CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 21 mars 2002
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 574
CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 21 mars 2002 : RG n° 00/02692 ; arrêt n° 193
Publication : Juridice n° 00/2692 ; Juris-Data n° 219711
Extrait : « Attendu qu'il résulte des pièces du dossier que le commerce exercé par Madame X. est un petit commerce de village destiné à satisfaire les besoins fondamentaux d'une population rurale ; que la location de cassettes vidéo, par la création d'un « point vidéo-club » est totalement étrangère à la destination d'un tel commerce ; que dès lors, loin de constituer le prolongement de l'activité commerciale de Madame X. ou même d'en assurer une complémentarité, le contrat litigieux avait pour objet la création parallèle d'une activité entièrement distincte de celle exercée dans le cadre de l'exploitation commerciale de la contractante ; que dès lors, n'entrant pas dans le champ d'application de l'exclusion prévue à l'article L. 121-22 du code de la consommation il est soumis aux prescriptions de ses articles L. 121-23 à L. 121-28 ».
COUR D’APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 21 MARS 2002
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
APPELANTE :
Madame X.,
représentée par Maître Jean TESNIERE, avoué, assistée de Maître LOYGUE, avocat au barreau de CAEN substituant Maître Laurent POIRIER, avocat au barreau de TOURS (bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro […] du […] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [ville])
INTIMÉE :
Société MDM MULTIMEDIA
[adresse] prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LECONTE, avoué, assistée de Maître Gervais MARIE DOUTRESSOULLE, avocat au barreau de CAEN.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur MARON, Président, rédacteur, Monsieur LE HENAFF, Conseiller, Monsieur FABRE, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 14 février 2002
GREFFIER : Mme VERA
ARRÊT prononcé par Monsieur MARON, Président, à l'audience publique du 21 mars 2002
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte du 19 avril 2000, la SARL MDM MULTIMEDIA a assigné Madame X. en paiement de la somme principale de 18.090,00 Francs représentant le solde d'une facture impayée, avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2000 date du protêt, ainsi que des sommes de 10.000 Francs de dommages et intérêt pour résistance abusive et 8.000,00 Francs par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La SARL MDM MULTIMEDIA faisait valoir à l'appui de sa demande, que le 25 novembre 1999 Madame X. avait souscrit auprès d'elle un contrat intitulé « accord de création d'un point club multimédia » portant sur la location de cent cassettes vidéo pour une durée de six mois renouvelable payable par chèque de 3.618,00 Francs à la commande, par chèque du même montant à la livraison, le solde en cinq échéances par lettre de change d'un montant respectif de 3.618,00 Francs du 10 février 2000 au 10 juin 2000.
Madame X. n'ayant pas honoré les lettres de change et ayant refusé la livraison, la société MDM MULTIMEDIA faisait valoir qu'elle se trouvait fondée à invoquer la déchéance du terme contenue dans les conditions générales de vente pour solliciter le paiement du solde de la facture d'autant qu'elle justifiait avoir exécuté son obligation.
Madame X. concluait au rejet de l'ensemble des demandes formées à son encontre et demandait la condamnation de la société MDM MULTIMEDIA à lui rembourser la somme de 7.236 Francs correspondant au montant des chèques encaissés au moment de la conclusion du contrat et de la livraison des marchandises.
Elle sollicitait en outre la condamnation de la société MDM MULTIMEDIA au paiement de la somme de 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts en raison des préjudices subis ainsi qu'au paiement de la somme de 8.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle faisait valoir en effet que d'une part que la convention se trouvait entachée de nullité pour être en infraction à la législation sur le démarchage à domicile, que par ailleurs la convention doit être annulée pour dol en raison des manœuvres utilisées par la société MDM MULTIMEDIA pour emporter son consentement puisque celle-ci avait fait état d'un accord avec Monsieur X. et s'était par ailleurs abstenue de délivrer une information suffisante pour permettre d'apprécier les intérêts économiques de l'accord qui lui était soumis.
Par le jugement déféré, en date du 21 juillet 2000, le tribunal de commerce de HONFLEUR a condamné Madame X. à payer à MDM MULTIMEDIA la somme de 18.090 Francs avec intérêt au taux légal à compter du 19 avril 2000.
Vu les conclusions des parties en date des : 14 décembre 2001 pour Madame X. et 10 janvier 2002 pour MDM MULTIMEDIA.
* * *
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier que le commerce exercé par Madame X. est un petit commerce de village destiné à satisfaire les besoins fondamentaux d'une population rurale ; que la location de cassettes vidéo, par la création d'un « point vidéo-club » est totalement étrangère à la destination d'un tel commerce ; que dès lors, loin de constituer le prolongement de l'activité commerciale de Madame X. ou même d'en assurer une complémentarité, le contrat litigieux avait pour objet la création parallèle d'une activité entièrement distincte de celle exercée dans le cadre de l'exploitation commerciale de la contractante ; que dès lors, n'entrant pas dans le champ d'application de l'exclusion prévue à l'article L. 121-22 du code de la consommation il est soumis aux prescriptions de ses articles L. 121-23 à L. 121-28 ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que ces textes n'ont pas été respectés par MDM MULTIMEDIA ; qu'au demeurant et surabondamment, le jour même de la signature du contrat, Madame X. a manifesté la volonté de se rétracter ;
Attendu en conséquence que le contrat litigieux est nul, par application de l'article L. 121-23 du code de la consommation et que le jugement déféré doit être infirmé
Attendu, sur la demande reconventionnelle de Madame X., que les documents versés par elle aux débats, pour l'un contemporain de la signature du contrat litigieux (pièce 12), pour l'autre actualisant la situation financière du commerce de celle-ci, justifient de la précarité de celui-ci et du fait que la menace d'exécution de la convention nulle du 25 novembre 1999 faisait peser un risque majeur de cessation des paiements ;
Attendu qu'il résulte de cet élément que Madame X. a subi, du fait de la demande de MDM, un préjudice moral important, justement évalué par elle à 10.000 Francs ;
Attendu que l'équité conduit à condamnation de MDM à payer à Madame X. la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que l'article L. 121-28 du code de la consommation emporte dispositions pénales pour toute infraction aux dispositions des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 du même code ; qu'il y a lieu d'ordonner, à toutes fins, l'envoi d'une copie de la présente décision au procureur de la République près le tribunal de grande instance de LISIEUX ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
- Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,
- Déboute MDM MULTIMEDIA de sa demande,
- La condamne à payer à Madame X. la somme de 1.524,49 € de dommages intérêts et celle de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- Ordonne, à la diligence du greffe, l'envoi d'une copie du présent arrêt au procureur de la République près le tribunal de grande instance de LISIEUX,
- Condamne MDM MULTIMEDIA aux dépens qui seront recouvrés selon la loi sur l'aide juridictionnelle.
- Mention rectificative page 6 : Par arrêt en date du 31 octobre 2002, la Cour complète le dispositif de l'arrêt (n° RG 00/02692) rendu le 21 mars 2002 comme suit : condamne MDM MULTIMEDIA à restituer à Christine MAILLOCHON la somme de 1.103,12 €.
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
- 5870 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité globale ou spécifique
- 5895 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Objet du contrat - Contrat n’ayant d’utilité que dans un cadre professionnel
- 5899 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Développement de l’activité
- 5900 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Amélioration des résultats financiers
- 5913 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Adjonction d’une activité supplémentaire : principes
- 5917 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Adjonction d’une activité supplémentaire : création de « points-vidéos »
- 7289 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Absence de cause (droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016)