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6135 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Transmission du contrat - Succession

Nature : Synthèse
Titre : 6135 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Transmission du contrat - Succession
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6135 (9 septembre 2022)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - PRÉSENTATION PAR CLAUSE

TRANSMISSION DU CONTRAT ET CHANGEMENT DE CONTRACTANT - TRANSMISSION SUCCESSORALE

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2022)

 

Présentation. En droit commun, le décès du contractant entraîne la transmission active et passive du contrat aux héritiers du défunt qui ont accepté la succession : ces derniers peuvent donc exiger du professionnel l’exécution de la convention et, inversement, le professionnel peut réclamer le prix aux héritiers (sur la possibilité pour les héritiers d’invoquer la protection contre les clauses abusives, V. Cerclab n° 5853).

Cette règle souffre toutefois de diverses exceptions. La transmission peut être écartée par la loi ou en raison du caractère personnel (« intuitu personae ») du contrat. Elle peut aussi être écartée par le contrat lui-même. Pour les contrats conclus entre professionnel et consommateur, ces stipulations peuvent être examinées sous l’angle de l’art. L. 212-1 C. consom. [132-1 ancien].

Transmission légale : droit des héritiers. Le contrat de fourniture de propane, qui n’est pas attaché à la personne du client, est transmis passivement aux héritiers du client décédé ; ne sont pas critiquables les dispositions qui se bornent à rappeler la transmissibilité passive de cette convention. CA Grenoble (1re ch. civ.), 12 janvier 2016 : RG n° 13/02909 ; Cerclab n° 5478 (fourniture de gaz propane), confirmant TGI Grenoble, 6 mai 2013 : RG n° 11/00541 ; Dnd, pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 6 septembre 2017 : pourvoi n° 16-13242 ; arrêt n° 931 ; Cerclab n° 3606 (clause non discutée).

Est abusive la clause qui permet à la banque de refuser toute information, en l'absence de blocage d’un compte-joint après le décès d’un de ses titulaires, aux héritiers de ce dernier, en créant un déséquilibre au détriment des consommateurs, dès lors qu'il peut être de l'intérêt des héritiers, dans leur rapport avec le cotitulaire survivant, d'avoir des informations sur le fonctionnement de ce compte pour éventuellement contester les opérations faites sur des fonds qui étaient communs avec leur auteur. TGI Lyon (4e ch.), 3 janvier 2005 : RG n° 03/14001 ; Cerclab n° 3068 (suppression partielle dans la clause de la phrase : « en l'absence de blocage, le (s)titulaire (s) survivant (s) dispose (nt) librement des avoirs disposés sur le compte sans que nous soyons tenus de rendre compte de ces opérations à la succession »), sur appel CA Lyon (1re ch. civ.), 11 mai 2006 : RG n° 05/00699 ; Cerclab n° 2934 (rejet de l’appel incident qui n’était fondé que sur la prétendue irrecevabilité de la demande). § Dans le même sens, sous l’angle d’une réserve à la validité de la clause de continuation : n'est pas abusive la clause qui dispose qu'en cas de décès et, sauf blocage par les ayants-droit ou le notaire, le compte-joint continue de fonctionner, mais au profit du seul cotitulaire survivant, qui peut seul faire fonctionner le compte et le clôturer, ainsi qu'obtenir des informations relatives aux opérations effectuées par lui postérieurement audit décès, dès lors qu’elle ne fait pas obstacle à la communication d'informations sur le fonctionnement du compte antérieurement au décès ; le secret bancaire s'oppose seulement à ce que les héritiers du défunt aient accès aux opérations postérieures qui ne concernent que le seul cotitulaire survivant du compte-joint, lequel n'est pas clôturé au décès du premier cotitulaire. TGI Paris (9e ch. 2e sect.), 13 septembre 2006 : RG n° 05/1493 ; Cerclab n° 3184 (selon l’association, rien ne peut justifier que la banque refuse de fournir aux héritiers des informations sur le fonctionnement d'un compte afin qu'ils connaissent les opérations faites sur le compte pour éventuellement les contester ; clause plus critiquée en appel).

Pour des clauses trop générales : Recomm. n° 17-02/32° : Cerclab n° 7456 (plate-forme de téléchargement, notamment de VOD ; caractère abusif, en raison de leur généralité, des clauses ayant pour objet ou pour effet d’obliger le non-professionnel ou le consommateur à obtenir le consentement préalable du professionnel pour la cession de son compte, sans réserver les cas de transferts s’opérant par effet de la loi).

Absence de transmission légale : clauses laissant croire le contraire. La Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de laisser croire que l’acquéreur des locaux télésurveillés est tenu de plein droit de poursuivre l’exécution du contrat aux lieu et place de son vendeur ou de rendre ce dernier garant de cette reprise d’engagement. Recomm. n° 97-01/B-6 : Cerclab n° 2166 (considérant n° 10 ; stipulations tendant à faire croire à l’acquéreur qu’il est tenu en vertu d’un contrat qu’il n’a pas conclu).

La Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de prévoir une exclusion de la garantie en cas de revente. Recomm. n° 94-05/2°-B : Cerclab n° 2210 (contrats séparés de garantie de véhicule d’occasion).

Résiliation par le professionnel en cas de décès du consommateur. Le décès du contractant a des conséquences variables sur les contrats : dans certains cas le contrat prend fin (soit parce qu’il avait été conclu en considération de la personne, V. ci-dessus, soit parce qu’il ne peut plus être exécuté), dans d’autres le contrat est transmis aux héritiers. Les hypothèses sont donc variées et même le législateur est parfois hésitant, comme dans l’illustre le cas du bail où le principe posé par l’art. 1742 C. civ. (« le contrat de louage n'est point résolu par la mort du bailleur ni par celle du preneur »), est écarté par l’art. 14 de la loi du 6 juillet 1989 (le texte dispose que « lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré » à différentes personnes énumérées par l’article, avant de conclure in fine qu’« à défaut de personnes remplissant les conditions prévues au présent article, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire »).

Les solutions applicables au regard du droit des clauses abusives en sont d’autant plus complexes et il est douteux qu’il soit possible de dégager un principe unique et général. Ainsi, même pour un contrat apparemment impossible à continuer comme un abonnement téléphonique ou internet, une rupture immédiate peut compliquer inutilement la tâche des héritiers souhaitant avertir tous les contacts de l’événément (inversement, le respect d’une certaine confidentialité peut s’avérer souhaitable, voire nécessaire). Par ailleurs, dans certains cas, l’achèvement du contrat peut s’avérer nécessaire pour éviter un investissement à perte, comme dans le cas d’un contrat de construction. Une clause autorisant le professionnel à prétendre que le contrat est résilié pourrait être utilisée, de mauvaise foi, pour revoir les conditions financières de l’accord. Inversement, il est compréhensible que le professionnel puisse s’inquiéter de la volonté des héritiers de continuer le contrat et de leur capacité financière à le poursuivre, et qu’il ne souhaite pas attendre les aléas d’un long règlement successoral. L’argument est parfois évoqué pour les contrats de crédit : lorsqu’un assureur prend en charge le paiement des échéances ou du solde, le professionnel ne devrait pas être en droit d’exiger la résiliation du contrat. Il faut d’ailleurs rappeler que la résiliation entraîne en la matière une exigibilité immédiate de sommes importantes, qui peut être excessive pour les héritiers alors que la continuation du règlement des échéances serait parfaitement supportable, d’autant plus que les délais de règlement de l’ensemble des sommes à rembourser sont difficilement compatibles avec le déroulement pratique d’une succession. § N.B. Une clause acceptable pourrait peut-être stipuler soit un certain délai pour que les héritiers se déterminent, soit la continuation en contrepartie de l’octroi d’une garantie.

* Commission des clauses abusives. La Commission des clauses abusives a généralement condamné les clauses offrant un droit de résiliation en cas de décès. V. en ce sens pour des baux : Recomm. n° 86-01/B-7 : Cerclab n° 2178 (location avec promesse de vente ; recommandation de l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de prévoir la résolution du contrat en se fondant sur le décès du locataire ; clause privant les héritiers d’un élément du patrimoine du défunt) - Recomm. n° 91-04/II-6° : Cerclab n° 2185 (location de meubles ; recommandation de l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de reconnaître, directement ou indirectement, au professionnel un droit de résiliation en cas de décès du locataire ; considérant n° 18 : le décès du locataire ne peut être assimilé à une rupture du contrat de son fait). § V. pour un contrat de télésurveillance : la Commission recommande, lorsque la télésurveillance est liée à la conclusion avec un autre professionnel d’un contrat de location portant sur le matériel, l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de mettre automatiquement fin au contrat de bail en cas de décès du locataire. Recomm. n° 97-01/B-24-h : Cerclab n° 2166 (considérant n° 36 ; clauses abusives en ce qu’elles peuvent s’appliquer à l’insu des héritiers qui, en leur qualité de successeurs aux droits et obligations de leur auteur, sont légitimement fondés à croire à la poursuite de ce contrat et donc à celle de la prestation de télésurveillance).

* Juges du fond : clauses abusives. Créent un déséquilibre significatif entre bailleur et locataire, justifiant qu'elles aient été déclarées abusives et non écrites par le premier juge, les clauses qui imposent la poursuite du contrat en cas de décès du locataire. CA Aix-en-Provence (ch. 1-8), 8 juin 2022 : RG n° 20/11095 ; arrêt n° 2022/287 ; Cerclab n° 9650 (location longue durée d’une centrale d’alarme par un tatoueur ; arrêt visant les art. 1171 C. civ. et L. 212-1 C. consom.), confirmant T. proxim. Antibes, 17 septembre 2020 : RG n° 11-19-0833 ; Dnd.

* Juges du fond : principe de la résiliation. Aux termes de l’art. 22.2.1 de la norme AFNOR NFP 03-001, « le marché est résilié de plein droit, sans accomplissement d’aucune formalité judiciaire, dans les cas suivants (...) Décès du maître d’ouvrage sauf à l’entrepreneur d’accepter, s’il y a lieu, les offres qui peuvent être faites par les héritiers pour la continuation des travaux » ; cette norme a force obligatoire entre les parties dès lors qu’elle est spécialement visée dans le cahier des clauses administratives générales comme devant régir le marché à forfait et, par sa nature de norme, elle échappe au domaine d’application des dispositions de l’art. L. 132-1 C. consom. relatives aux clauses abusives. » CA Versailles (14e ch.), 13 novembre 2013 : RG n° 12/08848 ; Cerclab n° 4578 ; Juris-Data n° 2013-026127, sur appel de TGI Nanterre (réf.), 27 novembre 2012 : RG n° 12/02254 ; Dnd. § N.B. Sur le contrôle des normes AFNOR ou des clauses les reprenant, V. Cerclab n° 5845.

Sur les clauses de résiliation ou de déchéance dans les contrats de crédit, en cas de décès de l’emprunteur, V. Cerclab n° 6623.

* Juges du fond : régime de la résiliation. Est abusive la clause stipulant en cas de décès de l’abonné, que la résiliation prendra effet le jour de la réception de l’acte de décès par le fournisseur ou à la fin du mois de cette réception en cas d’utilisation prolongée des services au-delà du décès, dès lors que les relations contractuelles prennent fin au décès de l’abonné et que l’opérateur dispose d’une action extra-contractuelle contre les proches du défunt qui auraient utilisé les services après le décès. TGI Paris (4e ch. 1re sect.), 15 septembre 2009 : RG n° 07/12483 ; jugt n° 2 ; Cerclab n° 3185 (accès internet).

Le fournisseur est en droit de réclamer à ses clients des frais de résiliation anticipée, dès lors que cette résiliation la prive des ressources escomptées en vertu de la durée convenue du contrat, et ce, indépendamment de toute faute du client ; absence de caractère abusif de la clause prévoyant le paiement de frais de résiliation en cas de décès du titulaire du contrat ou de non-exécution du contrat pendant plus d’un an. CA Versailles (3e ch.), 20 mai 2005 : RG n° 03/07266 ; arrêt n° 265 ; site CCA ; Cerclab n° 3945 (fourniture de gaz ; frais correspondant, selon le professionnel, à la part non amortie au jour de la résiliation, des frais de transport, d’installation et d’enlèvement du réservoir), infirmant TGI Nanterre (6e ch.), 2 septembre 2003 : RG n° 01/14479 ; Cerclab n° 3946 (clause abusive ; jugement donnant acte d’une modification que le professionnel ne reconnaissait pas…).

Clauses de solidarité et d’indivisibilité à l’égard des héritiers. N'est ni illicite, ni abusive, au regard de l’ancien art. 1221-5° C. civ., la clause selon laquelle « la créance du préteur est indivisible, y compris à l'égard de tout héritier du débiteur ». TI Grenoble, 20 juin 2013 : RG n° 11-12-001808 ; Cerclab n° 7055.

En sens contraire : jugé qu’est illicite la clause instituant une solidarité entre héritiers, en ce qu’elle est contraire à l’ancien art. 1220 C. civ. TGI Grenoble (4e ch.), 4 novembre 2013 : RG n° 11/02833 ; site CCA ; Cerclab n° 7031 (bail d’habitation proposé par un agent immobilier ; N.B. le jugement adopte la même solution, de façon plus justifiée, pour le fait que la clause de solidarité est également étendue aux « représentants », notion pour le moins difficile à appréhender en ce qu'un mandataire n'est a priori pas tenu des engagements contractés par son mandant).

Date de la résiliation. Absence de caractère abusif de la clause reportant la résiliation du contrat en cas de décès de l’abonné un mois après réception du certificat de décès ou du justificatif adressé par Lrar, dès lors qu’un délai est nécessaire au prestataire pour récupérer son matériel et qu’il est tributaire de l'entourage de l'abonné, alors que, pendant ce délai, il ne peut disposer du matériel. CA Grenoble (1re ch. civ.), 30 janvier 2018 : RG n° 15/02814 ; Cerclab n° 7420 (téléassistance ; rejet de l’argument selon lequel la clause accorderait au prestataire un paiement sans contrepartie), infirmant TGI Grenoble (4e ch.), 27 avril 2015 : RG n° 12/04079 ; site CCA ; Cerclab n° 6998 (est abusive la clause qui reporte les effets de la résiliation consécutive à un décès ou un cas de force majeure un mois après réception du certificat de décès ou du justificatif, alors que cette résiliation ne découle pas d’une faute du consommateur).

En sens contraire, pour la Commission des clauses abusives : Recom. n° 12-01/I-A-6° : Boccrf 18 mai 2012 ; Cerclab n° 4998 (contrats de services à la personne ; considérant n° 6 ; clauses abusives ayant pour objet ou pour effet de facturer des prestations non réalisées relatives à une période postérieure au décès du consommateur).