CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 3 juillet 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 7386
CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 3 juillet 2014 : RG n° 12/17885
Cassé partiellement par Cass. com., 18 mai 2016 : pourvoi n° 14-25436 ; arrêt n° 439
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Considérant que la société Optimal soutient que la rupture des relations relève de l'article L. 442-6.1 du code de commerce en ce que des faits qui ont pour effet « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre financier dans les droits et obligations des parties d'obtenir ou de tenter d'obtenir sous la menace d'une rupture brutale, totale ou partielle des relations commerciales des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiements, les modalités de vente.... », constituent des fautes obligeant leur auteur à réparation ;
Considérant que les nouvelles conditions de rémunération avaient reçu l'aval du syndicat des agents et n'avaient pas soulevé de contestations de la part des autres agents ; que si elles avaient une incidence plus importante pour la société Optimal, cette dernière ne rapporte pas la preuve d'un déséquilibre en résultant dans les droits et obligations réciproques, ni de ce qu'elles auraient eu un caractère abusif. »
2/ « Considérant que Mme Y. fait valoir quelle était soumise à une clause de non concurrence qui était abusive en ce qui concerne la limitation territoriale, les activités et en ce qu'elle concerne une personne physique qui n'était pas partie au contrat incluant cette clause ;
Considérant que, néanmoins, Mme Y. était la dirigeante de la société Optimal et était de ce fait l'interlocuteur des clients ; que dès lors il était légitime pour la société BNP Paribas Personal de prévoir une clause de non concurrence à son endroit ;
Considérant qu'une clause de non concurrence doit être limitée dans le temps et l'espace. Considérant que cette clause était stipulée pour deux ans et s'appliquait au département du secteur d'activité de l'agent à savoir La Martinique ; que s'agissant les activités, étaient visée la représentation directe ou indirecte de sociétés concurrentes de l'IUCB, pour l'octroi de prêts immobiliers ainsi que pour l'octroi de prêts personnels aux clients de l'UCB » ; que cette clause, limitée dans le temps et l'espace l'était aussi quant aux activités ; que c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté Mme Y. de ses demandes. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 3 JUILLET 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/17885 (12 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 septembre 2012 - Tribunal de Commerce de PARIS - 19ème CHAMBRE - R.G. n° 2011027079.
APPELANTES :
Madame X. épouse Y.
domiciliée [adresse]
SARL OPTIMAL
représentée par sa gérant Marie X. épouse Y., ayant son siège social [adresse], Représentées par Maître Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753, Représentées par Maître Jean-Mathieu BOUSSARD de la SELARL WATRIGANT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R238
INTIMÉE :
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020, Représentée par Maître Julien MARTINET de la SDE KRAMER LEVIN NAFTALIS & FRANKEL LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J008
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 avril 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Colette PERRIN, Présidente, chargée du rapport et Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Colette PERRIN, Présidente, Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère, Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller.
Greffier, lors des débats : Mme Emmanuelle DAMAREY
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Madame Emmanuelle DAMAREY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Mme Y. a signé le 15 juillet 2004 un mandat d'agent de la société UCB pour l'octroi de prêts immobiliers aux particuliers sur le territoire de la Martinique, puis le 25 mai 2005, ce mandat a été poursuivi par la société Optimal, dont elle est la gérante.
L'agent était rémunéré par deux commissions, l'une calculée en fonction du volume de crédit, l'autre liée à la rentabilité pour la société UCB de la production de l'agent, appelée PBA.
En juin 2008 les sociétés UCB, Cetelem et BNP Paribas Incvest Immo ont fusionné pour devenir BNP Paribas Personal Finance sans que soit modifié le mandat confié à la société Optimal.
Fin 2009, la société BNP Paribas Personal Finance a procédé à une refonte des conditions de rémunération des agents avec une rémunération basée désormais uniquement sur le volume, supprimant la commission PBA.
Le syndicat des agents a approuvé ces nouvelles dispositions et une nouvelle annexe a été envoyée aux agents pour ratification par lettre du 18 juin 2010, avec une demande de signature pour le 30 septembre 2010.
La société Optimal a refusé de signer cette nouvelle annexe et a notifié par lettre du 22 novembre 2010 à la société BNP Paribas Personal Finance qu'elle prenait acte de la rupture de son contrat.
C'est dans ces conditions que, considérant avoir subi un préjudice, la société Optimal et Mme Y. ont assigné la société BNP Paribas Personal Finance pour obtenir réparation.
Par jugement en date du 26 septembre 2012, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit que le contrat d'agent liant la société Optimal à la société BNP Paribas Personal Finance n'a pas été rompu aux torts de la société BNP Paribas Personal Finance,
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer à la société Optimal la somme de 209.964 euros à titre d'indemnité de rupture contractuelle majorée des intérêts de retard aux taux légal à compter du 22 juillet 2011,
- condamné la société Optimal à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 6.493,75 euros au titre du solde du compte d'avance report,
- dit que les condamnations ci-dessus prononcées se compenseront à due concurrence,
- débouté la société Optimal de sa demande d'expertise,
- débouté la société Optimal et Mme Y. de leurs autres demandes d'indemnisation,
- condamné solidairement la société Optimal et Mme Y. à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement
Vu l'appel interjeté le 5 octobre 2012 par la société Optimal et Mme Y. contre cette décision.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 4 janvier 2013, par lesquelles la société Optimal et Mme Y. demandent à la cour de :
- recevoir la société Optimal en son appel et la dire bien fondée,
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a reconnu le principe du versement d'une indemnité compensatrice contractuelle et porter le montant de cette condamnation à une année de commissions assortie des intérêts légaux depuis le 22 juillet 2011 (date à laquelle elle aurait due être versée), selon les comptes à établir par accord des parties, ou à défaut à dire d'expert,
- constater la rupture du mandat consenti par la société BNP Paribas Personal Finance, à la société Optimal, aux torts exclusifs du mandant,
- condamner en conséquence la société BNP Paribas Personal Finance au versement d'une indemnité de rupture qui, compte tenu des circonstances ne saurait être inférieure à trois années de commissions, forfaitisées à la somme de 1.424.000 euros, sauf à parfaire,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance à indemniser la société Optimal du manque à gagner subi par elle depuis le mois de juillet 2010 du fait des changements brutaux et unilatéraux des modalités potestatives de calculs des commissions imposées par le mandant, qui peut être évalué provisoirement à la somme de 324.000 euros, sauf à parfaire,
- désigner à cette fin, tel expert qu'il plaira au tribunal, afin de déterminer le montant de ces préjudices qui, pour le manque à gagner des mois de juillet à décembre 2010 viendra compléter les commissions de l'exercice 2010 arrêtées par l'expert-comptable,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance à indemniser la gérante de la société Optimal du préjudice qu'elle subit du fait de la disparition de son outil de travail et des conséquences de la clause de non-concurrence à laquelle elle est soumise et qui lui interdisent notamment toute activité professionnelle dans le métier qu'elle connaît, pour une durée de deux années et sur le territoire ilien où elle réside. Cette indemnisation peut être provisionnellement fixée à la somme de 444.000 euros, sauf à parfaire,
- ordonner la publication de la décision à intervenir dans trois journaux, au choix de la société Optimal, aux frais de la société BNP Paribas Personal Finance dans la limite de 10.000 euros par insertion,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance au versement d'une indemnité de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
La société Optimal soutient que la modification unilatérale du contrat de mandat par la société BNP Paribas Personal Finance, qui avait pour conséquence de réduire de moitié de sa rémunération, l'a contrainte à prendre acte de la rupture du contrat de mandat par la société BNP Paribas Personal Finance.
Elle qualifie son contrat d'agent de mandat d'intérêt commun et affirme que la société BNP Paribas Personal Finance ne se trouvait dans aucune des circonstances pouvant légitimer la rupture de celui-ci.
Elle estime que son préjudice est constitué par les pertes sur la rémunération des mois de septembre 2010 à juin 2011 du fait de la modification unilatérale du contrat par la société BNP Paribas Personal Finance et par la disparition de l'entreprise de la société Optimal qui ne pouvait plus être bénéficiaire suite à la modification imposée de sa rémunération, et par un préjudice d'image et de réputation car elle a dû cesser son activité alors qu'elle venait d'acquérir une forte réputation en Martinique.
La société Optimal estime le quantum de l'indemnité compensatrice retenu par le tribunal de commerce insuffisant.
Mme Y. soutient que la clause de non concurrence à laquelle elle était soumise était abusive la mettant dans l'impossibilité de travailler et demande réparation à ce titre.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 4 mars 2013, par lesquelles la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- donner acte à la société BNP Paribas Personal Finance de ce qu'ayant versé à la société Optimal la somme de 200.006,12 euros correspondant à l'indemnité compensatrice de 209.964 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2011, soit 211.469,87 euros, et diminuée des sommes auxquelles la société Optimal et sa gérante ont été condamnées au profit de la banque, soit 6.493,75 euros au titre du solde négatif du compte avance report et 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, elle ne lui doit plus rien à ce titre,
- débouter la société Optimal et Mme Y. de leurs demandes à toutes fins qu'elles comportent,
- condamner solidairement la société Optimal et Mme Y. au paiement, au profit de la société BNP Paribas Personal Finance, d'une indemnité de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
L'intimée estime qu'elle n'a pas modifié unilatéralement le contrat de mandat conclu avec la société Optimal, les modifications ayant été acceptées par le syndicat des agents dont fait partie la société Optimal et la société BNP Paribas n'ayant imposé aucun ultimatum à la société Optimal pour signer la nouvelle annexe.
Elle considère que la modification de rémunération, acceptée par le syndicat des agents, a permis de revaloriser les commissions perçues par les agents et qu'elle était nécessaire afin de mettre ceux-ci en conformité avec l'article L. 313-11 du code de la consommation.
Elle considère que cette modification n'a pas affecté négativement les commissions de la société Optimal, la rémunération de cette dernière ayant d'ailleurs fortement augmenté en 2010.
Elle soutient que le contrat qui la liait à la société Optimal n'est pas un mandat d'intérêt commun, la terminologie étant employée à tort dans l'acte intitulé « Statut des agents », mais un contrat d'intermédiaire en opération de banque.
Elle nie, si le contrat conclu avec la société Optimal se révélait être un mandat d'intérêt commun, être à l'origine de la rupture du contrat, celle-ci n'étant due qu'à la démission de la société Optimal.
Elle affirme que la clause de non-concurrence liant Mme Y. respectait toutes les conditions de validité prévues, puisqu'elle est limitée dans le temps et dans l'espace et qu'elle ne portait pas une atteinte excessive à la liberté du travail.
Elle rejette enfin l'idée selon laquelle la société Optimal aurait subi un préjudice d'image et de réputation
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la modification des règles contractuelles :
Considérant que la société Optimal et sa dirigeante soutiennent que la société BNP Paribas Personal a modifié unilatéralement les conditions contractuellement prévues de leurs relations, en supprimant dans la rémunération la part correspondant à la rentabilité, ce qui en constituait un élément substantiel, et en mettant en application un nouveau mode de calcul dès le mois de juin 2010 alors qu'elle connaissait son opposition.
Considérant que la société BNP Paribas affirme avoir proposé de nouvelles conditions qu'elle a soumises à l'adhésion du syndicat des agents et à l'ensemble de ses agents et soutient que celles-ci leur étaient au moins aussi favorables et permettaient une mise en conformité avec l'évolution réglementaire
Considérant que si les conditions de rémunération des agents datent de 2001, elles ont fait l'objet de plusieurs amendements, notamment en 2005, 2006, 2007 et 2009 qui ont été acceptées par la société Optimal ; que par un courriel en date du 11 juin 2010, la société BNP Paribas Personal a annoncé un aménagement portant sur l'une des variables de leur rémunération, à savoir le taux de PBA (Produit Brut Actualisé) qui était forfaitisé à 0,30 % ;
Considérant que la société Optimal affirme qu'à compter du 1er juin 2010, la société BNP Paribas Personal a imposé une nouvelle grille tarifaire qui excluait toute possibilité de production d'une marge brute » telle qu'elle existait en ce que la rémunération des agents comportait jusqu'alors une part de rémunération variable assise sur la marge bénéficiaire de l'entreprise mandante, pour la remplacer par une rémunération exclusivement proportionnelle au volume des emprunts placés par ses agents, excluant donc toute variable proportionnelle au résultat.
Considérant que le contrat d'agent du 25 mars 2005 comportait une annexe concernant les rémunérations et précisant que le calcul des commissions des agents dépend « du volume et de la rentabilité de leur production... A l'UCB cette rentabilité s'apprécie grâce au PBA (Produit Brut Actualisé) ».
Qu'il était précisé que le PBA d'un crédit « c'est (mesuré pour chaque contrat à un instant donné) :
- La différence entre l'ensemble des flux créditeurs et des flux débiteurs générés par un dossier.
Le montant du PBA dépend :
de la marge financière....
du montant et du profil d'amortissement..
de la différence entre les frais décaissés et encaissés
Ce qui restera à l'entreprise pour couvrir l'ensemble de ses frais généraux, déduction faite des frais affectés au dossier (le coût du risque, le coût des fonds propres, les coûts de gestion et le commissionnent APA ». qu'il résulte de cette clause que la rémunération de la société Optimal était fondée d'une part sur le volume, d'autre part, sur la rentabilité.
Considérant que la société BNP Paribas Personal a écrit à ses agents le 18 juin 2010 « Dans les nouvelles conditions de rémunération que vous trouverez ci joint, vous constaterez :
la suppression de la notion de PBA
une rémunération unique au volume proportionnel au capital souscrit Fixe et Révisable ».
La mise en place des nouvelles conditions de rémunération sera effective au 1er octobre 2010 pour tout nouveau dossier arrivé » ; qu'elle a ainsi entendu supprimer la variable constitué par le PBA ;
Considérant que la société BNP Paribas Personal fait valoir que son agent ne saurait lui reprocher de faute dans la mesure où, d'une part, les annexes comportant de nouvelles règles de calcul ont été élaborées en concertation avec le syndicat national des agents agréés, d'autre part celles-ci n'étaient pas défavorables aux agents permettant à ceux-ci, en supprimant leur rémunération proportionnelle à la rentabilité du crédit, d'éviter la baisse de leurs commissions en période de crise et de baisse des taux d'intérêts.
Considérant que la société Optimal affirme que la partie de sa rémunération liée à la rentabilité était prépondérante, représentant 60 % de celle-ci ce que conteste la société BNP Paribas Personal qui soutient que cette variable ne concernait que les crédits immobiliers à taux fixe Cetelem, lesquels ne représentaient au maximum que 20 % de l'activité de la société Optimal.
Considérant que la société Optimal affirme que cette modification est à l'origine de la baisse de son chiffre d'affaires et l'aurait conduite inéluctablement à une cessation des paiements ; qu'elle produit l'évaluation faite par la société BNP Paribas Personal et qui indique « déjà remarquable par son classement en termes de volume de production où du fait de son évolution constante, ce cabinet est passé de n° 29 à n° 4. Il se révèle exceptionnel par son classement en termes de contribution brute à la rentabilité de son mandant (PBA) ... où il se place systématiquement aux premiers rangs (n °1 ou 2) ... Il est unique en termes de régularité de performances... Enfin et surtout selon le critère déterminant « rentabilité des capitaux immobilisés »( rentabilité brute rapportée aux montants prêtés ou PBA/volume de production) ce cabinet se révèle de façon écrasante N°1, très loin devant tous ses agents contemporains et même probablement N°1 de tous agents de tous temps ».
Considérant qu'il résulte de ces éléments que la rémunération au titre de la rentabilité constituait un élément essentiel de la rémunération, la société BNP Paribas Personal ne peut le nier, alors même qu'il figurait au même titre que le volume dans les conditions de rémunération et qu'elle établissait un classement de ses agents sur la base de leurs performances au titre de chacun de ces deux critères ; que les éloges décernés à la société Optimal démontrent que celle-ci occupait une place particulière au regard de ce critère puisqu'elle était « n°1 très loin devant tous ses agents contemporains et même probablement N°1 de tous agents de tous temps ».
Considérant que par courriel du 30 avril 2008, peu avant la fusion entre les sociétés UCB, Cetelem et BNP Paribas Invest Immo pour devenir BNP Paribas Personal Finance, M. D., directeur de L'UCB, avait relevé les spécificités du marché DOM indiquant « La marque Cetelem n'est pas distribuée en tant que telle dans les DOM en matière de crédit à la consommation. PF y est représenté par des filiales sous la marque Crédit Moderne. Cette stratégie vise à pouvoir déployer une offre à un niveau de prix, de moyen et de risque très différents de ceux de la métropole afin de mieux coller aux spécificités et opportunités de ces marchés ».
Considérant que, lorsque la société BNP Paribas Personal a décidé d'abandonner la rémunération rentabilité et de ne conserver qu'une rémunération basée sur le volume, la société Optimal a attiré son attention en exposant que ces nouvelles dispositions la pénalisaient « triplement (revenus, valeur IC et réorganisation du cabinet en fonction des nouvelles conditions de rémunération). Ne pouvant accepter cette modification du contrat... ».
Considérant que, si le syndicat des agents s'est félicité en indiquant « Le conseil d'administration a considéré que l'accord était bon et sécurisant pour le réseau d'agents...Le taux de commissionnement avec le nouvel accord est supérieur au taux moyen des trois dernières années », la société Optimal conteste la qualité de ce syndicat à son endroit, indiquant ne lui avoir donné aucun pouvoir de négocier les conditions contractuelles existantes entre elle et son mandant ;
Considérant que l'objet social de ce syndicat est « l'établissement de relations confiantes entre ses membres d'une part, la Direction et les différents services de la société, d'autre part » ; qu'en étudiant les règles de rémunération des agents et en les approuvant comme conformes à l'intérêt des agents, ce syndicat a œuvré dans le cadre de son objet, quand bien même son accord ne saurait lier individuellement chacun des agents ; qu'il a émis un avis général qui ne saurait s'appliquer à la situation particulière de la société Optimal qui avait été soulignée par la société BNP Paribas Personal elle-même.
Considérant que la société BNP Paribas Personal fait valoir que cette modification a permis à ses agents de se mettre en conformité avec les dispositions du Code de la consommation qui interdisait aux agents, en matière de prêts immobiliers, d'être rémunérés en fonction du taux d'intérêt accordé à l'acquéreur ; que la société Optimal ne saurait le contester, quand bien même la loi du 1er juillet 2010 a limité cette interdiction aux personnes physiques qui placent ce type de crédit.
Considérant qu'il résulte des documents comptables produits par la société Optimal qu'elle a bénéficié jusqu'en août 2010, d'une rémunération moyenne de 2,08% sur laquelle la rémunération PBA représentait à elle seule entre 1,11% et 1,14%, soit plus de la moitié de la rémunération.
Considérant que l'expert-comptable indique dans son tableau des commissions versées et de celles dues que « après plusieurs années très difficiles, Optimal est arrivée à un équilibre de fonctionnement fin 2008
2 Sa titrisation en 2008 n'avait pas réussi à en faire un exercice profitable ».
Considérant que la société BNP Paribas Personal indique avoir fait l'inventaire des commissions PBA perçues par la société Optimal sur les prêts à taux fixe impactés par la modification du mode de calcul de la rémunération, et deux tableaux récapitulant les commissions PBA, produisant, d'une part, un tableau de tous les prêts apportés par la société Optimal entre 2008 et 2011, d'autre part, deux tableaux récapitulant les commissions PBA et démontrant que la part du PBA était en toute hypothèse en régression, celles-ci ayant été de :
20.175 euros en 2008
21.472 euros en 2009
9.876 euros en 2010
6.407 euros en 2011.
Considérant que ces tableaux ont été réalisés par la société BNP Paribas Personal et ne sont pas authentifiés de sorte que la Cour ne saurait les concerner comme probants ; que, si la société BNP Paribas Personal indique avoir versé à la société Optimal une rémunération de 236.328,46 euros en 2009 et de 305.103,61 euros en 2010 soit en augmentation, il ne s'ensuit pas pour autant qu'une augmentation de la rémunération au titre du volume de la production pouvait compenser la perte de rémunération au titre de la rentabilité, l'augmentation de la production en volume s'accompagnant de charges nouvelles alors même que la société Optimal venait juste de retrouver son équilibre
Considérant que la société Optimal soutient que les nouvelles règles de rémunération ont fait apparaître une baisse de 40 % de ses commissions ce qu'elle a constaté à réception de son bordereau de commissions du mois d'octobre 2010 ; qu'elle fait valoir que ses résultats ont été seulement de 20Keuros en 2010 avec une perte de 60 Keuros sur 6 mois d'exercice ; qu'elle produit une attestation de son expert-comptable qui atteste d'un chiffre d'affaires de 367.454 euros en 2010 et un tableau estimant à 474.552 euros le montant dû au titre de ses douze derniers mois d'activité.
Considérant qu'il résulte de ces éléments que, si la société BNP Paribas Personal pouvait proposer à ses agents de nouvelles conditions de rémunération, la société Optimal pouvait constater que celles-ci portaient sur un élément essentiel et lui étaient défavorables quand bien même, il n'est pas démontré que son analyse était susceptible de s'appliquer à un autre agent.
Sur la rupture :
Considérant que la société BNP Paribas Personal soutient ne pas être à l'origine de la rupture dans la mesure où il appartenait à la société Optimal d'accepter ou de refuser les nouvelles conditions de rémunération qu'elle lui proposait et affirme lui avoir maintenu ses conditions de rémunération antérieures.
Considérant que la société Optimal fait valoir, d'une part, que la société BNP Paribas Personal n'avait pas le droit de mettre unilatéralement un terme au mandat d'intérêt commun qui les liait, d'autre part, qu'elle n'a jamais été démissionnaire.
Considérant que la rupture du contrat incombe au mandant dès lors que celui-ci l'a provoquée en imposant à son mandant une modification substantielle des conditions de calcul de sa rémunération, entrainant pour lui une diminution de celle-ci et qu'il ne pouvait accepter en raison des conséquences négatives susceptibles d'en découler ; que dans ces conditions la société Optimal, qui a pris acte de la rupture, ne saurait être considérée comme démissionnaire.
Considérant que les parties étaient liés par un contrat à durée indéterminée de sorte que chacune d 'elles était libre d'y mettre fin en respectant les conditions contractuellement stipulées, étant observé que le contrat d'agent faisait expressément référence au statut des agents UCB.
Considérant que la société Optimal a contesté l'application de ces dispositions, faisant valoir que les parties étaient liées par un mandat d'intérêt commun relevant des règles du code civil.
Considérant que le statut des agents de l'UCB en date du 2 juillet 2001dispose que « les rapports entre l'UCB et ses agents '. sont ceux de mandant à mandataire dans le cadre d'un mandat d'intérêt commun régi par le Code civil » ;
Considérant que, si le statut précité qualifie le mandat, il ne précise pas les éléments de l'activité qui caractériseraient un mandat d'intérêt commun.
Considérant que le contrat signé le 25 mars 2005 que le mandat conclu entre la société Optimal et l'UCB le a pour objet « un mandat d'agent de l'UCB » ; que ce contrat stipule un objectif de résultat, l'UCB se réservant un droit de résiliation dans les conditions prévues par le statut de ses agents.
Que le contrat stipule que le mandataire ne peut engager le mandant « sans avoir préalablement reçu une autorisation spéciale et écrite » ce qui exclut une représentation de la société BNP Paribas Personal par son agent.
Que si l'activité des agents a été décrite par l'UCB comme étant caractérisée par les points suivants :
« vous pilotez votre activité et organisez les moyens nécessaires à la croissance de votre centre de profit,
vous représentez l'UCB et développez l'activité sur votre secteur géographique
vous êtes à l'écoute des opportunités de votre marché et intervenez auprès des instances professionnelles représentatives de votre région
vous conseillez les clients et leur proposez des solutions de financements
vous construisez votre rémunération »
il n'en résulte pas la démonstration que la société Optimal avait le pouvoir d'accomplir des actes juridiques au nom et pour le compte de son mandant ; que le contrat stipulait au contraire « votre société est en relation avec les responsables de nos organisations de région et elle adresse ou fait adresser les demandes de prêts qu'elle recueille au Centre d'étude qui lui est désigné ».
Considérant que la société UCB dans un courrier du 23 mai 2008 avisant ses agents de la fusion avec le groupe BNP Paribas indiquait que le mandat énonce « Vous (l'agent) aurez essentiellement à recueillir et/ou nous transmettre les demandes de prêts de la vocation UCB. Ainssi dès la fusion réalisée... (le)mandat devra se lire comme habilitant l'Agent à recueillir et/ou à transmettre les demandes de prêts de la vocation de BNP Paribas PersonalFinance PF puisque BNP Paribas Personal Finace sera substituée à l'UCB ».
Qu'il résulte de ces éléments que la société Optimal a développé une activité spécifique d'intermédiaire en opérations de banque relevant du monopole bancaire et que le contrat d'agent liant les parties n'est pas un mandat d'intérêt commun régi par le Code Civil.
Considérant que le statut des agents de l'UCB dispose que le mandat peut cesser :
- soit de plein droit
- soit par la volonté de l'agent
- soit par la volonté de l'UCB
- soit pour un motif d'ordre public
Considérant que la société BNP Paribas Personal ayant notifié à son agent des modifications substantielles de sa rémunération, il s'ensuit une cessation du contrat à l'initiative de la société BNP Paribas Personal que la société Optimal n'a fait qu'acter, sans pour autant que cette rupture soit fautive ;
Sur l’indemnisation de la société Optimal :
Considérant que la société Optimal expose avoir subi un préjudice considérable dans la mesure où elle a contribué à adapter l'offre de crédit immobilier au marché particulier des DOM en 2004 et 2005 et que malgré la concurrence du fait de réseaux parallèles installés par son mandant, elle lui a assuré une profitabilité meilleure qu'aucun autre agent.
Considérant toutefois que l'article 8.4 du Statut des agents UCB dispose que l'agent a droit à une indemnité compensatrice équivalente à une année de commissions acquises au cours des trente six derniers mois ; que la société BNP Paribas Personal ne conteste pas avoir proposé au cours de l'instance de régler à son agent la somme de 209.964 euros, montant que la société conteste comme étant en dessous du montant contractuellement prévu.
Considérant que le statut dispose que cette indemnité sera égale à la rémunération moyenne d'une année et sera calculée sur la moyenne arithmétique des rémunérations, toutes catégories confondues, acquises durant les 36 derniers mois du mandat de l'agent.
Considérant que la rémunération globale de la société Optimal s'étant élevée à 167.478 euros en 2008, 235.328,46 euros en 2009 et à 235.328,46 euros, il y a lieu de chiffrer le montant de l'indemnité compensatrice à la somme de 235.970 euros ;
Considérant que la société Optimal produit une attestation de son expert-comptable qui précise que sa rémunération a été de 367.454 euros en 2010 ; que la Cour retiendra cette somme comme montant de l'indemnité compensatrice.
Considérant qu'il y a lieu de débouter la société Optimal de ses autres demandes indemnitaires fondées sur une rupture fautive du mandat.
Sur les autres demandes de la société Optimal :
Considérant que la société Optimal soutient que la rupture des relations relève de l'article L. 442-6.1 du code de commerce en ce que des faits qui ont pour effet « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre financier dans les droits et obligations des parties d'obtenir ou de tenter d'obtenir sous la menace d'une rupture brutale, totale ou partielle des relations commerciales des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiements, les modalités de vente.... », constituent des fautes obligeant leur auteur à réparation ;
Considérant que les nouvelles conditions de rémunération avaient reçu l'aval du syndicat des agents et n'avaient pas soulevé de contestations de la part des autres agents ; que si elles avaient une incidence plus importante pour la société Optimal, cette dernière ne rapporte pas la preuve d'un déséquilibre en résultant dans les droits et obligations réciproques, ni de ce qu'elles auraient eu un caractère abusif.
Considérant qu'il y a lieu de la débouter de ses demandes indemnitaires sur ces fondements.
Sur la demande au titre de pertes de commissions :
Considérant que la société Optimal soutient pas avoir perçu les commissions PBA sur la période de septembre 2010 à juin 2011.
Considérant que la société BNP Paribas Personal le conteste faisant valoir qu'elle a continué d'appliquer les anciennes conditions de rémunération et a précisé e justifié du montant des commissions versées à ce titre.
Considérant que la société Optimal n'apporte aucun élément à l'appui de sa demande, la seule baisse du montant de la rémunération versée ne démontrant pas qu'elle n'a pas été remplie de ses droits ; que d'ailleurs la société BNP Paribas Personal explique que cette baisse qui concernait tous ses agents était due à une baisse des taux d'intérêts, ce qui est avéré, et que c'était une des raisons de la modification de la base de calcul ; qu'au demeurant la société Optima, qui n'a jamais contesté avoir reçu le détail des commissions qui lui était versées, était en mesure de préciser les opérations sur lesquelles elle n'aurait pas reçu cette rémunération ce qu'elle ne fait pas, produisant seulement une analyse de son expert-comptable sur ce qu'elle aurait dû être sur la base de la moyenne de son activité.
Considérant que la société Optimal ne saurait demander l'organisation d'une expertise pour pallier sa carence dans l'administration de la preuve.
Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté sa demande.
Considérant que la société Optimal ne conteste pas avoir bénéficié d'avances de la part de son mandant ; que ce dernier produit un historique des comptes avances et reports au 31 août 2011 et au 31 janvier 2012, date à laquelle le solde s'élevait à 6.463,75 euros à son profit ; que la société Optimal n'apporte aucun élément probant pour contester ceux-ci ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande de la société BNP Paribas Personal et a ordonné la compensation entre les sommes dues par chacune des parties.
Sur la demande de Mme Y. :
Considérant que Mme Y. fait valoir quelle était soumise à une clause de non concurrence qui était abusive en ce qui concerne la limitation territoriale, les activités et en ce qu'elle concerne une personne physique qui n'était pas partie au contrat incluant cette clause ;
Considérant que, néanmoins, Mme Y. était la dirigeante de la société Optimal et était de ce fait l'interlocuteur des clients ; que dès lors il était légitime pour la société BNP Paribas Personal de prévoir une clause de non concurrence à son endroit ;
Considérant qu'une clause de non concurrence doit être limitée dans le temps et l'espace.
Considérant que cette clause était stipulée pour deux ans et s'appliquait au département du secteur d'activité de l'agent à savoir La Martinique ; que s'agissant les activités, étaient visée la représentation directe ou indirecte de sociétés concurrentes de l'IUCB, pour l'octroi de prêts immobiliers ainsi que pour l'octroi de prêts personnels aux clients de l'UCB » ; que cette clause, limitée dans le temps et l'espace l'était aussi quant aux activités ; que c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté Mme Y. de ses demandes.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Considérant que la société Optimal a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges,
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité compensatrice
et statuant à nouveau,
CONDAMNE la société BNP Paribas Personal à payer à la société Optimal la somme de 235.970 euros au titre de l'indemnité compensatrice
REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire
CONDAMNE la société BNP Paribas Personal à payer à la société Optimal la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la société aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
Le Greffier La Présidente
E. DAMAREY C. PERRIN
- 6180 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Indices - Principes généraux
- 6184 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Indices - Déséquilibre injustifié - Environnement contractuel
- 6203 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Distribution - Autres contrats
- 6229 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par clause - Contenu du contrat - Prix - Montant du prix
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- 6619 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Taux d’intérêt et frais
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