CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch.), 20 septembre 1995

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch.), 20 septembre 1995
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), 11e ch.
Demande : 94/19269
Décision : 877/95
Date : 20/09/1995
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 3/10/1994
Décision antérieure : TI MARSEILLE, 6 septembre 1994
Numéro de la décision : 877
Décision antérieure :
Imprimer ce document

 

CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 760

CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch.), 20 septembre 1995: RG n° 94/19269 ; arrêt n° 877/95

Publication : Juris-Data n° 047069 ; site CCAB

 

Extrait : « Attendu que la société MARSEDIS oppose à son client la clause limitative de responsabilité imprimée au dos des reçus remis à ce dernier prévoyant au cas de perte une indemnisation égale à la valeur de la pellicule perdue et à un développement gratuit ; Attendu qu'une telle clause est susceptible d'être déclarée abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation dans la mesure où elle tend à réduire le droit à réparation du consommateur au cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations ; Attendu que cette sanction est soumise à la condition que soit démontrée l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Attendu que les conditions du contrat proposé par l'officine du développement de la société MARSEDIS CENTRE COMMERCIAL LECLERC sont imposées au client lequel se trouve face à un contrat d'adhésion qu'il ne peut modifier de quelque manière que parce qu'il se heurte à un abus de la puissance économique ou à un déséquilibre significatif face à la succursale d'une chaîne de grande distribution au sens de l'article 1er de la loi du 1er février 1995 ;

Attendu que l'avantage excessif conféré au locateur d'ouvrage, est l'impossibilité pour le consommateur, au moment du dépôt des films, moyennant le paiement d'une somme supplémentaire, d'opter pour une indemnisation non forfaitaire ; Attendu qu'en effet, dans l'espèce, le verso des tickets remis à X. le 30 août 1990 comporte un texte imprimé en caractères de couleur gris clair sur fond blanc, dont la hauteur est inférieure à celle du corps huit (2 mm), sur un support de petite taille (11,5 sur 3 cm) en infraction avec les conditions de clarté et de lisibilité indispensables pour garantir, au moment de la remise des pellicules, une lecture correcte et complète et donc l'information loyale et efficace du consommateur sur l'étendue exacte de ses droits ;

Attendu en particulier que la SA MARSEDIS n'a pas satisfait en l'espèce à son obligation de faire connaître, à son client, au moment la conclusion du contrat, de la faculté pour ce dernier de faire une déclaration spéciale dans le cas de travaux ayant une importance exceptionnelle, cet alinéa noyé et banalisé dans un long texte, non mis en valeur par un procédé typographique quelconque étant parfaitement illisible et légitimement escamoté à la vigilance d'un client de bonne foi, confronté aux conditions d'achalandage propre à une grande surface, et qui de toutes manières ne pourrait en prendre connaissance qu'une fois les pellicules remises au prestataire de service et celui-ci en possession effective des tickets de dépôt, c'est à dire au moment de quitter le rayon ;

Attendu qu'à cet égard l'affirmation contenue dans les conclusions de l'appelant selon laquelle « l'amie de Monsieur X. avait bien fait remarquer au vendeur que ces photos étaient importantes » (sic) ne saurait constituer par la banalité et la chronologie desdits propos la preuve de la connaissance par X. de la possibilité d'éviter l'indemnisation forfaitaire par une déclaration appropriée ; Attendu en effet que la présence d'une publicité attirant à cet égard l'attention de la clientèle du rayon photographie et au demeurant formellement contestée par X. dans ses écritures, ne résulte que de photographies récentes et peu fiables, et dont l'existence en août 1990 n'est nullement établie par la SA MARSEDIS ; puisqu'elle n'est apparue selon les témoins, Y. et Z. qu'à l'automne 1994 dans le magasin ; Attendu que la Cour relève encore de la part de l'intimée un certain cynisme à reprocher à X. de ne pas s'être adressé à un artisan photographe puisqu'il attachait tant d'importance à son reportage amateur, au risque d'avouer implicitement la faiblesse de sa propre prestation ;

Attendu enfin que la Cour retient que depuis 1994, les tickets délivrés par la société MARSEDIS comportent un texte imprimé en noir et non plus en gris, avec des caractères plus grands.

Attendu qu'il convient en définitive de réputer non écrite la clause limitative de responsabilité telle qu'elle figure dans les tickets remis à X. le 30 août 1990 et d'indemniser celui-ci selon les principes de droit commun de l'article 1150 du Code Civil ».

 

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ONZIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 1995

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 94/19269. Arrêt n° 877/95.

Arrêt de la 11ème Chambre Civile en date du 20 septembre 1995 prononcé sur appel d'un jugement rendu le 6 septembre 1994 par le Tribunal d' Instance de MARSEILLE

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur LAMBREY

Conseillers : Madame VEYRE Madame LONNE

Madame BELLIVIER DE PRIN, greffier, présente uniquement au débats

DÉBATS : A l'audience publique du 28 juin 1995. L'affaire a été mise en délibéré au 20 SEPTEMBRE 1995

PRONONCÉ : A l'audience publique du 20 septembre 1995 par Monsieur LAMBREY, Président, assisté de Madame BELLIVIER DE PRIN, greffier.

NATURE DE L'ARRÊT : CONTRADICTOIRE.

[minute page 2]

NOMS DES PARTIES :

APPELANT :

Monsieur X.

Etudiant, de nationalité française, demeurant [adresse], AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE du […]. APPELANT. Ayant la SCP COHEN pour avoués. Plaidant par Maître DARMON THierry, avocat au barreau de MARSEILLE

CONTRE

- La société MARSEDIS

dont le siège social est sis [adresse], prise en la personne de son représentant légal en exercice ;

- Le CENTRE COMMERCIAL E. LECLERC

dont le siège est [adresse], étant précisé que la désignation CENTRE COMMERCIAL LECLERC est l'enseigne de la société MARSEDIS

INTIMES. Ayant Maître ERMENEUX pour avoué. Plaidant par Maître RICHARD, avocat associé de la SCP REYNE RICHARD REYNE, avocats au barreau de MARSEILLE

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] FAITS ET PROCÉDURE :

Par déclaration du 3 octobre 1994, X. a relevé appel d'un jugement rendu le 6 septembre 1994 par le Tribunal d'Instance de MARSEILLE qui l'a débouté de sa demande en indemnisation formée à l'encontre du CENTRE COMMERCIAL LECLERC et de la SA MARSEDIS en réparation du préjudice subi du fait de la perte de 7 pellicules photo couleur de 36 poses chacune, confiées au développement.

Par son jugement le Tribunal a déclaré valable et appliqué la clause limitative de responsabilité prévue en la matière après avoir relevé que le client n'a pas signalé, comme le lui demandait explicitement le magasin, le cas de travaux ayant une importance exceptionnelle au moment de la remise des négatifs et que l'indemnisation forfaitaire proposée n'était pas négligeable.

* *

Par son appel, Franck X. demande à la Cour de :

- réformer le jugement,

- dire que la clause inscrite au recto du reçu est abusive de par l'inscription des caractères peu lisibles sur le fondement de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 relative à la protection et l'information des consommateurs de produits et services et l'article 1147 du Code Civil,

- dire subsidiairement que la clause inscrite sur le reçu devra être déclarée comme non apparente en vertu de la jurisprudence constante en la matière,

- condamner la SA MARSEDIS - CENTRE E. LECLERC à une somme de 10.000 francs à titre de dommages et intérêts pour la réparation du préjudice subi par Monsieur X.,

- condamner la SA MARSEDIS - CENTRE E. LECLERC à une somme de 3.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, au vu de l'aide juridictionnelle accordée à Monsieur X.,

- condamner la SA MARSEDIS - CENTRE E. LECLERC aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir :

- que le voyage à travers les ÉTATS-UNIS pérennisé par les 252 photographies perdues constitue un évènement exceptionnel dont le reportage est définitivement détruit.

- [minute page 4] que la clause opposée par le professionnel contenue sur un papier de 115 sur 30 millimètres ne peut suffire à alerter un consommateur novice en la matière étant en caractères minuscules et illisibles, de couleur gris clair sur fond blanc,

- qu'il a respecté l'invitation vague et formelle tendant à faire signaler l'importance exceptionnelle des travaux, mais que cette déclaration n'a pas été matérialisée par le vendeur…

- qu'il existe un déséquilibre significatif entre les parties au contrat, une telle clause résultant d'un abus de puissance économique et procurant un avantage excessif à la société.

* *

La société MARSEDIS exerçant sous l'enseigne CENTRE COMMERCIAL E. LECLERC demande à la Cour de confirmer le jugement et de lui allouer 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, faisant valoir :

- que les conditions exactes du voyage sont imprécises,

- que compte tenu de l'importance accordée aux photos, il incombait à l'appelant de la déclarer lors de la remise ou de s'adresser à un artisan photographe,

- que les conditions de la responsabilité du prestataire de service sont clairement indiquées sur les reçus remis à Monsieur X.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

* 1 - Attendu que l'appel, régulier en la forme, est recevable ;

* 2 - Attendu que la société MARSEDIS à qui avait été confié le 30 août 1990 pour développement 7 rouleaux de pellicule de 36 poses chacune par X., est tenue de restituer les objets reçus et ne peut s'exonérer de sa responsabilité que par la preuve de l'absence de faute ;

Attendu que la société MARSEDIS oppose à son client la clause limitative de responsabilité imprimée au dos des reçus remis à ce dernier prévoyant au cas de perte une indemnisation égale à la valeur de la pellicule perdue et à un développement gratuit ;

[minute page 5] Attendu qu'une telle clause est susceptible d'être déclarée abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation dans la mesure où elle tend à réduire le droit à réparation du consommateur au cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations ;

Attendu que cette sanction est soumise à la condition que soit démontrée l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Attendu que les conditions du contrat proposé par l'officine du développement de la société MARSEDIS CENTRE COMMERCIAL LECLERC sont imposées au client lequel se trouve face à un contrat d'adhésion qu'il ne peut modifier de quelque manière que parce qu'il se heurte à un abus de la puissance économique ou à un déséquilibre significatif face à la succursale d'une chaîne de grande distribution au sens de l'article 1er de la loi du 1er février 1995 ;

Attendu que l'avantage excessif conféré au locateur d'ouvrage, est l'impossibilité pour le consommateur, au moment du dépôt des films, moyennant le paiement d'une somme supplémentaire, d'opter pour une indemnisation non forfaitaire ;

Attendu qu'en effet, dans l'espèce, le verso des tickets remis à X. le 30 août 1990 comporte un texte imprimé en caractères de couleur gris clair sur fond blanc, dont la hauteur est inférieure à celle du corps huit (2 mm), sur un support de petite taille (11,5 sur 3 cm) en infraction avec les conditions de clarté et de lisibilité indispensables pour garantir, au moment de la remise des pellicules, une lecture correcte et complète et donc l'information loyale et efficace du consommateur sur l'étendue exacte de ses droits ;

Attendu en particulier que la SA MARSEDIS n'a pas satisfait en l'espèce à son obligation de faire connaître, à son client, au moment la conclusion du contrat, de la faculté pour ce dernier de faire une déclaration spéciale dans le cas de travaux ayant une importance exceptionnelle, cet alinéa noyé et banalisé dans un long texte, non mis en valeur par un procédé typographique quelconque étant parfaitement illisible et légitimement escamoté à la vigilance d'un client de bonne foi, confronté aux conditions d'achalandage propre à une grande surface, et qui de toutes manières ne pourrait en prendre connaissance qu'une fois les pellicules remises au prestataire de service et celui-ci en possession effective des tickets de dépôt, c'est à dire au moment de quitter le rayon ;

[minute page 6] Attendu qu'à cet égard l'affirmation contenue dans les conclusions de l'appelant selon laquelle « l'amie de Monsieur X. avait bien fait remarquer au vendeur que ces photos étaient importantes » (sic) ne saurait constituer par la banalité et la chronologie desdits propos la preuve de la connaissance par X. de la possibilité d'éviter l'indemnisation forfaitaire par une déclaration appropriée ;

Attendu en effet que la présence d'une publicité attirant à cet égard l'attention de la clientèle du rayon photographie et au demeurant formellement contestée par X. dans ses écritures, ne résulte que de photographies récentes et peu fiables, et dont l'existence en août 1990 n'est nullement établie par la SA MARSEDIS ; puisqu'elle n'est apparue selon les témoins, Y. et Z. qu'à l'automne 1994 dans le magasin ;

Attendu que la Cour relève encore de la part de l'intimée un certain cynisme à reprocher à X. de ne pas s'être adressé à un artisan photographe puisqu'il attachait tant d'importance à son reportage amateur, au risque d'avouer implicitement la faiblesse de sa propre prestation ;

Attendu enfin que la Cour retient que depuis 1994, les tickets délivrés par la société MARSEDIS comportent un texte imprimé en noir et non plus en gris, avec des caractères plus grands.

Attendu qu'il convient en définitive de réputer non écrite la clause limitative de responsabilité telle qu'elle figure dans les tickets remis à X. le 30 août 1990 et d'indemniser celui-ci selon les principes de droit commun de l'article 1150 du Code Civil ;

* 3 - Attendu que l'examen du passeport de X. révèle le séjour effectif de ce dernier accompagné de son amie, courant août 1990, au GUATEMALA, à BELIZE et au MEXIQUE et la possession de visa d'entrée aux ÉTATS-UNIS, ce qui justifie l'existence à son retour d'un reportage photographique de 252 clichés dont la perte constitue un préjudice matériel et moral qui mérite une indemnisation que la Cour fixe à la somme de 3.500 francs ;

Vu l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 7] PAR CES MOTIFS :

La COUR,

statuant publiquement, contradictoirement ;

Reçoit l'appel ;

Réforme le jugement ;

Déclare nulle les clauses limitatives de responsabilité opposées par la SA MARSEDIS à X. ;

Condamne la SA MARSEDIS à payer à X. la somme de 3.500 francs à titre de dommages et intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'appelant étant depuis l'origine bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale ;

Condamne la SA MARSEDIS aux dépens ;

Autorise la SCP COHEN, avoués, à recouvrer directement contre elle ses avances.