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CA TOULOUSE (3e ch. sect. 1), 16 septembre 2014

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (3e ch. sect. 1), 16 septembre 2014
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 3e ch. sect. 1
Demande : 13/06268
Décision : 660/14
Date : 16/09/2014
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 11/12/2013
Numéro de la décision : 660
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2014-028567
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4872

CA TOULOUSE (3e ch. sect. 1), 16 septembre 2014 : RG n° 13/06268 ; arrêt n° 660/14

Publication : Jurica

 

Extrait : « Contrairement à ce que fait valoir l'appelante, il est constant que sont interdépendants les contrats concomitants ou successifs s'inscrivant dans une opération incluant une location financière, de sorte qu'elle ne peut se prévaloir de clauses contractuelles contrevenant à cette interdépendance, lesquelles doivent être réputées non écrites.

Or, compte tenu de cette interdépendance, l'intimé est fondé à opposer à l'appelante la nullité du contrat conclu avec la SA AFE, et ce peu important que cette dernière ne soit pas mise en cause dans la présente instance

Ainsi, et comme l'a relevé à juste titre le premier juge, cette nullité est à l'évidence encourue dès lors que le contrat litigieux comporte, en cas de cession comme c'est le cas en l'espèce, un nombre important de clauses consistant à décharger le cessionnaire de tout rôle et responsabilité dans la fourniture des prestations due au consommateur, notamment au titre du fonctionnement du site internet, alors que le particulier souscripteur est contraint d'exécuter son obligation contractuelle de paiement, même en cas de dysfonctionnements de ce site, et ce en étant dans l'impossibilité d'invoquer l'exception d'inexécution qui doit régir tout contrat, de sorte que les dispositions de l'article R. 132-1-5° du code de la consommation, qui prohibent comme abusive toutes clauses conduisant à contraindre le consommateur à exécuter ses obligations alors que réciproquement l'autre partie n'exécuterait pas les siennes, sont à l'évidence violées par les termes de cette convention, et que cette violation a pour effet de justifier la nullité du contrat conclu le 17 janvier 2011, nullité que l'intimé est en droit d'opposer à l'appelante pour faire légitimement échec aux demandes en paiement présentées par l'appelante.

Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions, par adoption de motifs, dès lors que la nullité de la convention implique de replacer les parties dans la situation antérieure à sa conclusion et que l'intimé ne démontre pas avoir poursuivi ses paiements au-delà du prononcé du jugement entrepris, lequel est assorti de l'exécution provisoire. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

TROISIÈME CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/06268. Arrêt n° 660/14. Décision déférée du 22 octobre 2013 - Tribunal d'Instance de TOULOUSE - R.G. n° 11/12/3681.

 

APPELANTE :

SAS LOCAM LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIEL

Représentée par Maître Bruno MERLE, avocat au barreau de TOULOUSE ; Assistée par Maître LEXI de la SELARL LEXI CONSEIL ET DÉFENSE, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

Représenté par Maître Hélène CAPELA, avocat au barreau de TOULOUSE

 

COMPOSITION DE LA COUR : Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 17 juin 2014 en audience publique, devant la Cour composée de : J. BENSUSSAN, président, A. BEAUCLAIR, conseiller, A. MAZARIN-GEORGIN, conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. BUTEL

ARRÊT : CONTRADICTOIRE ; prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties ; signé par J. BENSUSSAN, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE :

Monsieur X., jardinier paysagiste, a conclu fin 2010 avec la SA AFE un contrat de licence d'exploitation de vidéo et de site internet pour promouvoir son activité professionnelle.

Par acte d'huissier en date du 13 novembre 2012, Monsieur X. a assigné la SAS LOCAM LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIEL devant le tribunal d'instance de Toulouse aux fins, dans le dernier état de la procédure, de condamnation de cette dernière à lui payer les sommes de 6.399,31 euros au titre des sommes indûment perçues, titre principal en raison de l'absence de qualité de cessionnaire du contrat souscrit de la défenderesse et à titre subsidiaire à raison de la nullité du contrat et celle de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts outre celle de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de voir prononcer la nullité du contrat.

La défenderesse, qui a conclu au rejet des demandes présentées, a sollicité la condamnation du demandeur à poursuivre le paiement des loyers jusqu'au terme initial du 30 janvier 2015 et à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens.

Par jugement assorti de l'exécution provisoire en date du 22 octobre 2013, le premier juge, considérant que :

- les parties versent aux débats le seul contrat de location conclu entre le demandeur et la SA AFE qui comporte la possibilité pour cette dernière de le céder à la SAS LOCAM de sorte que la qualité de cessionnaire de cette dernière paraît établie ;

- la défenderesse, qui n'a pas produit aux débats malgré injonction du juge le contrat par lequel elle a acquis les droits de la SA AFE, est dès lors la seule cocontractante du demandeur, de sorte qu'elle est tenue des droits et obligations mises à la charge du cédant dans le cadre du contrat de licence, de sorte que les demandes en nullité de contrat présentées à son encontre ne sont pas irrecevables, et ce malgré l'absence de la SA AFE dans l'instance ;

- aux termes des dispositions des articles 1126 et 1131 du code civil, tout contrat a pour objet une chose qu'une partie s'oblige à donner, ou qu'une partie s'oblige à faire ou à ne pas faire et l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause ou une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ;

- en l'espèce, si le contrat initial respecte peu ou prou les exigences d'équilibre contractuel, il comporte en cas de cession un nombre important de clauses consistant à décharger le cessionnaire de tout rôle et responsabilité dans le fonctionnement du site de sorte qu'il comporte un déséquilibre significatif entre les cocontractants, le cessionnaire n'étant tenu qu'à une obligation de mise à disposition cependant que le débiteur se voit contraint à exécuter son obligation de paiement même en cas de dysfonctionnement du site, de sorte qu'il est privé de toute possibilité d'invoquer l'exception d'inexécution qui doit pouvoir régir tout contrat ;

- cette situation est clairement sanctionnée par l'article R. 132-1-5° du code de la consommation, qui prohibe comme abusive toute clause conduisant à contraindre le non professionnel ou le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n'exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d'un bien ou son obligation de fourniture d'un service ;

- dans ces conditions, le contrat, du fait du transfert intervenu, se trouve dépourvu de cause et doit être déclaré nul et de nul effet, de sorte qu'il convient de faire droit à la demande principale en remboursement et de condamner la défenderesse à payer au demandeur la somme de 6.399,31 euros au titre des sommes indûment perçues au 3 juillet 2013 ;

- faute pour le demandeur de rapporter la preuve d'un préjudice spécifique distinct du seul retard de paiement déjà indemnisé par l'allocation des intérêts de retard, il ne convient pas de faire droit à la demande de dommages et intérêts ;

a prononcé la nullité du contrat de licence conclu le 17 janvier 2011 entre M. X. et la SA AFS, a condamné la SAS LOCAM LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIEL à payer à M. X. les sommes de 6.399,31 euros au titre des sommes indûment perçues au 31 juillet 2013 et de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens, et a rejeté les autres demandes des parties.

 

Par déclaration en date du 11 décembre 2013, la SAS LOCAM LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIEL a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions déposées le 10 mars 2014, l'appelante sollicite l'infirmation du jugement entrepris, le rejet des prétentions de l'intimé et la condamnation de ce dernier à poursuivre le paiement des loyers jusqu'au terme initial du 30 janvier 2015 inclus, avec capitalisation des intérêts par année entière à compter de la date de ces conclusions, et à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens dont distraction au profit de son conseil.

Elle fait valoir en substance que :

- le grief de dysfonctionnement opposé par l'intimé est inopposable à la SAS LOCAM de sorte qu'il est irrecevable, notamment en raison de l'absence de la SA AFE et des dispositions de l'article 3 des conditions générales du contrat de location, et ce alors qu'il n'appartient pas à l'appelante, intervenant à titre strictement financier, de vérifier la bonne installation du site, son fonctionnement et sa conformité ;

- la clause de non recours prévue à l'article 15 du contrat est parfaitement valable, et ce sans qu'il y ait lieu de déterminer si les contrats étaient ou non indivisibles ;

- l'intimé ne rapporte pas la preuve des griefs allégués ;

- contrairement à l'opinion du premier juge, le contrat est parfaitement causé ;

- les dispositions de l'article L. 442-6-1-2° du code de commerce, qui sanctionnent tout déséquilibre entre cocontractants, n'ont pas vocation à s'appliquer au présent litige en l'absence de tout courant d'affaire entre les parties.

 

Aux termes de son mémoire déposé le 9 mai 2014, l'intimé conclut à la confirmation du jugement entrepris, à titre subsidiaire à la résiliation judiciaire du contrat, et à la condamnation de l'appelante à lui verser la somme de 7.290,31 euros au titre des sommes indûment perçues au 31 décembre 2013 et celle de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens dont distraction au profit de son conseil.

Il soutient pour l'essentiel que :

- le raisonnement suivi par le premier juge ne souffre aucune critique sérieuse et les arguments de l'appelante sont inopérants ;

- l'appelante ne peut se prévaloir de la qualité de crédit bailleur dès lors qu'elle est cessionnaire du contrat conclu avec la SA AFE ;

- en tout état de cause, sont interdépendants les contrats concomitants ou successifs s'inscrivant dans une opération incluant une location financière de sorte que sont réputées non écrites les clauses de divisibilité contractuelle inconciliables avec cette interdépendance ;

- il est fondé à invoquer la nullité du contrat conclu avec la SA AFE en raison du défaut de cause, de l'absence d'obligation mise à la charge du cessionnaire du contrat et ce dès la conclusion du contrat ;

- le montage ainsi réalisé est contraire aux prescriptions de l'article R. 132-1-5° du code de la consommation rappelées par le premier juge ;

- les obligations souscrites par la SA AFE, affectées d'une condition potestative au sens de l'article 1174 du code civil, sont nulles en vertu de ce texte et cette nullité affecte par voie de conséquences la convention toute entière ;

- il a été victime d'un dol de la part de la SA AFE, qu'il est recevable à opposer à un tiers au contrat, alors même que cette dernière n'est pas partie à l'instance ;

- à titre subsidiaire, les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce justifient sa demande de dommages et intérêts dont le montant doit être égal à celui des loyers versés en raison du déséquilibre créé à son détriment par le montage contractuel imaginé par les sociétés AFE et LOCAM.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Contrairement à ce que fait valoir l'appelante, il est constant que sont interdépendants les contrats concomitants ou successifs s'inscrivant dans une opération incluant une location financière, de sorte qu'elle ne peut se prévaloir de clauses contractuelles contrevenant à cette interdépendance, lesquelles doivent être réputées non écrites.

Or, compte tenu de cette interdépendance, l'intimé est fondé à opposer à l'appelante la nullité du contrat conclu avec la SA AFE, et ce peu important que cette dernière ne soit pas mise en cause dans la présente instance.

Ainsi, et comme l'a relevé à juste titre le premier juge, cette nullité est à l'évidence encourue dès lors que le contrat litigieux comporte, en cas de cession comme c'est le cas en l'espèce, un nombre important de clauses consistant à décharger le cessionnaire de tout rôle et responsabilité dans la fourniture des prestations due au consommateur, notamment au titre du fonctionnement du site internet, alors que le particulier souscripteur est contraint d'exécuter son obligation contractuelle de paiement, même en cas de dysfonctionnements de ce site, et ce en étant dans l'impossibilité d'invoquer l'exception d'inexécution qui doit régir tout contrat, de sorte que les dispositions de l'article R. 132-1-5° du code de la consommation, qui prohibent comme abusive toutes clauses conduisant à contraindre le consommateur à exécuter ses obligations alors que réciproquement l'autre partie n'exécuterait pas les siennes, sont à l'évidence violées par les termes de cette convention, et que cette violation a pour effet de justifier la nullité du contrat conclu le 17 janvier 2011, nullité que l'intimé est en droit d'opposer à l'appelante pour faire légitimement échec aux demandes en paiement présentées par l'appelante.

Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions, par adoption de motifs, dès lors que la nullité de la convention implique de replacer les parties dans la situation antérieure à sa conclusion et que l'intimé ne démontre pas avoir poursuivi ses paiements au-delà du prononcé du jugement entrepris, lequel est assorti de l'exécution provisoire.

L'appelante qui succombe supportera les dépens de la présente instance et ses propres frais. En outre, l'équité commande de la faire participer aux frais irrépétibles exposés par l'intimé dans le cadre de la présente instance à hauteur de 2.000 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

- Déclare l'appel non fondé et le rejette ;

- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et ce par adoption de motifs ;

- Condamne la SAS LOCAM LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIEL aux dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Maître Hélène CAPELA, Avocate, ainsi qu'à payer à Monsieur X. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT

M. BUTEL                            J. BENSUSSAN