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CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 25 octobre 2016

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 25 octobre 2016
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 2 ch. 5
Demande : 14/20906
Décision : 2016/321
Date : 25/10/2016
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 20/10/2014
Décision antérieure : CASS. COM., 14 février 2018
Numéro de la décision : 321
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6526

CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 25 octobre 2016 : RG n° 14/20906 ; arrêt n° 2016/321

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Considérant que le fournisseur d'un système d'alarme est considéré comme tenu d'une obligation de résultat pour ce qui est du maintien de ce dispositif en bon état de marche ; Que ce manquement à une obligation de résultat emporte à la fois présomption de causalité entre la prestation fournie et le dommage invoqué par le client et une présomption de faute ; Que la présomption de causalité s'applique à l'installateur des systèmes de surveillance tenu en cas de cambriolage de réparer la perte de chance subie par son client ; Que, selon l'article 1148 du code civil, seule la cause étrangère peut exonérer de sa responsabilité le débiteur d'une obligation de résultat, à la condition qu'elle soit fortuite ou présente les caractères de la force majeure ; […] Qu'en effet, le constat fait par l'expert qu'il est « impossible d'imputer à la société DELTA la cause d'une défaillance des dispositifs mis en œuvre » ne correspond pas à l'exigence de constat d'une cause étrangère fortuite ou présentant les caractères de la force majeure ; Que le vol, tout comme l'éventuel rôle joué par des entreprises tierces dans un défaut de surveillance, tel que mis en avant par la société DELTA, ne sauraient y être assimilés, ceux-ci n'ayant pas les caractères de la force majeure pour ne pas être imprévisibles et irrésistibles ».

2/ « Considérant, sur l'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, que le présent contrat était en rapport direct avec l'activité professionnelle de la société AVENIR TELECOM, qui est un commerçant personne morale ayant sollicité la mise en place d'un système de télé-alarme pour les entrepôts où elle stockait le matériel de communication qu'elle commercialise, que cette disposition du code de la consommation ne saurait, en conséquence, s'appliquer à la présente espèce ».

3/ « Considérant, s'agissant de l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce que la mise en œuvre de la clause litigieuse impliquerait que « la responsabilité (de la société DELTA) ne saurait être engagée pour des dommages résultant du fonctionnement de l'installation ou de son non fonctionnement pour quelque cause que ce soit, par exemple, le vol en l'absence d'une faute dûment prouvée par le client dans l'exécution des prestations prévues dans le présent contrat » ; Que cette disposition vide, en effet, le contrat de ce qui en fait l'essence même, à savoir le bon fonctionnement de la prestation d'alarme pour prévenir le vol, dont on rappellera qu'il ne constitue pas un cas de force majeure alors qu'en l'espèce il y a eu intrusion et vol et que l'alarme, qui avait été actionnée, n'a pas fonctionné, qu'une telle clause crée ainsi un déséquilibre significatif entre les obligations des parties aux dépens de la société AVENIR TELECOM ; Qu'ainsi, la société DELTA engage sa responsabilité et doit réparer le préjudice de son cocontractant ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 2 CHAMBRE 5

ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/20906. Arrêt n° 2016/321 (8 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 septembre 2014 - Tribunal de Commerce de BOBIGNY - R.G. n° 2013F00002.

 

APPELANTE :

La société DELTA SECURITY SOLUTIONS

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, N° SIRET : XX, Représentée par Maître Maryline L. de la SELARL M. G. G. V. S. L., avocat au barreau de PARIS, toque : P0073, Assistée de Maître Denis D., avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Maître Valérie B., avocat au barreau de BORDEAUX

 

INTIMÉES :

La société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, venant aux droits et obligations de la société COVEA RISKS

agissant par ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège, N° SIRET : YY

La société MMA IARD, venant aux droit et obligations de la société COVEA RISKS

agissant par ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège, N° SIRET : ZZ, Représentées et assistées par Maître Mohamed Z. de la SCP S. C.-F. & AUTRES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0267

La société AVENIR TELECOM

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège, N° SIRET : WW

La SCP D. A., agissant en sa qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la Société AVENIR TELECOM

N° SIRET : VV

La SCP J.P L. & A. L., agissant en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la Société AVENIR TELECOM

N° SIRET : UU

Représentées par Maître Olivier B., avocat au barreau de PARIS, toque : B0753, Assistées de Maître Corinne M., avocat au barreau de PARIS, toque : E0948

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 13 septembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre, Monsieur Christian BYK, Conseiller, entendu en son rapport, Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère, qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile - signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, présidente et par Madame Catherine BAJAZET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par acte du 13 décembre 2012, la société COVEA RISKS a assigné la société DELTA SECURITY SOLUTIONS devant le Tribunal de commerce de BOBIGNY afin de faire reconnaître sa responsabilité à hauteur de 95 % dans les conséquences du vol perpétré dans les entrepôts de la société AVENIR TELECOM à GARONOR dans la nuit du 21 au 22 octobre 2010 et, en conséquence, de la voir condamnée à lui verser la somme de 1.130.091,50 euros à titre de dommages-intérêts.

La société AVENIR TELECOM, intervenue volontairement, sollicitait, par ailleurs, la condamnation de la société DELTA à lui payer la somme de 553.274,30 euros à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 9 septembre 2014, le Tribunal de commerce a fait partiellement droit aux demandes des sociétés AVENIR TELECOM et COVEA RISKS en condamnant la société DELTA à verser 53.679,33 euros à la société AVENIR TELECOM et 1.000.0000 euros, outre 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la société COVEA RISKS, l'exécution provisoire étant, par ailleurs, ordonnée.

 

Par déclaration du 20 octobre 2014, la société DELTA a fait appel de cette décision et, aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 19 juillet 2016, elle demande à la cour de :

A titre principal,

- réformer le jugement en ce qu'il juge non écrit l'article 5.6 des conditions générales du contrat de maintenance,

- constater qu'elle n'a pas commis de faute et débouter les sociétés COVEA RISKS et AVENIR TELECOM de leurs demandes,

- fixer sa créance au passif du redressement judiciaire de la société AVENIR TELECOM à la somme de 53.779,33 euros en remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire,

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il estime que les manquements d'AVENIR TELECOM et des autres parties à la sécurité ont facilité le vol,

- constater qu'en application des consignes contractuelles, la preuve d'une perte de chance

d'éviter le vol et à tout le moins d'en limiter les conséquences n'est pas rapportée et que la société AVENIR TELECOM est seule responsable de la perte de chance d'identifier les malfaiteurs en l'absence d'images exploitables,

- réformer le jugement en ce qu'il estime la part de responsabilité imputable à l'appelante à 2/3 et dire que cette part ne saurait dépasser 15%,

- constater que les intimées ne justifient pas de leur préjudice,

En toute hypothèse,

- condamner solidairement les sociétés AVENIR TELECOM et COVEA RISKS à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- fixer sa créance au passif du redressement judiciaire de la société AVENIR TELECOM à la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour la procédure abusive et à la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise.

Par dernières conclusions notifiées le 9 mars 2016, les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, venant aux droits de COVEA RISKS, sollicitent la réformation et demandent à la cour de juger la société DELTA responsable à hauteur de 95% des conséquences du vol et de la condamner à leur payer la somme de 1.130.091,50 euros, à titre de dommages et intérêts, avec intérêts à compter de la date du paiement entre les mains de la société AVENIR TELECOM, outre 25 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par dernières conclusions notifiées le 24 juin 2016, la société AVENIR TELECOM, en présence de la SCP J.P. L. & A. L., SCP de mandataires judiciaires, [...]

[...], prise en la personne de Maitre Jean-Pierre L., ès qualités de mandataire judiciaire, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté que la société DELTA avait engagé sa responsabilité contractuelle en manquant à son obligation de résultat quant au déclenchement du système d'alarme et à son obligation de conseil quant au système de télésurveillance et estimé que la clause limitative de responsabilité contenue à l'article 5.6 du contrat de la société DELTA SECUR devait être réputée non écrite,

- le réformer pour le surplus et juger que la société DELTA est responsable à hauteur de 95 % des conséquences du vol et la condamner à lui payer la somme de 550.255,50 euros à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2013, outre la somme de 35.000 euros au titre des frais irrépétibles.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

CE SUR QUOI, LA COUR :

Sur la responsabilité au regard de la nature de l'obligation de l'installateur :

Considérant que les sociétés intimées soutiennent que l'installateur d'un système d'alarme et d'alerte est tenu d'une obligation de résultat quant au déclenchement de l'alarme et du système d'alerte à distance en cas d'effraction ;

Considérant que la société DELTA, sans critiquer l'existence de cette obligation de résultat, estime qu'elle ne saurait s'appliquer en l'espèce en raison d'une clause limitative de responsabilité, l'article 5.6 des conditions générales disposant que « les obligations du prestataire sont exclusivement limitées aux prestations énumérées dans le présent contrat. Sa responsabilité ne saurait être engagée pour des dommages résultant du fonctionnement de l'installation ou de son non fonctionnement pour quelque cause que ce soit (par exemple : grève, émeute ou interruption des services publics, conditions climatiques exceptionnelles, vol, incendie, bris total ou partiel) en l'absence d'une faute dûment prouvée par le client dans l'exécution des prestations prévues dans le présent contrat » ;

 

- Nature de l'obligation incombant à l'installateur

Considérant que le fournisseur d'un système d'alarme est considéré comme tenu d'une obligation de résultat pour ce qui est du maintien de ce dispositif en bon état de marche ;

Que ce manquement à une obligation de résultat emporte à la fois présomption de causalité entre la prestation fournie et le dommage invoqué par le client et une présomption de faute ;

Que la présomption de causalité s'applique à l'installateur des systèmes de surveillance tenu en cas de cambriolage de réparer la perte de chance subie par son client ;

Que, selon l'article 1148 du code civil, seule la cause étrangère peut exonérer de sa responsabilité le débiteur d'une obligation de résultat, à la condition qu'elle soit fortuite ou présente les caractères de la force majeure ;

Considérant qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'expert judiciaire que le vol a été commis entre 22 h 35 le 21 octobre et 3 h 09 le 22 octobre 2010 alors que l'installation d'alarme a été mise en service le jeudi 21 octobre à 18 h 29 et que « le système de détection d'intrusions installé, entretenu et télésurveillé par le société DELTA n’a pas réagi : il n'a émis aucune alarme ni au niveau du site où est installée une imprimante enregistrant les événements au « fil de l'eau » ni sur la centrale de télésurveillance située à [ville C.] » (rapport, p. 65) ;

Considérant qu'il importe peu, au vu de ces constatations qui permettent de mettre en œuvre la double présomption de causalité et de faute, que les tests tant antérieurs que postérieurs au vol aient été positifs et que l'expert ne soit pas parvenu à identifier la cause à l'origine de ce non-fonctionnement ;

Qu'en effet, le constat fait par l'expert qu'il est « impossible d'imputer à la société DELTA la cause d'une défaillance des dispositifs mis en œuvre » ne correspond pas à l'exigence de constat d'une cause étrangère fortuite ou présentant les caractères de la force majeure ;

Que le vol, tout comme l'éventuel rôle joué par des entreprises tierces dans un défaut de surveillance, tel que mis en avant par la société DELTA, ne sauraient y être assimilés, ceux-ci n'ayant pas les caractères de la force majeure pour ne pas être imprévisibles et irrésistibles ;

 

- Caractère illicite de la clause limitative de responsabilité

Considérant que l'appelante fait valoir que l'article 5.6 des conditions générales du contrat de maintenance ne peut être écarté par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation car celui-ci ne concerne pas les personnes morales et qu'AVENIR TELECOM a contracté en tant que professionnel ;

Qu'en outre, elle rappelle que dans le cadre du contrat, les parties peuvent modifier le régime légal de responsabilité contractuelle et que l'article 5.6 ne crée pas de déséquilibre significatif dans la mesure où il n'a pas pour effet de supprimer son obligation en toutes circonstances et, qu'en l'espèce, l'expertise a permis d'apporter la preuve de son absence de faute ;

Considérant que les sociétés MMA répondent que cette clause doit être réputée non écrite, car abusive, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation et que ce texte s'applique aussi bien aux « contrats conclus entre professionnels et non-professionnels », la société AVENIR TELECOM devant être considérée en l'espèce comme non professionnelle ;

Qu'en outre, cette clause contrevient à l'article L. 442-6 du code de commerce qui dispose que : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

 

Considérant, sur l'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, que le présent contrat était en rapport direct avec l'activité professionnelle de la société AVENIR TELECOM, qui est un commerçant personne morale ayant sollicité la mise en place d'un système de télé-alarme pour les entrepôts où elle stockait le matériel de communication qu'elle commercialise, que cette disposition du code de la consommation ne saurait, en conséquence, s'appliquer à la présente espèce ;

Considérant, s'agissant de l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce que la mise en œuvre de la clause litigieuse impliquerait que « la responsabilité (de la société DELTA) ne saurait être engagée pour des dommages résultant du fonctionnement de l'installation ou de son non fonctionnement pour quelque cause que ce soit, par exemple, le vol en l'absence d'une faute dûment prouvée par le client dans l'exécution des prestations prévues dans le présent contrat » ;

Que cette disposition vide, en effet, le contrat de ce qui en fait l'essence même, à savoir le bon fonctionnement de la prestation d'alarme pour prévenir le vol, dont on rappellera qu'il ne constitue pas un cas de force majeure alors qu'en l'espèce il y a eu intrusion et vol et que l'alarme, qui avait été actionnée, n'a pas fonctionné, qu'une telle clause crée ainsi un déséquilibre significatif entre les obligations des parties aux dépens de la société AVENIR TELECOM ;

Qu'ainsi, la société DELTA engage sa responsabilité et doit réparer le préjudice de son cocontractant ;

 

Sur l'obligation de conseil :

Considérant que les sociétés MMA et AVENIR TELECOM invoquent également un manquement à l'obligation de conseil car la société DELTA aurait dû conseiller soit de ne pas couper l'éclairage de l'entrepôt pendant la nuit, soit de mettre en place des caméras infrarouge, qu'elle ne saurait, pour échapper à son obligation de conseil, se retrancher sur le fait qu'elle n'était pas installateur ;

Considérant que la cour ayant retenu la responsabilité de la société DELTA sur le fondement de son obligation de résultat, il n'y a pas lieu d'examiner ce grief ;

 

Sur la part de responsabilité de la société DELTA :

Considérant que celle-ci avance que l'expertise a mis en évidence que la société AVENIR TELECOM avait commis plusieurs fautes graves qui sont à l'origine de son préjudice et que la perte de chance d'éviter le sinistre ne saurait être estimée à 95 % de sorte que les intimées doivent supporter la plus large part de responsabilité ;

Considérant que la société AVENIR TELECOM conteste toute négligence dans la gestion de la sécurité, dès lors qu'il appartenait à la société DELTA SECURITY SOLUTIONS de fournir tous conseils appropriés pour optimiser le dispositif de sécurité ;

Considérant que l'expert a relevé que d'autres circonstances avaient contribué à permettre le vol, à savoir « le défaut d'éclairage qui ne permet pas d'identifier correctement les intrus » mais en écrivant que « ce dispositif n'est pas conforme aux règles de l'art de la vidéo-surveillance », dont la société DELTA assumait la responsabilité, ce manquement ne saurait dès lors être attribué à un tiers ;

Qu'en revanche l'expert attribuant une part de causalité dans le dommage à la mauvaise organisation des rondes des gardiens, il convient de fixer la part de responsabilité de la société DELTA à un taux de 75 % ;

 

Sur le préjudice :

- Évaluation des marchandises volées :

Considérant que la société DELTA fait valoir que le procès-verbal de constatations du cabinet POLYEXPERT n'ayant pas été signé par le cabinet LVS, qui intervenait à son profit, il ne constitue pas un élément probant ;

Mais, considérant que l'appelante ne saurait solliciter le rejet de l'évaluation des dommages réalisée au cours d'une expertise amiable en prétendant que celle-ci n'a pas été arrêtée contradictoirement ;

Qu'en effet, si le procès-verbal d'évaluation n'a pas été signé par son expert, il résulte néanmoins que ce procès-verbal indique parmi la « liste des présents » : « Monsieur X. du Cabinet LVS demeurant [adresse], intervenant pour le compte de DELTA SECURITY SOLUTIONS ou ses assureurs, Réf ZZ » ;

Qu'il s'ensuit que ce document a bien été établi contradictoirement, qu'il a été également discuté contradictoirement durant la présente procédure et que le juge est libre d'estimer pertinent le chiffrage fait pour retenir cet élément de preuve, la société DELTA ne proposant aucun autre calcul susceptible d'emporter la conviction de la cour ;

Qu'il convient également de rappeler que l'article 2.63 de la convention concernant l'expertise amiable contradictoire, établie sous l'égide de la Fédération française de sociétés d'assurance, à laquelle adhèrent les assureurs en cause, stipule que le refus de signature du procès-verbal par l'une des parties « est sanctionné par l'application des règles de l'opposabilité prévues par l'article 3 » et que cet article prévoit que :

« 3.1 Principe de l'opposabilité

Les constatations du procès-verbal relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages sont opposables aux assureurs :

- présents ou représentés aux opérations d'expertise,

- absents, bien que convoqués conformément aux modalités prévues par les articles 1 et 2.

En revanche les points sur lesquels un désaccord a été consigné lors de la réunion ne sont pas opposables », ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

Qu'il est, en outre, précisé, au sujet de cet article, sous la rubrique « RAP », que :

« Nonobstant le refus de signature de l'expert désigné par l'assureur d'un éventuel responsable les constatations du procès-verbal demeurent opposables à cet assureur » ;

Qu'au demeurant, l'évaluation se fonde, d'une part, sur trois constats d'huissier du 22 octobre 2010, par lesquels il a été relevé, à partir de la liste des marchandises pour chaque emplacement, ce que chacun desdits emplacements contenait après le vol et, d'autre part, sur l'évaluation des experts présents des parties, réalisée d'un commun accord, tel que cela est relaté dans le procès-verbal d'évaluation de la société POLYEXPERT ;

Que le montant de 1.580.669 euros sera donc retenu ;

 

- pertes indirectes

Considérant que la société AVENIR TELECOM sollicite à ce titre la somme de 157.990,00 euros, correspondant à 10 % de l'évaluation des marchandises ;

Considérant que la société DELTA répond que la réalité des pertes indirectes, dont l'indemnisation ne résulte que du contrat souscrit par AVENIR TELECOM auprès de son assureur, n'est pas établie ;

Considérant qu'aux termes de la police souscrite entre la société AVENIR TELECOM et son assureur, les pertes indirectes sont fixées à 10 % de la valeur des marchandises et du matériel et qu'il résulte des pièces au débat que cet assureur a bien payé à la société AVENIR une telle somme, soit 157.990 euros ;

Considérant que le vol a nécessairement engendré pour la société AVENIR, qui commercialisait les marchandises, une perte de marge, ce que la fixation forfaitaire de ce taux ne peut démentir, qu'en outre, le taux de 10 % retenu constitue un taux bas, qui justifie l'évaluation proposée de 157.990 euros ;

 

- honoraires d'expert

Considérant que la société AVENIR réclame la somme de 30.127,30 euros à ce titre ;

Considérant qu'il est justifié que l'assureur, qui a versé de ce chef, la somme de 31.580 euros, a, au moins, payé la somme réclamée par son assuré ;

Que la société AVENIR ayant été indemnisée par son assureur à hauteur de la somme totale de 1.189.570,00 euros, le solde s'élève à la somme de 579.216,30 euros, dont elle réclame 95 %, soit 550.255,50 euros ;

Considérant que la cour ayant fixé à 75 % la part du préjudice incombant à la société DELTA, celle-ci sera condamnée à payer à la société AVENIR TELECOM 75% de son préjudice, soit (579 216,30 euros x 0,75 ) 434 412,22 euros ;

Qu'elle sera également condamnée à verser aux sociétés MMA IARD SA et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES la somme de (1.189.570 euros x 0,75) 892.177,50 euros correspondant à 75% de la somme versée par ces assureurs à la société AVENIR ;

Que les intérêts au taux légal sont fixés pour les MMA à compter de la date du paiement entre les mains de la société AVENIR TELECOM et, pour cette dernière société, à compter de ses premières conclusions de première instance, le 28 mars 2013 ;

 

Sur la demande de dommages et intérêts de la société DELTA pour procédure abusive :

Considérant qu'à défaut de démontrer une faute ou un abus dans le droit des intimées à se défendre et ester en justice, la société DELTA sera déboutée de sa demande ;

 

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que l'équité commande de condamner la société DELTA à payer la somme de 2.000 euros tant aux sociétés MMA, d'une part, qu'à la société AVENIR TELECOM, d'autre part, qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de ce chef ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le quantum des condamnations mises à la charge de la société DELTA,

Statuant à nouveau de ce chef et, y ajoutant,

Condamne celle-ci à payer aux sociétés :

- MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES la somme de 892.177,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date du paiement entre les mains de la société AVENIR TELECOM, outre 2.000 euros au titre des frais irrépétibles,

- AVENIR TELECOM la somme de 434.412,22 euros, avec intérêts au taux légal à compter de ses premières conclusions de première instance, le 28 mars 2013, outre 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Déboute la société DELTA SECURITY SOLUTIONS de son appel et la condamne aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                   LA PRÉSIDENTE

 

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