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6398 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (6) - Responsabilité du locataire

Nature : Synthèse
Titre : 6398 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (6) - Responsabilité du locataire
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6398 (10 juillet 2020)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - PRÉSENTATION PAR CONTRAT

LOCATION D’IMMEUBLES (BAIL IMMOBILIER) - BAIL D’HABITATION (6)

RESPONSABILITÉ DU LOCATAIRE

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

A. ILLUSTRATIONS DE MANQUEMENTS DU LOCATAIRE

Obligation du locataire d’informer le bailleur d’une dégradation. Est abusive la clause qui oblige le locataire à informer le bailleur de tout sinistre ou dégradation dans les lieux loués, « sous peine d'être personnellement tenu de rembourser au bailleur le montant du préjudice direct ou indirect résultant pour celui-ci de ce sinistre et d'être notamment responsable vis-à-vis de lui du défaut de déclaration en temps utile dudit sinistre », en ce qu’elle ne prévoit aucun motif légitime pouvant être opposé par le preneur, pour ne pas avoir informé le bailleur. TGI Grenoble (4e ch.), 4 novembre 2013 : RG n° 11/02833 ; site CCA ; Cerclab n° 7031 (bail d’habitation proposé par un agent immobilier). § N.B. La consécration d’une telle obligation d’information n’est pas contestable dans son principe et elle relève de l’obligation d’exécuter de bonne foi le contrat ; en revanche, le locataire ne peut être responsable que du préjudice résultant de la tardiveté de sa déclaration (sinon la clause transfère au locataire les conséquences d’un manquement ou d’un risque incombant au bailleur), et à condition que celle-ci soit fautive (impossible de reprocher un retard de signalement à un locataire qui était absent), ce qui n’est pas exactement la solution adoptée par le jugement.

Dégradations. * Code civil. Dans les contrats soumis aux seules dispositions du code civil, la Commission des clauses abusives recommande l'élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet d'empêcher le locataire de s'exonérer de sa responsabilité en raison des dégradations survenues pendant sa jouissance des lieux, dans les hypothèses où il n'a pas commis de faute. Recomm. n° 00-01/B-I-9° : Cerclab n° 2194 (considérant n° 9 ; solution découlant de l'art. 1732 C. civ., alors que certaines clauses imputent au locataire toute dégradation sauf celles résultant de la vétusté et de la force majeure).

* Baux réglementés. En vertu de l'art. 4, q) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (créé par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, art. 84), est réputée non écrite toute clause qui prévoit que le locataire est automatiquement responsable des dégradations constatées dans le logement. § La Commission des clauses abusives rappelle qu’est illicite au regard de l’art. 7 c) de la loi du 6 juillet 1989, d'ordre public, la clause prévoyant que le locataire doit répondre « des dégradations et pertes qui surviennent au cours de son occupation dans les lieux loués, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu par cas de force majeure. ». Recomm. n° 00-01/Annexe 11° : Cerclab n° 2194.

* Parties communes. En vertu de l'art. 4, e) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, est réputée non écrite toute clause qui prévoit la responsabilité collective des locataires en cas de dégradation d'un élément commun de la chose louée. § La Commission des clauses abusives rappelle qu’est illicite au regard de l’art. 4, e) de la loi du 6 juillet 1989, d'ordre public, la clause prévoyant que les frais de dégorgement et de réparation de canalisations d'évacuations ou vide-ordures obstrués ou détériorés seront à la charge de l'ensemble des locataires lorsque l'auteur restera inconnu. Recomm. n° 00-01/Annexe 22° : Cerclab n° 2194.

Dans le même sens : est illicite la clause qui institue une responsabilité de plein droit du locataire pour les dégradations des parties communes, alors que sa responsabilité ne peut être recherchée par le syndicat des copropriétaires que sur le fondement des art. 1382, 1383 ou 1384 C. civ. TGI Grenoble (4e ch.), 4 novembre 2013 : RG n° 11/02833 ; site CCA ; Cerclab n° 7031 (bail d’habitation proposé par un agent immobilier ; première version de la clause rendant applicable les art. 1733 et 1734 C. civ.).

V. cependant : le fait que l'art. 7 § c) de la loi du 6 juillet 1989 prévoie le principe d'une obligation pour le locataire de répondre des dégradations dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, n'exclut nullement, en application des règles générales de la responsabilité civile, une obligation éventuelle du locataire de réparer les dégradations des parties communes susceptibles d'être commises par lui ou par toute personne dont il répond et notamment, les dégradations pouvant être commises à la faveur d'un déménagement. CA Dijon (1re ch. civ.), 16 avril 2013 : RG n° 12/00590 ; Cerclab n° 4559 (clause légale, non visée par l’art. 4 de la loi du 6 juillet 1989), sur renvoi de Cass. civ. 3e, 29 septembre 2010 : pourvoi n° 09-10044 ; Cerclab n° 4583, cassant pour des raisons procédurales CA Reims, 20 février 2008 : RG n° 05/02692 ; Cerclab n° 1170, sur appel de TI Troyes, 8 janvier 2004 : RG n° 11-03-000967.

B. SANCTIONS DES MANQUEMENTS DU LOCATAIRE

Amendes. En vertu de l'art. 4, i) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, inchangé sur ce point depuis la rédaction initiale, est réputée non écrite toute clause qui autorise le bailleur à percevoir des amendes en cas d'infraction aux clauses d'un contrat de location ou d'un règlement intérieur à l'immeuble.

Clauses pénales : régime résultant de la loi du 24 mars 2014. La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 a modifié l’art. 4, i) précité pour ajouter à la prohibition des amendes celles des pénalités. Ce changement est particulièrement important puisqu’il implique désormais la prohibition des clauses pénales qui avaient été admises par plusieurs des décisions recensées.

* Application de la loi dans le temps. L'article 4-i) de la loi du 6 juillet 1989, qui répute non écrite une stipulation de pénalité, résulte de l'entrée en vigueur de la loi du n° 2014-366 du 24 mars 2014 et ne trouve pas à s'appliquer à un contrat souscrit antérieurement, l'article 1er-I-7 de la loi emportant cette modification ne faisant pas partie des dispositions immédiatement applicable prévue par les dispositions transitoires définies à l'article 14 de la même loi. CA Rouen (ch. proxim.), 4 mai 2017 : RG n° 16/01198 ; Cerclab n° 7111 ; Juris-Data n° 2017-012091, sur appel de TI Évreux, 22 février 2016 : Dnd.

En sens contraire : application immédiate implicite de l'article 4-i) de la loi du 6 juillet 1989, modifié par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, réputant non écrite toute clause qui autorise le bailleur à percevoir des amendes ou des pénalités en cas d'infraction aux clauses d'un contrat de location ou d'un règlement intérieur à l'immeuble, aux sommes demandées en vertu d’une clause pénale en cas de retard de paiement postérieur à l’entrée en vigueur de la loi, même si le contrat a été conclu antérieurement. TGI Paris (ch. 1/7), 27 janvier 2016 : RG n° 15/00835 ; Site CCA ; Cerclab n° 7028 (action de groupe dans le cadre de baux de logements sociaux ; N.B. le jugement estime les violations non établies lorsque le bailleur a restitué les sommes prélevées, compte tenu des contraintes de délai nécessaires pour modifier ses programmes comptables et informatiques afin de les rendre conformes à la nouvelle législation), infirmé par CA Paris (pôle 4 ch. 3), 9 novembre 2017 : RG n° 16/05321 ; Cerclab n° 7134 (action irrecevable, l’action de groupe étant selon l’arrêt inapplicable aux baux d’habitation régis par la loi du 6 juillet 1989).

Clauses pénales : régime antérieur à la loi du 24 mars 2014. Dans sa rédaction antérieure à la loi du 24 mars 2014, l'article 4-i) de la loi du 6 juillet 1989 ne prévoyait ni n'interdisait la possibilité de percevoir une pénalité, notamment en cas de retard de paiement. La situation des baux réglementés était donc sur ce point identique à celle des baux non réglementés.

* Commission des clauses abusives. La Commission des clauses abusives était plutôt hostile à ces stipulations : dans tous les contrats de location, la Commission recommande l'élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de déterminer le montant de l'indemnité due par le locataire qui n'exécute pas ses obligations sans prévoir une indemnité du même ordre à la charge du bailleur qui n'exécute pas les siennes. Recomm. n° 00-01/B-III-32° : Cerclab n° 2194 (considérant n° 32 ; référence explicite à « l'absence de réciprocité »). § La Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet d'empêcher le jeu normal de l'art. 1152 du code civil sur la révision des clauses pénales. Recomm. n° 80-04/II-13° : Cerclab n° 2147.

* Juges du fond. Cette position ne faisait pas l’unanimité chez les juges du fond. Pour des décisions rejoignant la Commission : caractère abusif d'une clause pénale de trois mois de loyers, pour un contrat d'un an, en cas de départ anticipé du preneur ou de rupture de son fait, outre la perte de la « caution ». TGI Chambéry (1re ch.), 4 février 1997 : RG n° 95/01426 ; jugt n° 99/97 ; Cerclab n° 536 (contrat de location en meublé pour étudiants ; absence de réciprocité, montant excessif, faculté de réduction de l'ancien art. 1152 [212-1] C. civ. non mentionnée dans le contrat). § Même avant la loi du 24 mars 2014, la clause stipulant une prénalité de retard devait être réputée non écrite, suivant la recommandation 00-01 de la Commission des clauses abusives. CA Rouen (ch. proxim.), 4 mai 2017 : RG n° 16/01198 ; Cerclab n° 7111 ; Juris-Data n° 2017-012091 (recommandation fondée sur l’absence de réciprocité), sur appel de TI Évreux, 22 février 2016 : Dnd. § Confirmation du jugement estimant abusive et non écrite la clause pénale stipulée au bail. CA Douai (8e ch. sect. 4), 3 octobre 2019 : RG n° 18/03149 ; arrêt n° 19/1012 ; Cerclab n° 8194 (N.B. la version consultée ne permet pas de déterminer la teneur exacte de la clause et notamment le manquement visé ; par ailleurs, la clause semble bien éliminée sur le fondement de l’ancien art. L. 132-1 et non sur celui de l’art. 4 de la loi du 6 juillet 1989, seul l’art. 24 de ce texte étant visé). § Comp. en appel après modification de la clause : est valable la clause imposant au preneur le paiement d'une indemnité égale aux loyers restant à courir en cas de départ avant l'expiration du bail. CA Chambéry (ch. civ.), 19 janvier 2000 : RG n° 97-00472 ; arrêt n° 182 ; Site CCA ; Cerclab n° 583. § Sur les clauses pénales sanctionnant le retard dans le paiement des loyers, V. aussi Cerclab n° 6395.

En sens contraire : n’est pas abusive, antérieurement à la loi Alur du 24 mars 2014, la clause pénale qui stipule que « le retard dans le paiement d'une partie ou de la totalité du loyer, du supplément de loyer de solidarité et des dépenses récupérables donne lieu au versement par le locataire d'une somme égale à 2 % du montant impayé ». TGI Paris (ch. 1/7), 27 janvier 2016 : RG n° 15/00835 ; Site CCA ; Cerclab n° 7028 (action de groupe dans le cadre de baux de logements sociaux ; arguments : 1/ les recommandations n’ont pas de valeur normative ; 2/ le montant était de 1 à 6 euros selon les cas ; 3/ si la clause ne comportait pas d’information sur la nécessité d’une mise en demeure permettant de régulariser, le bailleur respectait l’ancien art. 1230 C. civ. en envoyant une lettre de relance informant le locataire de la mise en œuvre de la pénalité au « prochain avis d'échéance », sauf régularisation de la situation ; 4/ la clause pénale n'est pas dépourvue de contrepartie pour le locataire, dans la mesure où le paiement du loyer, dont le montant est strictement encadré pour les logements conventionnés, intervient à terme échu, le bailleur accordant ainsi au locataire l'avantage d'occuper le logement sans avoir à payer d'avance le loyer, outre la possibilité pour celui-ci de bénéficier d'un droit au maintien dans les lieux, à l'expiration de son contrat, aux clauses et conditions du contrat primitif), infirmé par CA Paris (pôle 4 ch. 3), 9 novembre 2017 : RG n° 16/05321 ; Cerclab n° 7134 (action irrecevable, l’action de groupe étant selon l’arrêt inapplicable aux baux d’habitation régis par la loi du 6 juillet 1989).

Sanctions : exécution forcée par un tiers. Est abusive la clause qui, faute pour le locataire d'avoir dans un délai d'un mois apposé les plaques nominatives sur les boites aux lettres en conformité avec celles de la copropriété, autorise le bailleur à les faire mettre en place, sans préavis, pour un coût forfaitaire sans proportion avec la prestation (500 Francs HT). CA Grenoble (2e ch. civ.), 19 octobre 2004 : RG n° 03/00333 ; arrêt n° 844 ; Cerclab n° 3128 (référence au régime des art. 1142 et 1144 C. civ.), confirmant TGI Grenoble (4e ch. civ.), 2 décembre 2002 : RG 2001/03310 ; jugt n° 223 ; site CCA ; Cerclab n° 3169 (référence au régime des anciens art. 1142 et 1144 C. civ. [rappr. 1221 et 1222] ; absence de réciprocité de cette prérogative pour la délivrance d'un logement conforme, l'exécution de travaux ou une jouissance paisible ; absence de réciprocité dans la possibilité pour le bailleur d'utiliser la procédure simplifiée de l'injonction de faire, des art. 1425-1 s. CPC).

V. aussi, plus curieusement sous l’angle du caractère illicite : est illicite, contraire à l’ancien art. 1144 C. civ., la clause qui permet au bailleur, créancier à l'égard du preneur d'une obligation d'entretien courant du bien qu'il donne à bail, de faire exécuter, sans autorisation en justice, et unilatéralement des travaux incombant pour partie au locataire d'après la liste limitative annexée au décret n° 87-713 du 26 août 1987, qu'il estime non réalisés en l'absence de tout contrôle judiciaire. TGI Grenoble (4e ch.), 4 novembre 2013 : RG n° 11/02833 ; site CCA ; Cerclab n° 7031 (clause concernant l’entretient des jardin et espace vert mis à disposition).