CA NÎMES (4e ch. com.), 3 novembre 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 6495
CA NÎMES (4e ch. com.), 3 novembre 2016 : RG n° 15/04948
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Cette clause ne peut être qualifiée d'abusive au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, lesquelles ne régissent que les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, et non pas, comme le relèvent justement les premiers juges, les conventions passées entre deux professionnels, la société « Partenaire Bureautique » qui vend, loue et entretient des photocopieurs et la société « Le Prieuré » qui a contracté pour les besoins directs de son activité professionnelle ».
2/ « Cette clause contractuelle qui autorise le client à dénoncer à tout moment le contrat de service de maintenance constitue une faculté de dédit qui n'est pas consécutive à une inexécution du contrat mais la contrepartie du droit de résilier avant l'échéance du contrat. C'est donc avec pertinence que les premiers juges ont décidé qu'il ne s'agissait pas d'une clause pénale dont l'objet porte sur la réparation du préjudice subi de fait de l'inexécution du contrat. Il s'ensuit qu'elle n'est pas susceptible de modération en application de l'article 1152 du code civil ou de relever des pratiques anticoncurrentielles alléguées par l'intimée.
Elle n'est pas non plus léonine puisqu'elle participe de la durée du contrat, laquelle fonde l'équilibre entre les obligations des deux parties, la première s'étant engagée à assurer la maintenance du matériel donné en location, ce qui suppose un investissement humain et matériel, ainsi que stipulé, et la seconde à acquitter le prix de ce service durant une durée déterminée. »
COUR D’APPEL DE NÎMES
QUATRIÈME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 3 NOVEMBRE 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/04948. TRIBUNAL DE COMMERCE DE NÎMES, 8 septembre 2015 : RG n° 2014J476
APPELANTE :
SA LE PRIEURE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité au siège social sis, Représentée par Maître Christian M. de la SELARL M.-R.-P., Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON
INTIMÉE :
SA PARTENAIRE BUREAUTIQUE
Représentée par Me Elodie R., Postulant, avocat au barreau de NIMES, Représentée par Me Fiona S., de la SELALRL A. & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 8 septembre 2016
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Mme Christine CODOL, Président de Chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 786 du Code de Procédure Civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Christine CODOL, Président de Chambre, Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller, Mme Christine LEFEUVRE, Conseillère
GREFFIER : Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS : à l'audience publique du 19 septembre 2016, où l'affaire a été mise en délibéré au 3 novembre 2016 ; Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé et signé par Mme Christine CODOL, Président de Chambre, publiquement, le 3 novembre 2016, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ :
Vu l'appel interjeté le 2 novembre 2015 par la SA « le Prieuré » à l'encontre du jugement prononcé le 8 septembre 2015 par le Tribunal de Commerce de Nîmes dans l'instance n° 2014J476.
Vu les dernières conclusions déposées le 8 décembre 2015 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les dernières conclusions déposées le 28 janvier 2016 par la SA « Partenaire Bureautique », intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu l'ordonnance du 25 avril 2016 de clôture de la procédure à effet différé au 8 septembre 2016 et de fixation de l'affaire à l'audience de plaidoiries du 19 septembre 2016.
* * *
Le 21 décembre 2010 la société « Le Prieuré » signait un contrat de vente et de location d'un matériel Canon Image Runner Advance fourni par Fac Similé Grand Sud moyennant le paiement de 20 loyers trimestriels. Le locataire signait le même jour un contrat de service maintenance et pack service additionnel ainsi qu'une demande de location multi option d'une durée de 5 ans à compter du 3 février 2011.
Par courrier du 30 septembre 2013 la société « Le Prieuré » informait la société « Partenaire Bureautique » de son désir d'arrêter les contrats de maintenance liée au matériel Canon IR-ADVC20201.
La société « Partenaire Bureautique » prenait acte de cette demande de résiliation le 4 octobre 2013, rappelait que le photocopieur était en location financière jusqu'au 31 mars 2016 chez GE capital et indiquait à son cocontractant qu'il recevrait prochainement les indemnités de résiliation. Ces dernières étaient facturées le même jour à la somme de 9.400,07 euros.
En l'absence de paiement, la société « Partenaire Bureautique » mettait en demeure la société « Le Prieuré » le 20 mars 2014 de régler cette somme.
Par exploit du 8 septembre 2014, la société « Partenaire Bureautique » a fait assigner la société « Le Prieuré » devant le Tribunal de Commerce de Nîmes qui, par jugement du 6 octobre 2015, a :
- condamné la SAS Société Nouvelle Le Prieuré VLA à payer à la SA Partenaire Bureautique la somme de 9.400,07 euros de TTC majorée de l'intérêt légal courra à compter du 20 mars 2014,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 1154,
- dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts ni à exécution provisoire,
- condamné la SAS Société Nouvelle Le Prieuré VLA à payer à la SA Partenaire Bureautique la somme de 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS Société Nouvelle Le Prieuré VLA aux dépens.
La SA « le Prieuré » a relevé appel de ce jugement et demande à la Cour, au visa des articles 1134, 1147, 1184, 1152 du code civil de débouter la SA « Partenaire Bureautique » de l'ensemble de ses demandes et de :
- dire que l'article 2.5 du contrat de maintenance constitue une clause abusive portante atteinte à la concurrence,
- annuler la clause 2.5 du contrat de maintenance,
Subsidiairement,
- dire que cette clause constitue une clause pénale injustifiée,
- dire que la société « Partenaire Bureautique » ne peut pas solliciter paiement de la somme de 9.400,07 euros TTC soit 95 % du montant des facturations hors-taxes qui ont été dues jusqu'à l'expiration de la durée de l'engagement du client,
- débouter la société « Partenaire Bureautique » de sa demande à ce titre, l'appelante n'ayant commis aucune faute contractuelle,
- condamner la société « Partenaire Bureautique » à payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société « Partenaire Bureautique » à payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La SA « Partenaire Bureautique » conclut à la confirmation du jugement déféré et demande à la Cour, au visa de l'article 1134 du code civil, de :
- dire que les dispositions de l'article III.3 du contrat de maintenance constituent une faculté de dédit,
- constater que la société « Le Prieuré » a mis en œuvre sa faculté de dédit,
Faisant application des dispositions contractuelles,
- débouter la société « Le Prieuré » de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société « Le Prieuré » au paiement de la somme en principal de 9.400,07 euros TTC, majoré de l'intérêt légal courant à compter de la première mise en demeure du 20 mars 2014, et capitalisable par année échue,
Y ajoutant,
- condamner la société « Le Prieuré » au paiement d'une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts par application de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- condamner la société « Le Prieuré » au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Sur la procédure :
Il ne ressort pas des pièces de la procédure de moyen d'irrecevabilité de l'appel que la Cour devrait relever d'office, et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point.
Sur le fond :
À l'appui de son appel, la société « Le Prieuré » fait valoir que :
- le contrat principal de location a été résilié ce qui rend inutile le contrat de maintenance eu égard à l'interdépendance des deux contrats,
- la clause prévoyant une indemnité de résiliation correspondant à 95 % des montants dus constitue une clause abusive qui a pour effet d'empêcher une partie de se délier de son engagement et pour conséquence de constituer un enrichissement sans cause pour l'autre partie,
- cette clause est léonine en ce qu'elle institue une pénalité exorbitante qui ne peut être sérieusement discutée par le client,
- cette clause s'analyse en une clause pénale qui est susceptible d'être modérée ou annulée.
La société « Partenaire Bureautique » réfute cette argumentation et soutient pour l'essentiel que :
- le contrat de location financière n'a pas été résilié et est toujours en cours,
- la clause critiquée s'analyse en une faculté de dédit,
- le régime juridique des clauses abusives ne s'applique pas aux contrats conclus entre professionnels,
- la clause de dédit n'est pas léonine en ce qu'elle correspond simplement l'économie de la convention et son montant a été calculé sur la base d'une durée du contrat dans une logique de prévisibilité.
Il n'est pas contesté par la société « Partenaire Bureautique» que, d'une part, le contrat de location du bien entre la société de financement et elle-même, d'autre part le contrat de vente entre la société « Le Prieuré » et elle-même cédé par la suite à la société de financement à savoir la société GE Capital constituent un ensemble contractuel auquel s'ajoute le 3e contrat de maintenance souscrit entre la société « Le Prieuré » et la société « Partenaire Bureautique ».
Ces contrats concomitants ou successifs s'inscrivent dans une opération incluant une location financière et sont interdépendants.
Il est démontré que la société « Le Prieuré » a résilié le contrat de maintenance par lettre du 30 septembre 2013.
La société « Le Prieuré » indique avoir eu recours aux services d'un autre fournisseur en l'état d'une offre plus attractive de sorte que la maintenance ne lui est d'aucune utilité puisque la machine concernée n'est plus en activité. Mais elle n'en rapporte pas la preuve alors même que la société « Partenaire Bureautique » produit un courriel de la société de financement indiquant que la location financière est toujours en cours. En conséquence, le courrier du 30 septembre 2013 s'analyse en une résiliation expresse et de manière anticipée, à la seule initiative de la société « Le Prieuré » du contrat de maintenance, accessoire au contrat de location.
L'article III-3 intitulé « résiliation anticipée » stipule : « en cas de résiliation du contrat avant la date d'échéance du fait du client, le client sera redevable envers Fac-Similé d'une indemnité de résiliation égale à 95 % du montant total des services hors-taxes qui auraient été dûs jusqu'à la date d'échéance du contrat. Concernant les services facturés par application d'un coût à la page, ce montant est établi sur la moyenne de facturation des 12 derniers mois. Cette indemnité constitue la juste compensation des moyens mis en place par Fac Similé pour assurer un service de maintenance de qualité au titre de ce contrat (embauche et formation des techniciens hautement qualifiés, mise en stock des produits consommables et des pièces détachées). »
Cette clause ne peut être qualifiée d'abusive au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, lesquelles ne régissent que les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, et non pas, comme le relèvent justement les premiers juges, les conventions passées entre deux professionnels, la société « Partenaire Bureautique » qui vend, loue et entretient des photocopieurs et la société « Le Prieuré » qui a contracté pour les besoins directs de son activité professionnelle.
Par ailleurs, la société « Le Prieuré » n'est pas fondée à soutenir que la société « Partenaire Bureautique » s'enrichit à son détriment sans cause alors que toutes deux sont liées par une convention, ce qui exclut l'application des dispositions de l'article 1371 du Code civil.
Cette clause contractuelle qui autorise le client à dénoncer à tout moment le contrat de service de maintenance constitue une faculté de dédit qui n'est pas consécutive à une inexécution du contrat mais la contrepartie du droit de résilier avant l'échéance du contrat. C'est donc avec pertinence que les premiers juges ont décidé qu'il ne s'agissait pas d'une clause pénale dont l'objet porte sur la réparation du préjudice subi de fait de l'inexécution du contrat. Il s'ensuit qu'elle n'est pas susceptible de modération en application de l'article 1152 du code civil ou de relever des pratiques anticoncurrentielles alléguées par l'intimée.
Elle n'est pas non plus léonine puisqu'elle participe de la durée du contrat, laquelle fonde l'équilibre entre les obligations des deux parties, la première s'étant engagée à assurer la maintenance du matériel donné en location, ce qui suppose un investissement humain et matériel, ainsi que stipulé, et la seconde à acquitter le prix de ce service durant une durée déterminée.
Dès lors, la société « Le Prieuré » doit exécuter la convention qu'elle a acceptée et payer l'indemnité de résiliation fixée à la somme de 9.400,07 euros TTC avec intérêt légal à compter de la mise en demeure du 20 mars 2014. La capitalisation des intérêts échus sur une année sera également ordonnée.
Succombant dans ses prétentions, la demande de l'intimée en paiement de dommages intérêts ainsi que celle présentée au titre de ses frais irrépétibles deviennent sans objet.
Enfin, la société « Partenaire Bureautique » allègue avoir subi un préjudice d'image et de ressources résultant de la résistance abusive de la société « Le Prieuré » mais n'en apporte pas la preuve, de sorte que sa demande additionnelle en dommages et intérêts présentée de ce chef sera rejetée.
Sur les frais de l'instance :
La société « Le Prieuré », qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à la société « Partenaire Bureautique » une somme équitablement arbitrée, eu égard à sa situation économique, à 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Reçoit l'appel en la forme.
Au fond,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Et, y ajoutant,
Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.
Déboute la SA « Le Prieuré » de l'ensemble de ses demandes.
Dit que la SA « Le Prieuré » supportera les dépens d'appel et payera à la SA à « Partenaire Bureautique » une somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La minute du présent arrêt a été signée par Madame Christine CODOL, présidente, et par Madame Patricia SIOURILAS, greffière présente lors de son prononcé.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5877 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : conclusion entre professionnels ou commerçants
- 5878 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : besoins de l’activité
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale
- 5948 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation par type d’activité
- 6122 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du consommateur - Clauses pénales ou d’indemnité forfaitaire - Droit antérieur au décret du 18 mars 2009 (indices)
- 6157 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 - Clauses léonines
- 6216 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Prestation de services