TI SAVERNE (sect. civ.), 28 février 2005
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 480
TI SAVERNE (sect. civ.), 28 février 2005 : RG n° 11-03-000344 ; jugement n° 2005/86
(sur appel CA Colmar (3e ch. civ. A), 18 juin 2007 : RG n° 3 A 05/01936)
Extrait : « Attendu que le contrat de télésurveillance conclu par une société effectuant des prestations de chauffage, de ventilation et de sanitaire échappe à sa compétence professionnelle et n'a pas de rapport direct avec l'activité que cette société exerce ; Que par conséquent, en application de l'article L. 121-22 du Code de la Consommation, il convient de juger que la SARL X. et Fils peut se prévaloir des dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 du même Code ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL D’INSTANCE DE SAVERNE
SECTION CIVILE
JUGEMENT DU 28 FÉVRIER 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG N° 11-03-000344. MINUTE N° 2005/86. Section civile.
PARTIE DEMANDERESSE :
Société KBC LEASE FRANCE
[adresse], représentée par SCP HEITMANN, NEY, VALLENS, avocat du barreau de SAVERNE
PARTIE DÉFENDERESSE :
Société X. ET FILS
[adresse], représentée par SCP SCHWAB, SCHIRER, TITEUX, avocat du barreau de SAVERNE
Nature de l'affaire : Demande en paiement des loyers et charges et/ou tendant à la résiliation du bail et/ou à l'expulsion
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS :
COTTERET J., Juge,
ESCOSA M., Greffier
En présence de Madame FOLMER Annick, juge de proximité en formation
DÉBATS : A l'audience publique du 17 janvier 2005
JUGEMENT : contradictoirement en premier ressort - mis à disposition au greffe le 28 février 2005 et signé par COTTERET J., Juge et ESCOSA M., Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] LE TRIBUNAL :
I- EXPOSÉ DU LITIGE :
La SARL X. et Fils a fait installer par la SA Compagnie Européenne de Télésécurité un système de télésurveillance dans ses locaux professionnels.
Prétendant que la SARL X. et Fils aurait financé l'installation auprès d'elle selon contrat de crédit-bail du 22 janvier 1997 et qu'elle aurait cessé de lui payer les loyers alors que le matériel a été livré et installé, la SA KBC LEASE FRANCE l'a assignée par acte d'Huissier du 18 novembre 2002 devant le Tribunal de Commerce de Lyon.
Par jugement du 25 juillet 2003, le Tribunal de Commerce de Lyon s'est déclaré incompétent et a renvoyé l'affaire et les parties devant le Tribunal d'Instance de Saverne.
Dans ses écrits des 20 janvier 2004 et 17 janvier 2005, la SA KBC LEASE FRANCE conclut avec exécution provisoire à la résiliation judiciaire du contrat de crédit-bail et à la condamnation de la SARL X. et Fils à lui payer la somme de 4.435,06 € correspondant aux loyers, aux intérêts de retard, aux loyers à échoir et à la clause, à lui restituer le matériel sous astreinte de 75,00 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, ainsi qu'à lui payer une indemnité de 750,00 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les dépens.
En réponse les 19 janvier, 9 juin et 3 décembre 2004, la SARL X. et Fils conclut à l'irrecevabilité de la demande et subsidiairement à la nullité du contrat et à la condamnation de la SA KBC LEASE FRANCE à lui restituer la somme de 1.213,41 € au titre des loyers déjà versés, à lui payer 1.500,00 € de dommages et intérêts, à venir reprendre le matériel sous astreinte de 75,00 par jour de retard 8 jours après la signification de la décision à intervenir ainsi qu'à lui verser une indemnité de 950,00 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Au soutien de ses prétentions, la SARL X. et Fils fait valoir n'avoir pas contracté avec la SA KBC LEASE FRANCE mais directement avec la SA Compagnie Européenne de Télésécurité.
Elle affirme encore que contrairement aux dispositions du Code de la Consommation qu'elle considère seules applicables en raison de son état [minute page 3] d'ignorance relatif aux alarmes, la mention du démarcheur n'est pas indiquée sur le contrat, que le formulaire de rétractation est irrégulier pour ne pas être détachable et n'être pas libellé au nom de la SA KBC LEASE FRANCE, que l'article L. 121-25 du Code de la Consommation n'a pas été reproduit intégralement, et que le matériel a été livré avant l'expiration du délai de réflexion.
Par jugement avant dire droit du 27 août 2004, le Tribunal d'Instance de Saverne a ordonné la réouverture des débats pour le 8 novembre 2004 en enjoignant à la SA KBC LEASE FRANCE de produire le contrat de financement.
Dans ses derniers écrits du 17 janvier 2005, la SA KBC LEASE FRANCE fait valoir que sa demande est recevable, la SARL X. et Fils ayant accepté que la SA Compagnie Européenne de Télésécurité puisse céder le contrat de location sans signification préalable et que le contrat de location soit juridiquement indépendant de l'exécution du contrat de prestation de télésurveillance.
Elle précise enfin que malgré le formulaire du contrat utilisé, les relations entre les parties ne sont pas soumises au Code de la Consommation en raison du lien direct existant entre la prestation financée et l'activité professionnelle de la SARL X. et Fils.
À l'issue de l'audience de plaidoirie du 17 janvier 2005, l'affaire a été mise en délibéré pour le présent jugement rendu contradictoirement et en premier ressort.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
II- MOTIFS DE LA DÉCISION :
1°) Sur la recevabilité de la demande de la SA KBC LEASE FRANCE :
Attendu qu'il est constant que selon acte sous seing privé du 22 janvier 1997, la SARL X. et Fils a souscrit auprès de la SA Compagnie Européenne de Télésécurité un contrat de fourniture et de location d'un système d'alarme ;
Qu'en application de l'article 2 b) in fine du contrat, il est stipulé que le locataire accepte dès à présent et sans réserve la cession par le bailleur de ses droits et renonce aux formalités des articles 1690 et suivants du Code Civil, et notamment à ce que la cession lui soit notifiée ;
[minute page 4] Que la SA KBC LEASE FRANCE étant désormais devenue le bailleur tout en transférant au locataire, en application de l'article 5.3 du contrat, tous recours éventuels à l'encontre du fournisseur d'origine, elle a un intérêt à agir en recouvrement des loyers ;
Que sa demande doit être jugée recevable ;
2°) Sur l'application des dispositions protectrices du Code de la Consommation :
Attendu que le contrat de télésurveillance conclu par une société effectuant des prestations de chauffage, de ventilation et de sanitaire échappe à sa compétence professionnelle et n'a pas de rapport direct avec l'activité que cette société exerce ;
Que par conséquent, en application de l'article L. 121-22 du Code de la Consommation, il convient de juger que la SARL X. et Fils peut se prévaloir des dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 du même Code ;
Qu'en l'espèce, il est constant que contrairement à ces dernières dispositions, la SA Compagnie Européenne de Télésécurité n'a pas indiqué sur le contrat le nom de son démarcheur et qu'elle a livré le matériel dès le 27 janvier 1997, soit avant l'expiration du délai de réflexion ;
Que le contrat de location est donc nul en application de l'article L. 121- 22 du Code de la Consommation ;
Que cette nullité entraîne celle de la cession du contrat par la SA Compagnie Européenne de Télésécurité à la SA KBC LEASE FRANCE (anciennement dénommée S.A SOCREA LOCATION sur le formulaire) ;
Qu'il convient donc d'ordonner à la SA KBC LEASE FRANCE, qui a commis l'imprudence de se porter cessionnaire d'un contrat de location de matériel sans en vérifier la régularité au regard du Code de la Consommation, de restituer à la SARL X. et Fils les loyers qu'elle ne conteste pas avoir perçus à hauteur de 1.213,41 €, avec les intérêts légaux à compter de la signification de la présente décision ;
Qu'il y a lieu d'inviter la SA KBC LEASE FRANCE à venir reprendre possession du matériel aux heures d'ouverture de la SARL X. et Fils sans qu'il y ait lieu d'ordonner d'astreinte, seule la SA KBC LEASE FRANCE ayant un intérêt à récupérer le système d'alarme et la SARL X. et Fils étant disposée à s'en délester ;
[minute page 5]
3°) Sur les dommages et intérêts :
Attendu que la SARL X. et Fils ne rapportant pas la preuve d'une faute de la partie demanderesse lui ayant par ailleurs occasionné un préjudice distinct de celui causé par la présente procédure quant à lui indemnisé au titre des frais irrépétibles, tel un problème de trésorerie, il convient de la débouter de sa demande de dommages et intérêts ;
4°) Sur l'exécution provisoire :
Attendu que les dispositions de la présente décision n'étant guère contestables, il y a lieu d'en ordonner l'exécution provisoire ;
5°) Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :
Attendu que la SA KBC LEASE FRANCE, qui succombe sera condamnée à supporter les entiers dépens de la présente instance, y compris l'assignation, conformément à l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Que l'équité commande d'allouer à la SARL X. et Fils, au titre de ses frais irrépétibles, la somme de 500,00 € en application de l'article 700 du même Code ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal d'Instance de Saverne, statuant par décision contradictoire et en premier ressort,
Après en avoir délibéré conformément à la Loi,
- DÉCLARE régulière, recevable mais mal fondée la demande de la SA KBC LEASE FRANCE ;
- DÉCLARE nul le contrat de location du 22 janvier 1997 conclu entre la SA Compagnie Européenne de Télésécurité et la SARL X. et Fils ;
- DÉCLARE en conséquence nulle la cession ultérieure de ce contrat par la SA Compagnie Européenne de Télésécurité à la SA KBC LEASE [minute page 6] FRANCE ;
- DÉBOUTE ainsi la SA KBC LEASE FRANCE de sa demande en paiement de loyers et de dommages et intérêts ;
- CONDAMNE la SA KBC LEASE FRANCE à restituer à la SARL X. et Fils la somme de 1.213,41 € (MILLE DEUX CENT TREIZE EUROS QUARANTE ET UN), avec les intérêts légaux à compter de la signification de la présente décision, au titre des loyers déjà perçus ;
- INVITE la SA KBC LEASE FRANCE à reprendre à ses frais le matériel loué, aux heures d'ouverture des locaux de la SARL X. et Fils ;
- DIT n'y avoir lieu à ordonner d'astreinte ;
- ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision ;
- CONDAMNE la SA KBC LEASE FRANCE aux entiers dépens de la présente instance, y compris l'assignation, ainsi qu'à payer à la SARL X. et Fils la somme de 500,00 € (CINQ CENTS EUROS) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le présent jugement a été signé par le Juge délégué au Tribunal d'Instance et la Greffière puis mis à disposition du public au greffe le 28 février 2005.
La Greffière. Le Juge.
Signé : COTTERET - ESCOSA
- 5831 - Code de la consommation - Domaine d’application - Application conventionnelle - Illustrations voisines : démarchage à domicile
- 5861 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Démarchage à domicile
- 5885 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence
- 5905 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Protection et sécurisation de l’activité
- 5907 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Exécution du contrat - Lieu et période d’exécution
- 5953 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation générale
- 5954 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par activité
- 5955 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par cour d’appel