CA METZ (3e ch.), 3 février 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5022
CA METZ (3e ch.), 3 février 2015 : RG n° 13/02450 ; arrêt n° 15/00059
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2015-001919
Extraits : 1/ « Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L. 121-22-4° du code de la consommation que ne sont pas soumises aux dispositions régissant le démarchage à domicile « les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession ». Que pour déterminer le champ d'application de cette exclusion, il n'y a pas lieu de rechercher si le professionnel a agi dans le domaine de sa sphère de compétence particulière, mais uniquement si le contrat a été souscrit pour les besoins de son activité professionnelle. Que M. X. exerçant sous l'enseigne « GARAGE DU TOURNEBRIDE » est inscrit au registre du commerce, que s'il a souscrit le contrat en tant que personne physique (puisqu'il n'exerce pas sous forme sociale) ce contrat n'est pas destiné à satisfaire ses besoins privés, que le matériel a été installé dans ses locaux professionnels et que la souscription d'un contrat ayant trait à la téléphonie est nécessaire à l'exercice de sa profession. Que ces constatations suffisent à l'exclure du bénéficie des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation relatives à la remise d'un contrat comportant des mentions obligatoires ainsi qu'un bordereau de rétractation.
Attendu que les dispositions de l'article L. 121-1 du code de la consommation définissant les pratiques commerciales trompeuses s'appliquent « au consommateur » qui s'il n'a pas été autrement défini par ces dispositions, s'oppose néanmoins au professionnel qui a conclu un contrat ayant un rapport direct avec l'activité exercée. Que par ailleurs, la directive européenne n° 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales définit le consommateur comme étant « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité artisanale, industrielle ou libérale ». Qu'ainsi, pour les motifs déjà énoncés, M. X. ne peut invoquer les dispositions du code de la consommation.
Que le contrat de location financière n'étant pas un contrat de crédit affecté n'est pas davantage soumis aux dispositions de l'article L. 311-31 du code de la consommation relatives aux obligations de l'emprunteur.
Qu'ainsi le contrat n'encourt aucune annulation au titre d'une méconnaissance des dispositions du code de la consommation. »
2/ « Attendu que pour déterminer si cette indépendance juridique affirmée coïncide avec la réalité économique des contrats, il convient d'examiner la teneur des différents contrats souscrits. […]
Attendu qu'il doit être déduit de ces pièces que : - la souscription de l'ensemble de ces contrats a été proposée dans le même temps par la SAS PARITEL TELECOM agissant tant pour elle-même que pour l'établissement financier qu'elle se réservait de désigner, révélant l'organisation préalable d'une collaboration entre le prestataire et le bailleur, - que le matériel et les prestations se rapportaient au même équipement de téléphonie fourni par le prestataire, - qu'en payant la somme de 357 euros par trimestre (soit 119 euros par mois) à la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP, le locataire réglait tout à la fois la location du matériel, les consommations téléphoniques incluses à hauteur de 84 euros par mois et le prix de la maintenance,
Qu'en l'état de ces constatations, et bien que le surplus des consommations (au-delà du forfait Millénium de 84 euros) ait été facturé par la SAS PARITEL TELECOM à M. X., il n'en demeure pas moins que le loyer payé à la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP incluait tant des consommations téléphoniques que des prestations de maintenance, et que cette constatation, de même que les conditions de conclusions des contrats suffisent à créer un lien d'indivisibilité entre ces trois contrats conclus concomitamment s'inscrivant dans une opération juridique unique
Que par plusieurs arrêts rendus en 2013 (chambre mixe 17 mai 2013, chambre commerciale 9 juillet 2013) la cour de cassation a considéré que « les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants ; que sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ».
Qu'il doit en être déduit que les contrats conclus entre M. X. et la SAS PARITEL TELECOM d'une part et la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP d'autre part sont interdépendants nonobstant la clause contraire figurant dans les conditions générales du bailleur ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 3 FÉVRIER 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/02450. Minute n° 15/00059. Jugement au fond, origine Tribunal d'Instance de THIONVILLE, décision attaquée en date du 16 juillet 2013 : R.G. n° 11-11-596.
APPELANT :
Monsieur X. exerçant sous l'enseigne « GARAGE DU TOURNEBRIDE »
Représenté par Maître Jacques BETTENFELD, avocat à la cour d'appel de METZ (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/006967 du 30 janvier 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)
INTIMÉES :
SA BNP PARIBAS LEASE GROUP 46
représentée par son représentant légal, Représentée par Maître Patrick VANMANSART, avocat à la cour d'appel de METZ
Société PARITEL TELECOM
Prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié audit siège, Représentée par Maître Vincent BARRE, avocat à la cour d'appel de METZ
DATE DES DÉBATS : À l'audience publique du 18 décembre 2014 tenue par Madame SCHNEIDER et Madame LION, magistrats rapporteurs qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré pour l'arrêt être rendu le 3 février 2015.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Sonia DE SOUSA
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : PRÉSIDENT : Madame SCHNEIDER, Président de Chambre ; ASSESSEURS : Madame LION, Vice-Présidente Placée, Madame BOU, Conseiller
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 20 novembre 2009, M. X. exerçant sous l'enseigne « GARAGE DU TOURNEBRIDE » a souscrit par l'intermédiaire de la société VIATELEASE représenté par la SAS PARITEL TELECOM un contrat de location d'une installation téléphonique de marque SIEMENS vendue par la SAS PARITEL TELECOM, moyennant paiement de 21 échéances trimestrielles de 357 euros HT à compter du 1er janvier 2010.
Le même jour, il a adhéré auprès de la SAS PARITEL TELECOM à un « contrat opérateur » portant sur la fourniture de consommations téléphoniques ainsi qu'à un contrat de maintenance portant sur le matériel loué.
Par courrier du 10 décembre 2009, M. X. a été informé de ce que le bailleur était la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP qui s'est porté acquéreur de l'équipement téléphonique.
Par courrier du 27 mai 2010, M. X. a fait grief à la SAS PARITEL TELECOM de ce que le raccordement fax et TPE n'avait pas été réalisé, que le contrat aurait dû porter sur la location du matériel et sur les communications mais qu'il continuait de payer ses consommations et son abonnement à d'autres opérateurs, alors que le commercial de PARITEL aurait du tout regrouper.
Une mise en demeure a été notifiée à M. X. le 7 décembre 2010 à défaut de paiement des loyers échus depuis le 1er avril 2010.
La SA BNP PARIBAS LEASE GROUP s'est prévalue de la déchéance du terme par courrier du 4 février 2011 en réclamant à M. X. le paiement des loyers impayés (1.771,72 euros) ainsi que de l'indemnité de résiliation (7.241,44 euros).
Par acte du 19 mai 2011, la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP a fait assigner M. X. devant le tribunal d'instance de THIONVILLE pour obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 9.019,64 euros outre les intérêts égaux à 1,5 fois le taux légal à compter du 4 février 2011 ainsi que d'un montant de 167,12 euros au titre des frais de sommation.
Par acte du 5 décembre 2011, M. X. a appelé en garantie la SAS PARITEL TELECOM pour obtenir la résolution du contrat le liant à cette dernière et par voie de conséquence la nullité du contrat de location conclu avec la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP, et le rejet des demandes du bailleur.
Il faisait valoir que la SAS PARITEL TELECOM n'avait pas respecté son engagement de procéder aux démarches pour changer d'opérateur, de sorte que ses consommations téléphoniques lui étaient doublement facturées, que l'imprimante et le terminal de paiement n'avaient pas été raccordés, et qu'il n'avait pas bénéficié de l'abattement de trois ans prévu par le contrat d'entretien.
Il estimait que les dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile n'avaient pas été respectées, affirmait qu'il n'avait pas pu user de la faculté de rétractation alors que le document contractuel ne lui avait pas été remis et soutenait avoir été victime d'une pratique commerciale trompeuse.
La SAS PARITEL TELECOM soutenait qu'aucune défaillance de sa part n'était démontrée, et que M. X. ne pouvait pas se prévaloir de la qualité de consommateur.
La SA BNP PARIBAS LEASE GROUP répliquait que les dysfonctionnements allégués ne lui étaient pas opposables, que M. X. avait agi en tant que professionnel pour les besoins de son activité et que le contrat de location financière était indépendant des autres contrats de vente et de maintenance.
Par jugement du 16 juillet 2013 le tribunal d'instance de THIONVILLE a considéré :
- que le contrat de location était indépendant du contrat de prestation, d'entretien et de maintenance ;
- que la résolution de ce contrat était acquise à défaut de paiement des loyers ;
- que le contrat de maintenance et le contrat dit « opérateur » ont été conclus pour les besoins de son activité professionnelle, de sorte que les dispositions du code de la consommation ne s'appliquaient pas ;
- que M. X. ne justifiait pas de l'engagement de la SAS PARITEL TELECOM de résilier le contrat auprès de l'ancien opérateur ;
- qu'il n'a émis aucune réserve sur le bon de travail mentionnant l'absence de raccordement du fax et du TPE ;
- que s'agissant du double paiement des consommations, le détail des consommations facturées par ORANGE n'était pas produit, sachant que la facturation de l'abonnement résultait d'une absence de résiliation ;
- qu'il en résultait que la preuve d'un manquement de la SAS PARITEL TELECOM à ses obligations contractuelles n'était pas rapportée.
Le tribunal d'instance a :
- condamné M. X. à payer à la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP la somme de 9.019,64 euros avec intérêts à 1,5 fois le taux légal à compter du 4 février 2011 ;
- débouté M. X. de ses demandes en résolution des contrats le liant à la SAS PARITEL TELECOM ;
- débouté M. X. de son appel en garantie dirigé contre la SAS PARITEL TELECOM ;
- condamné M. X. aux dépens ;
- condamné M. X. à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1.000 euros à la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP et la somme de 1.000 euros à la SAS PARITEL TELECOM.
M. X. a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions récapitulatives reçues le 7 janvier 2014 auxquelles il convient de se référer, M. X. demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de dire et juger applicables les dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, de prononcer l'annulation du contrat opérateur et du contrat de maintenance le liant à la SAS PARITEL TELECOM et par voie de conséquence, de déclarer nul le contrat de location conclu avec la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP, de dire et juger non écrite la clause de divisibilité du contrat de location, de débouter la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP et la SAS PARITEL TELECOM de leurs demandes, fins et prétentions, à titre subsidiaire, de dire et juger nul et de nul effet pour dol le contrat souscrit auprès de la SAS PARITEL TELECOM, subsidiairement de constater le manquement de la SAS PARITEL TELECOM à ses obligations contractuelles, de prononcer la nullité subsidiairement la résolution du contrat opérateur et du contrat de maintenance aux torts de la SAS PARITEL TELECOM, et par voie de conséquence de déclarer nul subsidiairement résolu le contrat de location, encore plus subsidiairement, de condamner in solidum la SAS PARITEL TELECOM et la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP à le garantir de toute condamnation en principal intérêts et frais, et de condamner in solidum la SAS PARITEL TELECOM et la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP aux dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 21 novembre 2013 auxquelles il y a lieu de se référer, la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP demande à la cour de confirmer le jugement déféré, de condamner M. X. aux dépens y compris ceux de la procédure de référé sursis ainsi qu'à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, subsidiairement sur son appel provoqué, de condamner la SAS PARITEL TELECOM à lui payer la somme de 8.603,27 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et de la condamner aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 26 novembre 2013 auxquelles il y a lieu de se référer, la SAS PARITEL TELECOM demande à la cour de rejeter l'appel, de débouter M. X. de ses demandes, fins et conclusions, de confirmer le jugement déféré, de condamner M. X. à lui payer la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et de rejeter l'appel provoqué formé à titre subsidiaire par la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
VU LES PIÈCES DE LA PROCÉDURE :
SUR LES DISPOSITIONS INVOQUÉES DU CODE DE LA CONSOMMATION :
Attendu que M. X. affirme que démarché sur son lieu de travail par un représentant de la SAS PARITEL TELECOM, il ne lui a été remis aucun exemplaire du contrat sous prétexte qu'il devait le faire valider par sa hiérarchie, précise que le seul document en sa possession est celui que lui a adressé la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP par courrier du 10 décembre 2009 et qu'ainsi les dispositions de l'article L. 121-1 du code de la consommation relatives au démarchage à domicile ont été méconnues, ce qui doit entraîner la nullité du contrat.
Qu'il soutient que ces dispositions lui sont applicables, en relevant qu'il a souscrit ce contrat indistinctement en qualité de garagiste et de personne physique, que le contrat souscrit ne porte pas sur son activité spécifique qui est celle de réparations mécaniques, et qu'il n'a pas accru son potentiel commercial.
Qu'il soutient que les prestations n'ont pas été réalisées et se prévaut de l'article L. 311-31 du code de la consommation, selon lequel les obligations de l'emprunteur ne courent qu'à compter de la fourniture de la prestation.
Qu'il invoque les dispositions de l'article L. 121-1 relatives aux pratiques commerciales trompeuses, en ce qu'elles reposent sur des allégations ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur.
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L. 121-22-4° du code de la consommation que ne sont pas soumises aux dispositions régissant le démarchage à domicile « les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession ».
Que pour déterminer le champ d'application de cette exclusion, il n'y a pas lieu de rechercher si le professionnel a agi dans le domaine de sa sphère de compétence particulière, mais uniquement si le contrat a été souscrit pour les besoins de son activité professionnelle.
Que M. X. exerçant sous l'enseigne « GARAGE DU TOURNEBRIDE » est inscrit au registre du commerce, que s'il a souscrit le contrat en tant que personne physique (puisqu'il n'exerce pas sous forme sociale) ce contrat n'est pas destiné à satisfaire ses besoins privés, que le matériel a été installé dans ses locaux professionnels et que la souscription d'un contrat ayant trait à la téléphonie est nécessaire à l'exercice de sa profession.
Que ces constatations suffisent à l'exclure du bénéficie des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation relatives à la remise d'un contrat comportant des mentions obligatoires ainsi qu'un bordereau de rétractation.
Attendu que les dispositions de l'article L. 121-1 du code de la consommation définissant les pratiques commerciales trompeuses s'appliquent « au consommateur » qui s'il n'a pas été autrement défini par ces dispositions, s'oppose néanmoins au professionnel qui a conclu un contrat ayant un rapport direct avec l'activité exercée.
Que par ailleurs, la directive européenne n° 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales définit le consommateur comme étant « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité artisanale, industrielle ou libérale ».
Qu'ainsi, pour les motifs déjà énoncés, M. X. ne peut invoquer les dispositions du code de la consommation.
Que le contrat de location financière n'étant pas un contrat de crédit affecté n'est pas davantage soumis aux dispositions de l'article L. 311-31 du code de la consommation relatives aux obligations de l'emprunteur.
Qu'ainsi le contrat n'encourt aucune annulation au titre d'une méconnaissance des dispositions du code de la consommation.
SUR LE CARACTÈRE INDIVISIBLE DES CONTRATS SOUSCRITS :
Attendu que les conditions générales du contrat (article 15) stipulent que le loueur n'assume aucune responsabilité quant à l'exécution de la maintenance ou autres prestations, ni ne garantit l'engagement des prestataires, et que le locataire « reconnaît l'indépendance juridique entre le contrat de location et le contrat de maintenance et de prestations ».
Attendu que pour déterminer si cette indépendance juridique affirmée coïncide avec la réalité économique des contrats, il convient d'examiner la teneur des différents contrats souscrits
Qu'il résulte des documents contractuels que le même jour, le 20 novembre 2009, le salarié de la SAS PARITEL TELECOM a fait souscrire à M. X. plusieurs contrats :
- un bon de commande portant sur un serveur de communication SIEMENS comportant un poste numérique et 2 postes sans fil, et mentionnant ce qui suit :« 84 euros HT mensuels de communication téléphonique non reportables offerts pendant 3 ans » et au titre des conditions de règlement « location linéaire de 119 euros HT par mois sur 21 trimestres, garantie sur site pendant 3 ans offerte puis contrat de maintenance de 26 euros HT par mois à partir de la 4e année »
- un contrat « opérateur » souscrit auprès de la SAS PARITEL TELECOM sélectionnant le forfait « Millénium » choisi (le forfait de 84 euros HT de communication téléphoniques prévu dans le bon de commande) et mentionnant les numéros de téléphone concernés
- un contrat de maintenance prévoyant l'assistance au client sur les postes numériques et s'agissant des conditions financières, le paiement à partir de la 4e année d'un montant mensuel HT de 26 euros
- le mandat donné à la société VIATELEASE par M. X. de conclure avec tout établissement financier un contrat de location longue durée du matériel pour une durée de 63 mois et le paiement de 21 loyers trimestriels de 357 euros HT.
Attendu qu'il doit être déduit de ces pièces que :
- la souscription de l'ensemble de ces contrats a été proposée dans le même temps par la SAS PARITEL TELECOM agissant tant pour elle-même que pour l'établissement financier qu'elle se réservait de désigner, révélant l'organisation préalable d'une collaboration entre le prestataire et le bailleur,
- que le matériel et les prestations se rapportaient au même équipement de téléphonie fourni par le prestataire,
- qu'en payant la somme de 357 euros par trimestre (soit 119 euros par mois) à la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP, le locataire réglait tout à la fois la location du matériel, les consommations téléphoniques incluses à hauteur de 84 euros par mois et le prix de la maintenance,
Qu'en l'état de ces constatations, et bien que le surplus des consommations (au-delà du forfait Millénium de 84 euros) ait été facturé par la SAS PARITEL TELECOM à M. X., il n'en demeure pas moins que le loyer payé à la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP incluait tant des consommations téléphoniques que des prestations de maintenance, et que cette constatation, de même que les conditions de conclusions des contrats suffisent à créer un lien d'indivisibilité entre ces trois contrats conclus concomitamment s'inscrivant dans une opération juridique unique
Que par plusieurs arrêts rendus en 2013 (chambre mixe 17 mai 2013, chambre commerciale 9 juillet 2013) la cour de cassation a considéré que « les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants ; que sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ».
Qu'il doit en être déduit que les contrats conclus entre M. X. et la SAS PARITEL TELECOM d'une part et la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP d'autre part sont interdépendants nonobstant la clause contraire figurant dans les conditions générales du bailleur
Que par voie de conséquence, M. X. est en droit d'opposer à la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP les manquements contractuels de la SAS PARITEL TELECOM, et que la résiliation des contrats de prestation ou de maintenance est susceptible d'entraîner la résiliation du contrat de location.
SUR LES MANQUEMENTS REPROCHÉS À LA SOCIETE PARITEL :
Attendu que M. X. fait grief à la SAS PARITEL TELECOM :
- de ne pas lui avoir remis un exemplaire des contrats qu'il a signés l'empêchant d’apprécier la teneur de ses obligations
- de n'avoir pas raccordé le TPE et le fax, sa signature sur le bon de livraison ne valant pas reconnaissance de conformité, ce d'autant qu'aucun double de ce bon de travail ne lui a été remis
- de n'avoir pas rempli son engagement de résilier ses contrats auprès d’ORANGE, de sorte qu'il a continué à recevoir des factures de son opérateur historique pour la même ligne téléphonique
Attendu que la SAS PARITEL TELECOM réplique :
- que M. X. ne démontre pas qu'aucun exemplaire du contrat ne lui aurait été remis
- qu'il a réceptionné le matériel sans réserve
- qu'il ne démontre pas avoir dû supporter une double facturation pour ses consommations téléphoniques sachant qu'il n'est pas possible qu'elles soient acheminées concurremment par deux opérateurs téléphoniques distincts
- qu'il ne lui incombait pas de résilier les contrats ou abonnements de son client et qu'elle remet habituellement à ses clients des modèles de lettre-type pour faciliter sa démarche auprès de son opérateur d'origine.
Attendu qu'il résulte du bon de commande du 20 novembre 2009 que la SAS PARITEL TELECOM s'était notamment engagée à raccorder les deux périphériques existants, le fax et le TPE, qui font l'objet d'une mention spécifique du bon de commande
Qu'il ressort du bon de travail du 1er décembre 2009 que ce raccordement au fax et au TPE n'a pas été effectué sans qu'aucune observation ne soit faite par le monteur expliquant cette abstention
Que la signature de M. X. sur ce bon de travail signifie simplement qu'il reconnaît la réalité des mentions portées, mais ne permet pas de considérer qu'il aurait renoncé à l'exécution du raccordement qu'il avait expressément demandé dans le bon de commande
Qu'au demeurant son courrier de réclamation du 27 mai 2010 fait grief à la SAS PARITEL TELECOM de n'avoir pas rempli cette obligation.
Attendu que contrairement aux allégations de la SAS PARITEL TELECOM, l'obligation pour elle d'entreprendre les démarches de résiliation des contrats et abonnements auprès de l'opérateur originaire était expressément prévue par les clauses du contrat
Que cette mention figure au recto du bon de commande (milieu de page) dans les termes suivants « démarches administratives France Télécom effectuées par nos soins, création et modification de ligne »
Que cette obligation pour la SAS PARITEL TELECOM d'entreprendre les démarches de résiliation des contrats avec l'opérateur historique résulte également des mentions figurant dans le « contrat de service opérateur » au verso de ce contrat, dans les deux paragraphes précédant la signature, par une clause ainsi libellée :
« En tant que titulaire de la ligne téléphonique citée (…) et titulaire pour cette ligne d'un abonnement au service téléphonique de l'opérateur historique, je souscris à l'offre de service PARITEL (..). J'autorise PARITEL à effectuer en mon nom les éventuelles démarches nécessaires pour assurer la reconfiguration de mon système téléphonique. Je donne mandat à PARITEL pour effectuer en mon nom et pour mon compte l'ensemble des démarches nécessaires pour mettre en œuvre la présélection automatique du transporteur, la vente en gros de l'abonnement direct pour les lignes téléphoniques ci-dessus ».
Que la SAS PARITEL TELECOM ne conteste pas n'avoir pas effectué ces démarches
Que contrairement aux allégations de l'intimée, le maintien des abonnements et forfaits précédemment conclus auprès d’ORANGE pour les deux lignes téléphoniques XX et YY a donné lieu à des facturations par cet opérateur en sus de celles de la SAS PARITEL TELECOM
Que l'affirmation selon laquelle les communications ne pouvaient être acheminées simultanément par l'un et l'autre opérateur est sans emport alors que les factures produites témoignent de ce qu'après la souscription du contrat avec la SAS PARITEL TELECOM, ORANGE a continué à facturer le prix de son abonnement et des forfaits souscrits (ex : pour la ligne XX en mars 2010 pour 76,22 euros, janvier 2011 pour 75,73 euros ; pour la ligne YY : janvier 2010 374,23 euros mars 2011 : 231,28 euros etc.)
Que ces manquements de la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP rappelés dans le courrier de réclamation du 27 mai 2010 sont graves au point qu'ils ont privé les contrats souscrits de leur intérêt puisque non seulement la commande de matériel n'a pas été intégralement exécutée mais surtout les économies escomptées sur le coût de la téléphonie n'ont pas été réalisées, et ces contrats ont généré au contraire un renchérissement des coûts supportés par M. X.
Que la SAS PARITEL TELECOM a d'ailleurs laissé sans suite ce courrier de réclamation, s'abstenant d'y répondre mais aussi d'exécuter même tardivement les prestations à sa charge.
Que la gravité de ces manquements justifie que soit prononcée la résiliation des contrats de prestations et de services opérateur souscrits par M. X..
SUR LA DEMANDE DE LA SA BNP PARIBAS LEASE GROUP :
Attendu que l'indivisibilité des contrats souscrits a pour conséquence que la résiliation des contrats de maintenance et d'opérateur doit entraîner la résiliation du contrat de location financière conclu au cours de la même opération.
Que cette résiliation du contrat de location prive la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP de la possibilité de réclamer le paiement des loyers et de l'indemnité de résiliation.
Qu'il convient d'infirmer le jugement déféré et de débouter la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP de ses demandes
SUR L'APPEL EN GARANTIE DIRIGE CONTRE LA SAS PARITEL TELECOM :
Attendu que la résiliation du contrat de location étant la conséquence des manquements de la SAS PARITEL TELECOM à ses obligations contractuelles, il convient de faire droit à l'appel en garantie dirigé par la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP à l'encontre du prestataire
Que cet appel en garantie conduit à mettre à la charge de la SAS PARITEL TELECOM les conséquences de cette résiliation et à la condamner au paiement des loyers hors pénalités dont elle a été privée, soit la somme de 8.603,27 euros
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :
Attendu qu'il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X. les frais exposés et non compris dans les dépens
Qu'il convient de condamner in solidum la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP et la SAS PARITEL TELECOM à lui payer la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel
Que sur appel en garantie, la SAS PARITEL TELECOM doit être condamnée à payer à la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
Attendu que la SAS PARITEL TELECOM qui succombe doit être condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel y compris ceux de l'appel en garantie et de la procédure de référé sursis.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, contradictoirement,
Déclare les appels recevables,
Au fond déclare l'appel principal partiellement fondé
Fait droit à l'appel provoqué
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de M. X. tendant à l'annulation des contrats
Infirme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau,
Dit et juge que les contrats de location ainsi que les contrats de maintenance et d'opérateur sont indivisibles
Prononce aux torts de la SAS PARITEL TELECOM la résiliation des contrats d'opérateur et de maintenance souscrits par M. X.
Prononce par voie de conséquence la résiliation du contrat de location.
Déboute la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP de sa demande dirigée contre M. X. en paiement des loyers et de l'indemnité de résiliation
Sur appel provoqué, condamne la SAS PARITEL TELECOM à payer à la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP la somme de 8.603,27 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,
Condamne in solidum la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP et la SAS PARITEL TELECOM à payer à M. X. la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la SAS PARITEL TELECOM à payer à la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la SAS PARITEL TELECOM aux entiers dépens de première instance et d'appel y compris ceux nés de l'appel en garantie et ceux de la procédure de référé sursis
Le présent arrêt a été prononcé par mise à disposition publique au greffe le 3 février 2015, par Madame Marie-Catherine SCHNEIDER, Président de Chambre, assistée de Madame Emma SCHOLTES, Greffier, et signé par elles.
Le Greffier Le Président de Chambre
- 5844 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Nature du contrat - Qualification du contrat - Crédit à la consommation
- 5851 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Absence de lien avec la profession
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