CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 1er décembre 2015

CERCLAB - DOCUMENT N° 5442
CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 1er décembre 2015 : RG n° 14/00545 ; arrêt n° 2015/414
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant en troisième lieu, que les conditions générales précisent que dans l'hypothèse où cette cession intervient passé ce délai, l'assuré doit prouver que le délai n'a pas été respecté pour des raisons indépendantes de sa volonté ; Que la clause sur la preuve ne vient nullement conférer une force probante particulière voire irréfragable à l'attestation de la Chambre des notaires ; qu'en d'autres termes, la convention porte sur le mode de preuve recevable et non sur sa pertinence, l'assureur pouvant discuter du caractère indépendant ou non de la volonté de l'assuré des circonstances rapportées dans l'attestation de la Chambre départementale, qui ne constitue qu'un témoignage ;
Qu'en ce qu'elles définissent la preuve recevable, les dispositions des articles 2 B des conditions générales relèvent des articles L. 132-1 du code de la consommation et du point g de l'annexe portant liste indicative des clauses pouvant être regardées comme abusives (applicable en l'espèce, eu égard à la date de la convention), lorsque notamment elles ont pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du consommateur ou du non-professionnel ; Que la SA GENERALI VIE, dénie la possibilité pour les appelantes de prouver, devant le juge, les raisons justifiant le dépassement du délai de cession autrement que par une attestation de la Chambre des notaires alors que s'agissant d'un fait juridique sa preuve est libre ; que les dispositions contractuelles litigieuses restreignent les moyens de preuve à la disposition de l'assuré (ou de ses ayants droits) consommateur au sens du code de la consommation et vient, dès lors, entraver la démonstration des appelantes ; Que la SA GENERALI VIE ne peut pas sérieusement prétendre à l'absence de déséquilibre significatif des droits et obligations des parties au contrat au détriment du consommateur, le professionnel se garantissant un avantage significatif, devant le juge, puisque face à ses contestations, son adversaire est irrecevable à établir les éléments, motifs ou raisons retenus par la Chambre départementale pour attester dans un sens favorable à sa thèse ou à apporter des éléments complémentaires ;
Que les dispositions contractuelles litigieuses, en ce qu'elles limitent, les moyens de preuve de l'assuré et de ses ayants droits seront déclarées abusives et privées d'effet, les appelantes pouvant prouver par tout moyens, que le délai n'a pas été respecté pour des raisons indépendantes de la volonté de l'assuré ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 2 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 1er DÉCEMBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/00545. Arrêt n° 2015/414 (9 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 novembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - R.G. n° 11/10542.
APPELANTES :
Mademoiselle A. X.
née le [date] à [ville]
Mademoiselle L. X.
née le [date] à [ville]
C/o T. L. - [adresse],
Représentées par Maître Laurence T. B. de la SCP IFL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P42, Assistées de Maître Michel A. de la SELARL D. A. ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R277
INTIMÉES :
Madame D. veuve X.
née le [date] à [ville], n'ayant pas constitué avocat
La Société GENERALI VIE anciennement dénommée GENERALI FRANCE ASSURANCES-VIE,
prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège en cette qualité, RCS PARIS B XXX, Représentée et assistée par Maître Jean-François J. du cabinet J., avocat au barreau de PARIS, toque : A0944
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 octobre 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre, et Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère entendue en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre, Monsieur Christian BYK, Conseiller, Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET
ARRÊT : - par défaut - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile - signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, présidente et par Madame Catherine BAJAZET, greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Monsieur X. notaire associé de la SCP LB MB a adhéré, à effet du 1er janvier 1999, au contrat d'assurance groupe de prévoyance collective n° 201.XXX, conclu entre la société GENERALI FRANCE ASSURANCES VIE, aux droits de laquelle vient la société GENERALI VIE et l'association générale de retraite et de prévoyance (AGRP) agissant pour le compte de la Chambre interdépartementale des notaires de PARIS.
Ce contrat prévoit des garanties de base et des garanties complémentaires au titre des risques décès et invalidité absolue et définitive de l'assuré, le versement du capital dans cette dernière hypothèse étant conditionné au fait que l'assuré cède son étude ou ses parts sociales « dans le délai d'un an à compter du certificat d'invalidité professionnelle délivré par le contractant (la chambre des notaires) », l'assuré pouvant cependant prétendre au versement de cette prestation, « si par une attestation du contractant, il est prouvé que le délai n'a pas été respecté pour des raisons indépendantes de la volonté de l'assuré ».
M. X. a été médicalement reconnu en invalidité le 29 mai 2006 et par un courrier en date du 22 juin 2006, il en informait la société GRAS SAVOYE, courtier ayant reçu la gestion du contrat par délégation de l'assureur et il sollicitait le bénéfice de la garantie de l'article 2 B du titre II du contrat d'assurance relatif à la garantie complémentaire invalidité absolue et définitive, puis le 21 septembre 2006, il s'engageait auprès de cet intermédiaire à céder les parts sociales qu'il détenait dans la SCP LB MB, précisant que les conditions de la cession étaient d'ores et déjà définies.
Aux termes d'une promesse synallagmatique de vente sous conditions suspensives reçue par Maître M., notaire en date du 6 février 2008, M. X. cédait ses parts à son successeur, M. P. qui avait avec succès soutenu son mémoire de fin d'études au mois de mai 2007 et qui avait été présenté à la Chambre des notaires de Paris au mois de juillet 2007.
Par un arrêté en date du 9 juillet 2008 publié le 10 juillet 2008, Madame le Garde des Sceaux donnait son agrément au retrait de Maître X. et nommait Maître P. en qualité de notaire.
Maître X. est décédé le 16 mars 2008, laissant pour héritières son épouse Mme Y. et ses trois filles D., A. et L. En septembre 2008, le notaire en charge de sa succession percevait les capitaux décès dus au titre des garanties de base et complémentaires (1.375.451,10 euros), déduction faite des cotisations impayées.
En revanche, la SA GENERALI VIE a opposé un refus à la réclamation des héritières de M. X. portant sur le versement du capital invalidité totale et absolue, rappelant que celui-ci est subordonné à la cession des parts sociales de l'assuré dans le délai d'un an suivant la délivrance du certificat d'invalidité, maintenant cette position, à maintes reprises et en dernier lieu, après la communication de l'attestation de monsieur le vice-président de la chambre interdépartementale des notaires de Paris visant à démontrer que cette circonstance était indépendante de la volonté de l'assuré au motif que le cessionnaire avait rédigé son mémoire du diplôme supérieur du notariat au cours du premier trimestre 2007 pour le soutenir en mai 2007 et que la présentation du projet de cession au Bureau de la Chambre et les premières visites protocolaires étaient intervenues dès le mois de juillet 2007. La SA GENERALI VIE en déduisait, dans son dernier courrier du 2 décembre 2010, le fait pour M. X. d'avoir choisi M. P. comme successeur dépendait bien de sa volonté.
Par acte extra-judiciaire en date du 6 juillet 2011, Mme Y. a engagé une action devant le tribunal de grande instance de Paris et Mmes A. et L. X. sont intervenues volontairement à la procédure. Par jugement en date du 21 novembre 2013, le tribunal les a déboutées de l'intégralité de leur demande et les a condamnées aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 10 janvier 2014, Mme A. et L. X. ont interjeté appel de cette décision. Dans leurs dernières conclusions signifiées, le 20 mars 2015, elles prient la cour, infirmant le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la SA GENERALI VIE de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner la SA GENERALI VIE à leur verser à chacune la somme de 280.017,27 euros correspondant à leur part dans le capital invalidité définitive et absolue avec intérêts au taux légal à compter de leur mise en demeure du 20 octobre 2010, outre une somme égale à 10 % des sommes dues à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et en réparation de l'enrichissement dont elles ont été privées. Enfin, elles demandent à la cour, écartant le caractère alternatif des prestations décès et invalidité, de débouter la SA GENERALI IARD de ses demandes et notamment de sa demande reconventionnelle et de condamner l'intimée au paiement à chacune de la somme de 5000euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 9 avril 2015, la SA GENERALI VIE demande à la cour, confirmant le jugement entrepris, de débouter Mmes A. et L. X. de leurs demandes. A titre subsidiaire, au constat du versement de la prestation complémentaire invalidité absolue et définitive mettant fin à la garantie complémentaire décès, elle sollicite la restitution par les héritières de M. X. tenues solidairement de la prestation complémentaire décès (762.245,10 euros) ou à tout le moins leur part dans cette prestation (190.561,10 euros) avec intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2011 et d'en ordonner la compensation avec sa dette. En toute hypothèse, elle sollicite le rejet de la demande de dommages et intérêts de Mmes A. et L. X. et leur condamnation au paiement d'une indemnité de procédure de 4.000 euros et aux entiers dépens.
La déclaration et les conclusions d'appel ont été signifiées à Mme Y. respectivement par actes des 27 mars et 14 avril 2014, les dernières conclusions de Mmes A. et L. X. lui ayant été dénoncées par acte du 25 mars 2015.
L'ordonnance de clôture est intervenue, le 4 mai 2015.
Par arrêt du 23 juin 2015, la cour a rouvert les débats à l'audience du 26 octobre 2015 afin que les parties présentent leurs observations sur la conformité de la clause de preuve contenue aux articles 2B du titre II (relatif aux garanties obligatoires) et III (relatifs aux garanties complémentaires) de la notice d'information du contrat de prévoyance aux dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation et du point g de l'annexe portant liste indicative des clauses pouvant être regardées comme abusives. La SA GENERALI VIE a conclu le 6 août 2015 et Mmes A. et L. X., le 17 octobre 2015, leurs écritures reprenant les demandes présentées dans leurs précédentes conclusions.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Considérant que rappelant les démarches et diligences de leur auteur avant son décès, mesdames A. et L. X. font valoir que la cession (sous conditions suspensives) de ses parts dans l'étude notariale, en application de l'article 1583 du code civil, est réputée intervenue le 2 janvier 2007, date du courrier de leur père constatant son accord avec le cessionnaire, M P. soit dans l'année de la date de reconnaissance de son invalidité ; qu'elles relèvent qu'au surplus, conformément aux conditions générales de la police d'assurance, elles prouvent par une attestation de la chambre départementale des notaires que le retard apporté à celle-ci est indubitablement consécutif à des raisons indépendantes de la volonté de leur père, contestant la possibilité pour la SA GENERALI VIE de discuter de la valeur probante de cette preuve, la convention des parties sur la preuve, devant si elle mérite interprétation, l'être en leur faveur en application de l'article 1162 du code civil ; qu'en dernier lieu, elles prétendent que les circonstances qui ont empêché leur père de céder ses parts dans le délai contractuel sont indépendantes de sa volonté ; qu'enfin, pour s'opposer à la demande reconventionnelle de l'intimée, elles contestent le caractère alternatif du versement des capitaux (complémentaires) invalidité et décès, qui ne peut se déduire de la mention peu explicite au contrat que le versement du capital invalidité met fin à l'assurance décès ; que sur l'interpellation de la cour, elles soutiennent le caractère abusif de la clause sur la preuve, dès lors qu'elle leur interdit de prouver selon le droit commun, les faits nécessaires au succès de leurs prétentions ;
Que la SA GENERALI VIE rappelle que la cession n'a été régularisée que par une promesse notariée synallagmatique de vente du 6 février 2008, M. P. qui n'était pas encore diplômé ne souhaitant très certainement pas s'engager avant ; qu'elle dénie toute force probante à la lettre de M X. du 2 janvier 2006 qui n'a acquis date certaine qu'à la date de son décès le 16 mars 2008, ajoutant que les appelantes ne peuvent prouver contre ou outre l'acte de leur auteur ; qu'elle soutient que la police contient une convention sur le mode de preuve des circonstances indépendantes de la volonté de l'assuré, sans pour autant créer une présomption qui serait irréfragable ; qu'elle relève la contradiction entre l'allégation d'une cession réputée parfaite au 2 janvier 2007 et l'explication donnée d'une impossibilité de M. P. d'acquérir les parts avant l'obtention de son diplôme et retient que le choix du cessionnaire dépendait de la volonté de M. X. ; qu'elle argue, que pour la première fois devant la cour, les appelantes prétendent que ce choix n'aurait pas été entièrement libre, excipant de la volonté des associés de voir désigner M. P. et relève que cet argument est nouveau et surtout « qu'il ne correspond pas aux motifs énoncés dans l'attestation de sorte qu'il ne devrait même pas être examiné puisque l'assuré doit rapporter la preuve de ses allégations par une attestation de la chambre des notaires » (page 9 § 6 de ses conclusions) ; qu'elle ajoute, en dernier lieu, que M. X. aurait pu proposer ses parts à un associé ou vaincre leur refus d'agrément par des moyens légaux ; qu'à titre subsidiaire, et afin de réduire le montant de la somme due à chacune des appelantes à la différence entre leur part dans l'indemnité d'invalidité et leur part dans le capital décès rappelant le caractère alternatif de ces garanties complémentaires ; qu'elle dénie tout caractère abusif à la clause contractuelle selon elle protectrice des droits des assurés, qui porte sur l'objet du risque et ne limite nullement les moyens de preuve à leur disposition, ceux-ci pouvant établir par tout moyen, devant la chambre départementale des notaires, l'impossibilité dont ils se prévalent ;
Considérant que la notice d'information du contrat de prévoyance collective de la SA GENERALI VIE, prévoit, en cas d'invalidité absolue et définitive de l'assuré, le versement d'un capital tant au titre des garanties obligatoires (ou socle de base) qu'au titre des garanties complémentaires, souscrites les unes et les autres par M. X., les dispositions spécifiques aux garanties complémentaires énonçant « le capital garanti en cas de décès est payable par anticipation à l'assuré lui-même dans les conditions de l'article 2B du présent titre en cas d'invalidité absolue et définitive. La garantie décès prend alors fin » (titre III art 1), l'article 2B précisant également que « le versement du capital invalidité absolue et définitive met fin à l'assurance décès » ;
Que les articles 2B des titres II (relatif aux garanties obligatoires) et III (relatifs aux garanties complémentaires) subordonnent la prestation invalidité absolue et définitive à la cession de l'étude notariale (ou des parts détenues par le notaire assuré) « dans le délai d'un an à compter du certificat d'invalidité professionnelle délivré par le contractant (la chambre des notaires (...) Sauf si par une attestation du contractant il est prouvé que le délai n'a pas été respecté pour des raisons indépendantes de la volonté de l'assuré » ;
Considérant qu'il s'évince, en premier lieu, de ces dispositions contractuelles, que le capital complémentaire dû en cas d'invalidité absolue et définitive n'étant constitué que par le capital décès (complémentaire) versé par anticipation entre les mains de l'assuré, ce qui justifie l'exclusion du cumul auquel prétendent les appelantes ;
Considérant que la convention, en second lieu, subordonne la liquidation de la prestation invalidité à la vente de l'étude notariale (ou des parts de l'assuré dans l'étude dans laquelle il exerce) dans le délai d'un an à compter de la reconnaissance de son état d'invalidité matérialisée par le certificat remis par la chambre des notaires ;
Que les appelantes défaillent dans la preuve de la réalisation de cette condition ; qu'en effet, dans le courrier daté du 2 janvier 2007, dont elles excipent, M. X. écrivait à M. P. « ainsi que ce chiffre a été fixé d'un commun accord et sous l'égide de mes associés, lors de notre séminaire du 16 septembre dernier, je te confirme mon accord pour la cession, à ton profit des parts que je détiens dans la SCP du [...] pour le prix de 557.500 euros, cette cession interviendra aux charges et conditions habituelles et de droit en pareille matière » ; qu'il s'agit tout au plus d'une offre de contracter dont rien ne permet d'affirmer qu'elle a été acceptée par son destinataire avant la date butoir du 28 mai 2007, la promesse synallagmatique de vente n'ayant d'ailleurs été régularisée que par acte notarié du 6 février 2008 et la chambre des notaires n'attestant de démarches du cessionnaire (visite protocolaire et présentation du projet de cession à la chambre) qu'à compter du mois de juillet 2007 ;
Considérant en troisième lieu, que les conditions générales précisent que dans l'hypothèse où cette cession intervient passé ce délai, l'assuré doit prouver que le délai n'a pas été respecté pour des raisons indépendantes de sa volonté ;
Que la clause sur la preuve ne vient nullement conférer une force probante particulière voire irréfragable à l'attestation de la Chambre des notaires ; qu'en d'autres termes, la convention porte sur le mode de preuve recevable et non sur sa pertinence, l'assureur pouvant discuter du caractère indépendant ou non de la volonté de l'assuré des circonstances rapportées dans l'attestation de la Chambre départementale, qui ne constitue qu'un témoignage ;
Qu'en ce qu'elles définissent la preuve recevable, les dispositions des articles 2 B des conditions générales relèvent des articles L. 132-1 du code de la consommation et du point g de l'annexe portant liste indicative des clauses pouvant être regardées comme abusives (applicable en l'espèce, eu égard à la date de la convention), lorsque notamment elles ont pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du consommateur ou du non-professionnel ;
Que la SA GENERALI VIE, dénie la possibilité pour les appelantes de prouver, devant le juge, les raisons justifiant le dépassement du délai de cession autrement que par une attestation de la Chambre des notaires alors que s'agissant d'un fait juridique sa preuve est libre ; que les dispositions contractuelles litigieuses restreignent les moyens de preuve à la disposition de l'assuré (ou de ses ayants droits) consommateur au sens du code de la consommation et vient, dès lors, entraver la démonstration des appelantes ;
Que la SA GENERALI VIE ne peut pas sérieusement prétendre à l'absence de déséquilibre significatif des droits et obligations des parties au contrat au détriment du consommateur, le professionnel se garantissant un avantage significatif, devant le juge, puisque face à ses contestations, son adversaire est irrecevable à établir les éléments, motifs ou raisons retenus par la Chambre départementale pour attester dans un sens favorable à sa thèse ou à apporter des éléments complémentaires ;
Que les dispositions contractuelles litigieuses, en ce qu'elles limitent, les moyens de preuve de l'assuré et de ses ayants droits seront déclarées abusives et privées d'effet, les appelantes pouvant prouver par tout moyens, que le délai n'a pas été respecté pour des raisons indépendantes de la volonté de l'assuré ;
Que ces raisons doivent s'apprécier in concreto et dès lors, il n'est pas nécessaire qu'il soit fait la démonstration d'un obstacle ou de circonstances insurmontables, ce qui rend inopérante l'argumentation de la SA GENERALI VIE quant aux moyens juridiques dont disposait M X. pour vaincre les réticences de ses associés à une cession à un notaire qu'ils ne connaissaient pas voire pour les obliger à acquérir ses parts ;
Que les appelantes ont adressé à l'assureur une première attestation de M. H., président de la Chambre interdépartementale des notaires de Paris en date du 18 février 2010 indiquant que le retrait de Maître X. et la cession de l'intégralité de ses parts à maître P. avaient été sollicités par supplique au Garde des Sceaux, le 26 novembre 2007 et que la cession avait été agréée le 9 juillet 2008 'à la suite du respect des différentes phases d'instruction du dossier (...) Celles-ci étant indépendantes de la volonté du cédant’;
Qu'elles lui ont ensuite adressé une attestation non datée (mais dont le signataire a attesté qu'elle avait été dressée le 13 juillet 2010), aux termes de laquelle Maître X. premier vice-président de la chambre :
« CERTIFIE :
Que la Chambre a pris acte, par courrier en date du 8 juin 2006, de la volonté exprimée par Monsieur X. de démissionner de sa fonction de notaire et de céder ses parts d'associé ;
Que la finalisation des discussions avec le cessionnaire, Monsieur P., s'est concrétisée par un courrier en date du 2 janvier 2007 adressé à son attention par Monsieur X.,
Que la cession des parts à Monsieur P. n'a pu intervenir avant le 28 mai 2007 pour des raisons indépendantes de la volonté de Monsieur X., Monsieur P. ayant rédigé son mémoire du Diplôme Supérieur du Notariat (DSN) au cours du premier trimestre 2007 pour le soutenir en mai 2007,
Que la présentation du projet de cession au Bureau de la Chambre et les premières visites protocolaires sont intervenues dès le mois de juillet 2007 et se sont poursuivies au cours de ce même été,
Que le dossier de retrait de Monsieur X., décédé, et la cession de l'intégralité de ses parts à Maître P. a été sollicitée par supplique au Garde des Sceaux le 26 novembre 2007.
PAR CONSÉQUENT :
La Chambre Interdépartementale des Notaires de Paris atteste que le projet de cession des parts à Maître P. est bien antérieur au 28 mai 2007 et que le fait que cette cession soit intervenue après cette date est indépendant de la volonté de Monsieur X. » ;
Qu'elles produisent également les témoignages des anciens associés de M. X., messieurs B.-M. et B., qui attestent que lors de l'annonce par M. X. de son impossibilité, en raison de sa maladie, d'exercer ses fonctions, ils lui avaient signifié qu'ils n'accepteraient d'agréer pour le remplacer qu'une personne qu'ils connaissaient avec laquelle ils avaient déjà travaillé et qui connaissait les dossiers, soit M P. ; que ces témoignages viennent conforter les allégations des appelantes quant au fait que leur père ne disposait d'aucune latitude quant au choix d'un cessionnaire, celui-ci lui ayant été, de facto, imposé par ses associés, la liberté pour M. X. de négocier avec M P. les conditions de cette cession n'étant nullement contradictoire avec le fait qu'il ne pouvait pas envisager de céder ses parts à une personne tierce ;
Qu'enfin, il n'existe aucune contradiction entre ces attestations et celle délivrée par la Chambre des notaires, qui évoque bien le retard apporté à la cession en raison de la nécessité pour le cessionnaire de déposer son mémoire du Diplôme Supérieur du Notariat et la SA GENERALI VIE ne peut pas tirer argument du contenu des conclusions des appelantes devant le tribunal de grande instance en date du 25 octobre 2012, taisantes sur les circonstances qui ont entouré le choix du cessionnaire, dans la mesure où elles ne soutenaient que l'existence d'une cession définitivement conclue avant le délai butoir et l'impossibilité pour l'assureur de prouver contre l'attestation de la chambre des notaires ;
Qu'il s'évince de ce qui précède, que les appelantes établissent que le choix du cessionnaire des parts sociales de l'étude a été, de facto et dès l'annonce de son invalidité, imposé à leur père, alors que cette personne ne remplissait pas les conditions légales pour accéder à la profession, ce qui soumettait la conclusion de la cession à des délais dont M. X. n'avait pas la maîtrise ; qu'il s'ensuit que le retard apporté à la cession répond aux exigences du contrat, les appelantes pouvant dès lors, réclamer le paiement de l'indemnité due en cas d'invalidité, la décision déférée devant être infirmée ;
Considérant que chacune des appelantes, qui vient à la succession de M. X. pour un quart, peut prétendre au quart des indemnités d'assurance dues (la somme de 357.824 euros au titre de la garantie socle et celle de 762.245,10 euros au titre de la garantie complémentaire), soit à la somme de 280.017,27 euros (à chacune) avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 octobre 2010 ;
Considérant ainsi qu'il est dit ci-dessus, le capital complémentaire dû en cas d'invalidité absolue et définitive n'étant constitué que par le capital décès (complémentaire) versé par anticipation entre les mains de l'assuré, il ne peut se cumuler avec celui-ci contrairement à celui dû au titre des garanties obligatoires ou socle (ainsi qu'il ressort du dernier alinéa de l'article 2b du titre relatif aux dites garanties) ;
Que dans la mesure où les appelantes ont obtenu le règlement du capital (complémentaire) invalidité, le règlement du capital décès (complémentaire) est pour la part qui leur revient à chacune dans l'indivision successorale (soit 762.245,10 euros/4) indu ; qu'en revanche, l'assureur ne peut ni réclamer aux appelantes, le remboursement intégral du dit capital, faute de solidarité entre cohéritiers et ni solliciter la condamnation de Mmes Y. et D. X (la seconde n'étant, au surplus, pas partie à l'instance), pour la seconde moitié du capital complémentaire décès, faute d'indu sur cette part, en l'absence de condamnation à leur profit au titre du capital invalidité ;
Que chacune des appelantes sera condamnée à payer à la SA GENERALI VIE la somme de 190.245,10 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2013, date de la première demande de remboursement connue de la cour ;
Qu'enfin, la compensation sollicitée sera ordonnée ;
Considérant que les appelantes, arguant uniquement de l'intérêt pour la SA GENERALI VIE de conserver par-devers elle, les sommes devant leur revenir, sollicitent l'allocation de dommages et intérêts pour résistance abusive ; que faute de caractériser le préjudice dont elles demandes réparation, elles seront déboutées de ce chef de demande ;
Considérant que la SA GENERALI VIE partie perdante sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et en équité devra rembourser les frais irrépétibles des appelantes dans la limite de 2500euros à chacune ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant en dernier ressort, par arrêt rendu par défaut et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,
Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 21 novembre 2013 ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Déclare abusives et en conséquence de nul effet, les dispositions des articles 2B du titre II (relatif aux garanties obligatoires) et III (relatifs aux garanties complémentaires) en ce qu'elles imposent à l'assuré un mode de preuve (une attestation du cocontractant) ;
Condamne la SA GENERALI VIE à payer à Mme A. X. et à Mme L. X. la somme de 280.017,27 euros, chacune avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 octobre 2010 ;
Condamne Mme A. X. à payer à la SA GENERALI VIE la somme de 190.245,10 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2013 ;
Condamne Mme L. X. à payer à la SA GENERALI VIE la somme de 190.245,10 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2013 ;
Ordonne la compensation des créances réciproques des parties jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives ;
Condamne la SA GENERALI VIE à payer à Mmes A. et L. X. la somme de 2.500 euros, chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
- 5740 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Changement des règles applicables
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