire qu'aucune déchéance du droit aux intérêts n'est encourue, à titre subsidiaire, de dire qu'elle n'a pas engagé sa responsabilité pour manquement à son devoir de mise en garde et, en cas de prononcé de la déchéance du droit aux intérêts et de prononcé d'une astreinte, de dire que ladite astreinte ne sera pas d'un montant supérieur à 50 euros et qu'elle ne courra qu'un mois après la signification de la décision à intervenir, en tout état de cause, de condamner solidairement les époux X. au paiement d'une indemnité de procédure, outre les dépens.

Elle fait valoir que le chèque de 3.137,83 euros qu'elle a reçu le 10 juin 2008 n'était accompagné d'aucun courrier lui demandant de clôturer le compte, si bien que le contrat n'a pas été résilié et qu'il ne le pouvait pas l'être automatiquement. Elle précise que les époux X. en ont d'ailleurs fait usage en sollicitant via internet, dès le 29 décembre 2008, un financement direct de 3.300 euros et remboursant certaines échéances, souvent par carte bancaire, de sorte que le crédit est toujours en cours, le total restant dû arrêté au 21 janvier 2013 s'élevant à la somme de 2.289,16 euros.

Sur l'obligation de mise en garde que les époux X. lui reprochent de n'avoir pas respectée, elle soutient que leur action en indemnisation est prescrite, le point de départ du délai quinquennal dont elle revendique l'application s'appréciant à la date d'octroi du prêt. Sur le fond, elle estime n'avoir pas manqué à son obligation de mise en garde en 2004, la situation des époux X. n'apparaissant nullement difficile, et conteste avoir eu à se préoccuper de leur situation financière en 2008, le contrat se poursuivant. Elle ajoute qu'il n'est pas démontré que les charges du crédit aient été insupportables eu égard aux capacités de remboursement des époux X., souligne que le salaire de M. X. n'a cessé d'augmenter et rappelle que le banquier n'a pas à s'immiscer dans la gestion des affaires de ses clients. Elle en déduit que l'existence d'un risque caractérisé d'endettement résultant de l'octroi du crédit n'étant pas établie, il ne peut lui être reproché un manquement sur ce point. Elle accuse les époux X., qui ont multiplié les crédits, de vouloir faire supporter aux organismes de crédit leur propre carence.

Sur la régularité de l'offre de crédit au regard de l'exigence d'un bordereau de rétractation, elle indique que dès lors que l'emprunteur a reconnu, comme en l'espèce, rester en possession d'un exemplaire de l'offre doté d'un bordereau détachable de rétractation, la preuve de l'absence de ce bordereau pèse sur lui. Elle conclut à la régularité de son offre de crédit sur ce point, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal.

Quant à l'obligation de notification annuelle des conditions de reconduction du contrat de prêt, elle considère s'en être acquittée et s'oppose à toute sanction de ce chef. Elle conteste encore que son contrat contienne des clauses abusives et soutient que la sanction de telles clauses est qu'elles sont réputées non écrites, ainsi qu'il ressort de l’article L. 132-1 du code de la consommation, sans qu'il y ait lieu de faire application de la déchéance du droit aux intérêts prévue à l’article L. 311-33 du code de la consommation. Elle conclut n'avoir pas à produire un décompte expurgé des intérêts contractuels et demande à la cour, si elle était à cet égard d'un avis différent, de lui accorder un mois pour s'exécuter et réduire le montant de l'astreinte. Enfin elle nie avoir commis un abus en interjetant appel.

Les époux X. demandent à la cour de débouter la société Norrsken de l'ensemble de ses demandes, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu une responsabilité de la société Norrsken pour son absence de mise en garde et l'a déchue de son droit aux intérêts, de réformer le jugement en ce qu'il n'a pas condamné la société Norrsken à fournir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, un décompte actualisé depuis la date de souscription des crédits, de condamner la société Norrsken à leur payer la somme de 2.000 euros au titre de sa mauvaise foi, pour procédure abusive et du fait du préjudice par eux subi, outre une indemnité de procédure et les dépens.

Ils exposent qu'en matière de responsabilité bancaire pour défaut de mise en garde, la prescription court à compter de la réalisation du dommage, précisent que leurs reproches ne portent pas tant sur les conditions d'octroi du crédit souscrit en 2004 que sur le fait qu'un nouveau découvert en compte leur a été octroyé par la société Norrsken alors qu'elle savait l'état de leurs finances. Ils font valoir que c'est même en raison des multiples découverts qui leur ont été accordés qu'ils ont dû avoir recours à un prêt de restructuration. Ils concluent à la recevabilité de leur action en responsabilité.

Sur le fond, ils estiment que la société Norrsken ne peut raisonnablement soutenir n'avoir pas eu connaissance de leur état d'endettement dans la mesure où elle a été réglée, comme tous les autres prêteurs, par un établissement de crédit. Ils s'étonnent que la société Norrsken puisse prétendre que leur crédit n'avait posé aucune difficulté particulière de remboursement alors que leur compte a été émaillé d'incidents et que par lettre du 20 novembre 2009, ils faisaient état de difficultés et sollicitaient un aménagement. Ils soutiennent que pesait sur la société Norrsken un devoir de mise en garde à nouveau en 2008 et insistent sur le fait qu'elle ne leur a demandé aucun justificatif de ressources. Ils affirment que son devoir aurait été d'attirer leur attention sur le risque d'un nouvel endettement et même de leur refuser la mise à disposition des sommes réclamées. Ils en déduisent que la société Norrsken est responsable de leur état d'endettement.

Concernant le bordereau de rétractation, ils soutiennent qu'il appartient à la société Norrsken d'en justifier en fournissant l'original de l'offre préalable et qu'à défaut elle doit être déchue de son droit aux intérêts.

Ils considèrent que la faculté pour la société Norrsken de pouvoir réviser mensuellement le taux effectif global crée un déséquilibre significatif au détriment des consommateurs et que la clause qui l'inclut est donc abusive comme sont abusives d'autres clauses du contrat qu'ils détaillent. Ils maintiennent que la sanction en est la déchéance du droit aux intérêts.

Ils font valoir que l'obligation de notification annuelle prévue à l’article L. 311-9 du code de la consommation n'a jamais été respectée et en déduisent à nouveau la déchéance de la société Norrsken du droit aux intérêts.

Ils réitèrent leur demande d'un décompte actualisé faisant apparaître tous les postes du crédit et notamment les intérêts indus et fustigent la mauvaise foi de l'appelante qui n'a pas déféré au jugement.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le devoir de mise en garde :

Attendu que la société Norrsken soutient que l'action des époux X. au titre d'un prétendu manquement de sa part à son devoir de mise en garde est prescrite ;

Mais attendu qu'à la date d'introduction de leur instance, les 22 et 24 décembre 2010, la prescription en matière d'action en responsabilité contre un organisme de crédit pour manquement à son obligation de mise en garde était encore, s'agissant d'une action en responsabilité contractuelle, la prescription décennale ;

Qu'en effet, la réduction à cinq ans du délai de prescription issue de la loi du 17 juin 2008 n'était, en vertu de l'article 26 de cette loi, pas alors applicable ;

Que l'octroi du crédit initial datant de janvier 2004, la prescription sur ce point ne peut être acquise ;

Attendu, au demeurant, que les époux X. exposent très clairement dans leurs conclusions qu'ils ne visent que les faits survenus en 2008 (page 3 de leurs conclusions) et non les conditions d'octroi du crédit de 2004, même s'ils les estiment sujettes à discussion ;

Que dès lors ils sont recevables en leur action en dommages et intérêts de ce chef ;

Attendu que les époux X. reprochent à la société Norrsken de n'avoir pas rempli son devoir de mise en garde à leur égard lorsque, après avoir remboursé, en juin 2008, la totalité de la somme restant due, par l'intermédiaire de la société Creatis qui leur avait consenti un prêt de restructuration leur permettant d'apurer tous leurs soldes de crédits, ils ont, à nouveau, sollicité un financement de 3.300 euros, en décembre de la même année ;

Attendu que pour se défendre d'avoir eu un quelconque devoir de mise en garde en 2008, la société Norrsken fait valoir qu'il ne s'agissait que de la poursuite du contrat d'ouverture de crédit initial du 10 janvier 2004, auquel n'avait pas mis fin le remboursement du 10 juin 2008, en l'absence de toute demande de résiliation formulée en ce sens par les époux X. ;

Mais attendu que l'ouverture initiale de crédit utilisable par fractions et assortie d'une carte de crédit du 10 janvier 2004 (pièce n° 1 de l'appelante) ne portant que sur un découvert d'un montant de 900 euros, une augmentation de ce montant requérait, au moins depuis la loi du 28 janvier 2005, la présentation aux époux X. d'une nouvelle offre de crédit, en application des dispositions de l’article L. 311-9 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable antérieure à la loi du 1er juillet 2010 ;

Que la société Norrsken, qui se réfère exclusivement à son offre préalable de crédit de départ, ne soutient pas avoir jamais proposé aux époux X. une nouvelle offre tenant compte des augmentations qu'ils sollicitaient ;

Qu'en particulier en 2008, elle n'a pas cru bon présenter une nouvelle offre de crédit conforme aux dispositions des articles L. 311-9 et L. 311-10 du code de la consommation dans leur rédaction alors applicable, alors que les époux X., dont il n'est pas contesté qu'ils étaient des emprunteurs non avertis, sollicitaient un nouveau découvert de 3.300 euros, entièrement reconstitué puisque le précédent avait été réglé dans son intégralité, ce qui lui aurait pourtant donné l'occasion de s'assurer qu'ils disposaient de capacités financières suffisantes pour y faire face ;

Que ce contrôle était d'autant plus nécessaire que, ainsi que le font remarquer les époux X., son attention aurait dû être éveillée par le fait que le chèque ayant, quelques mois auparavant, soldé leur compte émanait non d'eux mais d'un organisme de crédit, ce qui impliquait nécessairement la persistance d'un endettement auprès d'une société tierce ;

Que par ailleurs, les époux X. justifient assez que leurs revenus d'alors (quelque 1995 euros par mois, selon leur avis d'impôt - pièce n° 23 des intimés) ne leur permettaient pas, sans aggraver leur endettement, d'ajouter au remboursement de leur prêt de restructuration d'un montant de 933,04 euros par mois, l'échéance de 100 euros qui leur était prélevée par la société Norrsken ;

Que faute de s'en être souciée, la société Norrsken a failli à son obligation de mise en garde ;

Attendu, cependant, que le préjudice né de ce manquement s'analyse en une perte de chance, pour les époux X., de ne pas contracter ;

Et attendu qu'ils reconnaissent sans difficulté avoir multiplié les contrats de crédit en sus de leur prêt de restructuration ;

Que la chance pour qu'ils aient renoncé au découvert consenti par la société Norrsken est donc assez faible ;

Que le jugement, qui, écartant leur prétention à la somme de 10.000 euros, leur a alloué celle de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts, sera confirmé sur ce point ;

 

Sur la déchéance du droit aux intérêts :

Sur le bordereau de rétractation ;

Attendu que le premier juge a retenu que faute pour la société Norrsken de justifier du bordereau de rétractation détachable qui aurait dû être annexé à son offre de crédit du 10 janvier 2004, conformément aux dispositions des articles L. 311-10 et L. 311-15 du code de la consommation, dans leur rédaction alors applicable, elle s'est exposée à la déchéance du droit aux intérêts à compter de cette date ;

Mais attendu que la société Norrsken se prévaut, à bon droit, de ce que ladite offre mentionnait, sur la première page, au-dessus de la signature de M. X., que l'emprunteur attestait avoir pris connaissance et être resté en possession « d'un exemplaire de l'offre doté d'un formulaire détachable de rétractation » ;

Qu'il ressort, en outre, de l'article I-2 intitulé « Rétractation de l'acceptation » des conditions générales figurant au verso que l'emprunteur pouvait revenir sur son engagement au moyen du formulaire détachable, dans un délai de sept jours à compter de son acceptation, en renvoyant ce formulaire après l'avoir signé ;

Que l’article L. 311-8 du code de la consommation en sa rédaction applicable en la cause, n'exige pas que les exemplaires de l'offre respectivement destinés à être conservés par l'emprunteur et par le prêteur soient strictement identiques ;

Qu'aucune disposition légale n'impose que le bordereau de rétractation, dont l'usage est exclusivement réservé à l'emprunteur, figure aussi sur l'exemplaire de l'offre destiné à être conservé par le prêteur ;

Qu'il résulte de ce qui précède que les époux X. ne peuvent utilement arguer de l'absence d'un bordereau de rétractation annexé à l'exemplaire du prêteur ;

Que pour établir le défaut de conformité à la loi de l'offre du 10 janvier 2004, il leur appartenait de produire leur propre exemplaire du contrat, ce qu'ils ne font pas ;

Qu'aucune déchéance du droit aux intérêts ne peut donc être encourue de ce chef ;

 

Sur les prétendues clauses abusives :

Attendu que les époux X. invoquent encore le caractère abusif de certaines clauses pour y voir une nouvelle cause de déchéance du droit aux intérêts ;

Mais attendu que la sanction des clauses abusives étant d'abord qu'elles soient réputées non écrites, les clauses dénoncées ne pourront entraîner la déchéance du droit aux intérêts que si elles contrarient formellement des dispositions d'ordre public protectrices des intérêts du consommateur en matière de crédit ;

Or attendu que les époux X. ne démontrent pas en quoi la clause de révision du taux effectif global qu'ils dénoncent ne serait pas conforme aux dispositions du modèle-type n° IV annexé à l'ancien article R. 311-6 du code de la consommation et aggraveraient la situation de l'emprunteur ;

Que le seul fait qu'il soit prévu que l'information de la révision du taux puisse être donnée par la société Norrsken sur le relevé de compte mensuel de l'emprunteur ou par simple courrier un mois à l'avance et que la forme que doive prendre la contestation de l'emprunteur en cas désaccord soit celle de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception n'est pas interdit par la loi et ne suffit d'ailleurs pas à créer un déséquilibre tel que la clause visée puisse être qualifiée d'abusive ;

Et attendu que la clause II-4-c des conditions générales qui prévoit que « l'emprunteur pourra à tout moment, sauf en cas de période de prise en charge des remboursements par l'assurance, modifier le montant du remboursement à la hausse ou à la baisse sans pouvoir le réduire à une somme inférieure à son montant minimum » ne conditionne pas de manière discrétionnaire, comme croient pouvoir le soutenir les intimés, ce droit de modification de l'emprunteur à l'absence ou non de prise en charge de l'assureur mais exclut simplement une telle possibilité pendant cette prise en charge ;

Que la clause II-10.b. c et d qui donne la possibilité au prêteur de mettre fin au contrat pour « inexactitude des renseignements confidentiels fournis par l'emprunteur au prêteur » ou pour « usage abusif, frauduleux ou en infraction avec la réglementation de l'ouverture de crédit ou des moyens d'utilisation du compte » n'a pas la portée que lui prêtent les intimés qui y voient, à tort, la faculté donnée au prêteur de s'emparer de n'importe quel prétexte pour résilier le contrat ;

Attendu qu'aucune de ces clauses ne venant contrarier des dispositions d'ordre public protectrices des intérêts du consommateur en matière de crédit, le prononcé de la déchéance du droit aux intérêts n'est pas ici justifié ;

 

Sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-9 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce :

Attendu, en revanche, que c'est à bon droit que les époux X. invoquent la méconnaissance par la société Norrsken des dispositions de l’article L. 311-9 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

Qu'en effet, la société Norrsken ne justifie pas s'être conformée à l'obligation légale d'information annuelle précisant, trois mois avant l'échéance (soit au mois d'octobre de chaque année), les conditions de reconduction du contrat, les modalités de remboursement et la possibilité pour l'emprunteur de s'y opposer en utilisant un bordereau-réponse annexé à ces informations ;

Qu'ainsi, elle ne produit pas aux débats l'information annuelle qui aurait dû avertir les époux X., trois mois avant l'échéance de janvier 2005, que le contrat était reconduit pour une nouvelle année, étant ici précisé que le relevé de compte du 21 juin 2004 (pièce n° 4 de l'appelante) ne pouvait en tenir lieu dans la mesure où, adressé trop à l'avance, il annonçait, en termes d'ailleurs extrêmement généraux, une reconduction « à compter de la date d'anniversaire, selon les mêmes termes et conditions » alors que le relevé de compte du mois de janvier 2005 (pièce n° 5 de l'appelante) apprend que le découvert consenti n'était plus de 900 euros, comme il l'était encore en juin 2004, mais de 1.700 euros, ce qui constituait une modification qui ouvrait aux emprunteurs la faculté d'y renoncer au moyen d'un bordereau-réponse qui devait leur être fourni ;

Qu'elle ne produit pas davantage l'information adéquate pour les années suivantes ;

Que, surtout, comme il a été vu, elle n'a jamais saisi les époux X. d'une nouvelle offre préalable alors qu'il lui eût fallu le faire à chaque fois que le montant du découvert initialement consenti de 900 euros s'était trouvé rehaussé pour atteindre d'abord 1.700, puis 2.500 et enfin 3.300 euros ;

Que pour ces motifs elle encourt la déchéance du droit aux intérêts à compter du 21 janvier 2005 ;

Attendu que les époux X. réclament un décompte faisant apparaître la totalité des intérêts indus ;

Mais attendu qu'ils peuvent d'ores et déjà se reporter aux avis d'échéance mensuels versés aux débats par la société Norrsken qui les renseigneront utilement sur ce point ;

Que, de surcroît, ainsi que l'a retenu le tribunal, en cas de déchéance du terme, la société Norrsken sera tenue de leur présenter un décompte distinguant le principal des intérêts ;

Que le jugement qui n'a pas jugé utile de leur donner satisfaction sur ce point sera confirmé ;

 

Sur les demandes accessoires :

Attendu que les époux X. n'apportant pas la démonstration d'une faute commise par la société Norrsken de nature à faire dégénérer en abus son droit de se défendre en justice et d'user d'une voie de recours, leur demande en dommages et intérêts pour mauvaise foi et appel abusif sera rejetée ;

Attendu que la société Norrsken succombant en son appel en supportera les dépens, sera condamnée à verser aux époux X. la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa propre demande de ce chef ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Norrsken finance,

CONFIRME le jugement déféré SAUF à faire courir la déchéance du droit des intérêts à compter du 21 janvier 2005,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Norrsken finance aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

La CONDAMNE à payer aux époux X. la somme de deux mille euros (2.000 euros) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires

LE GREFFIER         LE PRESIDENT

C. LEVEUF               V. VAN GAMPELAERE

 

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