TI ROUBAIX, 15 avril 2004
CERCLAB - DOCUMENT N° 7026
TI ROUBAIX, 15 avril 2004 : RG n° 11-03-001612
Publication : Jurica
Extrait : 1/ « Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que le tribunal avait bien, par jugement avant dire droit en date du 13 novembre 2003, le pouvoir de relever d'office une clause abusive contenue dans le contrat de crédit à la consommation qui lui a été soumis et ce nonobstant l'écoulement du délai biennal de forclusion le 23 juin 2002' soit deux ans après la date de la formation du contrat ».
2/ « Il s'en déduit que le législateur a entendu informer l'emprunteur de son droit au remboursement anticipé en s'assurant de la reproduction de cette information dans les contrats de crédit à la consommation. Or, en l'espèce, la disposition contractuelle litigieuse, qui enserre le remboursement anticipé dans des conditions temporelles et formelles non prévues par la loi, n'informe pas complètement l'emprunteur sur ses droits et l'induit en erreur, contrevenant ainsi aux dispositions légales.
Il sera remarqué que la loi et le modèle type confèrent les droits au consommateur visant à le protéger et à rétablir un certain équilibre, parmi lesquels figurent le droit au remboursement anticipé sans condition, ni indemnité, garanti par l'article L. 311-29 du Code de la consommation. Dans la mesure où la disposition contractuelle litigieuse limite de façon inappropriée un droit reconnu par la loi du consommateur vis à vis du professionnel, elle a pour effet, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, de créer « au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », peu important que cette clause ne soit pas le fondement juridique de l'action en paiement ou que l'emprunteur n'ait pas souhaité rembourser son crédit de manière anticipée, la validité des stipulations du contrat devant s'apprécier au jour de sa formation.
Le caractère abusif de l'article 3 du paragraphe II de l'offre préalable de crédit du 22 juin 2000 est donc démontré et cette clause sera réputée non écrite. »
3/ « Il a été jugé que la présence d'une clause déclarée abusive en ce qu'elle aggrave la situation financière de l'emprunteur par rapport aux dispositions] légales et au modèle type applicable prévu aux dispositions de l'article L. 311-13 et R 31146 du Code de la consommation rend l'offre de crédit irrégulière. Sa présence est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts la Cour de cassation ayant approuvé une Cour d'appel qui avait prononcé la déchéance du droit aux intérêts pour ce motif (Cass. civ. 1re, 1er déc. 1993, Daguerre, Bull. civ. I, p. 247). »
4/ « Les articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation sont applicables tant au crédit à titre onéreux qu'à titre gratuit. Or, ce dernier type de prêt n'ouvre droit qu'aux intérêts légaux à compter de son échéance ou de la déchéance du terme, de sorte que limiter la déchéance du droit aux intérêts aux seuls intérêts conventionnels, reviendrait à priver le crédit gratuit de la sanction prévue par l'article L. 311-33 du Code de la consommation ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL D’INSTANCE DE ROUBAIX
JUGEMENT DU 15 AVRIL 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-03-001612. A l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le 15 avril 2004,
Sous la Présidence de Ghislain POISSONNIER, Juge d'Instance assisté(e) de Florence VILLE, Greffier ;
Après débats à l'audience du 22 janvier 2004, le jugement suivant a été rendu ;
ENTRE :
DEMANDEUR(S) :
Société C.
[adresse], représenté(e) par Maître HANUS Christian, avocat du barreau de LILLE, d'une part
ET :
DÉFENDEUR(S) :
Monsieur X.
[adresse], non comparant
Madame X.
[adresse], non comparant
d'autre part
[minute page 2]
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon une offre préalable en date du 22 juin 2000, la SA C. a consenti à M. X et à Mme X. un prêt personnel. Ce crédit « portait sur un montant de 3.049 euros » au TEG de 11,23 %, et était remboursable en 30 mensualités de 121 euros. La créance issue de ce contrat était reprise dans un plan de surendettement du 29 mai 2001.
Par acte d'huissier en date du 17 septembre 2003, la SA C. a assigné M. X. et Mme X. devant le tribunal d'instance de ROUBAIX afin de les voir condamner à lui payer, au bénéfice de l’exécution provisoire les sommes de :
- 3.445 euros représentant pour le contrat de crédit du 22 juin 2000 le capital restant dû les mensualités échues impayées et l'indemnité de 8 % assortie des intérêts au taux contractuel depuis la mise en demeure prononçant la déchéance du terme du 22 avril 2002,
- 457 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- 305 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
A l'audience du 13 octobre 2003, où l'affaire a été évoquée une première fois, la SA C. a confirmé ses demandes en faisant valoir que les emprunteurs s'étaient montrés défaillants dans le paiement des mensualités du prêt.
Cités à domicile, M. X et Mme X n'ont pas comparu.
Par jugement avant dire droit du 13 novembre 2003, le Tribunal a soulevé d' office un moyen de droit tiré de la présence dans l'offre préalable d'une clause abusive en ce qu'elle prévoit en cas de remboursement anticipé du crédit par les emprunteurs, le respect d'un délai de préavis de trois mois et l'envoi d'une lettre recommandée.
En réponse, la SA C. a sollicité du Tribunal à l'audience du 22 janvier 2004, où l'affaire a été évoquée une seconde fois, qu'il fasse droit à sa demande en paiement en indiquant :
- à titre principal, que le non-respect du formalisme prévu par les articles L. 311-8 et suivants du Code de la consommation dans une offre préalable de crédit ne pouvait pas être constitutif d'une clause abusive et qu'ainsi conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, le tribunal n'avait pas le pouvoir de se substituer au débiteur pour contester la régularité d'un contrat de crédit, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes reconnaissant au juge un pouvoir de relever d'office un moyen de droit ne s'appliquant qu'aux clauses abusives et non aux irrégularités formelles,
- à titre subsidiaire que le Tribunal était forclos à émettre toute critique concernant la régularité de l'offre préalable de crédit litigieuse, le délai de forclusion de deux ans, qui commençait à courir à compter de la date de la formation du contrat, étant écoulé à la date de l'assignation,
- à titre infiniment subsidiaire, que le déséquilibre significatif entre les parties qui résulterait de cette clause n'était pas établie, ladite clause se contentant de préciser des obligations de bon sens pesant sur les parties dans le cadre du contrat de prêt,
- à titre encore plus subsidiaire, dans l'hypothèse où la clause serait déclarée abusive par le Tribunal, que la sanction appliquée devait être celle du caractère réputé non écrit de ladite clause en application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et non celle de la déchéance du droit aux intérêts, l'objet de la clause étant sans rapport avec le litige et n'ayant aucune influence à la fois sur la validité du contrat et sur l'objet du litige et une telle sanction [minute page 3] extensive n'étant pas prévue en pareille situation, mais uniquement en cas de non-respect du formalisme prévu par les articles L. 311-8 et suivants du Code de la consommation.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le pouvoir du juge de soulever le caractère abusif d’une clause contenue dans un contrat de crédit :
En l'espèce, les époux X. défendeurs à la procédure et qui ont souscrit auprès de la SA C. un prêt personnel le 22 juin 2000 n'ont pas comparu et c'est bien le tribunal qui a « découvert » de sa propre initiative et par jugement avant dire droit du 13 novembre 2003, une clause abusive figurant dans le contrait de crédit qui lui a été soumis par le prêteur dans le cadre de sa demande en paiement.
Ce dernier expose que ce moyen de droit tiré de la présence d'une clause abusive dans le contrat de crédit, qui relève d'un ordre public de protection, ne saurait être soulevé d'office par le tribunal mais uniquement par le consommateur lui-même, et se prévaut d'une jurisprudence de la Cour de cassation limitant l'office du juge en matière de crédit à la consommation. A titre subsidiaire, l'établissement de crédit indique que le tribunal est forclos à émettre toute critique concernant la régularité de l'offre préalable de crédit, le délai biennal qui court à compter de la formation du contrat étant acquis au 13 novembre 2003.
Il sera remarqué qu'en effet la Cour de cassation semble interdire au juge de relever d'office des moyens de droit tirés de l'irrégularité d'un contrat de crédit en considérant que la méconnaissance des exigences du Code de la consommation relatives au crédit à la consommation, même d'ordre public, ne peut être opposée qu'à la demande de celui que ces dispositions ont pour objet de protéger, à savoir l'emprunteur. Dans un arrêt Cofica c/ Grine (Cass. 1re civ., 15 févr. 2000 : Bull. civ. I, n° 49 ; Contrats. conc. consom. 2000, n° 116, obs. Raymond), la Cour a retenu cette solution sous le visa des articles L. 311-2, L. 311-8 et L. 311-10 du Code de la consommation à propos d'un contrat de location avec option d'achat. Cette jurisprudence a été confirmée à plusieurs reprises, notamment en se référant aux articles L. 311-2 et L. 311-9 du Code de la consommation s'agissant d'un contrat de crédit par fractions dans un arrêt Cofinoga c/ Villelga (Cass. 1re civ., 10 juill. 2002 : Bull. civ. I, n° 195 ; D. 2003. Jur. p. 549, note Gout), confirmé depuis lors par une série de décisions (Cass. 1re civ., 2 oct. 2002 : JCP 2002. IV. 2797 ; 18 déc. 2002 : JCP 2003. IV. 1284 ; 16 mars 2004 : D. 2004, AJ. p. 947).
Sans se prononcer sur son bien-fondé, le tribunal prend acte du caractère constant de cette jurisprudence. Cependant, il sera également remarqué que si cette jurisprudence traite bien de l'office du juge en matière de crédit à la consommation, elle ne concerne pas directement le moyen relatif au caractère abusif d'une clause contractuelle que soulève le tribunal dans son jugement avant dire droit.
En l'espèce, la question à trancher est celle de savoir si le juge a le pouvoir de relever d'office la présence d'une clause abusive insérée dans un contrat de crédit à la consommation ou s'il doit, au contraire être limité en son office, et attendre que l'une des parties au litige lui demande de déclarer une clause abusive pour pouvoir écarter son application. Et il convient à [minute page 4] ce stade d'observer que la question n'a pas été tranchée directement à ce jour par la Cour de cassation.
Il sera toutefois rappelé que par un arrêt sté Minit France c/ Lorthioir du 14 mai 1991, la Cour de cassation a reconnu au juge du fond le pouvoir de déclarer une clause abusive malgré l'absence d'un décret ayant formellement prononcé son interdiction (Cass. 1re civ., 14 mai 1991 : Bull. civ. I, n°195 ; Contrats conc. consom., 1991 n°160, note Leveneur). A cette occasion, le juge du fond s'est vu reconnaître le pouvoir autonome de réputer non écrites des clauses qui n'ont pas fait l'objet d'une interdiction par le pouvoir réglementaire, solution confirmée postérieurement à la loi du 1er février 1995, à propos d'une clause non visée par l'annexe à l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dès lors qu'elle répond aux critères posés par cet article (Cass. 1re civ.,17 mars 1998 : Contrats conc. consom. 1998, n° 104, note Raymond). Cette jurisprudence « prétorienne » a été analysée comme la reconnaissance du rôle central que le juge doit jouer dans la nécessaire éradication des clauses abusives.
La Cour de cassation a également considéré que face à une clause abusive, et même devant le silence du consommateur ou son défaut de comparution, le juge pouvait soulever d'office le moyen de droit tiré de la présence d'une clause abusive, pourvu qu'il respecte le principe du contradictoire en soumettant ce moyen à l'observation des parties (Cass. 1re civ., 16 févr. 1994 : Sari Tac n° 295 D, inédit cité par G. Paisant dans « Les clauses abusives et la présentation des contrats dans la loi n°95-96 du 1er févr. 1995 » D. 1995 chron., p. 99).
Cette solution a été confortée par la loi n° 95-96 du 1er février 1995 qui fait de l'article L. 132-1 du Code de la consommation une disposition « d'ordre public ».
Et elle a été approuvée par la doctrine qui remarque que « le juge n'a pas pour mission d'entériner les rapports de force, surtout lorsque ceux-ci sont déséquilibrés et permettent au professionnel d'en abuser (...) dans ces conditions le juge qui constate un déséquilibre significatif peut intervenir dans le débat judiciaire pour éviter que le consommateur reste soumis à l'arbitraire du professionnel, parce qu'il est convaincu d'être définitivement lié par la clause abusive. Le juge est le gardien de la bonne foi et de la justice contractuelle » (G. Biardeaud et Ph. Florès, Le contentieux du droit de la consommation, éd ENM févr. 2001 p. 278).
Quant à la Cour de justice des Communautés européennes, elle a estimé dans un arrêt Oceano Groupo dont le litige portait sur un contrat de démarchage à domicile, que, pour l'application de la directive du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives, le juge national devait avoir le pouvoir d'apprécier d'office le caractère abusif d'une clause du contrat qui lui est soumis (CJCE, 27 juin 2000 : BICC, 15 sept. 2000, n° 1013). La Cour a précisé que «la protection que la directive 93/13CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs assure à ceux-ci implique que le juge national puisse apprécier d'office le caractère abusif d'une clause du contrat qui lui est soumis lorsqu'il examine la recevabilité d'une demande introduit devant les juridictions nationales » et a ajouté que « l'objectif poursuivi par l'article 6 de la directive, qui impose aux Etats membres de prévoir que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs, ne pourrait être atteint si ces derniers devaient se trouver dans l'obligation de soulever eux-mêmes le caractère abusif de telles clauses ».
Dans un arrêt Cofidis c/ Fredout, la Cour de justice des Communautés européennes a étendu cette solution aux litiges relatifs aux contrats de crédit la consommation, pourtant soumis au délai biennal de forclusion prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation, en jugeant que l'écoulement du délai de forclusion ne peut pas interdire « au juge national (...) de relever, d'office, ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère [minute page 4] abusif d'une clause (...) » (CJCE, 21 novembre 2002 : Contrats conc. consom. 2003, n°31 obs. Raymond). Ce faisant, la Cour de Luxembourg écartait l'application de la forclusion prévue par le texte de l'article L. 311-37 du Code de la consommation antérieur à la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 au profit de la finalité de la directive de 1993.
Cette solution a été également approuvée par la doctrine qui remarque que face à la « persistance de clauses abusives dans les contrats d'adhésion proposés à la signature des consommateurs (...) l'un des moyens de répondre à ces, comportements, en palliant le manque d'initiative ou la défaillance du consommateur, consiste à reconnaître au juge un pouvoir d'office en la matière » (JCP éd G 2003. 10082, obs. Paisant).
Le Tribunal constate que les solutions dégagées par la Cour de cassation rejoignent celles de la Cour de justice des Communautés européennes quant au rôle et au pouvoir du juge dans l'éradication des clauses abusives figurant dans les contrats de consommation, ce qui apparaît logique dans la mesure où l'article L. 132-1 du Code de la consommation est la transposition de la directive du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives.
Enfin, sur un plan pratique, le Tribunal observe, conformément au point 26 de l'arrêt Oceano Groupo, que si les caractéristiques de la procédure devant le tribunal d'instance (oralité, rapidité, gratuité, absence de ministère d'avocat obligatoire, possibilité de déclaration au greffe), la faculté de bénéficier de l'aide juridictionnelle et l'existence d'associations de consommateurs permettent aux particuliers de présenter une défense dans de tels litiges, il existe un risque non négligeable que, notamment de par sa situation économique et de par son ignorance, le consommateur, persuadé du caractère irrévocable des clauses contenues dans le contrat signé par lui, n'invoque pas le caractère abusif de ces clauses qui lui sont opposées par un professionnel puissant et avisé. Il s'ensuit qu'une protection effective du consommateur ne peut être atteinte que si le juge se voit reconnaître la faculté d'apprécier d'office une telle clause, la solution inverse créant une inégalité entre loi justiciable avisé et le consommateur moyen.
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que le tribunal avait bien, par jugement avant dire droit en date du 13 novembre 2003, le pouvoir de relever d'office une clause abusive contenue dans le contrat de crédit à la consommation qui lui a été soumis et ce nonobstant l'écoulement du délai biennal de forclusion le 23 juin 2002' soit deux ans après la date de la formation du contrat.
Sur le caractère abusif de la clause contenue dans le contrat de crédit :
Si le Tribunal a bien le pouvoir de relever de sa propre initiative la présence d'une clause abusive dans un contrat de crédit, il lui reste à établir en quoi une clause contenue dans le contrat de prêt personnel du 22 juin 2000 est abusive.
En application des dispositions des articles L. 311-13 et R. 311-6 du Code de la consommation, l'offre préalable de crédit soumise par le professionnel à l'emprunteur doit être conforme au modèle type applicable à l'opération de crédit envisagée et comporter toutes les mentions obligatoires prévues par la loi et son décret d'application (Cass. civ 1re, 25 avril 1989 : pourvoi n° 87-15791). Dans le cas contraire, le juge peut prononcer la sanction de la déchéance du droit aux intérêts.
[minute page 6] Il n'est cependant pas interdit au prêteur de faire figurer sur son offre d'autres mentions ou clauses. La Cour de cassation a ainsi rappelé que le prêteur pouvait présenter une offre contenant des clauses autres que celles d'origine légale ou réglementaire, dans la mesure où celle-ci n'avait pas à être « la copie servile de l'un des modèles types » (Cass. 1re civ., 1er déc. 1993 : pourvoi n° 91-20895). A cette occasion, la Cour a toutefois encadré ces adjonctions non prévues par le modèle type en précisant qu'elles ne doivent pas aggraver la situation financière de l'emprunteur.
En l'espèce, l'offre préalable de prêt personnel du 22 juin 2000 devait être conforme aux règles légales applicables et au contenu du modèle type n° 3.
Sa lecture révèle qu'elle contient une clause figurant dans l'article 3 du paragraphe II intitulé « Exécution du contrat » prévoyant que l'emprunteur a la possibilité de rembourser par anticipation son crédit mais qu'il devra en avertir le prêteur « par lettre recommandée moyennant le respect d'un préavis de trois mois ».
Cette clause confère un avantage contractuel à l'établissement de crédit dont celui-ci peut se prévaloir. Mais elle n'apparaît pas de prime abord créer en soi et « au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation.
Il revient toutefois au Tribunal d'examiner si cette clause ne présente pas un caractère abusif en privant le consommateur de droits conférés par des dispositions légales et par le modèle type.
Il doit être rappelé que les conditions du remboursement anticipé d'un prêt à la consommation sont prévues par l'article L. 311-29 du Code de la consommation, texte issu dans sa rédaction actuelle de l'article 19 de la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989.
Ce texte prévoit que « l'emprunteur peut toujours à son initiative, rembourser par anticipation sans indemnité, en partie ou en totalité, le crédit qui lui a été consenti ». Et il n'autorise le prêteur à refuser un remboursement partiel que si celui-ci est « inférieur à un montant fixé par décret », soit « trois fois le montant contractuel de la première échéance non échue » comme le précise l'article D. 311-10 du Code de la consommation.
Il se déduit de ces éléments que le législateur a entend donner à l'emprunteur la possibilité de rembourser par anticipation son crédit sans frais à tout moment et sans formalité particulière, sous réserve d'un montant plancher de remboursement.
Les dispositions de l'article L. 311-29 du Code de la consommation ne soumettent pas le remboursement anticipé au respect par le consommateur d'un délai entre le moment où il informe l'établissement de crédit de son intention et le moment où il est autorisé à procéder à ce remboursement. Imposer au consommateur un délai de préavis de trois mois, comme cela est le cas dans l'offre soumise au Tribunal, constitue dès lors une restriction de nature temporelle à la possibilité qui lui est reconnue par la Ivoi de rembourser le prêt de manière anticipée.
La forme du refus n'est pas non plus réglementée et le consommateur est libre du procédé à utiliser, sous réserve d'en rapporter la preuve en cas de litige. Exiger de l'emprunteur qu'il envoie au prêteur une lettre recommandée pour l'informer de son intention, comme cela est le cas dans l'offre soumise au Tribunal, constitue dès lors une restriction de nature formelle à la possibilité qui lui est reconnue par la loi de rembourser le prêt de manière anticipée.
[minute page 6] Le modèle type n° 3 applicable à l'espèce ne contient aucun élément dans le paragraphe consacré au remboursement par anticipation. Les dispositions de l'article L. 311-29 du Code de la consommation doivent néanmoins y être reproduites comme sur toutes les offres préalables de crédit émises à compter du 4 janvier 199b en application de l'article 29 II de la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989, et ce, conformément à l'obligation qui est faite aux établissements financiers d'adapter leurs offres de crédit afin de satisfaire aux exigences légales, et ce en dépit de l'absence de modification ultérieure du modèle type (Cass. civ 1re, 17 juillet 2001 : Gaz. Pal. 7/9 avril 2002, p. 17 obs. Perret-Richard).
Il s'en déduit que le législateur a entendu informer l'emprunteur de son droit au remboursement anticipé en s'assurant de la reproduction de cette information dans les contrats de crédit à la consommation. Or, en l'espèce, la disposition contractuelle litigieuse, qui enserre le remboursement anticipé dans des conditions temporelles et formelles non prévues par la loi, n'informe pas complètement l'emprunteur sur ses droits et l'induit en erreur, contrevenant ainsi aux dispositions légales.
Il sera remarqué que la loi et le modèle type confèrent les droits au consommateur visant à le protéger et à rétablir un certain équilibre, parmi lesquels figurent le droit au remboursement anticipé sans condition, ni indemnité, garanti par l'article L. 311-29 du Code de la consommation. Dans la mesure où la disposition contractuelle litigieuse limite de façon inappropriée un droit reconnu par la loi du consommateur vis à vis du professionnel, elle a pour effet, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, de créer « au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », peu important que cette clause ne soit pas le fondement juridique de l'action en paiement ou que l'emprunteur n'ait pas souhaité rembourser son crédit de manière anticipée, la validité des stipulations du contrat devant s'apprécier au jour de sa formation.
Le caractère abusif de l'article 3 du paragraphe II de l'offre préalable de crédit du 22 juin 2000 est donc démontré et cette clause sera réputée non écrite.
Sur la sanction attachée à la présence de la clause abusive contenue dans le contrat de crédit :
La doctrine souligne que « le droit de la consommation ne se limite pas à une simple compilation de divers dispositifs protecteurs étanches entre eux, mais constitue une matière cohérente où les textes doivent être combinés » (Ph. Florès et G. Biardeaud, dans note sous CJCE, 21 nov. 2002, Gaz. Pal. 4/6 mai 2003, p. 12).
S'agissant d'un contrat de crédit à la consommation, il doit ainsi être rappelé que la protection assurée par les règles relatives au crédit à la consommation est complétée par celle conférée par les dispositions relatives aux clauses abusives, les sanctions prévues par un dispositif se combinant avec celles prévues par l'autre, sans pour autant constituer une double peine civile pour le professionnel. Ainsi, la sanction du caractère réputé non écrit d'une clause abusive prévue par l'article L. 132-1 du Code de la consommation peut être complétée par la déchéance du droit aux intérêts prévue par l'article L. 311-33 du même Code.
Il a été jugé que la présence d'une clause déclarée abusive en ce qu'elle aggrave la situation financière de l'emprunteur par rapport aux dispositions] légales et au modèle type applicable prévu aux dispositions de l'article L. 311-13 et R 31146 du Code de la consommation rend [minute page 7] l'offre de crédit irrégulière. Sa présence est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts la Cour de cassation ayant approuvé une Cour d'appel qui avait prononcé la déchéance du droit aux intérêts pour ce motif (Cass. civ. 1re, 1er déc. 1993, Daguerre, Bull. civ. I, p. 247).
Il revient ainsi au Tribunal de rechercher si la clause abusive aggrave la situation financière de l'emprunteur par rapport aux droits conférés par la loi et le modèle type.
Sur ce point, il a été observé qu'avant l'intervention du législateur par la loi n° 89-421 du 23 juin 1989 qui a donné à l'emprunteur la faculté dans tous les cas de rembourser par anticipation le crédit consenti, et par la loi n° 89-1010 dii 31 décembre 1989, qui a supprimé le droit à indemnité du prêteur, « les établissements de crédit cherchaient à empêcher le remboursement anticipé. Ils inséraient dans le contrat de crédit soit une clause interdisant purement et simplement un tel remboursement, soit une clause obligeant l'emprunteur à verser en pareil cas une indemnité élevée rendant le remboursement plus onéreux que le maintien du contrat jusqu'à son terme » (J. Calais-Auloy, F. Steinmetz, Droit de la consommation, 6ème éd. 2003, p. 405).
Et en effet, si le remboursement anticipé prive le fournisseur de crédit d'une partie des intérêts qui devaient constituer son bénéfice, il permet au consommateur d'abandonner le crédit s'il s'aperçoit que la charge en est excessive. Il en est ainsi si la situation financière du consommateur s'améliore ou en cas de période de baisse des taux d'intérêt où il est plus intéressant pour l'emprunteur de rembourser par anticipation un prêt à taux élevé grâce à un nouveau prêt à un taux moindre. La doctrine relève d'ailleurs que les lois de 1989 ont été adoptées pour «p ermettre au débiteur de bénéficier de la baisse des taux de l'intérê t» (« Le remboursement anticipé du prêt en droit français », J-R Mirbeau-Gauvin, D. 1995 chron. p. 46).
L'article 3 du paragraphe II, prévoyant que l'emprunteur doit respecter un délai de préavis de trois mois en cas de remboursement partiel ou total par anticipation et prévenir le prêteur de son intention par lettre recommandée, fait peser sur l'emprunteur la charge de trois mois d'intérêts échus et le prive durant ce même délai de la faculté de tirer profit d'un éventuel prêt au taux moindre.
Il s'en déduit que les conditions posées par la clause litigieuse aggrave bien la situation financière de l'emprunteur et constitue une irrégularité du contrat de crédit de, nature à influer sur la liquidation de la créance dont il est demandé le paiement. Par conséquent, le tribunal prononcera la déchéance du droit aux intérêts prévue Par l'article L. 311-33 du Code de la consommation.
Sur le montant de la créance :
L'article L. 311-33 du Code de la consommation prévoit que lorsque l'établissement de crédit est « déchu du droit aux intérêts », l'emprunteur n'est « tenu qu'au seul remboursement du capital ».
Les articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation sont applicables tant au crédit à titre onéreux qu'à titre gratuit. Or, ce dernier type de prêt n'ouvre droit qu'aux intérêts légaux à compter de son échéance ou de la déchéance du terme, de sorte que limiter la déchéance du [minute page 8] droit aux intérêts aux seuls intérêts conventionnels, reviendrait à priver le crédit gratuit de la sanction prévue par l'article L. 311-33 du Code de la consommation.
Par ailleurs, dans la mesure où l'article L. 311-33 du Code de la consommation ne distingue pas entre intérêts légaux ou conventionnels, il n'y a pas lieu de distinguer entre les deux catégories d'intérêts. De surcroît, l'article L. 311-33 limite clairement l'obligation de l'emprunteur au seul remboursement du capital et déroge à l’article L. 311-30 du Code de la consommation qui prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard au taux conventionnel, le dit texte constituant une des exceptions prévues par l'article 1153 alinéa 3 du Code civil Enfin, l'article 1153-1 du Code civil est inapplicable puisque le jugement ne porte pas condamnation à une indemnité. Il s'en déduit que la déchéance du droit aux intérêts est absolue et que la créance de la société de crédit ne produit aucun intérêt (Voir en ce sens, TI Niort, 15 mai 2002, SA DIAC c/ Mme David : Contrats conc. consom. 2002, n° 115, obs. G. Raymond).
Le montant de la créance de la SA C. sera fixé en déduisant le montant des intérêts, frais et primes d'assurances du solde débiteur.
- Capital emprunté : 3.049 euros,
- Montant des règlements effectués depuis l'origine (à déduire) : 203 euros
Total (restant à payer) : 2.746 euros
Il convient de mettre cette somme à la charge de M. X et Mme X. qui seront tenus solidairement, étant précisé que cette somme ne portera pas intérêt pour l'avenir en application de la déchéance prononcée
La SA C. ne justifie pas de l'existence d'un préjudice distinct de celui qui se trouve réparé par la présente condamnation. De faite sa demande de dommages et intérêts sera rejetée.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SA C. la totalité des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû engager dans la présente instance. Sa demande au titre de l'article 700 du NCPC sera donc rejetée.
Le jugement étant rendu en dernier ressort, l'exécution provisoire ne sera pas prononcée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant publiquement, par jugement par défaut, en dernier ressort
- condamne M. X et Mme C. solidairement à payer à la SA C., au titre du contrat de prêt personnel du 22 juin 2000, la somme de 2.746 euros, sans intérêt aucun à compter de la date du présent jugement,
- rejette toute autre demande,
- condamne M. X. et Mme X. née Y. aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et le Président a signé avec le Greffier.
Le Président Le Greffier
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