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CA AIX-EN-PROVENCE (1re ch. A), 1er juillet 2015

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (1re ch. A), 1er juillet 2015
Pays : France
Juridiction : Aix-en-provence (CA), 1re ch. A
Demande : 14/13860
Date : 1/07/2015
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 15/07/2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5207

CA AIX-EN-PROVENCE (1re ch. A), 1er juillet 2015 : RG n° 14/13860

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Or, attendu que ces clauses, en ce qu'elles réduisent (article 4-a) puis, (article 8), en ce qu'elles suppriment en des termes généraux, qui enlèvent toute portée à la stipulation plus limitée de l'article 4, le droit à réparation, prévu au bénéfice de l'acquéreur non professionnel par l'article 1611 du Code civil, en cas de manquement par le vendeur à son obligation essentielle de délivrance dans le temps convenu, confèrent au professionnel vendeur un avantage excessif et doivent donc être réputées non écrites. »

2/ « Attendu que cette lettre satisfait aux exigences légales de l'article L. 114-1 du code de la consommation en ce qu'il constitue, malgré le terme « annulation », qui ne doit pas être ici pris dans son acception juridique stricte, la dénonciation y requise du contrat par lettre recommandée avec AR en cas de dépassement du délai de livraison, […] Attendu, enfin, que les articles 4-a et 8 ayant été ci dessus réputés non écrits, peu importe qu'il [n]’ait pas été satisfait à l'exigence d'une mise en demeure de livrer. »

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

PREMIÈRE CHAMBRE A

ARRÊT DU 1er JUILLET 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/13860. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 18 juin 2014 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 13/10464.

 

APPELANTE :

SAS LES CIGALES,

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, [adresse], représentée par Maître Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Maître Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

 

INTIMÉE :

Madame X.

née le [date] à [ville], demeurant [adresse], représentée par Maître Francis COUDERC, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 2 juin 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme DAMPFHOFFER, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de : Monsieur Georges TORREGROSA, Président, Monsieur Olivier BRUE, Conseiller, Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2015

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2015, Signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ :

Mme X. a commandé, le 30 septembre 2010, un mobilhome d'un montant de 52.700 euros.

La livraison devait intervenir au mois de février-mars 2011.

Par courrier du 27 avril 2011, Mme X. a sollicité l'annulation de sa commande en raison du dépassement du délai de livraison.

Elle a alors réclamé la restitution de l'acompte versé, qui était de 15.000 euros, et que lui a refusé la société les cigales par un courrier du 4 juillet 2011.

Le tribunal de grande instance de Draguignan saisi du litige a, par jugement réputé contradictoire, du 18 juin 2014 statué ainsi qu'il suit :

- condamne la société Les cigales au paiement de la somme de 15.000 euros à Mme X. avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 avril 2011,

- ordonne la capitalisation des intérêts,

- condamne la société Les cigales au paiement de la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

Par déclaration du 15 juillet 2014, la société Les cigales a relevé appel de cette décision.

 

Par conclusions du 18 mai 2015, la société Les cigales demande à la cour de :

- prononcer la nullité du jugement, motif pris notamment de la violation de l'article 455 du code de procédure civile,

- à titre principal, constater le cas de force majeure tiré des mouvements sociaux subis par l'entreprise fournisseur de la société Les cigales et dire que les délais de livraison ont été à ce titre respectés,

- à titre subsidiaire, constater que les conditions générales de la vente portaient au 8 mai 2015 la date butoir de livraison, que celle-ci a été effectuée le 6 mai 2015 et que les délais ont donc été respectés,

- en tout état de cause, dire que la lettre du 27 avril 2011 ne constitue pas la mise en demeure et n'est pas opposable à la société les cigales et en conséquence,

- réformer le jugement toutes ses dispositions,

- dire que Mme X. a mis fin au contrat de manière abusive,

- la condamner à la somme de 1.000 euros de ce chef,

- dire qu'elle a usé également de façon abusive de son droit d'agir et la condamner de ce chef à la somme de 1.000 euros,

- la condamner au paiement de la somme de 3.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

 

Par conclusions du 19 mai 2015, Mme X. demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris et y ajoutant :

- déclarer abusives et non écrites les stipulations des articles 4-a et 8 des conditions générales de la vente du bon de commande du 30 septembre 2010,

- constater que la société les cigales s'est abstenue de mettre à disposition le mobilhome commandé dans le délai contractuellement fixé à fin mars 2011, et en conséquence, prononcer la résolution de la vente,

- condamner la société les cigales à lui payer la somme de 15.000euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2011 et capitalisation, et la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens,

- subsidiairement, écarter des débats les conclusions notifiées la veille de l'ordonnance de clôture et faisant état de moyens nouveaux (force majeure et livraison dans le délai contractuel),

- plus subsidiairement, dire que la société les cigales ne justifie pas du cas de force majeure, ni de la livraison du 6 mai 2015, ni enfin, de l'information de ce fait portée à la connaissance de sa cliente en temps utile.

 

L'ordonnance de clôture a été prise le 19 mai 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs :

Sur la recevabilité de l'appel :

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée ; que rien au dossier ne conduit la cour à le faire d'office.

Attendu que l'appel sera donc déclaré recevable.

 

Sur la demande tendant à voir écarter les conclusions de l'appelant du 18 mai 2015 :

Attendu que cette demande sera rejetée dans la mesure où l'intimé y a répliqué par des conclusions du 19 mai 2015, et que dans ces conditions, il n'est pas démontré que le principe du contradictoire n'a pas été respecté.

 

Sur la nullité du jugement :

Attendu que l'appelante fait valoir qu'elle n'a pas comparu devant le tribunal et qu'elle n'a pas été mise en mesure de présenter ses moyens de défense.

Attendu cependant que l'assignation n'est pas critiquée dans sa régularité, et que le fait que la demanderesse aurait omis de lui communiquer les références d'enrôlement de la procédure par son propre conseil, alors que la partie adverse n'avait pas constitué avocat, n'est pas de nature à invalider la régularité de la procédure de première instance.

Attendu par ailleurs, que le juge n'a pas à motiver la régularité de la demande si aucun moyen de ce chef ne relève des moyens qu'il doit d'office relever, et qu'en l'espèce, il n'est pas démontré qu'un tel moyen ait existé.

Attendu, enfin, que le jugement ne peut énoncer les prétentions d'un défendeur qui n'a pas comparu.

Attendu, par suite, que la demande de nullité sera rejetée.

 

Sur le fond :

Attendu que la demande de Mme X. est fondée sur l'article L. 114-1 du code de la consommation qui prévoit que le consommateur peut dénoncer le contrat de vente d'un bien meuble par lettre recommandée avec accusé de réception en cas de dépassement de la date de livraison du bien excédant sept jours et non dû à un cas de force majeure ; que le contrat est considéré comme rompu à la réception par le vendeur de la lettre si la livraison n'est pas intervenue entre l'envoi et la réception de cette lettre ; que le consommateur exerce ce droit dans un délai de 60 jours ouvrés à compter de la date indiquée pour la livraison du bien ; que sauf stipulation contraire du contrat, les sommes versées d'avance sont des arrhes, ce qui a pour effet que chacun des contractants peut revenir sur son engagement, le consommateur en perdant les arrhes, et le professionnel en les restituant au double.

Attendu qu'en l'espèce, la société Les cigales fait valoir que les conditions générales de la vente précisent, dans l'article 4, que les délais de livraison sont donnés à titre indicatif et que le délai convenu pourra être prolongé d'une durée de 30 jours admise d'un commun accord sans que ce retard puisse donner lieu à une indemnité quelconque ; qu'en cas de force majeure (conflit de travail chez un fournisseur, guerre, etc.,) le vendeur se trouve libéré de l'obligation de délivrer à la date indiquée pendant une période égale à celle qui sépare l'arrêt de la production de sa reprise.

Attendu qu'elle souligne également que l'article 8 de ces mêmes conditions stipule que l'acheteur ne pourra résilier sa commande et exiger le remboursement de l'acompte sans indemnité que si la livraison n'est pas faite dans le délai de 15 jours suivant la mise en demeure de livrer lorsque la date de livraison a été dépassée.

Attendu qu'en l'espèce, le bon de commande du 30 septembre 2010 prévoit une date de livraison ainsi fixée : « février mars 2011 ».

Attendu que l'appelante fait vainement valoir que son fournisseur a connu des mouvements sociaux à partir de ce moment-là, qui auraient fortement perturbé la chaîne de production jusqu'à sa mise en liquidation judiciaire le 5 mars 2013, aucun élément n'étant versé aux débats à ce sujet.

Attendu qu'elle affirme, tout aussi inutilement, que la livraison a eu lieu le 6 mai 2011, ce qui entrait dans le cas de la prorogation de livraison fixée au contrat, dès lors qu'aucune de ses pièces ne démontre la réalité de cette livraison à cette date, ni même l'existence d'une proposition faite en ce sens.

Attendu qu'à titre subsidiaire, la société appelante, en se fondant sur l'article 4 des conditions générales de la vente, souligne que la cliente a dénoncé le contrat le 27 avril 2010, sans lui délivrer la mise en demeure préalable de livrer en application de l'article 8, et que même en admettant que la cliente soit dispensée d'adresser cette mise en demeure préalable, elle n'aurait pu dénoncer au mieux le contrat qu'à partir du 1er mai 2011, et qu'alors, la livraison intervenue le 6 mai ne peut être sanctionnée.

Attendu que Mme X. lui oppose le caractère abusif des clauses ainsi invoquées.

Attendu qu'en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, sont interdites et réputées non écrites les clauses relatives notamment à la livraison de la chose et aux conditions de résolution de la convention lorsqu'elles apparaissent imposées au non professionnel ou consommateur par un abus de la puissance économique de l'autre partie et confèrent à cette dernière un avantage excessif ; qu’il résulte de l'article R. 132-1 du code de la consommation que sont de manière irréfragable présumées abusives au sens de l'article précédent et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du non professionnel en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations.

Attendu que l'article 4-a est ainsi rédigé :

« livraison : les délais de livraison sont donnés à titre indicatif, la livraison aura lieu dans la mesure du possible à la date indiquée, mais le délai convenu pourra être prorogé d'une durée de 30 jours admise d'un commun accord sans que ce retard puisse donner lieu à une indemnité quelconque de quelque nature et de quelque forme que ce soit. »

Attendu que l'article 8 est ainsi rédigé :

« annulation et résiliation : l'acheteur ne pourra résilier sa commande et exiger le remboursement de l'acompte sans indemnité que dans le cas suivant :

si la livraison n'est pas faite dans les 15 jours qui ont suivi la mise en demeure de livrer (lorsque la date prévue de livraison a été dépassée, voir article 4).

Le vendeur pourra, de son côté, annuler la commande et conserver tous les autres droits si dans un délai de huit jours après la date de mise à disposition, l'acheteur n'a pas pris livraison de sa commande ou à défaut, payé son prix. En cas d'annulation acceptée par la société, les frais retenus seront de l'ordre de 10 % du montant total de la vente. En cas où - sic - l'acheteur maintiendrait sa commande après l'expiration du délai prévu, il ne lui serait pas du d'indemnité moratoire. ».

Or, attendu que ces clauses, en ce qu'elles réduisent (article 4-a) puis, (article 8), en ce qu'elles suppriment en des termes généraux, qui enlèvent toute portée à la stipulation plus limitée de l'article 4, le droit à réparation, prévu au bénéfice de l'acquéreur non professionnel par l'article 1611 du Code civil, en cas de manquement par le vendeur à son obligation essentielle de délivrance dans le temps convenu, confèrent au professionnel vendeur un avantage excessif et doivent donc être réputées non écrites.

Attendu, par ailleurs, sur la livraison que la société Les Cigales ne démontre donc pas y avoir procédé, ni au cours des mois de février et mars, ni à un quelconque moment qui a suivi le délai maximal initialement convenu à fin mars, étant considéré :

- eu égard au caractère non écrit ci dessus retenu des articles sus visés du contrat, que ce délai est désormais le seul applicable aux relations des parties ;

- qu'elle n'a pas, non plus, fait d'offre de mise à disposition suite aux courriers recommandés envoyés par la cliente le 27 avril 2011 et le 4 juillet 2011,

- que le courrier du 27 avril est ainsi rédigé :

« Par la présente nous annulons la commande mobilhome belvédère du 30 septembre 2010, le temps de livraison étant largement dépassé et que beaucoup de détails ont changé.

Sur les dires de M. A., le terrain ne devait pas être traversé par un passage de véhicules, les voisins avaient leur arrivée dans le fond de leur terrain, ensuite, nous devions être trois mobilhomes il y en a cinq !

Et le bruit toujours sur les dires de M. A. le problème devait être résolu mais cela ne va pas se faire avant longtemps je pense.

Bien d'autres problèmes sont à résoudre.

Aussi nous préférons annuler le mobilhome et quitter les cigales et récupérer notre chèque de commande du 30 septembre 2010, montant de 15.000... »

Attendu que cette lettre satisfait aux exigences légales de l'article L. 114-1 du code de la consommation en ce qu'il constitue, malgré le terme « annulation », qui ne doit pas être ici pris dans son acception juridique stricte, la dénonciation y requise du contrat par lettre recommandée avec AR en cas de dépassement du délai de livraison,

Attendu que le moyen tiré par l'appelant de ce qu'elle ne l'aurait pas touché pour avoir été adressée à M. A. et Mme E., alors que les dirigeants sont Monsieur et Madame Y. sera rejeté, les éléments versés n'établissant pas le bien-fondé de cette allégation.

Attendu, enfin, que les articles 4-a et 8 ayant été ci dessus réputés non écrits, peu importe qu'il [n]’ait pas été satisfait à l'exigence d'une mise en demeure de livrer.

Attendu que la société Les cigales sera donc déboutée de toutes ses demandes, y compris celles fondées sur la rupture abusive du contrat, ainsi que sur le caractère abusif de l'action diligentée, ces réclamations étant dépourvues de fondement en raison des observations ci-dessus.

Attendu, par suite, que la décision du tribunal sera confirmée en sa condamnation de la société Les cigales à restituer à Mme X. la somme de 15.000 euros versée à titre d'acompte dans les conditions y fixées, la cour y ajoutant la déclaration du caractère abusif, et en conséquence non écrit, des articles 4-a et 8 des conditions générales du bon de commande, ainsi que le prononcé de la résolution du contrat.

Attendu qu'en raison de sa succombance, la société Les cigales supportera les dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Attendu, en revanche, que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile, ni devant le tribunal, ni devant la Cour.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

- reçoit l'appel,

- rejette la demande de nullité du jugement,

- déboute l'appelante des fins de son recours, et confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf celles relatives à l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et statuant à nouveau de ce chef :

- rejette toute demande de ce chef ;

y ajoutant :

- déclare abusives, et en conséquence non écrites, les clauses des articles 4-a et 8 des conditions générales du bon de commande du 30 septembre 2010,

- prononce la résolution de la vente,

- rejette les demandes plus amples,

- condamne la société Les cigales à supporter les dépens d'appel qui seront distraits en application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT